Chapitre 18 : La fille à problèmes


Le soleil avait maintenant totalement disparu à l'horizon et une nuit noire l'avait doucement, mais fermement remplacé quand Terra arriva à l'avenue espérance, ce qui au final ne voulait dire grand-chose vu le nombre de lumières illuminant l'endroit. Toujours aussi bondée, la jeune antéenne se fraya agilement un passage dans la foule comme elle avait maintenant appris à le faire, telle une véritable résidente de la métropole, et trouva rapidement les allées menant dans les entrailles de la ville. Elle rejoignit facilement le « Hiago », mais constata avec effroi la file qui se trouvait à l'entrée. Un androïde qu'elle n'avait jamais vu jouait les videurs et jugeait minutieusement les clients avant de les laisser entrer. Tentant le tout pour le tout, Terra essaya tant bien que mal de resquiller à l'avant de la file, mais se fit rapidement remettre derrière par les autres fêtards. D'ici, elle entendait la musique provenant du concert qui battait son plein et certaines personnes dansaient même déjà à l'extérieur. Après un bon quart d'heure à attendre dans le froid, ce fut enfin son tour et après une brève inspection par l'androïde de sécurité, elle put enfin rentrer. Le vacarme était délicieusement infernal, de quoi rendre fou n'importe quel Nados, mais extatique tout amateur de neo-funk ou de musiques terriennes en général. D'ici, elle pouvait apercevoir Bino enflammer la salle avec à ses côtés ce qui devait sans aucun doute être Will Lloyd, dont les longues dreadlocks virevoltaient à chacun de ses bonds. Il aurait été facile de se laisser aller avec l'ambiance et se perdre dans la foule, mais elle n'était pas venue pour cela. Trouver Kat, voilà sa mission, qui risquait d'être fort compliquée vu le monde. Même en essayant de procéder le plus méthodiquement possible, il était presque impossible de la retrouver. Elle avait cherché dans les vestiaires, les tables vip, au bar et s'apprêtait à abandonner quand elle tomba au détour d'un couloir nez à nez avec une jeune adolescente aux cheveux pales qui semblait briller dans le noir. Terra failli se réjouir, mais se rétorqua au dernier moment de le montrer, se contentant simplement d'arborer une mine surprise et désintéressée, ce que Kat fit immédiatement après son amie.

— Oh Kat, t'es là ? Quel hasard...

— Et toi alors, t'étais pas chez ton frère ?

— J'aurais manqué le concert pour rien au monde, tu le sais bien.

— Ouais, moi non plus...

— Ouais...

Les deux filles restèrent quelques secondes sans parler, regardant du coin de l'œil l'estrade où les artistes performaient.

— Il est à fond dans sa musique lloyd, ça fait plaisir à voir.

— Oui, c'est sympa, acquiesça Terra. Encore plus excité que Bino...

— Ouais...ouais...

Un nouveau moment de silence. Une troisième figure les approcha.

— Qu'est-ce que vous faites ?

— Ah Robin, toi aussi tu es là, quel hasard, mentit-elle.

— Kat, qu'est-ce que tu fais ? Vous parlez de quoi ?

— Bah du concert, quoi d'autre ?

Robin souffla et lança un regard exaspéré à son amie.

— Maintenant qu'elle est là, tu peux arrêter de faire la fière, s'agaça-t-il avant de se tourner vers Terra. Kat a envie de te parler, je pense que toi aussi pas vrai ? Ça fait quand même dix minutes que tu fais le tour de la boite.

— Je... pas du tout voyons, pourquoi tu penses ça ? rougit l'antéenne.

— On est à la même table que d'habitude, continua Robin. Je peux vous laisser seules si vous voulez, mais par pitié, arrêtez de tourner autour du pot.

Terra ne dit rien et regarda d'abord Robin avec de grands yeux surpris, puis Kat qui était dans le même état qu'elle.

— Je ne vois pas de quoi il veut parler, répondit-elle innocemment, mais souffla en voyant le regard insistant du garçon. Bon ça va, c'est vrai, ça fait un petit temps que je voulais te parler, tu m'as manquée...

— Vraiment ? s'exclama Terra en cachant mal un sourire.

— Ça va, ne m'oblige pas à répéter, t'es lourde...

