Chapitre VII
Samantha Ashley Silver Green, la dernière Banshee.
Hier, je croyais que les Banshee n'étaient qu'un mythe venu d'Irlande. Aujourd'hui, j'apprends que j'en suis non seulement une, mais que je suis également la dernière d'entre-elles. Qu'est-ce que demain m'apprendra ? Les Banshees sont réelles. Que suis-je censée comprendre ? Que toutes les créatures que j'ai passé mon enfance à contempler dans des livres imagés existent ? Que je vais commencer à tuer des gens juste en criant leur nom ? Que je suis simplement devenue encore plus folle qu'avant ? Etrangement, je suis toujours assise sur ce fichu lit, dans une maison inconnue, à ressasser l'idée que je sois une Banshee. C'est un peu comme si demain, quelqu'un me réveille et m'apprends que je suis une fichue Barbie ! Et encore, je pense que je serais plus prête à croire ça. Barbie LSD.
— Je m'attendais à ce que tu piques une crise. Ou que tu m'insultes. Mais pas à ce que tu acceptes la vérité aussi....tranquillement, m'avoue Aoile, qui n'a pas bougé depuis sa folle révélation.
Un ricanement sort de ma gorge à contrecœur, me rendant quelque peu ridicule. Mon regard est posé sur mes genoux, tandis que mes mains jouent du piano sur la couverture bleue de Thomas. La vérité, c'est que je ne sais pas comment réagir. Comment prendre le fait que je suis non seulement une créature mythologique, mais qu'en plus je suis là dernière de cette espèce ? Sans parler du fait que la seule personne qui se préoccupait de moi me pense morte et sans doute en décomposition dans un lac ou une forêt voisine et doit en plus dire devant un tribunal que j'étais mentalement instable pour vivre en paix. J'ai connu mieux, comme journée. Vraiment. Même après avoir vu mourir presque toutes mes familles d'adoption, cette journée restera probablement la moins agréable de ma vie.
— Je ne sais pas vraiment comment le prendre en fait, j'annonce placidement.
J'ai lu des romans fantastiques dans mon enfance. Très peu, mais j'en ai lu. Histoires utopiques destinées à faire rêver les enfants, récits dystopiques dans lequel les plus grands affrontent leurs peurs, jamais je n'aurai pensé prendre la place de ces héros de papier. Et aujourd'hui, me voilà devenue moi-même un de ces personnages imaginaires. Je me tourne vers ma compagne d'aventure, toujours perturbée par cette annonce. Quelque chose, dans ce qu'elle m'a dit, me faire tout de même peur.
— Est-ce.... est-ce que j'ai tué le Directeur Général ?
Ma voix tremble et s'efface progressivement, la peur infiltrant mes veines. J'ai probablement tué quelqu'un, sans même savoir comment. Serais-je amenée à le refaire ? Parce que je ne m'en sentais pas capable. Mais je suppose que dans l'euphorie du moment, je le ferais sans même m'en rendre compte. Je sens Aoile bouger à côtés de moi. Le lit se soulève, signe que la blonde s'est relevée. En effet, elle se tient à présent à deux pas de moi, debout, observant les dauphins sautant joyeusement hors de l'eau sur le poster face au lit. Je sais qu'il est mort quand son couteau a transpercé son crâne. Mais en le faisant vieillir si rapidement, n'ai-je pas participé à son meurtre ? N'ai-je pas....accéléré son heure de mort ?
— Non et tu le sais. Tu l'as dit toi-même, il est mort d'un coup de couteau dans la tête. Les Banshees ne provoquent pas la mort, elles l'appellent. Quand tu as crié, tu lui as annoncé sa mort, raison pour laquelle ses cheveux ont soudainement blanchis et son corps vieillis. C'est aussi grâce à ton cri que je t'ai retrouvée. Je sais que ça peut paraître dingue Sam, mais tu n'as pas son meurtre sur la conscience, réponds Aoile assez calmement.
J'assimile la nouvelle sans aucune joie particulière. Quelque part, je suis soulagée de savoir que je n'ai tué personne, mais d'un autre côté cela signifie qu'un tueur est libre quelque part. Aoile a raison, je savais que je n'étais pas coupable. Mais je me devais de poser la question, après ce que j'ai vu... Sauf que... Mes sourcils pointent à nouveau vers mon nez, comme à chaque fois que je réalise quelque chose qui ne me plaît pas. Quelque chose que je n'ai pas envie de croire. Parce que ça ne lui ressemble pas du tout.
