Chapitre 25 : Le p'tit pote Edward


On retira enfin le sac de sa tête et Kat en profita pour respirer un grand coup, inspirant le plus d'air possible de peur qu'on la déplace encore et qu'on lui refasse subir le même sort. Elle cligna un peu des yeux pour s'habituer à la luminosité de la salle et bien qu'elle fût relativement faible, après être restée des heures dans le noir, elle lui fit un peu mal à la tête. Elle se trouvait dans une sorte de petite chambre aux fournitures poussiéreuses avec un écran accroché au mur diffusant une très légère musique, comme une chambre de motel pas cher. Derrière elle se trouvait deux hommes au lourd accent entrain de discuter entre eux. Avec beaucoup de difficultés, elle put comprendre des bribes de ce qu'ils disaient.

— Et yeux-de-jade ? On dira quoi à Bheidir ?

— On l'emmerde, on dira qu'on ne l'a pas trouvé, c'est tout.

Elle ne comprit pas de quoi ils pouvaient parler, mais paniqua soudainement. Elle voulut crier à l'aide, mais se refréna rapidement, ignorant la réaction que risquaient d'avoir ses kidnappeurs. Un troisième entra, celui-ci différends des deux autres qui la surveillait. Il n'était pas local, c'était un terrien, comme elle, habillé à la dernière mode de la métropole. Il arbora un grand sourire qui se figea rapidement sur son visage en la voyant. Il ne bougea plus, les yeux perdus dans le vide, avant de tourner la tête vers ses ravisseurs.

—'tendez deux secondes, ce n'est pas la fille que j'vous ai demandé de trouver.

— C'est la seule fille qu'y avait l'ami. Y'en avait pas d'autres, répondit un des nomades.

— Meeerde, c'est... comment elle s'appelle encore ? Catherine ? Ouais, ça ne fait pas de doute, c'est elle, marmonna Edward. Ils m'ont ramené une putain de terrienne, je n'arrive pas à le croire, qu'est-ce qu'ils sont cons...

— Tu dis quoi l'ami ? répondit-l'un d'eux.

— Je disais que c'était du bon travail mon pote. Vous êtes sacrément efficaces, bravo.

Les nomades crachèrent fièrement au sol, ne comprenant pas l'ironie dans ses paroles. Il se rapprocha de Kat et s'accroupit devant elle.

— Je... heu... salut, je m'appelle Edward, mais tout le monde m'appelle Ed et je suis le gars qui t'ai emmené ici. J'crois qu'il y a eu un p'tit malentendu avec mes collègues ici présents et j'en suis terriblement désolé. C'était ta p'tite pote, la p'tite indigène Terra qu'ils cherchaient, mais sembleraient qu'ils ne l'aient pas trouvée. Tu peux vite me dire où elle se trouve histoire que je te relâche vite fait ? Je te passerais de quoi te faire oublier tout ce petit malentendu si tu vois ce que je veux dire. Je sais que vous les jeunes vous raffolez d'ascension, à part si tu préfères des fringues ? Regarde comment je suis habillé, tout le monde n'peut pas se payer un look comme le mien. Ça donne envie, hein ? Ou p'têtre simplement de la thune, ce s'rait plus facile de choisir pas vrai ? J'pourrais comprendre (Il se mit à glapir étrangement au grand malaise de Kat). Tout ce que tu veux chéri et je te le donnerai, Ed n'est pas un ingrat. Quand il fait une erreur, il la repaye à prix comptant.

Kat n'écouta que d'une oreille ce que l'homme lui disait. Trop d'informations traversaient son esprit en même temps, elle ne comprenait pas ce qui se passait.

— C'est... toi qui a envoyé ces... ces psychopathes abattre tout le monde ? C'est à cause de toi tous ces morts ?