Une nouvelle chanson commença quand Terra et Kat se retrouvèrent en tête à tête à leur table. Ils leur fallurent un petit temps pour retrouver leur aise et ce fut la terrienne qui prit l'initiative. Un peu plus bas, la fête redoublait d'intensité et Will Lloyd semblait carrément fondre de transpiration dès qu'un projecteur passa sur lui. Les autres tables étaient vides, leurs occupants sur la piste et les rares autres qui restaient semblaient ivres et à moitié endormis sur leurs fauteuils.

— Terra, je... je voulais m'excuser pour ce que j'ai fait la dernière fois. Je n'étais pas dans mon assiette, pas vraiment bien. Je n'aurais pas dû faire ça, pardon.

— Mais... mais pourquoi t'as fait ça, qu'est-ce que ça voulait dire ? je ne comprends pas, c'était si... étrange. J'étais tellement confuse !

— Ouais, je peux comprendre que tu sois en colère, j'ai vraiment été stupide.

— Et bien en fait... je ne suis pas vraiment en colère enfin, je l'étais, mais c'était plus par confusion qu'autre chose. Pour... pour être tout à fait honnête je... et bien, comment dire... ça... ça ne m'a pas vraiment dérangée.

Les joues de Terra rougirent et elle eut de plus en plus de mal à cacher sa gêne.

— Pourtant, quand on en était dans l'arrière-salle après la soirée, t'avais l'air vachement énervée. T'as dit que tu ne voulais plus me voir.

— C'est normal après tout ! Sais-tu au moins ce que tu m'as fait ? Et tu m'as laissée seule, tu ne m'as rien dit, rien pour me rassurer. Mes ancêtres me regardaient, mes dieux, ma propre mère ! Ils me jugeaient, ils me voient comme une dévergondée, une perverse, une honte pour ma famille et tu m'as laissée seule contre tout ça !

Maintenant son expression était passée de la gêne à une colère naissante qui prit Kat au dépourvu.

— Mais je ne peux rien faire pour ça, se défendit la terrienne. Je ne crois même pas à un dieu, ou à des dieux.

— T'aurais pu me parler, me consoler ! Moi, c'était tout ce que je demandais, de ne pas être seule dans tout ça. Je pensais que tu étais mon amie, mais tu m'as laissée seule.

Kat ne savait pas quoi répondre, se contentant seulement de regarder la table, avant de reposer son regard sur Terra.

— Je suis désolée, vraiment, je ne savais pas que tu ressentais tout ça. Si j'avais su, j'aurais fait quelque chose. Tu dois comprendre que je ne suis que terrienne, je n'ai pas réfléchi plus que ça... pour moi, tu es comme nous, enfin je veux dire comme une terrienne. Qu'est-ce que je peux faire pour me faire pardonner ?

— Ne plus m'abandonner je dirais, grommela-t-elle.

— Promis, je ne vais plus jamais te laisser tomber, sur mon honneur de terrienne. On fait la paix ?

— On fait la paix, acquiesça Terra. D'ailleurs, tu te rappelles quand tu m'as dit que je te plaisais, ça voulait dire quoi ?

— Ça veut dire ce que ça veut dire, sourit innocemment Kat. Et moi, je te plais ?

— Ou...ouais, ça va, plus que Nathaniel en tout cas.

Les deux filles rigolèrent de bon cœur pendant un bon moment.

— Sinon, on ne se prendrait pas une petite éclipse ?

— J'allais te proposer la même chose, ricana Terra.


Akhesa grogna d'impatience. La file n'était pas longue et ils seraient sûrement à l'intérieur dans une demi-douzaine de minutes, mais attendre parmi ces jeunes terriens à l'air idiot l'agaçait au plus haut point. Une grande partie de sa clientèle devait sûrement ressembler à ça, mais tant qu'elle n'avait pas à faire affaire avec eux en tête à tête, elle n'en avait cure. Mais se retrouver coincée avec eux la rendait folle. Et le pire de tous fut son frère qui se mêlait presque parfaitement parmi eux. Elle devait se calmer absolument. Devant elle, une jeune femme s'alluma une cigarette.

— Hep, hé toi, l'appela Akhesa en lui tapotant l'épaule. Passe-moi une clope.

