Une énorme panthère apparut près du refuge. Elle s'approcha lentement du garçon et du loup, profondément endormis près de la bâtisse. Il huma leur odeur et releva la tête en reniflant le parfum qui se dégageait de l'intérieur.

C'était pour celle-ci qu'il était là.

Il s'approcha sans bruit du corps enveloppé dans un linge blanc. .

Elle avait encore des effluves de vie en elle.

Le félin émit un râle, se recroquevilla sur lui-même, grogna de douleur et étira son long corps à la verticale. Faisant attention à ne pas se cogner au plafond bas, l'elfe étira ses bras en croix.

Il grimaça, ainsi métamorphosé grâce au pouvoir de son Entité. Il avait puisé dans son énergie vitale, mais il se reposerait une fois qu'il aurait récupéré son butin. L'Espoir avait refait surface, cela en valait largement la peine.

Il reprit une longue inspiration afin de calmer les pulsions de la bête qui se terra de nouveau au fond de son esprit en ronronnant. Son Entité disparut, il retrouva tous ses attributs elfiques et ses yeux furent les derniers à reprendre leur pupille ronde. Ses cheveux d'agent glissaient sur ses épaules et deux pointes émergeaient de chaque côté de sa tête. Sa peau presque transparente, laissait apparaitre des veines vert céladon.

L'elfe pouvait enfin se mettre au travail.

Il détacha la sacoche qu'il portait en bandoulière à la taille et en sortit un pot rempli de poudre carmin, qu'il posa à côté de la tête de lit.

— Avant que je ne commence, tu devrais te tenir éloigné, dit-il sans se retourner.

L'inconnu se présenta dans le refuge, visiblement amusé et admiratif des sens aiguisés de son maître.

— Quand avez-vous senti ma présence ?

— Dès mon départ. Je suis parti avec l'intuition que tu me suivrais et comme je ne t'ai pas senti pendant ma course, j'en ai déduit que tu avais fait appel à ton pouvoir pour cacher ton aura.

— Vous gardez un très bon sens de la déduction. J'aurais dû faire plus attention.

Lenjja se releva et le transperça de ses yeux célestes.

— Tu t'es amélioré dans tes déplacements. Mais tu restes prévisible, Ohênn.

Il posa sa main sur son épaule. Ohênn n'était pas né elfe, il le dépassait d'une bonne tête et possédait une force aussi incroyable que son pied était léger.

Il n'était ni jeune, ni vieux. Les cheveux blond doré attachés la plupart du temps en arrière, et des yeux à la limite entre mer et forêt.

Ohênn jeta un œil par-dessus l'épaule de son maître.

— C'est donc cette jeune fille ?

Lenjja suivit son regard.

— C'est bien elle. Après onze longues années d'attente.

Une fois le demi-cercle tracé autour du corps inerte, Lenjja alluma l'encens pourpre et la fumée se rependit en une odeur capitonnée dans tout le refuge.

Il releva te tissu épais et dévoila le ventre blanc de son hôte, avant d'y poser la main.

— Ahi mondo seprum kadoff...

Trois cercles nivéens et lumineux apparurent. Ils s'imbriquaient ensemble, l'un en haut et les deux autres à droite et à gauche.

L'Entité.

L'Esprit.

Le Corps.

La fusion des trois donnait un fragment unique : l'Âme.

Il attendit quelques instants et les cercles commencèrent à disparaitre dans la peau de la jeune fille. Le cercle du Corps resta quelques secondes de plus avant de disparaitre à son tour. Le vieil elfe fronça ses sourcils quasi inexistants. Elle était bien revenue parmi eux, mais son corps avait été affecté pendant le voyage. Il découvrirait à son réveil quelles étaient les séquelles de son retour.

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Une odeur âcre et épicée anesthésiait ses narines. Elle sentit des milliers de petites piqûres désagréables lui courir sur la peau, son cuir chevelu la démangeait et le bout de ses doigts avait l'air trop étroit. Ses sens en alertes et dans un état second, elle ne pouvait ni bouger, ni ouvrir les paupières.

— Vous avez utilisé toutes vos ressources cette fois, annonça une voix assurée et grave. Celle d'un homme.

— Il le fallait, répondit une autre voix essoufflée et feutrée, juste à côté d'elle.

— Il ne faut pas tarder. J'ai fait le tour, il n'y a rien à craindre pour cette nuit.

Il était nerveux et pressé.

— Très bien, je te laisse te charger d'elle, intima-t-il en prenant appui sur ses bras pour se relever.

Elle perçut le froissement de vêtements qui s'éloignait.

Deux mains, puis deux avant-bras musclés et chauds glissèrent sous sa nuque et sous ses genoux.

Elle était vraiment incapable de bouger. Avec une rudesse maladroite, le premier homme l'attira d'abord contre son torse.

Il sentait bon, un mélange de transpiration, de cuir et de bergamote. Et il dégageait une chaleur si apaisante...

Elle chassa rapidement cette pensée qui risquait d'en amener d'autres avec elle.

Elle devait plutôt rester concentrée sur ce qui ressemblait à son enlèvement.

L'homme prit appui sur ses jambes et la souleva sans effort, elle sentit son expiration chaude se diffuser sur sa gorge.

Si c'était un rapt, elle profiterait le plus longtemps possible de la chaleur de son torse collé contre elle.

Dans le fond, elle espérait que son corps ne trahirait pas son émoi et que ses joues n'allaient pas se colorer de rouge.

L'homme fit un tour sur lui-même, avança de deux pas, se pencha pour sortir dans l'air frais. Pendant une seconde, elle put inspirer avec délice le parfum qui se dégageait de son cou.

— On les laisse là ? vibra la voix de l'homme à travers sa cage thoracique.

— Héwine ne va pas tarder à les relâcher. Je lui ai demandé de nous donner de l'avance.

Elle sentit que l'homme hésitait, puis sortir un grondement de sa gorge, répondant à son interrogation intérieure.

Il se mit en marche, en serrant plus fort le corps de la jeune femme contre lui. Elle profita tellement de ce moment que lorsqu'Ohênn se mit à courir, elle s'était de nouveau endormie.

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Au moment où Tory ouvrit les yeux, il faisait encore nuit. Valcor s'assit avec difficulté, encore hébété.

Le garçon n'attendit pas que les vapeurs du sommeil se soient estompées et fonça vers le refuge. Vide.

— Fais-chier ! cria-t-il en donnant un coup de pied dans la table de chevet qui tomba à la renverse, avant de sortir en courant.