— Moi ? Absolument pas, je suis qu'un pauvre entrepreneur qui essaye de gagner sa vie, tu vois ? se défendit-il. Faire tourner un business honnête, tu vois ? 'Suis un gars réglo, moi. Quand on achète chez moi, je fais sûr que mon client reçoit ce pour quoi il a payé. Mon client a payé pour la p'tite Terra alors je veux être sûr qu'il reçoive sa p'tite Terra, c'est la moindre des choses.

— T'es qu'un putain de malade, elle ne t'appartient pas. T'as cru que Terra était une foutue marchandise qu'on peut se refiler entre potes ?

— Bah ouais, répondit-il nonchalamment. Tiens, si tu me dis où elle est, j'te passe le quart... non, le tiers de son prix. C'est qu'une petite sauvage après tout, t'en trouveras des dizaines comme elle, je pourrais même t'en vendre si tu veux.

— M'en vendre ? T'es vraiment le pire des types, toi et tes putains de clients, explosa Kat. Quand les flics te trouveront, tu finiras ta vie en tôle, je vais dire tout ce que tu m'as dit, je vais leur dire ce que t'as fait aux Nados. Je croyais que les déchets comme toi étaient restés sur Terre. Je t'emmerde, toi et toute ta bande, tes drogues, tes fringues et ton look de merde.

Aussitôt sa phrase finie, elle lui cracha au visage, ce qui fit ricaner un des nomades, mais ne fit réagir Edward.

— On a toujours besoin de « déchets » comme moi chéri. Les flics ne me trouveront pas, ils ne te trouveront pas non plus ma p'tite Catherine. Je crois que tu ne comprends pas bien la situation dans laquelle tu te trouves. On ne peut pas dire que j't'ai pas prévenu, souffla-t-il en faisant la moue. (Il se tourna vers les nomades) Vous savez quoi les gars ? Vous avez en fait fait du putain de bon travail, du tellement bon taf que je voulais vous récompenser. J'vous passe la fille pour ce soir, vous en faites ce que vous voulez tant que vous la gardez en un seul morceau.

Les deux nomades se regardèrent étonnés, n'en revenant pas leurs oreilles.

— C'est... vrai ?

— Puisque je vous le dis, tout service mérite récompense alors lâchez-vous les gars.

Aussitôt sa phrase finie, Edward disparu hors de la pièce, laissant Kat aux mains des deux nomades. Elle sentit leurs regards sur elle et leurs mains glisser contre son corps et ne put retenir quelques larmes de couler. Elle se leva d'un coup et se rua vers la porte, mais un des nomades l'intercepta dans son élan et la plaqua au sol.

— Va chercher les autres, je la prends en première, sourit-il en se déshabillant d'une main et en arrachant les vêtements de sa victime de l'autre.

Vous ne pouvez pas faire ça ! cria Kat en pleurs. Vous ne pouvez pas faire ça !

H'mure, pourquoi toi en premier espèce de chien en chaleur, s'énerva le second.

— Car j'ai déjà commencé, ça ne se voit pas ? Il a dit qu'on avait toute la nuit, fais pas ton impatient.

Le second nomade partit en râlant, laissant son compagnon être le premier à violer Kat. Jamais elle n'avait autant pleuré de sa vie.


Terra était dans le bureau de son frère quand celui-ci lui donna ses instructions. Il lui glissa quelques cartes de crédit terriennes dans la poche tout en parlant.

— C'est le moment ou jamais. Tu dois partir d'ici, c'est trop dangereux. Ils te cherchent Terra, ici, dans les districts, et s'ils ont été aussi loin pour te trouver, rien ne les empêchera de venir ici.

— Et Akhesa ?

— Oublie-là. Écoute-moi bien. Va trouver Alexis Sanders, lui va pouvoir nous aider. C'est un homme bon et notre cause lui tient à cœur. Chez lui tu seras en sécurité, tu as bien compris ?

— Oui, j'ai bien compris. Tu penses qu'il sera capable de retrouver Kat et Robin ?

