Chapitre XI
Sortir de la voiture et prendre nos valises est une épreuve. En cette belle journée, le flot continu d'humains qui entrent et sortent par les doubles portes vitrées de Roissy-Charles de Gaulle me donne la nausée. Il y a le businessman pressé d'arriver à New-York pour une énième visite à la Bourse. La femme au foyer qui va rejoindre un membre de sa famille à Bangkok pour la semaine avec ses deux enfants en bas âges. L'adolescent de mon âge qui s'en va pour un échange à l'international, laissant ses parents larmoyants devant les déposes-bagages. Traînant ma valise derrière moi, suivant les Flint vers une destination encore inconnue, mon regard s'attarde sur ses gens et leurs vies si bien rangées. Il y a encore une semaine, j'étais comme eux. A cause de mes flâneries, je manque de rentrer dans Aoile qui s'est arrêtée. Je reprends mes esprits quand Elyane pose sa main sur mon épaule avec un doux sourire.
- Sam, puis-je prendre ta valise ? Il faut la peser, m'explique-t-elle avec gentillesse.
Je hoche la tête et pousse ma valise vers le comptoir, où un jeune homme s'empresse de taper sur son clavier dès que je la pose sur le tapis roulant. Le poids s'affiche, un petit peu plus de vingt kilos. En somme, une valise assez légère, alors que je ne sais même pas combien de temps je pars. Peut-être pour toujours ? Soudain, je me souviens qu'au-dessus du comptoir où je suis, il y a un panneau avec la destination tant attendue. Je recule de deux pas et lève les yeux, découvrant avec surprise : Phuket. La Thaïlande. C'est là que l'on m'emmène. Mais pourquoi ? Qu'y-a-t-il en Thaïlande de si important pour moi et mes...capacités ?
- La Thaïlande alors..., je murmure pour moi-même.
Je sens du mouvement à côté de moi. C'est Thomas qui m'adresse un petit clin d'œil tandis que T'Shael fait mine d'être une sorte de peluche afin de ne pas créer un mouvement de panique. Derrière nous, Aoile est assise sur une chaise, les avant-bras posés sur ses genoux, fixant le sol. Il ne manque que le casque autour du cou pour qu'elle ressemble à une adolescente qui attend son vol. Elyane m'attrape doucement le bras et m'entraîne vers notre porte d'embarquement, où notre avion nous attend. Enfin, "notre" avion, de la compagnie Air France, rempli par au moins deux cent autres personnes. Et évidemment, mon voisin de droite feuillette le magasin "Air Crash", histoire de me rassurer. Aoile est à ma gauche tandis que les Flint sont derrière nous.
- Ça fait mal, le décollage ? Je demande, quelque peu apeurée, à la blonde.
Cette dernière ne me fixe même pas avant de répondre un "non" assez sèchement. Je suis assez surprise de son comportement, elle semble être tendue et en colère. Contre quoi, je ne peux le dire. Décidée à ne pas être une poule mouillée, je ferme les yeux dès que l'avion se met en route, pour essayer de dormir. À ma grande surprise, je ne ressens rien du tout. Pendant le décollage ou le vol, je me sens libre et parfaitement à l'aise, contrairement à ma voisine qui blanchit au fur et à mesure du vol. J'ai même cru qu'elle allait faire une syncope, mais elle prend sur elle. Comme quoi, lire des journaux sur les crashs aériens n'est pas une bonne idée. Je pourrais même en rire, mais je me retiens parce que le pilote annonce que nous arrivons bientôt à destination. L'atterrissage est une torture. J'ai tellement mal aux oreilles... J'ai presque envie de crier ! Mais Aoile semble avoir prévu le coup et je sens sa main se poser sur la mienne et ma douleur s'estompe d'un seul coup.
- Qu'est-ce que..., Je m'écris, surprise.
Mais pas le temps pour plus de discussion. À peine l'avion arrive jusqu'au tuyau de débarquement qu'Elyane nous entraîne au pas de course jusqu'aux tapis roulants qui vont nous rendre nos valises. Je n'ai même pas le temps d'admirer la modernité de cet aéroport, rempli de vitres et de métaux léger, comme le verre. Bien sûr, l'extérieur ressemble quand même à Charles de Gaulle, hormis pour l'herbe et la mer à quelques pas. Sans parler de la température ! J'ai si chaud, que je regrette ne pas avoir pris un maillot de bain ou quelque chose pour piquer une tête. Même si nous ne sommes pas là pour le tourisme, ce qui est dommage car cette sortie d'aéroport m'a donné envie d'en voir tellement plus... Les passants, les taxis qui soulèvent de la poussière, les marchands ambulants, l'ambiance de cet endroit donnent envie de s'y attarder ! Mais mes quatre compères font en sorte que je ne reste pas trop longtemps en criant des directives aux autres en permanence, gâchant ce joli tableau. Une fois qu'on a les valises, c'est parti pour un voyage en taxis d'environ deux heures. Un tout petit taxi dans lequel je suis étouffée entre Aoile et Thomas, le rêve !
