Chapitre 26 : La guêpe


Quand Akhesa revint chez son frère, elle découvrit l'appartement vidé de Terra et d'Etiam. Seuls son frère et son protégé restaient. Immédiatement, Ansong arriva et se mit à genoux devant elle, la tête baissée.

— Je suis désolé garante, votre sœur s'est enfuie, elle a échappé à ma garde, mon erreur est impardonnable.

Akhesa se frotta lentement les tempes avec lassitude.

— Par tous les dieux, je l'avais totalement oublié celle-là. J'aurais dû y penser, Karam, elle est pire qu'une anguille.

Elle lui mit une petite tape sur l'épaule et partit retrouver Khemno. Ce dernier était dans son bureau en train de travailler et ne remarqua même pas son arrivée. Elle se glissa derrière lui et le prit en strangulation avec ses bras, comme quand ils étaient petits. Son petit frère, prit de panique, se débâtit faiblement, constatant avec douleur que sa sœur n'avait rien perdu de sa force. Il tapa quelques fois sur son avant-bras en soumission et elle le lâcha.

— Toujours aussi aveugle au monde qui t'entoure à ce que je vois, dit-elle avec nonchalance. Un jour, ça se retournera contre toi mon cher petit frère.

— Par tous les dieux tu es insupportable, toussota Khemno en se frottant la gorge. Ça te tuerait d'agir comme une femme normale de temps en temps ?

— Terra, elle est partie, tu as quelque chose à voir avec cela ? questionna-t-elle en ignorant sa remarque.

— Elle est partie ? Vraiment ? Tes petits compagnons n'étaient pas censés la surveiller ?

— Ne joue pas au plus malin avec moi mon petit frère, sourit seulement Akhesa. Dis-moi seulement où elle est allée, tu veux bien ?

— Je l'ignore, plus en sécurité qu'ici en tout cas.

— Chez les terriens ?

— Chez les terriens.

— Et tu penses qu'elle est plus en sécurité chez ceux qui lui veulent du mal que chez nous ?

— Ce qui vient d'arriver nous prouve le contraire pourtant. Là où je l'ai envoyé, elle sera plus en sécurité qu'ici, crois-moi. Etiam l'accompagne, c'est un garçon bien qui sait se défendre. Elle sera en sécurité.

Akhesa ne dit rien et se contenta seulement de le fixer dans les yeux, son visage ne trahissant aucune émotion.

— Si tu n'étais pas mon frère, je t'aurais sûrement déjà crevé les yeux, répondit-elle calmement.

—Et bien loué soit les dieux que je sois ton frère alors, rigola-t-il.

— Loué soit les dieux en effet, rigola-t-elle en retour. Dis-moi juste si tu m'as mis en danger.

— Non, je te l'ai juste retiré des bras, jamais je ne ferais ça à ma sœur adorée.

Elle sourit et lui mit une gentille tape sur la joue avant de partir. Néanmoins, Khemno n'en avait pas fini avec elle. Il y avait quelque chose qu'il devait savoir.

— Akhesa, tu nous méprises tant que ça ?

— Vous méprisez ? s'étonna-t-elle. Si je vous méprisais, je ne serais pas là. Je suis votre grande sœur, je fais ce qui est le mieux pour vous, vous ne vous en rendez juste pas encore compte.

Cette réponse ne lui convenait qu'à moitié, mais il sut en son for intérieur que sa sœur lui disait une part de vérité.


— C'est donc eux tes fameux amis antéens ? Vous voulez que je vous fasse apporter quelque chose à grignoter ou à boire ?

— Casse-toi papa, on fait des trucs importants ! s'énerva Nathan.

— Je vais prendre un Epsilon max, s'il vous plait, répondit Chad. Un double plus, s'il en reste.

— Un verre d'eau, maitre terrien, dit Etiam.

Le père de Nathan leur fit un petit clin d'œil d'approbation avant de quitter la chambre. Son fils quant à lui souffla d'agacement.

— Qu'est-ce qu'il peut être lourd des fois. Sinon, ça avance de ton côté Chad ?

— Je pense avoir trouvé notre homme. Il habite à « Nord-Est Esperance ». Terra, c'est bien lui ton inspecteur ?