— Sans aucun doute et plus important encore, il ne posera pas de danger pour nous non plus. Akhesa est... elle est notre sœur, je ne veux pas qu'elle ait d'ennuis, tu comprends. Les terriens doivent sûrement la rechercher après ce qu'elle a fait et Alexis, je suis certain qu'il comprendra ses actes et fermera les yeux.

Terra obtempéra. Elle comprenait son frère. Bien que sa relation avec Akhesa fût différente que la sienne, elle savait à quel point il tenait à elle. Khemno l'empressa vite de partir tant qu'il en était encore temps et il n'avait pas tort. L'albinos dormait profondément sur le fauteuil et Etiam n'était pas en vue. Si elle voulait fuir, c'était maintenant. Terra se précipita vers la porte non surveillée, mais au moment de l'ouvrir, une main puissante derrière elle la referma.

— Une fois, mais pas deux l'amie, tu m'as causé assez de problèmes ainsi.

Elle faillit faire un arrêt cardiaque à son intervention, ne l'ayant même pas entendu se glisser derrière elle.

— Etiam, par tous les dieux, vas-tu me laisser tranquille, oui ? Laisse-moi passer avant que l'albinos ne se réveille.

— Oublie ça l'amie, et ne tente même plus tes petits mensonges avec moi car ça ne marchera plus. J'ai promis de te garder en sécurité et je le ferais.

— Je m'en fous, laisse-moi passer je te dis. Mes amis sont en danger et je ne vais pas les laisser, s'énerva-t-elle. Sur mon honneur de Nados je ne les laisserai pas. Si tu ne bouges pas, je te jure que je sauterais par la fenêtre même s'il le faut, Orta m'en est témoin !

— Tu n'y penses pas Terra, tenta vainement Etiam dans un espoir de la raisonner. Tu sais les dangers qui t'attendent dehors, je ne veux pas te voir finir comme nos frères et sœurs qu'on a perdus.

— Alors accompagne-moi et protège-moi, fais ton devoir de guerrier Etiam, fais-le pour moi !

— Mais ta sœur...

— Tu préfères suivre une inconnue ayant le sang de ton peuple sur les mains que ta propre amie d'enfance ? Elle plus que moi ?

Etiam ne répondit pas, son esprit en proie au conflit. Après quelques secondes, il souffla de lassitude.

— Tu es vraiment pénible comme fille. S'il t'arrive quelque chose, je m'en voudrais jusqu'à la fin de me jours.

— S'il m'arrive quelque chose, dis-toi que c'est en faisant ce qui est juste et mon esprit sera serein, tu n'auras pas à t'en vouloir.

— Facile à dire maintenant, grommela-t-il.

— Fais-moi confiance Etiam, lui répondit Terra en lui posant un baiser sur les lèvres. Je ne t'ai jamais remercié pour tout ce que tu as fait pour moi alors considère cela comme un gage de mon affection. Je suis désolé de te causer autant de soucis.

— De soucis ? Pas le moins du monde, clama le jeune Nados rouge comme une pivoine avec un soudain regain d'énergie. Et qu'est-ce qu'on attend ? Tes terriens ne vont pas se sauver tout seuls à ce que je sache.

Terra sourit et l'embrassa une nouvelle fois, mais son enthousiasme se changea rapidement en éreintement. Elle avait agi sous l'excitation, encore une fois sans réfléchir. Bien qu'elle l'aimât, c'était son meilleur ami après tout, c'était différent de Kat. J'ai vraiment un problème, pensa-t-elle. Dieux, pourquoi la vie est aussi compliquée ?