— T'es une antéenne ? répliqua-t-elle surprise. On ne vous a jamais appris à dire « s'il te plait » sur votre planète ?

— Passe-moi une clope si tu ne veux pas de problèmes, continua-t-elle sur le même ton.

La terrienne voulue s'énerver, mais en voyant son allure, préféra obtempérer et lui donna sa cigarette. Khemno, observant la scène de son côté, foudroya sa sœur du regard.

— Quoi, tu veux aussi une clope ?

— À force de rester chez les pieds-sales, tu commences à agir comme eux, commenta-t-il.

— Seulement avec les terriens petit frère, seulement avec les terriens (Elle se retourna de nouveau vers la terrienne en face d'elle). Hep, hé l'amie, du feu, dit-elle en pointant sa cigarette.

Khemno ne préféra rien dire, se contentant seulement de lancer à sa sœur un regard agacé.


— ...pourtant jamais je n'ai pensé cela, et j'ai toujours été attirée par les garçons. Par exemple, j'ai beaucoup d'amies filles, mais je ne me suis jamais dit « Elle, je veux l'embrasser », tu comprends.

— E...évidemment, balbutia Kat à qui l'ivresse commençait à monter à la tête. Moi, c'est très simple : je ne réfléchis pas, c'est plus simple comme ça.

— Comme d'habitude en fait.

— Va te faire voir Terra, je réfléchis plus que toi, rigola-t-elle. Moi je n'ai pas fugué de chez moi jusqu'à la métropole à pied au moins.

Elles continuèrent à rigoler ensemble comme les plus vieilles amies du monde, faisant à peine attention au concert. À côté d'eux, Robin qui les avait rejoints ne disait rien, ne parvenant à s'imposer dans le flot de paroles que déversaient les deux filles.

— Hé, les jeunes, il y a moyen qu'on vous rejoigne ?

Un homme de l'âge de son frère se trimballait sa compagne morte ivre sur le dos, accompagné par deux autres de ses amis qui titubèrent dangereusement.

— Alors, on ne sait pas boire les terriens ? se moqua Terra.

— « Les terriens » ... très drôle ça, grigna-t-il. Je ne l'ai jamais entendue celle-là. Donc on peut s'asseoir ou c'est interdit aux « terriens » ?

— Notre table est ouverte à tous. On est des amis d'un ami de Bino, on ne doit même pas payer.

Le nouveau groupe s'installa confortablement et Kat les dévisagèrent avec un mélange de curiosité et d'envie, à l'agacement de Terra qui devait bien l'admettre, les trouvait plutôt bien bâtis. À son grand étonnement, ils étaient aussi sympathiques qu'ils étaient beaux. L'homme qui portait la femme ivre s'appelait Adrian, un pilote d'aéronef à grande gueule qui se vantait d'avoir volé partout autour d'Antée et qui ne perdait aucune occasion pour le leur rappeler. Ce dernier semblait particulièrement intéressé par Terra.

— Toi, tu viens du Maniemas pas vrai ? De l'ouest, si je ne me trompe pas.

— Comment tu sais ? s'exclama-t-elle avec de gros yeux.

— Je t'ai dit, j'ai volé partout. Ça se voit sur ton visage, les femmes antéennes de l'ouest sont les plus jolies et toi, t'es plutôt mignonne.

— Ah... heu ... merci du compliment.

— T'as pas déjà une copine toi ? intervint Kat agacée.

— C'est pas ma copine, c'est juste une amie, pourquoi ? T'es jalouse ?

— Je suis pas jalouse d'un gars comme toi, c'est juste que mon amie Terra n'est pas intéressée.

— Je pense que ton amie Terra sait parler pour elle-même.

— Et bien Kat a raison, tes compliments sont agréables, mais je ne suis pas intéressée, répondit-elle poliment.

— Quoi, tu ne viens pas ici pour te trouver un petit terrien pour prendre soin de toi ?

— Pas vraiment et de toute façon, je pense que je l'ai déjà trouvé.

— Vraiment ? s'étonna Kat. Et qui c'est ?

— Toi.