Terra regarda rapidement le portrait de l'homme en question que Chad montrait avec sa tablette et acquiesça rapidement.

— C'est lui, j'en suis certaine, Etiam peut vous le confirmer.

— Parfait, se réjouit Nathan. Je vais demander à mon père de nous appeler un taxi. On sera là-bas en un clin d'œil. On va retrouver Kat et Robin en un rien de temps et tous ces gars finiront vite derrière les barreaux, tu peux me croire Terra. Après tu n'auras plus rien à craindre et tu pourras enfin profiter de la métropole tranquille !

Terra sourit faiblement.

— Je ne vous l'ai jamais dit, mais je suis vraiment heureuse de vous avoir rencontré les gars... vraiment.

Pour la première fois, Chad répondit à son sourire et lui mit une petite tape sur l'épaule.

— J'ai été un peu injuste avec toi Terra, je sais que t'es une fille bien. Je sais que tu n'as rien demandé de toutes ces emmerdes, mais comme l'a dit Robin, on va régler tout ça vite fait bien fait et après ça, c'est moi qui te payerai un verre pour me faire pardonner. On est super-méga-pote après tout.

— Mais c'est que c'est un sensible celui-là, ricana Nathan.

— Ferme-là toi si tu ne veux pas que je te foute une raclée.

Terra ricana un peu. Bénis soit les dieux de lui avoir donné des amis pareils.


Robin se réveilla avec difficulté, son dos en bouilli, les cheveux en poussière et les vêtements couverts de terre. Il n'avait aucune idée d'où il se trouvait. Il se rappelait juste d'avoir couru, couru pour trouver de l'aide. Il se rappela de tous ces morts, des détonations des armes, du requin des terres poursuivant Kat. Une nausée lui monta à la gorge et il sentit sa tête tourner. Et maintenant, il était perdu quelque part dans les districts, seul et laissé à lui-même. La ruelle où il se trouvait était tellement étroite qu'elle ne pouvait faire passer deux hommes adultes côte à côte et les habitations trop hautes pour qu'il puisse apercevoir les gratte-ciels du centre-ville. À côté de son oreille, un bruit ressemblant à un petit jet d'eau suivi d'une odeur âcre. Un fois que l'homme eut fini de se soulager, il passa à côté de lui et lui lança rapidement une pièce de jaspe sans même prendre la peine de se retourner. Les jambes tremblantes, il se leva en s'appuyant contre les murs et le suivit du mieux qu'il put. Bien que la ruelle où il se trouvait était relativement silencieuse, il pouvait entendre un brouhaha venant de la sortie, de là où se dirigeait l'homme. Une fois atteint, il débarqua dans ce qui semblait être un marché populaire bondé de personnes, dans une minuscule place n'ayant rien à envier à la ruelle précédente. Des marchands hurlaient depuis leur étal, vantant de manière incompréhensible des produits qu'il n'avait jamais vus de sa vie, de nourritures plus que suspicieuses, et son nez fut assailli par des dizaines d'odeurs aussi fortes les unes que les autres. Ça se bousculait sans aucune considération et plusieurs fois il se reçut un coude dans la figure ou un genou dans les côtes. Seules des petites poignées de gamins agiles arrivaient à se glisser facilement entre les badauds et il en vit même quelques-uns en profiter pour fouiller des poches ou voler quelques brochettes grillées de restaurants de rues. Robin essaya de se situer comme avant, mais cette fois-ci, ce fut de séries de longues toiles accrochées d'une part et d'autres des habitions qui lui cachait la vue. Néanmoins, une vision lui fit reprendre espoir. Parmi tous les locaux, il vit un androïde déambuler calmement entre les étales, ayant une tête de plus que les autres, se frayant un passage dans la foule. Si un androïde se trouvait là, c'est que son propriétaire ne devait pas se trouver très loin et même si la machine était habillée à la mode antéenne, seul un terrien avait de quoi s'en acheter un. Connaissant la méfiance des locaux pour cette technologie terrienne, le contraire l'aurait franchement étonné. Il suffisait juste de trouver son maitre, lui demander son aide pour sortir des districts, et prévenir les forces de l'ordre de tout ce qui leur était arrivé. Pour la première fois depuis longtemps, Robin reprit espoir.