La bordure semblait plus calme que la dernière fois qu'elle y avait été. Contrairement à d'habitude, seules quelques poignées de terriens mal à l'aise s'y trouvaient et l'ambiance y semblait particulièrement nerveuse. Seul Etiam n'avait pas l'air de le remarquer, étant la première fois qu'il visitait le quartier et de toute façon bien trop heureux pour s'en soucier. Il sifflota un air Nados avec insouciance et Terra ne put refréner un sentiment de culpabilité. Ne l'avait-elle pas manipulé pour arriver à ses fins après tout ? Jamais elle n'avait voulu jouer avec ses sentiments ainsi, mais c'était pour la bonne cause. Tout ce qu'elle espérait était qu'il lui pardonne sa supercherie une fois que tout sera fini, qu'il ne lui en veuille pas trop, qu'il lui pardonne et qu'ils restent amis comme avant. De toute façon ce n'était pas le plus important pour l'instant.

— Voici le plan Etiam. D'ici nous rejoindrons Nathan et Chadwick, mes deux autres amis terriens et avec leur aide, nous irons chercher l'inspecteur Alexis Sanders.

— Le fouineur terrien de la dernière fois ? Erk, oublions-le, nous nous porterons mieux sans lui.

— T'es vraiment un âne, toi. Tu n'as pas vu les gardiens invisibles ? Le héros est un inspecteur et c'est son métier de trouver les gens et arrêter les criminelles. Si on veut de l'aide, c'est à lui qu'il faut demander.

— Soit, soit, mais ne t'attends pas à ce que je fasse ami-ami avec lui. Il ne me plait pas ce type.

— Tant que tu ne fais pas comme l'albinos, répondit-elle en tirant la langue. Tiens, regarde, nous allons prendre le bus ici. Je connais le trajet, ça va être rapide.

Ils s'apprêtèrent à monter le véhicule qu'une main agrippa Etiam par le col et d'une force phénoménale, le plaqua violemment contre le sol. Le jeune Nados sentit tout l'air sortir de ses poumons et poussa un petit cri quand son assaillant lui tordit les bras dans le dos.

— Suspect interpellé et maitrisé, c'est lui messieurs, clama une voix mécanique sans émotion.

Lâche-moi espèce de stupide golem, c'est quoi ton problème ? hurla-t-il la bouche écrasée contre le sol.

L'androïde tâta ses vêtements et sortit le glaive qui y était caché et l'exhiba fièrement à ses maitres qui les rejoignirent en trottinant.

— Bon travail « 56 », dit l'un des policiers qui récupéra rapidement l'arme. Tu faisais quoi avec ça, hein ? T'avais une petite envie de trancher du terrien ?

— Trancher du terrien ? Mais Karam, qu'est-ce que vous racontez, vous êtes complètement malade ! Un Nados ne se sépare jamais de son arme !

— Il dit vrai, c'est la vérité, intervint Terra. C'est un malentendu, un terrible malentendu !

Les policiers terriens se regardèrent et débâtèrent rapidement entre eux.

— C'est quoi les procédures habituelles avec les antéens dans ce cas ? J'en ai strictement aucune idée, murmura l'un d'eux.

— Je pense que nous avons ici un cas classique d'incompréhension culturelle les gars, je crois qu'il nous faut un expert en relation indigène.

Ils discutèrent encore un peu entre eux avant d'enfin se mettre d'accord sur son sort.

— Unité -56-, prends ses empreintes et relâche-le. (L'officier se tourna vers Etiam) Monsieur le local, nous sommes dans l'obligation de confisquer votre arme si vous voulez rentrer dans la métropole. Vous pourrez la récupérer une fois de retour.

L'androïde de sécurité « gardien de la paix » relâcha sa victime et Etiam se releva en toussant, les vêtements remplis de poussière et mauve de rage, humilié comme il ne l'avait jamais été. Terra le rejoignit et le fit vite comprendre de ne pas réagir impulsivement. L'officier remit quelques excuses de fonction aux deux jeunes avant de repartir en patrouille avec l'androïde dans la bordure. La rue et les passagers du bus s'étaient tous retournés vers eux, ce qui fit mauvir encore plus le Nados. Elle se mit à lui frotter l'épaule pour le réconforter.

