Partie 20


Kanghoire, Aldric et Ylanna arrivèrent à Jûkland épuisés après des heures de marche dans les bois. La nuit avait été longue et le petit matin pointait déjà à l'horizon. De très légers rayons de soleil commençaient à dessiner la cime des arbres dans le ciel.

Le chef du village donna ses instructions aux enfants, et leur somma de retourner à la grange où les gobelins étaient maintenus prisonniers.

— Je vous rejoins dans quelques minutes, chuchota Kanghoire. Le temps d'aller mettre en sécurité l'épée de Ganddlar dans un lieu sûr.

Aldric et Ylanna comprirent aussitôt le message et coururent en direction du fenil. L'ancien bucheron regarda avec tendresse son fils et la jeune Öuglof disparaitre dans la pénombre matinale.

« Ah... ces deux-là ! Ils n'ont pas fini de m'en faire voir de toutes les couleurs », soupira-t-il.

Kanghoire jeta un coup d'œil furtif autour de lui, puis fixa la lame scintillante. Il devait être prudent et ne surtout la montrer à personne.

Après s'être assuré qu'il n'avait pas était vu, Kanghoire alla à sa maison. Il enveloppa l'épée dans une vieille couverture et l'enterra en toute discrétion dans son jardin. Ensuite, il rejoignit Aldric et Ylanna qui devaient surement déjà être en train de préparer le fameux breuvage destiné aux onze gobelins.

Quand l'ancien bucheron arriva à la grange, les enfants s'affairaient à terminer la mixture qui devait empêcher la multiplication des petites créatures grises. Ylanna broyait des herbes séchées dans un pilon, tandis qu'Aldric incorporait dans le mélange la sève du chêne rouge.

Kanghoire se rapprocha d'eux :

— Comment se présentent les choses ?

— C'est presque fini ! dit la jeune fille.

— Tant mieux.

Le chef de Jûkland alla voir ses hommes pour leur expliquer la situation. Il avait l'intention de libérer les gobelins une fois qu'ils ne seraient plus dangereux pour la population, et personne n'émit de désaccords à son grand étonnement.

Un peu décontenancé, Kanghoire retourna auprès de son fils et Ylanna qui avaient finalisé le breuvage.

— As-tu ensorcelé mes hommes ? demanda Kanghoire à la jeune Öuglof.

Ylanna resta perplexe.

— Tout à l'heure, ils étaient tous revanchards et hargneux mais je les retrouve doux comme des agneaux. C'est très bizarre, expliqua-t-il.

— Ils ont eu une discussion avec Armande, révéla Aldric.

Kanghoire esquissa un large sourire, il comprenait mieux à présent. La doyenne du village pouvait être autoritaire et très persuasive quand elle le voulait.

— Armande leur a surement fait la leçon, lança-t-il sur un ton moqueur.

Ylanna donna le bol contenant la mixture à Aldric le temps qu'elle puisse ranger ses affaires dans sa sacoche. Celui-ci eut la nausée quand il sentit l'odeur nauséabonde du breuvage qui ressemblait à une bouillie pour chien. Le garçon tenait le récipient d'une main et se pinçait le nez de l'autre.

— Tu exagère ! râla son amie en lui arrachant le bol des doigts.

La jeune fille se dirigea vers les gobelins, puis leur administra son mélange d'herbes sauvages et de sève. Si les hommes étaient écœurés par cette bouillie si peu appétissante, les onze petits êtres grisâtres en raffolaient et en redemandaient.

Ylanna n'eut aucune difficulté à donner son antidote

— À moi ! À moi ! criaient-ils.

Les créatures, gourmandes par nature, se disputèrent même la dernière cuillérée dans une cacophonie aiguë.

Après cinq minutes d'attente, Kanghoire testa lui-même l'efficacité du remède. Avec un bâton, il tapa très fort un gobelin sur la tête. Les yeux jaunes du petit monstre roulèrent dans leurs orbites sous le choc, et une grosse bosse apparut sur son front.

— Je pense qu'il n'y aura plus de multiplication de gobelins ! annonça-t-il à tout le monde.