À son grand étonnement, bien qu'il n'ait pas particulièrement le sens de l'orientation, l'androïde lui donnait l'impression de s'enfoncer plus profondément dans les districts et un sentiment de malaise l'envahit. Les habitations se firent de plus en plus délabrées, donnant l'impression d'être moins habités, et sur les murs de celles-ci étaient peints des signes plus qu'inquiétants ; des armes entourant des visages de démons, des peintures grotesques symbolisant des animaux sauvages et des runes d'alphabets inconnus, le tout formant des sortes d'indications que seul un connaisseur pouvait comprendre. Bien qu'il eût envie de faire demi-tour, il continua à suivre son guide, n'ayant pas de meilleure alternative. Après encore quelques minutes de marche, Robin découvrit un lieu qui le laissa pantois. Une sorte d'immense crevasse en plein milieu des districts s'enfonçant à une cinquantaine de mètres de profondeur dans laquelle un véritable petit village à l'allure fort terrienne s'était installé, ou plutôt un immense marché à étage vu toutes les enseignes lumineuses qui y brillaient. D'immenses turbines et pipelines sortaient par endroits de la terre avant d'y rentrer à nouveau et Robin comprit ce qui était arrivé à l'endroit ; Les locaux s'étaient approprié tous les bâtiments de maintenance abandonnés des conduites énergétiques de la ville et s'y étaient installés, les aménageant à leur manière. Des dizaines de ponts reliaient par endroit une partie de la crevasse à l'autre et comme dans le marché de tout à l'heure, d'immenses toiles reliées entre les hautes habitations de pierre et d'argile de la surface cachaient la fosse, la plongeant presque dans la pénombre, faisant en sorte qu'on ne puisse apercevoir l'endroit depuis les airs. Même malgré sa situation, Robin ne put s'empêcher d'admirer l'ingéniosité des locaux. Il était tellement fasciné par l'endroit qu'il en perdit presque de vue l'androïde qui s'était déjà mis à descendre par de larges escaliers taillés à même la pierre, élargissant les originaux en fer qui rouillaient par endroit et qui semblaient nettement plus dangereux à utiliser. Il le rejoignit vite en marche rapide et suivit son chemin jusqu'à un immense bâtiment d'entretien, lui aussi à moitié enfoncé dans la pierre, se trouvant à mi-chemin entre le fond de la crevasse et la surface. Ce dernier était décoré à la mode antéenne, avec des peintures et des plantes grimpantes sur la façade, avec néanmoins une quantité non négligeable d'enseignes lumineuses qui clignotaient de couleurs vives, la plus grosse d'entre elles représentant une sorte d'insecte battant des ailes virant tantôt au bleu, tantôt au rose, passant par un orange piquant. L'androïde y entra par une grande porte formée uniquement de grands rideaux et, tentant le tout pour le tout, Robin rentra à son tour. De toute façon, il était trop tard pour faire demi-tour. Il faisait un noir presque total à l'intérieur. On n'y voyait rien sauf de longs fils lumineux bleuâtres qui longeaient le couloir dans lequel il se trouvait, l'invitant à s'enfoncer plus loin dans le mystérieux bâtiment. Au fond émanait une douce musique, assez lascive, et d'un pas incertain, la suivit, se demandant où il risquait de déboucher. Il atteignit rapidement une nouvelle porte, une véritable en acier cette fois-ci et l'entrouvrit, avant de glisser discrètement la tête à l'intérieur. Il n'eut même pas le temps d'observer les lieux qu'une main puissante l'agrippa par le col et le tira à l'intérieur. Le jeune garçon blêmit en voyant le canon du fusil d'assaut qui lui était collé au nez.

Je te tiens espèce de petit rat de rue, lui hurla-t-on dessus. Qu'est-ce que tu crois faire ici hein ? Je devrais te couper le nez pour ton insolence misérable petit mange-terre !

— C'est... c'est une erreur, bégaya faiblement Robin. Je... je ne voulais pas, juste... Je me suis trompé de bâtiment !

— Je ne comprends rien à ton baragouinage petit rat, mais ton vieil oncle s'apprête à te donner une leçon que tu n'es pas prêt d'oublier.