— La honte... Trainé dans la poussière par une vulgaire machine, mon glaive volé par une poignée d'agneaux comme eux... Mes ancêtres doivent bien rire depuis les plaines dorées. Si je pouvais disparaitre à l'instant, je le ferais.

— Moi je t'ai trouvé très courageux. Faire preuve d'une abnégation pareille dans une telle situation est digne des plus grands guerriers.

Le Nados sourit faiblement.

— C'est gentil Terra, mais je n'ai pas d'excuse, j'ai été faible, c'est tout.

— Tu sais, quand papa me racontait ses aventures pour récupérer ma mère, il m'a raconté comment à de nombreuses reprises il s'était retrouvé dans de situations pareilles que la tienne, où la raison de sa tête se battait avec la flamme de son cœur. S'il n'avait agi comme tu viens de le faire, je ne serais peut-être pas là avec toi maintenant. C'est pour ça que je suis fière de toi.

— Par tous les dieux, ça doit être Myra en personne qui t'a déposé dans le ventre de ta mère, ça ne fait aucun doute. Il n'y a pas d'autres manières qu'on puisse avoir une telle bonté.

Les joues de Terra rougirent rapidement et elle détourna vite le regard.

— Arrête de raconter des âneries, toi, et monte, fit-elle en rigolant pour changer de sujet


Les choses ne s'étaient pas totalement passées comme prévu, mais Edward était plutôt du genre à voir le verre à moitié plein plutôt que le contraire. Le fait d'avoir récupéré une terrienne était plutôt fâcheux ; ça pouvait lui causer des problèmes, énormément de problèmes, mais il s'était renseigné sur la personne. Elle connaissait ce genre de fille, personne ne s'étonnerait de sa disparition, en tout cas pour l'instant, mais c'était suffisant. Détruire sa puce ne serait qu'un jeu d'enfant, c'était surtout sur son sort qu'il se tâtait. Peut-être l'envoyer à ses employeurs avec la prochaine cargaison d'indigènes ? Non, ils avaient strictement précisé des antéens et s'il y avait des personnes qu'il fallait mieux éviter de contrarier, c'était eux. La laisser aux sauvages qui squattaient chez lui ? C'était une idée, mais la perte d'un éventuel investissement ne lui plaisait pas. Mais d'un autre côté, la garder dans son business personnel présentait aussi ses dangers. Qui sait, peut-être un de ses éventuels clients risquerait de la reconnaitre. Néanmoins, une fille pareille pourrait avoir un certain succès auprès d'une partie de sa clientèle. À plusieurs reprises, il avait eu affaire à des pères de famille en problème relationnel avec leur fille en pleine crise d'adolescence, cherchant des gamines sur qui défouler leurs pulsions refoulées, et la jeune Catherine correspondait totalement au profile de l'emploi. Et le plus intéressant est que ça marchait aussi dans le cas inverse. J'devrais p'têtre garder deux-trois de ces nomades, y'auront du succès, pensa-t-il. Sans même le remarquer, il avait atteint la chambre où était gardée ladite terrienne. Il frappa doucement à la porte, mais ne reçut aucune réponse.

— J'peux entrer ?

Toujours rien. Il se résolut d'entrer quand même. Catherine se tenait assise en boule dans un coin de la chambre, les cheveux en bataille, ce qui restait de ses vêtements en lambeau, la tête cachée derrière ses genoux. Elle avait quelques bleus et des ecchymoses sur le corps et on pouvait apercevoir des traces de doigts rougeâtres sur ses bras, ses jambes et sa gorge. Aussitôt qu'il s'approcha, la jeune fille se mit à trembler comme une feuille. Edward s'agenouilla devant elle et avec son index, souleva doucement son menton pour que son visage soi en face du sien. Ses yeux humides évitaient son regard et se perdaient dans la chambre, sans but.

— Dis, tu m'entends au moins ? demanda Edward avec un léger agacement dans la voix.