- Je suppose que personne ne va me dire où on va ? J'ironise, mal à l'aise.
Thomas soupire et remonte ses lunettes sur son nez, un tic qu'il a assez fréquemment.
- Aux pieds des montagnes, il répond assez vaguement.
C'est déjà une réponse dont je peux me satisfaire. Dans l'avion, j'ai pu jeter un coup d'œil à une carte de la Thaïlande. C'est un pays assez grand en fait.... Je le pensais plus petit. Mais passons, les montagnes, il y en a surtout à Patong, Kamala ou Bang Tad, les seules villes à environ deux heures de Phuket. Prenant mon mal en patience, je me tais jusqu'à l'arrivée. Des chaînes de montagnes nous font face, toutes aussi belles les unes que les autres. J'ai du mal à croire que notre planète puisse encore abriter ce genre de merveilles. La vitesse à laquelle nous allons me permet de profiter pleinement de ces superbes paysages qui défilent devant mes yeux. J'ai presque envie d'ouvrir la fenêtre pour sentir toutes les odeurs et le vent sur mon visage, mais je retiens en pensant que je ne suis pas vraiment là pour ça. Prenant nos valises, Thomas suit sa mère sur un petit sentier, qui nous permet de découvrir des paysages magnifiques, presque idylliques. Le chemin est un peu long, mais j'en profite pour respirer l'air de la Thaïlande et admirer les paysages depuis la hauteur à laquelle nous sommes. Les villes s'étendent en bas, dans la vallée. D'ici, c'est si petit... Mais elles s'étendent sur un très grand terrain. L'ascension est longue mais si agréable pour les yeux que je ne me plains même pas du poids de ma valise, pourtant très lourde.
- Nous y sommes ! S'exclame Elyane, triomphante.
Je m'avance vers elle afin de voir ce dont elle parle et je manque de tomber : un escalier, caché par la roche et les plantes grimpantes, descend vers l'intérieur de la montagne. Ma bouche s'entrouvre sous le choc tandis que j'avance prudemment un pied vers la structure en pierre. Je me tourne vers Elyane, cherchant son approbation. Je m'attendais plus à un hôtel, ou quelque chose de typique, pas un escalier descendant dans une montagne. Ça ressemble un peu à la grotte dans Aladdin et je ne suis pas tentée à l'idée d'y poser un pied.
- Je te suggère d'y aller en première. Je ne tiens pas vraiment à mourir, m'apprendra cette dernière.
Avec un froncement de sourcil, je descends les marchés prudemment, m'attendant à découvrir une grotte ou quelque chose de ce genre. Que nenni ! Arrivée en bas, je tombe sur une immense pièce, éclairée par le soleil qui passe entre quelques ouvertures. Sur les murs, des symboles étranges sont gravés, un peu cachés par d'énormes rangées de livres anciens et poussiéreux. Hormis cela et une petite table en bois, la pièce est assez vide. Je m'avance vers les livres, éblouie par une si grande collection. Il y a de quoi lire pendant des décennies ! Mes doigts frôlent les vieilles couvertures de cuirs, soulevant un peu de poussière encore collée. Je pose une main sous mon nez tandis que j'éternue, avant que mes yeux ne repèrent un livre, plus petit et plus terni que les autres : Cyrano de Bergerac. Silencieusement, je le prends avec précaution, arrachant avec la poussière de l'étagère. Une fois dans mes mains, je m'émerveille devant cette couverture de cuir reliée, ancienne et sans doute conservée avec énormément d'amour. Je soulève doucement la première page et tombe sur un petit papier, plié en quatre. Intriguée, je pose le livre sur la petite table en bois à mes côtés, avant d'ouvrir le mot. Dessus, un long poème magnifiquement calligraphié y est inscrit.
Au Lecteur.