L'homme dégaina son couteau et l'approcha du visage du jeune terrien qui se débattit tant bien que mal, mais une voix de femme provenant de derrière eux l'interrompit dans son action.

— Mon frère, que crois-tu faire là ? Tu as perdu l'esprit ?

— Ce petit fouineur a cru bon de venir mendier ici comme si on était dans un vulgaire bordel. Je m'apprêtais à lui donner une bonne leçon.

— Une bonne leçon ? As-tu oublié nos préceptes pauvre fou, lâche ce gamin immédiatement, honte à toi.

Les deux avaient un accent mélodieux, presque chantant, qu'il n'avait encore jamais entendu de sa vie. Il en profita pour observer sa providentielle sauveuse. Une femme d'une trentaine d'années aux longs cheveux blonds qui lui tombait dans le dos, une véritable beauté, et ne put s'empêcher de rougir en voyant à quel point elle n'était que faiblement habillé (Qu'une robe de lin blanc pratiquement transparente ne faisant que peu pour cacher le corps qu'elle couvrait). Il regarda ensuite l'endroit et devina rapidement où il se trouvait. Un éclairage faible, de la musique lascive, de petites alcôves cachées par de légers rideaux. Une maison de joie antéenne en plein milieu des districts, ce qui signifiait que la femme en question était une prostituée. Elle se rapprocha de lui et lui frotta maternellement les cheveux.

— Par la déesse, regarde-toi, tu es dans un état... Tu devais être désespéré pour venir carrément quémander dans le « trou noir ».

— Le... le « trou noir » ?

— Sais-tu que ce n'est pas prudent de venir ici ? Quelle chance que tu sois tombé sur nous et pas un quelconque trafiquant d'esclaves. De toute façon, tu n'as plus à t'inquiéter, ici on prendra soin de toi, telles sont nos préceptes. Tu peux m'appeler Dannia. Comment t'appelles-tu mon garçon ?

— Ro... Robin, je...

— Robin ? Quel nom étrange (Elle se tourna vers l'intérieur de la pièce). Koro, va nous chercher de l'eau et de quoi manger et dis aux filles de venir me rejoindre... Ah oui, préviens aussi la guêpe que nous avons un invité !

L'androïde qu'il avait suivi sortit sa tête de la balustrade du premier étage et leur fit comprendre qu'il avait bien compris ses instructions. Un large escalier en colimaçon au centre de la salle reliait les différents étages entre eux et en le prenant par la main, Dannia le mena jusqu'au même étage où se trouvait l'androïde. Le garde à l'entrée lui lança un dernier regard, lui faisant comprendre qu'il le gardait à l'œil.

— M... madame, au fait, je ne suis pas un mendiant...

— Je sais mon petit, je sais, tu nous diras ça une fois le ventre bien rempli.

Bien qu'il paraissait assez jeune pour son âge, se faire adresser ainsi comme un enfant avait quelque chose d'humiliant que Robin n'appréciait pas énormément, mais préféra ne pas lui en faire la remarque de peur de la froisser et de perdre sa protection.

On l'avait mené à une sorte de réfectoire où plusieurs de ces filles de joie s'agglutinèrent autour de lui comme des mouches sur du miel et se mirent à lui poser des milliards de questions avant de se faire calmer par Dannia, qui semblait être l'ainée de toutes.

— Calmez-vous mes sœurs, calmez-vous, laissez le pauvre garçon manger voyons.

Un homme arriva avec un plateau de bois où se trouvait du pain, des légumes et des fines lamelles de viande crue marinés dans une sauce brunâtre. Avec hésitation, il déchira un morceau de pain et le trempa dans la sauce, sous les yeux de l'assistance qui suivait ses mouvements avec curiosité, avant de le mettre timidement dans la bouche. Il devait admettre que ce n'était pas mauvais, même si la saveur ne lui était pas familière. Il n'avait pas particulièrement faim, mais fit un effort pour ses hôtes.

— Mesdames, je vous remercie beaucoup pour tout ce que vous avez fait, mais j'ai absolument besoin d'aide. Je dois trouver un moyen de retourner à la métropole.

— À la métropole ? Qu'est-ce que t'espères trouver là-bas, petit ? demanda une fille d'une vingtaine d'années aux cheveux courts.