Kat ne répondit pas, ses yeux vides toujours perdus ailleurs.

— Tu m'as l'air toute perdue ma pauvre, t'es sûr que ça va ? (Il glapit un peu avant de reprendre un ton sérieux. Il souleva délicatement une mèche de ses cheveux blond pâle qui tombait devant ses yeux) Tu pensais que c'était un jeu, pas vrai, chérie ? C'est la vraie vie, ce n'est pas un putain de jeu, c'est la vrai vie... Je connais les gamins comme toi. Grande gueule, mais quand la réalité vous rattrape, il n'y a plus rien. Typique de la jeunesse d'Anchorage, pas vrai ? 'Chuis pas un enfoiré, j't'ai pourtant laissé le choix, pas vrai ? (Kat ne dit toujours rien, à sa grande déception) Ils ont été un peu durs avec toi, hein ? Tout ça juste pour une sauvage, une bête sauvage. T'veux vraiment pas me dire où elle est ?

Pas un bruit dans la salle. Il n'en pouvait plus.

PARLE BORDEL, PARLE ! OUVRE TA PUTAIN DE GUEULE, MERDE !

La seule réponse qu'il reçut fut de légers sanglots, son visage n'affichant presque aucune émotion.

— Ah ben merde, ils ont vraiment été trop durs avec toi, constata-t-il avec étonnement, son humeur se calmant d'un coup. Bon, j'arrive ma chérie, je te laisse quelques moments pour faire le tri dans ta petite tête et récupérer tes esprits. J'espère que tu seras un peu plus bavarde après, à part si t'es tombée amoureuse de tes petits copains sauvages. Dans ce cas, je s'rais ravi d'vous réorganiser un nouveau p'tit rencard collectif.

Il lui mit une petite tape amicale sur la joue avant de la laisser. Edward ne se faisait pas énormément d'illusions. Ces idiots l'avaient totalement brisé, elle ne parlera plus. Il lui faudrait une alternative. Dans ses pensées, il déambula dans le couloir de sa planque en cherchant une solution. Bheidir l'interrompit et, sortit de nulle part, le saisi par le col, l'écrasant contre le mur.

K'sak de chien galeux, je vais t'écraser le crâne !

Edward lâcha un petit cri de terreur avant de comprendre ce qui se passait.

— Mais bordel de merde, c'est quoi ton problème gros lard ? Qu'est-ce tu fous ?

Yeux-de-jade ! Tu as dit que tu me la ramènerais et tu m'as menti !

— J'pige rien à c'que tu racontes, c'est qui yeux-de-jade ? C'est la fille que tu cherches ? Si on l'avait trouvé on te l'aurait ramené imbécile de sauvage !

Avec une force extraordinaire, le jeune nomade le balança au sol comme s'il ne pesait rien et posa son pied sur sa gorge, prêt à l'écraser à tout moment. Edward paniqua, tentant tant bien que mal de retirer le pied qui supportait le poids de Bheidir, se sentant étouffer petit à petit.

— Ne te moque pas de moi petit terrien sinon je t'écrase comme l'insecte que tu es. Ramène-moi yeux-de-jade, je te laisse une semaine, pas un jour de plus.

— B...bien sûr, pas... pas de problème mec, on est déjà sur le coup, t'inquiète... Retire ton pied steup, j'commence vraiment à étouffer là.

Avec dédain, il libéra le terrien qui se mit à tousser ses poumons tout en se frottant la gorge. Bheidir retourna dans ses quartiers sans même lui lancer un regard. Putain d'sauvage souffla Edward une fois le nomade hors de vue.


Les deux Nados sortirent au niveau du centre-ville. Si Terra ne savait pas où trouver Nathan ou Chad, elle connaissait une personne qui pourrait sûrement les aider. Bien qu'elle se réjouisse de revoir Bino, ce dernier ne partagea pas le même enthousiasme et aussitôt entrée dans la boite de nuit vidée la journée, le chanteur des Jicky skins partit se réfugier dans les coulisses.

