7 - L'Espoir
Quelques minutes après le passage de la silhouette encore inconnue, Lahynn put ouvrir les yeux sur une pièce redevenue stable. Glissant les yeux sur sa gauche, le verre vide trônait sur la table de chevet face à un mur aux décorations absentes. En grimaçant, elle tourna la tête sur la droite et fut frappée par la couleur des rayons cyan, qui n'étaient autres que ceux du soleil qui passaient à travers le filtre des murs translucides, épais et lisses comme du verre.
Ses symptômes commençaient à s'estomper et mais son corps était comme recouvert d'une chape de plomb, en plus de la couverture en soie tirée jusque sous son menton.
Un courant d'air passa sur son visage, puis un homme entra sans frapper à la porte. Il était vêtu d'un long manteau lilas, et ses cheveux argent tombaient sur ses épaules, droits comme des baguettes. A côté de lui, une femme plus petite et plus jeune, dénotait par son habit de cuir sombre et ses cheveux sévèrement plaqués en arrière par deux tresses sur son crâne. Les deux étrangers la dévisagèrent sans un mot.
Rompant le silence le premier, l'homme s'avança roidement près du lit.
— Bonjour, Lahynn. Nous attendions ton retour depuis longtemps.
L'adolescente dévisagea les deux étrangers qui se tenaient près d'elle, qu'était-elle censée dire ?
L'homme à la soutane n'en dit pas plus et resta planté sur place. Ses traits étaient tirés par la fatigue et ses yeux d'un bleu froid transperçaient son être. Elle sentit une présence invisible, moelleuse et chaude se coller à elle. Poussée par la gêne que provoquait ce silence, elle s'assit avec lenteur dans l'immense lit et articula :
— Merci de me recevoir...
Saisissant sa gorge d'effroi, ses yeux se révulsèrent. Aucun son n'avait dépassé ses lèvres.
Elle tenta de nouveau, cherchant avec une angoisse grandissante, un indice sur le visage de ses interlocuteurs. Un signe qu'elle n'était la seule à ne plus entendre sa voix. Malheureusement, aucune réaction ne passa sur le visage de ses hôtes.
La présence chaude et moelleuse quitta l'inspection de son corps et le vieil homme se tourna vers la jeune soldate.
— Gartèm est passé en même temps que son frère.
Elle hocha une fois la tête, sans un regard pour la jeune adolescente paniquée, qui ouvrait et fermait la bouche dans une cacophonie muette.
L'homme eut enfin un regard pour l'adolescente, il posa une main maladroite sur son épaule.
— Ce sera passager, ne t'inquiète pas.
Il savait que ce type de geste avait tendance à apaiser les émotions humaines. Il n'aurait pas su dire quelle émotion avait pris le contrôle du cerveau de la jeune fille, mais il avait appris au cours de ses nombreux voyages, que certains gestes permettaient d'exprimer son soutien. Le signe d'apaisement ne calma pas son hôte pour autant, qui se mit à agripper son col en hurlant des paroles aphones.
Au lieu d'une main rassurante sur l'épaule, Lahynn se fit rabattre d'une main ferme contre la tête de lit. Elle n'avait pas vu la femme fondre sur elle. Elle pouvait sentir le souffle chaud et l'avant-bras de la soldate qui comprimait son buste avec juste assez de force pour la laisser respirer.
— Stop ! intima-t-elle, je n'en peux plus de tes jérémiades ! On a compris, ce n'est pas normal, il doit y avoir une explication, tu ne comprends rien à ce qu'il se passe, déblatéra la soldate.
Lahynn ferma enfin la bouche et remarqua pour la première fois les yeux en amande et les oreilles pointées vers le haut de la femme en face d'elle. Les paroles de l'elfe auraient pu être une pure démonstration d'empathie, mais il n'en était rien. Elle traduisait seulement le flot de pensées de l'adolescente en face d'elle, et c'était un brouhaha sans nom.
— Héwine, ne brutalise pas notre invitée. Après tout, nous n'avons pas pris le temps de nous présenter.
La jeune elfe darda Lahynn de ses yeux azurite, et reprit sa posture droite près du mur.
— Je vais recommencer, reprit-il, bonjour Lahynn, nous attendions ton retour depuis longtemps. Je suis Lenjja, elfe et maître de ce domaine.
Lahynn tourna alors ses mirettes interrogatrices sur l'elfe qui venait de la brutaliser.
— Héwine. Du régiment des elfes du Nord et future héritière de ce domaine.
Elle fit la moue face aux attaques de questions psychiques que lui adressait la jeune humaine.
— Oui, nous sommes des elfes. Non, je ne vais pas être la voix qui te manque. Mon père va prendre le temps de t'expliquer ce que tu fais parmi nous. Maintenant, je vous laisse, j'ai fort à faire.
Et sans ajouter un mot, la soldate tourna les talons et sortit de la pièce.
Lenjja grimaça un sourire.
— Il faut l'excuser, elle n'a pas l'habitude de parler avec des humains remplis d'émotions et de sensibilité. Nous autres, elfes, avons une hypersensibilité extracorporelle, qu'il nous est difficile de contrôler.
Lahynn fronça les sourcils d'incompréhension.
— Ah, il me faut moi-même une remise à niveau : nous sommes capables de capter les émotions des autres êtres vivants. Mais à ceci s'ajoute une grande déficience : nous avons de la difficulté à décrypter ces signes. Nous avons grand mal à traduire et à comprendre le chagrin, la rage, la gaité et l'effroi.
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