L'affreuse créature, maltraitée, reprit ses esprits avec un sacré mal de crâne et grommela son mécontentement.

— Je m'excuse ! dit Kanghoire en souriant.

— Tu aurais pu frapper moins fort, rouspéta le gobelin.

— Libérez nous ! dirent les autres en cœur.

— À une seule condition ! chuchota le chef de Jûkland en regardant tour à tour les minuscules êtres grisâtres.

— Laquelle ? s'enquirent les créatures qui se dandinaient.

— Que vous me promettiez de ne plus jamais nous voler et nous agresser.

Les gobelins hochèrent la tête en guise de consentement.

— Si vous participez avec nous aux moissons, proposa Kanghoire sur un ton aimable. Nous vous donnerons une partie de nos récoltes.

Ces derniers furent très surpris de cette proposition si généreuse et l'acceptèrent.

Ylanna se mêla à la discussion et s'adressa aux petits monstres.

– Comme vous avez adoré ma mixture ! Je viendrais de temps en temps vous en apporter dans une grosse marmite.

— Oh oui... oh oui... hurlèrent les créatures qui sautillaient de joie.

La jeune fille était fort maline. Agissant ainsi, elle était sûre que les gobelins prendraient régulièrement l'antidote sans qu'ils s'en doutent et elle était assurée qu'ils ne se dédoubleraient plus jamais.

Kanghoire fit un clin d'œil à Ylanna, puis il donna l'ordre de libérer les prisonniers.

— Enlevez leurs liens et accompagnez les jusqu'à la sortie du village ! dit-il à ses hommes.

Aldric et son amie regardèrent les petites créatures quitter la grange sous bonne escorte. Ils soufflèrent de soulagement.

— Enfin ! Toute cette histoire était finie, soupira Aldric.

Kanghoire invita les enfants à quitter les lieux et les accompagna en dehors du bâtiment en bois. Le soleil s'était timidement installé dans le ciel, mais l'atmosphère était déjà agréable.

— Je crois que nous allons avoir une journée chaude ! lança Armande à l'intention du trio qui fut étonné de la voir.

La vieille femme bossue s'avança vers eux, puis observa Ylanna et Aldric.

— Vous avez été très courageux et audacieux, sourit-elle. Je vous remercie d'avoir sauvé Jûkland.

— Ce qui est arrivé était de notre faute ! marmonna Ylanna, peu fière d'elle.

— Sans nos bêtises, ces gobelins ne seraient jamais venus ici mettre la pagaille ! reconnut Aldric.

Armande laissa éclater un long rire et regarda les enfants avec complaisance.

— Ce n'est pas l'origine du problème qui importe, dit-elle avec indulgence. Tout le monde fait des erreurs ou des gaffes. Le plus important, c'est de tout faire pour les réparer.

Aldric et Ylanna acquiescèrent.

— Vous auriez pu rester cachés et laisser les adultes gérer cette situation épouvantable, reprit la vieillarde. Mais au lieu de ça, vous avez prévenu les habitants du danger et avez tout fait aux périls de vos vies pour les aider.

Aldric regarda son père.

— Sans papa, nous n'aurions rien pu réussir.

— C'est lui qui devrait vous remercier ! rit Armande en fixant Kanghoire avec des yeux malicieux.

Kanghoire prit dans ses bras les deux enfants et les serra très fort.

— Votre aide me fut précieuse, chuchota-t-il à leurs oreilles. Merci pour tout.

— À présent... allez prendre un bon petit déjeuner et reposez-vous un peu, conseilla la vieille femme. Vous l'avez tous amplement mérité.

Le trio salua respectueusement la doyenne du village puis la quitta.

En se dirigeant vers la taverne, Kanghoire, Aldric et Ylanna étaient salués, gratifiés d'applaudissements et acclamés par les villageois fiers d'eux.

— Nous allons pouvoir reprendre une vie normale, dit Aldric à son père qui faisait des signes de remerciements aux habitants de Jûkland.

L'ancien bucheron rigola et tapota les épaules des enfants.

— Avec vous deux... Je m'attends à vivre encore d'autres aventures.




Fin


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