— T'es la dernière personne que je veux voir ici, hurla-t-il. Va-t'en ou j'appelle les flics !

— Mais Bino, c'est moi Terra, tu ne me reconnais pas ? répondit-elle confuse.

— Oh que oui que je te reconnais. Dès que tu viens, tu ne m'apportes que des problèmes. Tu portes malheur comme fille. D'abord des kidnappings, puis des agressions à main armée... C'est quoi la prochaine étape, l'incendie volontaire ?

— Ce n'est même pas moi tout ça ! Moi je venais seulement pour m'amuser, c'est ta boite qui attire plein de gens bizarres ! De toute façon, je ne viens pas pour ça, j'ai juste besoin de ton aide, juste une petite info.

Bino s'arrêta dans sa petite fuite et souffla en se frottant les tempes.

— Vite fait alors. Je suis un homme occupé, conclut-il.

— L'adresse de mon ami Nat, Nathaniel Lynch. L'as-tu ?

— Pourquoi devrais-je te le donner ?

— Mais par tous les dieux Bino, tu te fous de moi. C'est mon ami ! Arrête de faire l'emmerdeur et passe-moi l'adresse !

Bino grogna quelque chose et se résolut à lui passer l'adresse, n'étant pas d'humeur à discuter avec elle. Il vivait à l'est de la métropole, dans un quartier d'un luxe indécent. Des lignées de manoirs et de villas toutes plus grandes les unes que les autres avec de magnifiques voitures à la carrosserie scintillantes plus polies que les plus beaux des boucliers qu'elle avait vu de sa vie. Elle aperçut même quelques aéronefs privés stationnés sur le toit de quelques-unes des habitations. Après une petite marche, ils trouvèrent la demeure des Lynch, pas la plus grande des demeures du quartier, mais néanmoins incomparable avec tout ce qu'elle avait vu auparavant. Un petit muret de pierre grillagé entourait la propriété et une haute porte en bois leur barrait l'entrée. Etiam siffla même d'admiration en voyant l'endroit.

— Par tous les dieux, quelle magnifique demeure. Ton ami vit vraiment ici ? C'est quoi, un prince ou quelque chose ?

— J'en ai aucune idée. Je sais qu'il a de l'argent en tout cas, répondit Terra en sonnant à la porte. Quand on était tous les cinq, c'était lui qui payait toujours tout, mais je ne lui ai jamais demandé d'où ça sortait.

Après quelque temps, un androïde arriva et entrouvrit la porte, y passant seulement la tête pour inspecter les visiteurs. Etiam eut immédiatement un geste de recule en le voyant et le dévisagea avec méfiance, de peur de subir sa désagréable expérience une seconde fois.

— Que puis-je faire pour vous messieurs-dames ? demanda poliment l'androïde tout en gardant la porte entrouverte.

— On est des amis de Nathan. Je suis Terra Kandos.

L'androïde s'immobilisa pendant une dizaine de secondes, en attente d'instructions, avant d'ouvrir la porte complètement.

— Monsieur Nathaniel vous attend, lui répondit-il simplement.

Ils traversèrent une petite cour avant d'atteindre la porte d'entrée. Aussitôt que le jeune garçon leur ouvrit, Terra le prit dans une étreinte de joie avant même qu'il ne puisse dire le moindre mot. Chad apparut derrière Nathan et elle fit de même avec lui.

— Les gars, je suis tellement contente de vous avoir retrouvé, se réjouit-elle. Kat et Rob, ils sont en danger.