— Il est mort après ton arrivée. Aoile, tu n'as quand même pas...
Je m'arrête net en voyant le regard de cette dernière. Ses yeux argentés sont plantés dans les miens, absolument inexpressif. Je ne vois rien dans ces deux iris, rien de bon, rien de mauvais. C'est vide. C'est effrayant. Du moins, ça devrait l'être. Mais je n'ai pas peur. J'accuse le coup, comprenant alors que la jeune femme face à moi a achevé un homme qui allait sans doute me tuer. Elle l'a fait pour moi. Et même si c'est sans doute la chose qui devrait me faire sauter au plafond, courir hors de cette chambre ou tenter d'appeler la police, je reste calme. Parce qu'elle l'a fait pour moi.
— J'ai fait ce que j'avais à faire. C'était lui ou toi, j'ai fait mon choix. Tu peux m'en vouloir, me voir comme un monstre, ça ne changera rien. Quel que soit le choix que j'ai à faire, je te choisirai toujours, explique Aoile.
La blonde rompt le contact visuel pour avancer vers le mur. Je n'ajoute rien, enregistrant chacun des mots qu'Aoile vient de dire, essayant de trouver une raison valable à tout cela. Pourquoi se sent-elle comme responsable de moi, alors qu'elle ne me connait même pas ? Enfin, elle me connaît peu. Cela ne fait que deux ans que nous sommes amies et nous n'avons pas passé beaucoup de temps avec l'autre. Elle a toujours préféré errer dans les couloirs, observant les élèves sans se mêler à eux, tel un fantôme. Tandis que de mon côté, je restais à l'écart, mais j'étais la cible des moqueries. Je préférais toujours la compagnie d'un bon roman. D'ailleurs, mes romans ! Aoile a-t-elle pu m'en ramener ou ai-je perdu ma petite collection ? Une autre question me vient à l'esprit, une question à laquelle je n'ai pas encore eu de réponse. Une question sur le Directeur.
— Ses yeux. Ils étaient jaunes. Qu'est-ce qu'il était ?
Aoile soupire et je sens son dos se vouter, presque comme si le poids du monde était sur ses épaules. Elle ferme les yeux et passe une main sur sa nuque.
— Un Sebek solitaire. Les Sebeks, ajoute-t-elle en voyant mon air perdu, sont les enfants du Dieu Egyptiens Sobeck. Ce sont des créatures mi-homme, mi- crocodile. Ils sont le plus souvent aperçus sous forme humaine. Seulement, ils ont des marques sur le corps qui rappellent celles des crocodiles et leurs yeux tournent aux jaunes quand ils chassent. Les Sebeks ne sont pas des ennemis des Banshees habituellement, je suis surprise que l'un d'entre eux ait tenté de te tuer.
Je ferme les yeux quelques instants, pinçant le haut de mon nez avec mon pouce et mon majeur, absorbant toute cette nouvelle culture qui n'est pas la mienne. Enfant, j'avais entendu parler de Sobeck, le Dieu Egyptien mi-homme mi- crocodile, grâce à Donna Dealh, ma sixième "famille" adoptive. Donna était une férue de mythologie égyptienne, à tel point qu'elle s'était remise à étudier des textes anciens et à essayer d'invoquer des Dieux dans la cave. Cela lui avait porté visiblement malheur, puisqu'elle était morte dans cette même cave, la tête coupée. Elle ne m'avait pourtant jamais parlé de potentiel enfant de ce Dieu. Sans doute parce que tout comme les Banshee, ils ne sont pas censés exister dans notre réalité. En rouvrant les yeux, j'aperçois l'inquiétude d'Aoile dans ses jolis yeux si.... magnétique. Quelque chose en eux m'attirent, mais je ne saurais pas dire quoi.
— Des Sebeks, très bien. Comme les loups-garous, ils vivent en meute ? Comment Monsieur Wilson s'est retrouvé solitaire ? C'est une sorte d'oméga ?
Aoile secoue la tête, faisant voler ses beaux cheveux blonds. Visiblement, j'ai utilisé des termes qu'elle ne connaît pas.
— Ils vivent en groupe, mais on appelle ça un clan. Et les loups-garous n'existent pas, si cela te rassure. Monsieur Wilson n'était pas un solitaire. Vu qu'il a tenu à te voir particulièrement pour tenter de te tuer, je suppose qu'il était à la tête du clan, mais il y a plusieurs Sebeks à Sainte-Catherine. L'un d'eux t'a même viré de cours, si ça t'aide à visualiser. J'en ai d'ailleurs tué un avant que tu ne te fasses virer, parce qu'il avait des informations dont j'avais besoin. Je ne pensais pas que ça activerait ta nature et que tu serais découverte si vite, soupire Aoile ?