Elle était ivre, elle le sentait, mais comme Kat le lui avait dit, Terra ne perdit pas son temps à réfléchir et embrassa Kat comme elle l'avait embrassée la dernière fois. Aucun d'entre eux ne constata le regard horrifié qui observait la scène de loin. Quand leurs lèvres se séparèrent, Terra vit sur Kat le plus grand sourire qu'elle n'avait jamais vu sur son amie, qu'elle lui rendit tendrement et jamais elle ne s'était sentie aussi bien. Aucune des deux ne parlait, savourant seulement l'instant et leur amour.

— Tu sais, rien ne t'empêche d'avoir plusieurs terriens, intervint Adrian en lui caressant l'épaule avec un sourire qui sortit Terra de se rêverie.

Son sourire se transforma immédiatement en grimace et il lâcha un hurlement comme elle n'en avait jamais entendu auparavant. La main qui était encore quelques secondes auparavant sur son épaule se trouvait clouée à la table, empalée par un immense couteau de chasse à la lame dentelé. Personne ne réagit, personne ne comprit même ce qui venait d'arriver. La même confusion se lisait sur le visage défiguré par la douleur et les larmes d'Adrian qui regardait avec confusion la femme aux yeux de jade qui venait de lui faire ça.

— Espèce de jeune putain ! cracha Akhesa en agrippant le bras de sa sœur à travers la table. Je n'ai jamais eu aussi honte de toi !

Avec une force phénoménale, elle la tira hors de la table et la traina comme un enfant vers la sortie, sous les yeux horrifiés de ses amis. Kat était rivé sur la main avant de remarquer une personne au visage familier qui avait l'air tout aussi choqué qu'eux, mais une personne qui pourrait les aider. Elle se leva précipitamment, n'hésitant pas à marcher sur la table en renversant quelques verres et rejoignit en panique le frère de Terra qui se trouvait étrangement là.

— Par tous les dieux Catherine, s'exclama-t-il. Que s'est-il passé ? Qu'a-t-elle fait ?

— Je... je sais pas, tout s'est passé trop vite. Cette femme, elle a pris Terra, elle... elle l'a kidnappé ! On ne peut pas la laisser faire, faut faire quelque chose !

— Surtout pas. Cette femme est notre sœur.

—A...A...Akhesa, c'est toi ? balbutia Terra. Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu fais ici ?

— TOI QU'EST-CE QUE TU FAIS ICI ? hurla Akhesa. Non seulement tu fugues, tu désobéis à ton père, mais tu viens ici pour faire des choses pareilles ? C'est carrément notre nom que tu traines dans la boue petite catin dépravée. Je te ramène chez toi et je ferais en sorte que tu n'y sortes plus jamais !

Terra se faisait trimballer dans les allées sombres du ventre de la métropole comme une poupée de chiffon et elle avait beau se débattre, la poigne de sa sœur était aussi ferme que les serres d'un corbeau et sentit rapidement sa circulation sanguine se faire plus difficile.

— Tu me fais mal grande sœur, pleurnicha Terra dont le bras était de plus en plus douloureux, mais cette dernière l'ignora totalement.

— Akhesa, bordel, lâche-la.

Elle se retourna et vit que Khemno l'avait rattrapé et à côté de lui, la terrienne aux cheveux pâle que sa petite sœur avait embrassée accompagnée d'un autre jeune terrien petit et frêle. Une nouvelle poussée de rage s'empara d'elle.

— Qu'est-ce que tu fais avec cette terrienne ? C'est la putain des Kandos de la métropole ou quoi ?

— Calme-toi pour l'amour des dieux, ce n'est pas ce que tu penses, c'est un malentendu. Catherine est son amie, ils ont fait ça pour se débarrasser des terriens qui les harcelaient dans la boite de nuit. Lâche Terra !

Akhesa regarda sa petite sœur, puis son frère, et cracha un bon coup sur le sol avant de la lâcher. Immédiatement, elle rejoignit Kat et son frère qui la prit dans ses bras.

— Ça ne change rien à ce que j'ai dit. Terra rentrera avec moi à Nadu, qu'elle le veuille ou non.

— Très bien, mais en attendant, elle restera avec moi. Comme je le pensais, tu n'as absolument pas changé Akhesa.

— Moi aussi, intervint discrètement Kat. Je ne vais pas te laisser avec cette espèce de psychopathe, même si c'est ta sœur.

À côté de lui, Robin acquiesça aussi discrètement qu'elle.