La demeure était aussi grande à l'intérieur que l'extérieur, passant par des salles de la taille de l'appartement de son frère avec nettement moins de fournitures. Ils ne croisèrent pas âme qui vive à part de dizaines de petites machines et de discrets drones occupés à de taches diverses et variées comme le nettoyage ou l'entretien de la maison. Ils s'installèrent dans la chambre de Nathan qui n'avait rien à envier au reste de la maison et Terra en profita pour leur raconter tout ce qui s'était passé durant leur absence, modifiant néanmoins partiellement l'histoire, choisissant consciencieusement ses mots pour éviter d'incriminer sa sœur et les autres Nados. Les deux terriens restèrent bouche-bé.

— Il... il faut prévenir les flics, bégaya Nat. C'est terrible, je croyais que ce genre de truc n'arrivait que dans les films.

— J'en connais justement un ! Un ami de mon frère, l'inspecteur Alexis Sanders.

— Ça a un rapport avec les meurtres ? dit soudainement Chad.

Terra blanchit immédiatement.

— Les... les meurtres ? Quels meurtres ?

— Les meurtres à la bordure, tu n'en as pas entendu parler ? Quatre terriens retrouvés assassinés dans une ruelle à la bordure. Le premier meurtre entre terriens et antéens ici à la métropole.

— V...vous êtes sûr que c'est un antéen qui a fait le coup ?

— « Un » ? s'étonna Chad. « Des », tu veux dire. Ça ne fait aucun doute, les victimes ont été lacérées à coup de couteau, je ne connais aucun terrien qui aurait fait un truc pareil donc c'est d'office des locaux. Cette histoire m'inquiète plus que tout, Nat a raison, faut appeler les flics.

— Appelez le mien alors, lui sera en mesure de nous aider, insista Terra.

— Non, il faut plus qu'un bête inspecteur pour ça. Si tous ces événements sont bien reliés, faut carrément prévenir les forces de police centrale, l'armée, tout le monde. Ils sauront résoudre tout ça mieux que nous.

— NON !

Les deux terriens eurent un petit mouvement de recul de surprise.

— Putain Terra, c'est quoi ton problème, s'énerva Chad. On essaye d'aider nos potes, là !

— Pas comme ça, vous devez appeler l'inspecteur, personne d'autre, je vous en prie, ne rendez pas l'affaire encore plus compliquée, plaida-t-elle.

— C'est toi qui compliques tout avec ton gars, on appelle les flics, un point c'est tout !

Terra avala sa salive et jeta un coup d'œil à Etiam qui ne savait pas quoi dire. Elle tenta le tout pour le tout. Si c'était bel et bien ses amis, ils n'en feront rien.

— Vous ne pouvez pas appeler les flics. Vous... vous avez raison, les meurtres et la disparition de nos amis sont bel et bien liés. C'est ma sœur qui a tué les quatre terriens. Elle a fait ça pour nous protéger, Kat, Robin et moi. Ça n'a pas été suffisant et ils ont quand même été enlevés. Si vous prévenez la police, ma sœur, les miens... ils seront en danger. L'inspecteur Alexis Sanders est un ami de mon frère, il pourra nous aider à les retrouver sans mettre en danger ma sœur. S'il vous plait, faites-moi confiance, je vous en supplie, vous êtes tout ce qui me reste.

Trop d'informations se bousculaient dans la tête des deux jeunes terriens, la solution ne semblant soudainement plus si facile. Les quelques larmes coulants sur les joues de Terra ne firent rien pour faciliter les choses. Même si ce n'était pas totalement la vérité, elle le faisait pour le bien de tous et pria intérieurement que les dieux lui pardonnent ses mensonges.

— Mais elle a quand même tué quatre gars, murmura Chad incertain.

— Mais c'était pour la bonne cause, rajouta son ami. Écoute, tu te rappelles la première fois qu'on a été au Hiago avec elle ? Les gens mal intentionnés qui ont voulu la prendre ? Je suis contre la violence, mais des gens pareils ont eu ce qu'ils méritaient. T'aurais fait quoi à sa place, hein ? Ils ont pris Kat et Robin en plus !

Le garçon se passa les mains dans les cheveux en expirant de fatigue.

— Très bien Terra, on te fait confiance.

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