— J'habite là-bas, je suis terrien.

Les filles se regardèrent avec étonnement, n'en croyant leurs oreilles.

— Maintenant que tu le dis, c'est vrai que tu as un accent familier. Qu'est-ce que tu fais dans cet état dans les districts ? Je n'ai jamais vu de terriens aussi loin de chez eux. Et où as-tu trouvé des vêtements maniemans ?

— Peut-être que c'est un bâtard et qu'on l'a abandonné ici pour s'en débarrasser, dit la plus jeune de toutes qui devait avoir au grand maximum dix ans.

— On n'est pas tous comme toi, Zara, répondit une autre qui devait en avoir peut-être sept de plus. J'ai déjà eu un client qui adorait échanger ses vêtements avec moi, peut être que lui c'est la même chose ? Les terriens sont pervers très tôt à ce qu'il parait...

— Non, non, pas du tout, absolument pas, s'empressa de les détromper Robin. C'est une longue histoire, quelque chose d'horrible est arrivé dans les districts et je dois absolument rejoindre la métropole pour prévenir les autorités.

Robin s'empressa de leur raconter la situation, commençant par la boite de nuit avec Kat et Terra, l'embuscade dans l'allée de la bordure, leur enlèvement par les Nados et pour finir, l'assaut sur les ateliers et le bain de sang qui en a suivi.

— Que la déesse nous garde, c'était donc vrai... murmura Dannia. C'est grave, c'est vraiment grave. Occupez-vous de lui les filles, je dois avertir Askia... Les autres, retournez au travail, comme si de rien n'était.

Elle partit vite de la salle, laissant Robin avec les trois filles restantes qui ne savaient pas quoi penser de la situation. Seule la plus jeune prit la parole.

— Salut, je m'appelle Zara, tu t'appelles comment ?

— Robin, Robin Frost.

— Ravi de te rencontrer, dit-elle en lui tendant la main. Je suis l'aide-cuisinière ici. La guêpe m'a recueillie quand j'étais petite, quand mes parents m'ont abandonnée dans la rue et ici, c'est la seule maison que je n'ai jamais connue, mais je ne l'échangerais contre rien au monde ! On est comme une grande famille ici, tu verras, tout le monde est hyper gentil, même les gardes, bien qu'ils puissent faire peur quelques fois, mais au moins, si quelqu'un lève la main sur nous, ils leur ont font voir de toute les couleurs, crois-moi. Même Dannia a dit que même si c'était qu'une maison de plaisir, c'était un véritable paradis comparé à ce qu'elle avait eu dans sa vie. La guêpe ne nous bat pas, ne nous viole pas, nous traite avec respect et est gentil avec nous. Il est presque comme le père qu'on n'a jamais eu, incroyable n'est-ce pas ?

— Ah... et bien... oui, c'est cool je suppose, répondit-il incertain de la réponse qu'il devait donner.

— Elle, c'est Riney, continua la jeune fille. L'autre avec les cheveux court, c'est Zuriel. Elle a beau être insolente de temps en temps, elle a un bon fond.

— Non, mais de quoi je me mêle, s'énerva la dernière. Toi, t'es un véritable moulin à parole. À force de parler, ta langue risque de tomber, tu sais ça ?

Zara l'ignora en se bouchant les oreilles et en faisant mine de chantonner. Robin quant à lui se frotta les cheveux de gêne.

— Ne t'en fait pas, ces deux-là passent leur temps à se disputer, mais elles s'adorent. On est juste tous un peu excités de rencontrer un terrien, intervint calmement Riney avec un sourire chaleureux. Enfin un terrien qui n'en a pas après notre corps.

— Je ne comprends pas, des terriens viennent jusqu'ici pour, heu..., enfin...

— C'est l'inverse, les terriens nous appellent pour qu'on vienne à eux. Jamais ils n'iront aussi loin pour goûter à notre chaire, le trou noir est bien trop dangereux en plus. Ils payent juste quelques Kallos dans les districts pour qu'ils viennent nous prévenir de leurs envies et on leur envoie en retour Koro notre androïde pour qu'ils prennent leur commande. Après, on nous livre jusqu'à destination pour le temps souhaité. Des fois une nuit, des fois un mois s'ils vivent loin à l'extérieur, mais ça c'est plutôt rare. En générale, ce sont juste quelques terriens qui se sentent seuls et qui ont besoin de compagnie. Ce sont des clients généralement faciles, bien que rester seule durant tout ce temps n'est pas facile, même si Koro nous visite de temps en temps pour vérifier qu'on aille bien. Ce sont ceux qui commandent pour une nuit qui sont souvent les plus compliqués.