— Peu importe, j'en ai rien à faire de toute façon, lâcha-t-elle avec dédain.

Les traces de doigts d'Akhesa ne semblaient pas vouloir disparaitre et son avant-bras restait encore un peu endolori. Sur la route du retour, sa grande sœur ne s'était ni excusée et ne lui avait même pas adressé la parole. Cela faisait des années qu'elle n'avait plus donné signe de vie et déjà que leurs souvenirs ensemble n'étaient pas les meilleurs, elle avait réussi l'exploit d'empirer les choses. Et dire qu'elle sera forcée de rentrer avec elle. Et Kat... cela voulait dire qu'elle ne la reverra sûrement plus. Cette idée lui parut insupportable, particulièrement aujourd'hui. La bordure était pratiquement vide à cette heure de la nuit, tous les commerces ayant déjà fermé leurs portes depuis bien longtemps. Seuls quelques groupes de locaux restèrent à boire entre eux dans la longue avenue, jouant aux dés ou aux osselets selon la région d'où ils provenaient. Certain se retournèrent vers Kat et Robin, se demandant ce que des terriens faisaient ici à cette heure, mais retournèrent à leurs occupations en les voyant accompagnés d'antéens. C'était bien connu, on ne se promenait pas seuls dans les districts la nuit.

— Ça fait combien de temps qu'elle est ici ?

— Juste aujourd'hui, répondit Khemno. Aussitôt arrivée, elle est partie à ta recherche. C'est de ma faute, c'est moi qui lui ai dit où tu étais.

— Je ne t'en veux pas, c'est elle. Elle est encore pire qu'avant.

— Par contre, je suis sûr que tu seras heureuse d'apprendre qu'Etiam est ici, il a accompagné notre sœur.

— Vraiment ? se réjouit Terra. C'est bizarre, pourquoi est-il avec...

— Gauche, coupa sèchement Akhesa.

— Ce n'est pas à gauche, il faut suivre l'allée et puis partir à droite, corrigea son frère.

— Gauche tout de suite, continua-t-elle en tournant immédiatement dans une ruelle entre un bar et une boutique vendant des babioles maniemanes.

Malgré leur récalcitrance, il y avait quelque chose dans sa voix, une autorité qui leur fit quand même obéir. Aussitôt dans la ruelle, elle tourna encore une fois à gauche, puis à droite, et zigzagua dans les chemins mal éclairés sans une once de logique dans ses déplacements.

— Mais qu'est-ce que tu fais, s'agaça-t-il. Tu sais au moins où tu vas ?

— Absolument pas, répondit-elle. Tais-toi et contentez-vous de me suivre.

Perplexes, ils continuèrent à la suivre. Ils s'apprêtèrent à déboucher dans une rue plus large qu'une camionnette grise arriva soudainement et leur bloqua la route.

— Karam ! Tu vois, si tu parlais moins et suivais plus, on ne serait pas dans cette merde.

— Qui sont-ils, s'inquiéta Terra. Des amis à toi ?

— Comment pourrais-je le savoir, c'est plutôt moi qui devrais te poser ça, s'énerva-t-elle.

Une porte latérale s'ouvrit et quatre hommes au visage encagoulé, habillés comme des terriens en sortirent. Deux d'entre eux étaient armés de matraques qu'elle devinait de modèle militaire à premier coup d'œil. Son visage se décrispa lentement, se transformant doucement en sourire, et Akhesa éclata soudainement de rire sous les yeux étonnés des autres.

— Fausse alerte, ce ne sont que les clowns de tout à l'heure. (Elle se tourna vers les terriens encagoulés) Et l'ami, comment vas ta main ?

En regardant mieux, Terra remarqua la main rapidement bandée de l'homme qui semblait être leur meneur qui retira avec rage sa cagoule, dévoilant un visage familier.

— Ferme ta putain de gueule l'indigène, je vais te rendre ce que tu m'as fait au centuple.

— N'oublie pas qu'on n'est pas là pour elle, lui souffla un de ses compagnons. C'est la petite qu'on veut et remet ta putain de cagoule.

— J'en ai rien à foutre, hurla Adrian. D'abord elle, puis la petite, puis les autres. On ne déconne pas avec moi !