Qui que tu sois, celui qui aura mes dépouilles,
N'ouvres qu'avec respect cet ouvrage terni,
Dont les pages au vent s'envolant en quenouille,
La couverture tâchée et le cuir racorni,
Témoignant à l'envie de la passion ardente
Qu'ont suscité ces vers à deux générations.
Car mon père avant moi, passion évidente,
Les avait dévorés avec délectation.
Et le lisant ensemble, l'enthousiasme et le livre,
Il m'offrait à l'esprit un monde merveilleux
Dans lequel bien longtemps, je me suis plu à vivre
Les exploits d'un héros admirable à mes yeux.
Pardonnes, si tu peux, cette ardeur désuète,
Pour cet ouvrage ancien, un siècle c'est bien peu,
Mais quand le cœur est pris, qu'importe l'épithète,
Et mon cœur fut saisi, embrasé s'il se peut.
Je voudrais, comme moi, que Cyrano t'enflamme,
Que comme lui tu sois cocardier, flamboyant,
Tendre, moins passionné, réfléchi,
Et cela dans ton cœur, si ce n'est dans ton âme.
Mais que restera-t-il demain de ce poème,
Au siècle informatique, au monde des truqueurs
Que vaudront Cyrano et sa passion bohème
Ses colères inutiles, son panache vainqueur ?
Peu de choses je crains, mais si par miracle,
Tu te plonges en ce livre, en ressent l'émoi,
Et comme je le fis, tu le porte au binocle,
Alors j'aurai gagné, tu seras bien de moi.
- Henry Green
Surprise, je pose deux doigts tremblant sur le nom inscrit en bas du poème. Henry Green ? Serait-il mon paternel ?
- Incroyable... Samantha Ashley Silver Green, petite-fille d'Henry Green et dernière Banshee vivante. Ravie de faire votre connaissance Mademoiselle.
Mon cœur rate un battement tandis que le petit mot de -visiblement- mon grand-père tombe sur le sol. Je me retourne doucement et tombe nez-à-nez avec un homme, dans la soixantaine. Des cheveux grisonnants assez courts, des yeux vairons qui me fixent intensément et des vêtements tout droit sortis du Moyen-Âge. Il est habillé d'une sorte de robe brune informe et d'une ceinture, un peu comme les bures portées par les serviteurs de Dieu. Peut-être est-ce une sorte de prêtre ? Mais sa tenue diffère en un point : il y a une capuche qu'il a retirée et ses chaussures ressemblent plus à des Geox qu'autre-chose. Autrement dit, pas vraiment les chaussures conventionnelles utilisées par les prêtres, à moins d'avoir loupé une révolution de la mode chez eux.
- Et vous êtes ? Je demande, le cœur battant.
Du coin de l'œil, je vois Aoile atteindre le bas des escaliers et fixer l'homme face à moi.
- Mon nom est Archibald Stevenson, Premier gardien du Temple des Banshees. J'étais si heureux de voir votre nom apparaître sur les murs ! Je n'ai pas vu de Banshee depuis la naissance de votre père ! On se sent vite seul ici vous savez, rigole le vieil homme.
Dans tout son récit, une seule chose m'a laissé coite : Premier Gardien ? Est-ce que ce Temple s'est construit après la naissance de mon père ou est-ce que cet homme a bien plus que soixante ans ? Son apparence laisse croire qu'il est un simple grand-père. Mais je suppose qu'à partir de maintenant, croiser des êtres purement humains ne sera que fortuite malchance ?
Poème écrit par mon grand-père paternel, Henri Chave. Je tenais à lui rendre cet hommage en faisant vivre ses écrits à travers les âges, de manière posthume.
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Bonjour ❤ ! Déjà, un gros bisous à tout ceux qui ont repris les cours. Je vous aime et je pense à vous ! Sinon. Vos avis sur ce chapitre ?
Aoile qui n'aime visiblement pas les avions. Ben pourquoi ? T'Shael qui joue les peluches -> on approuve ou pas ? Archibald qui a plus de soixante ans : vrai ou faux ?Il y a pas mal de révélations dans ce chapitre : son grand-père et le Temple. Le prochain chapitre sera plus centré sur Archi' et Sam, sur les pouvoirs de cette dernière et ce qu'elle peut faire. Vous aurez plus de blabla, plus de révélations...
Et très bientôt aussi, une première scène de baston avec Aoile ! Qui est prêt ? 😂💪Voilà voilà, je vous dis à mercredi prochain pour le chapitre 11 (déjà 😱 !) et j'espère que celui-ci vous aura plu !
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