— Mince... je suis vraiment désolé pour vous.

— Oh non, il ne faut pas l'être. Comme l'a dit Zara, cette vie est bien mieux que celle qu'on avait eue et on a eu de la chance d'avoir trouvé la guêpe. Tu pourras demander à Dannia par exemple, elle a sûrement fait le tour de tous les bordels et marchands d'esclaves de Kallu. Mais sinon toi, Robin, c'est quoi ton histoire ? C'est comment la « Terre » ?

— Ah ouais, j'ai trop envie de savoir, s'exclama Zara qui était soudainement suspendue aux lèvres de Robin.

— Je suis désolé de vous décevoir, mais je ne sais pas vraiment en fait. Même si je suis né là-bas, j'ai passé pratiquement toute ma vie sur Antée. La métropole est tout ce que je connais.

Les trois filles eurent un petit soupire de déception.

— Mais j'ai grandi en apprenant tout sur la Terre et je la connais presque comme si j'y étais né.

Cette fois-ci se fut un grand sourire qui se dessina sur leur visage.

— Alors, dis-nous c'est comment ! le pressa la plus jeune.

— C'est... gris, très gris. Quelques immenses villes bourrées d'immeubles comme de véritables forêts de béton. En fait, il n'y a pas grand-chose à dire dessus quand j'y pense.

— C'est pas terrible, en effet, Kallu à l'air bien mieux, conclut-elle.

Ils furent interrompus par Dannia qui rentra discrètement dans la cantine.

— Viens Robin, la guêpe veut te voir, il t'attend.


Un homme l'attendait devant une large baie vitrée qui laissait apercevoir l'ensemble de l'établissement. Bien qu'il se sentît relativement à l'aise avec Riney, Zuriel et Zara dans la cafeteria, ce bureau, lui, lui donnait la chair de poule. Un symbole accroché sur le mur faillit le faire figer d'effroi. Une étoile à quatre branches avec un anneau passant en son centre. Et lui qui pensait que toute trace de cette secte avait disparu, il semblait qu'il en restait encore quelques adorateurs secrets. Son hôte était drapé dans une longue robe noire et ses cheveux commençaient à grisonner à la racine. Il se retourna avec difficulté, le corps appuyé sur une canne en bois et Robin aperçut le visage d'un vieil homme au visage fatigué, mais aux yeux vifs. Il avait une barbe taillée en pointe et des dizaines de talismans en formes d'étoiles étaient accrochés autour de son cou. Le vieil homme boita avec difficulté jusqu'à Robin, qui n'osa pas bouger, jusque quand seulement quelques dizaines de centimètres les séparèrent.

— Un terrien, grogna-t-il. Il a fallu que ce soit un terrien. D'abord ces nouvelles et maintenant un foutu terrien.

Robin voulut faire un pas en arrière, mais une main métallique se posa sur son épaule, l'empêchant d'aller plus loin.

— C'est quoi qui te fait peur, petit ? C'est moi ou c'est l'étoile accrochée au mur qui te fait un tel effet ? Je ne vais pas te manger petit... pas pour l'instant. Maintenant, je veux des réponses, je veux que tu me dises uniquement la vérité terrien, uniquement la vérité.

Le vieil homme lui fit signe de s'assoir, ce qu'il fit avec méfiance.

— Tu sais que tu m'apportes de très mauvaises nouvelles n'est-ce pas ?

Le jeune terrien acquiesça rapidement.