— Adrian je suis désolée, dit Terra en tentant en vain de calmer la situation. Ma sœur à quelques problèmes mentaux, elle s'en ira demain et quittera la ville à tout jamais. La vengeance n'apporte jamais rien.

— Jeune idiote, cela fait vingt minutes qu'ils nous traquent avec leur drone, cracha Akhesa en pointant une sorte de petit insecte métallique qui planait silencieusement au-dessus d'eux. Ça m'a l'air plus qu'une simple vengeance.

Un des hommes masqués armé d'une matraque se dégagea de son groupe et s'approcha doucement d'Akhesa.

— Toi, la grande, ce n'est pas toi qu'on veut, c'est la petite. Laisse-toi faire et on promet qu'on n'abimera pas tes amis. Ça sert à rien de courir car on vous retrouvera, ou que vous vous cachiez.

Akhesa ne répondit pas, se contentant seulement de jauger l'homme de la tête aux pieds. Il n'eut même pas le temps de réagir que le front de l'antéenne s'écrasa sur son visage, lui explosant le nez sur le coup. Son autre compagnon à la matraque le regarda tituber en arrière et la chargea immédiatement. Sans grande difficulté, Akhesa bloqua le coup avec son bras gauche avant d'en rendre un dans le foie, suivi d'un coup de coude dans la mâchoire. Voyant son adversaire déséquilibré, elle profita de son avantage pour lui prendre le crâne et le lui écraser violemment contre le mur de la ruelle, une fois, puis une seconde fois et fut interrompue par le poing d'Adrian qui s'écrasa sur sa joue. Elle avait souvent reçu des coups dans sa vie et son poing semblait être une caresse comparée à ce qu'elle avait déjà encaissé. Il voulut continuer sur sa lancée et enchaîner avec un crochet du gauche, mais elle l'esquiva facilement d'un pas en arrière et contre-attaqua avec un coup de coude dans le bas de la mâchoire, suivi d'un coup de pied dans le creux du genou et pour finir, un directe dans le nez qui l'envoya valser en arrière. Elle se tourna ensuite vers la quatrième figure restée près de la camionnette qui n'osa pas s'avancer.

— Et toi, tu n'en veux pas ? Même mon petit frère pourrait vous assommer les yeux fermés, lâcha-t-elle avec dédain. Et ce n'est vraiment pas un compliment. (Elle se retourna vers sa petite sœur) Voilà ce qu'une bonne éducation Nados t'apportera Terra.

— Je n'aime pas la violence, répliqua-t-elle.

— Et t'aurais fait quoi si je n'étais pas là, petite ingrate ! Tu penses que...

— Akhesa ! Derrière toi !

Elle ne constata que trop tard qu'Adrian s'était déjà relevé et lui fonçait dessus un couteau à la main, son couteau.

Ne te fous pas de ma gueule salope d'indigène, ne sous-estime pas les « Recycleurs », ne sous-estime surtout pas les « Recycleurs » !

Terra vit avec effroi le couteau s'enfoncer dans le flanc de sa sœur. Cette dernière lâcha un grognement de douleur, le sang coulant sur sa veste et s'appuya, le front rempli de sueur, contre le mur de la ruelle.

— Bordel, on a dit qu'on ne tuerait pas ! hurla l'homme au nez brisé qui s'était relevé avec difficulté.

— J'en ai rien à foutre, il était tant qu'on n'en bute !

Ce fut les dernières paroles qu'il prononça avant que la même lame soit enfoncée profondément dans son œil gauche. Adrian tomba raide et Akhesa ressortit avec difficulté son couteau de son orbite, sous les yeux horrifiés de son assistance.

Ar K'sak, plutôt du genre vicieux, hein ? haleta-t-elle. Si c'est comme ça que vous voulez jouer, c'est comme qu'on jouera.