Je reste muette devant cette tirade. Mon professeur, le Directeur... Combien d'autres encore ? Tous savaient ce que j'étais et n'attendais que de me voir « m'activer » ? Cela explique pourquoi aucun d'eux n'a essayé de m'aider quand les autres élèves me persécutaient. Cela explique que j'ai été recluse dans cette aile de Sainte-Catherine seule. Ils ont cherché à me pousser à bout, voir si je finirais par crier et me trahir. Et moi je vivais au milieu de ça, me prenant pour un martyr. Ma main droite se met à trembler et je la recouvre de ma main gauche pour ne pas montrer à Aoile que je suis à deux doigts de fondre en larme. Pour changer de ton de conversation, je continue sur la lancée des loups-garous.
— À vrai dire, j'aurai voulu en voir un en vrai. Mais au vu de certaines légendes, c'est peut-être mieux qu'ils restent fictifs. Les loups-garous peuvent être assez intéressants à étudier tu sais, je lâche, la voix un peu tremblante.
Amusée, Aoile sourit et murmure quelque chose dans sa barbe. Je comprends seulement une partie, « incroyable », mais le reste est un véritable charabia. Mes yeux s'ouvrent en grand et ma bouche forme un "o" parfait en voyant le sourire de mon amie, tandis qu'Aoile arrête pour me dévisager. Ses sourcils se froncent et elle penche la tête légèrement vers moi.
— Quoi ? Demande l'intéressée, perdue devant mon comportement.
J'éclate de rire devant son air confus avant de reprendre mon calme, en expirant plusieurs fois de longues bouffées d'air. Aoile sourit rarement et quand elle le fait, c'est qu'elle se moque de quelqu'un ou qu'elle s'apprête à lui faire très mal. Alors là voir sourire à cause d'une pauvre réflexion sur les loups, ça m'a mis un coup.
— Tu as souris ! Oh mon dieu, Aoile a souri, un vrai sourire ! Je peux aller au Paradis tranquille, je m'exclame, ce qui provoque chez Aoile une réaction à laquelle je ne m'attendais pas.
La jeune femme de rembrunit aussi avec une grimace de dégout, avant d'effacer tout cela de son visage si rapidement que j'aurai pu croire à un mirage. Elle se relève et commence à faire les cents pas dans la chambre devant mon regard à la fois surpris et perdu.
— Ne t'y habitue pas, répond la blonde en s'approchant de la porte de la chambre, c'est éphémère. Je te laisse prendre une douche, tu nous rejoindras en bas d'ici une vingtaine de minute. Il faut qu'on parle d'autre chose.
Je hausse les épaules, un sourire triomphant sur les lèvres. J'ai fait sourire Aoile. Qui sait, je la ferais peut-être même rire un jour ? Mon amie disparait de mon champ de vision tandis que mon sourire retombe. Puis-je vraiment considérer Aoile comme une amie ? En deux ans, elle n'a jamais rempli ce rôle, si ce n'est un peu d'aide à gauche à droite, avec mes cauchemars ou les moqueries des autres. En fait, elle se rapproche le plus de ce que j'attends d'un ami que j'ai dû faire le rapprochement. Mais en même temps, elle vient de m'emmener chez des inconnus, a menti à ma famille légale pour qu'elle ne me cherche plus et elle m'a annoncé que j'étais une Banshee et que j'avais déjà pratiquement un meurtre sur la conscience. Alors encore une fois, est-ce qu'Aoile est une amie ? Et petit à petit, plus j'y pense, plus je me trouve horrible de m'être posée la question. Elle a clairement avoué avoir tué un homme pour me protéger. Elle ne me fera jamais de mal. Avec un soupir, j'attrape une serviette de bain que je remarque, posée sur un tabouret de bois à côté du lit, avant de me mettre à la recherche de ladite salle de bain.
____________________________________________________________________________
Hello guys !
Comment ça va ?
Que pensez-vous de la relation entre les deux filles ? Perso, je les adore ! Vous préférez Aoile ou Samantha ? J'aime tellement les deux, je ne saurais dire laquelle des deux à mon petit coeur. Mais bon, Samantha se pose les bonnes questions et on sent bien que son passé est très lourd, ce qui "aide" un peu à la compréhension de tout ce qu'elle vient d'apprendre. :)
On se dit à mercredi prochain pour la suite !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top