— Tu sais ce que c'est l'homéostasie mon petit ? C'est le précepte autour duquel tourne le monde, notre monde tout du moins. Antée, Kallu, appelez-là comme vous le voulez. On m'a enseigné ce précepte, j'ai grandi avec ce précepte et je vis avec ce précepte. La métropole n'échappe pas à cette règle. Cette ville, elle repose sur un équilibre très particulier. D'un côté tu as les districts, de l'autre la métropole et moi, moi, je suis au milieu, je maintiens l'équilibre. Il peut se passer tout ce que tu veux dans la métropole ; Les antéens peuvent foutre le feu dans les districts, les terriens peuvent faire sauter le centre-ville, tant que l'équilibre est présent, je peux me coucher heureux, l'homéostasie est respectée. Mais maintenant j'apprends que des antéens disparaissent dans les districts, que des terriens prennent les nôtres dans nos propres maisons, interviennent d'un côté de la balance qui n'est pas la leur. Et voilà que tu me dis qu'ils ont réveillé la hyène, qu'ils ont jeté de l'huile sur le feu et que MES districts se transforment en zone de guerre... Ça, ça ne me rend pas heureux, pas heureux du tout. Je leur ai donné de quoi assouvir leur soif de désire, de sang, d'émotions et ce fils de chien, alors que je lui tends la main, me prends le bras ? INNACEPTABLE ! (Dans sa rage, le vieil homme renversa d'un coup sec tout ce qui se trouvait sur son bureau, faisant sursauter Robin) Dannia a parlé d'une fille, une fille que les terriens recherchaient, celle à cause de qui tout cela a commencé. C'est ton amie n'est-ce pas ? Son nom.

Il secoua rapidement la tête.

— Pour l'amour de la toute mère, je ne vais pas la manger ton amie. Elle sera de toute façon plus en sécurité avec moi que là où elle se trouve en ce moment ! s'énerva la guêpe.

— Elle s'appelle Terra Kandos... c'est la sœur de Akhe... je veux dire la hyène.

— La sœur de la hyène ? Intéressant. Hélas pour elle, cet imbécile de terrien est hargneux, il ne va pas le lâcher de sitôt.

— Qui ça ?

— L'autre-côté de la balance, rien de ce qui te concerne. Tu connais donc personnellement la hyène tu me dis ?

— Ou... oui, pas vous ?

— Non, c'est seulement une... associée si je peux le mettre ainsi. Elle me ramène les animaux exotiques recherchés par ses clients terriens et je sers d'intermédiaire à la transaction, aussi simple que cela. Tel est mon rôle, un intermédiaire entre les districts et la métropole, je garde l'équilibre. Tu peux m'être utile mon petit, tu sauras sûrement m'indiquer où trouver cette « Terra » qui cause tant de soucis à tout le monde, n'est-ce pas ?

— Qu'est-ce que vous voulez lui faire ?

— Rien. Je te l'ai dit une centaine de fois mon petit, je veux juste retrouver l'équilibre.

— Je vous aiderai, soit, mais vous devez m'emmener à la métropole, je dois retrouver mes amis, Kat est en danger je dois savoir si elle va bien.

— Tu n'iras nulle part, je ne suis pas un idiot petit terrien. On ne sort pas d'un trou noir, on ne fait qu'y tomber. Je te relâcherais une fois que la fille sera là et que j'aurais réglé toute cette affaire. Alors au plus vite tu m'aides, au plus vite vous serez réunis à nouveau, tous ensemble ,et je vous laisserais partir. Mais pour cela, tu dois coopérer. Dis-moi où elle est, je ne le répèterais pas.

Malgré ses paroles, Robin ne lui faisait nullement confiance. Néanmoins, on lui présentait une occasion de prévenir l'extérieur, d'appeler à l'aide. C'était hasardeux, les probabilités que son plan réussisse étaient presque nulles, mais il n'avait pas le choix, il devait essayer. S'il ne pouvait avertir les forces de l'ordre, il allait l'envoyer trouver l'homme qui s'en rapprochait le plus.

— Elle s'est réfugiée chez un homme appelé Alexis Sanders, un ami terrien. On pensait qu'elle serait plus en sécurité là où on l'y attendait le moins.

Le vieil homme le regarda avec méfiance et Robin dut faire appel à toute sa détermination pour soutenir son regard. Il claqua soudainement des doigts.

— Koro, tu l'as entendu, va trouver cet « Alexis Sanders » et trouve Terra. Dis-lui qu'elle est attendue par « Robin Frost » et qu'il est impatient de la retrouver.

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