L'homme au nez brisé se jeta sur sa matraque mais aussitôt attrapé, Akhesa était déjà sur lui. Il lui donna un coup désespéré vers le visage mais elle glissa facilement en dessous et lui trancha rapidement les ligaments du genou. Le pauvre homme s'écroula en hurlant de douleur, les mains sur la jambe, et ne put se défendre quand le couteau s'enfonça dans sa gorge. Le second avait l'air hésitant, regardant son compagnon près de la camionnette en panique, avant de se retourner vers la Nados. Tentant le tout pour le tout, il chargea en avant, mais la lame s'enfonça d'abord dans le bras avec lequel il attaquait, puis ses côtes, puis son rein, puis l'estomac et pour finir, le cœur, tout cela en quelques secondes. Le dernier des terriens retira rapidement son masque, dévoilant une femme aux longs cheveux bruns en pleurs, et Terra reconnut la femme ivre que portait Adrian.

— Je n'ai rien à voir avec eux, ils m'ont obligé à venir, supplia-t-elle. Ils m'ont payé pour que je fasse la comédie, que je fasse la fille bourrée, mais j'ignore ce qu'ils voulaient faire avec la petite, je le jure. Je témoignerai pour vous, je le promets.

Akhesa l'ignora totalement et la prit violemment par les cheveux.

— Si tu es prêt à tuer, tu dois aussi être prêt à mourir, c'est comme ça que ça marche ici terrienne.

Lentement, elle lui ouvrit la gorge avant de la jeter au sol, la regardant se vider de son sang en se tortillant comme un ver. Terra dut se retenir de vomir en entendant ses gargouillis et hoquètements pathétiques et après une trentaine de longues secondes, elle ne bougea plus et le silence dans l'allée fut absolu. Kat se mit à vomir d'un coup et Robin, lui, restait les jambes tremblantes en état de choc totale. Akhesa nettoya son couteau sur le corps de ses victimes avant de lâcher un lourd crachat sur leurs visages sans vie. La blessure qu'Adrian lui avait infligée lui fit un mal de chien et dut faire appel à toute sa volonté pour rester sur ses pieds. Si Farros l'avait déjà fait, elle pourrait le faire aussi. Elle s'apprêtait à prendre ses trophées que son regard croisa celui du jeune terrien ami de sa sœur et soudain, une réalisation s'empara de son esprit. Sans même qu'il ait le temps de comprendre, Robin vit la femme foncer vers lui et se retrouva avec un couteau contre la jugulaire.

— Akhesa, tu as perdu l'esprit ? hurla Khemno.

— Non, bien au contraire. Khemno, trouve un moyen de faire descendre le drone. Toi, la terrienne aux cheveux blancs, tu t'enfuis et je saigne ton copain comme un porc.

— Mais qu'est-ce que tu fais Akhesa ? Ce sont mes amis !

— Non, des témoins, les seuls témoins. Ouvrez les yeux tous les deux, je viens de tuer quatre terriens ! Quatre putains de terriens et à part le drone et ces deux gosses, personne ne nous a vus, il n'y a aucune caméra dans la bordure. Ces deux gosses sont les seuls qui peuvent nous mettre en danger.

— Tu les as tués, explosa Terra. C'est toi la meurtrière, comme toujours ! C'est toi qui nous apportes tous ces problèmes !

— MAIS TU ES AVEUGLE OU QUOI ? C'EST TOI QU'IL VOULAIT ! QU'EST-CE QUI SE SERAIT PASSÉ SI JE N'ÉTAIS PAS LÀ À TON AVIS ?

— PAS ÇA EN TOUT CAS ! ON AURAIT RÉSOLU TOUT ÇA AVEC DES MOTS, COMME DES GENS CIVILISÉS !

— Qu'Orta me foudroie sur place, dites-moi que j'hallucine ! Discuter avec eux ? La seule discussion qu'il y aurait eu, ça aurait été entre eux quand ils t'auraient pris en tournante. À ton avis, qu'est-ce qu'ils voulaient faire avec une jeune adolescente antéenne candide comme toi, prendre le thé ?

— Tu racontes n'importe quoi ! T'es juste une folle paranoïaque qui déteste les terriens, tes mensonges marchent peut-être avec tes copains aussi parano que toi, mais pas avec moi.

— Non, coupa doucement Khemno. Elle a raison... Akhesa a raison... Tous les nôtres qui ont disparu, ce sont eux, ça ne fait aucun doute. Merde, et je ne vais même pas pouvoir en parler à Alexis.

— Qu'importe, continua Akhesa. Ils sont morts, et ces deux petits nous ont vus. Donc descends-moi ce foutu drone et on décidera de leur sort une fois chez toi.

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