10 - Le nouveau but
— L'heure est venue pour nous de partir, on a encore du chemin avant la tombée de la nuit. Et je voudrais m'éloigner le plus possible de la cuve, annonça Tory en se levant.
Ohênn lui serra les avants bras, dans un geste solennel d'amitié et de soutien. Tory lui rendit son geste, avant de rejoindre ses paumes.
— Que notre Mère veille sur vous et sur ...
Un fracas lui coupa la parole. Il n'eut pas le temps de prononcer le nom de l'intéressée, qu'un rugissement leur parvint de l'étage. Une masse humanoïde atterrit dans le vestibule et se mit à courir dans leur direction. Par réflexe, l'adolescent attrapa son coutelas dans sa botte, en position offensive. Il fut saisi de stupeur face au corps élancé, coiffé d'une tresse noire et masqué de poils. Les pommettes et le nez de l'intruse étaient couverts d'un pelage blanc strié de noir.
Tory était sidéré par le surgissement de la jeune femme, et vit du coin de l'œil Ohênn se précipiter à la poursuite de Lahynn.
Comme une implosion, les bras du grand blond se couvrirent de longs poils cuivrés. Valcor fut le deuxième à réagir et détala à la suite des deux humains, en criant le nom de son ami qui sortit enfin de sa torpeur et courut, son couteau toujours à la main, dans la cour. Ses bras étaient déjà couverts de plumes, mais il lui était impossible de faire appel au reste des attributs de son Entité, à cause de la crainte qui tétanisait à présent ses sens.
Son amie était sous l'emprise de son Entité et il savait mieux que personne à quel point cette expérience était violente. Ne sachant pas où chercher, il resta planter sur place, ses sens humains à l'affut, quand la voix d'Ohênn cria :
— Je l'ai !
Il fonça vers l'origine de la voix, soulagé. L'homme portait la jeune femme inconsciente dans ses bras
— Je te conseille de ne pas trop m'approcher. Les effets de mon Entité risquent de t'anesthésier aussi. L'adolescent remarqua alors que son visage était couvert d'un masque noir, semblable à du cuir. Ses yeux orange retrouvèrent leur teinte vert bleu, avant que les restes de son Entité s'évanouissent comme neige au soleil. Il avait une très bonne maitrise de ses instincts.
Sous les ordres de Lenjja, Ohênn déposa le corps de la jeune fille dans son lit, avant de fermer la porte à clé.
— Vous étiez censé la protéger ! explosa le jeune homme une fois dans le vestibule, vous étiez censés prendre soin d'elle, pas lui foutre la trouille au point de perdre le contrôle !
A ces mots, ses serres s'allongèrent de nouveau à la place de ses ongles, et son nez se rétracta sous la calcification d'un bec qui voulait apparaitre.
Lenjja le toisa, impassible.
— Est-ce qu'au moins, vous avez conscience des dégâts ? Vous lui avez dit quoi, pour la mettre dans cet état ?
— Tory, je pense qu'on devrait en parler calmement, tempéra Ohênn.
— Je ne vois pas pourquoi je devrais me calmer ! Il a fait de la merde et on devrait se poser autour d'une salade ? A un moment donné vous devez comprendre que ce n'est pas aux humains à s'adapter à vous !
— Et tu penses être plus intelligent que nous ? piqua Héwine qui venait d'apparaitre, on n'est peut-être pas démonstratif, mais on sait reconnaitre les attaques verbales. Et c'est justement à cause de petits humains incontrôlables comme toi, qu'on est en guerre.
Sans crier gare, il sauta au cou de la jeune elfe. Personne n'eut le temps de lever le petit doigt, que déjà la soldate avait pivoté sur elle, utilisant le poids du garçon à son avantage, elle le maintint sur le sol. Il ragea de colère et de frustration.
— Lâche-le ! Aboya Valcor, la violence n'amène que la violence. Tory, je sais que ta position est inconfortable, mais on devrait écouter ce qu'ils ont à nous dire.
L'elfe desserra son emprise et se positionna à côté de son père. L'adolescent reprit le contrôle de son humanité avec peine, ravalant son humiliante défaite.
— Tu t'en es pris à plus fort que toi cette fois, murmura le loup à l'oreille de son ami.
Lenjja prit alors le temps d'expliquer son discours auprès de la jeune fille, du rôle qu'elle avait à jouer et du monde dans lequel elle se trouvait.
— Et vous n'avez pas jugé que ça pouvait être beaucoup d'informations d'un coup ? lança Tory encore sur les nerfs.
— Non.
Ohênn soupira.
— Ce que Tory veut dire, c'est que les humains ont besoin de temps pour prendre en compte tous ces nouveaux éléments. Quand ils en ont trop à gérer, il arrive qu'ils paniquent.
Lenjja agrandit ses yeux face à cette révélation.
Héwine ricana. En plus d'avoir une faible espérance de vie, les humains pouvaient se montrer d'une fragilité déconcertante.
Humains, loup et elfes s'assirent autour de la longue table à manger, à l'initiative d'Ohênn qui reprit la parole :
— Bon, ce qui est fait, est fait. On ne pourra revenir dessus. En revanche, il faut qu'on se mette d'accord sur la suite.
Il marqua une pause, attendant les propositions.
— Je propose que l'humain discute avec l'Espoir, laissa tomber Héwine.
Valcor grogna sur Tory, avant que de nouvelles paroles, portées par l'impulsivité, ne dépassent le seuil de ses lèvres.
— Héwine, fais un effort et essaye au moins de les nommer, soupira Ohênn.
— Je propose que l'humain discute avec Lahynn, reprit-elle avec une pointe de sarcasme.
Elle darda sur l'adolescent ses yeux indigo, guettant sa réaction tant attendue et tomba sur ceux en ébullition du loup. La tempérance dont l'animal faisait preuve jusqu'ici, cachait une menace bien plus importante. Son cerveau de soldat comprit qu'elle devrait calmer le jeu, car elle ne connaissait pas encore la puissance de son adversaire.
— Je le ferais, mais pas parce que vous me le demandez, concéda le jeune homme le regard fuyant. Après, nous partirons.
— Demain nous serons partis, renchérit Valcor, pour ce soir nous aurons besoin d'une chambre.
Tory voulut contester, mais son ami posa une lourde patte sur sa cuisse.
— Les alentours ne sont pas sûrs, surtout le soir. Une nuit suffira.
Lenjja acquiesça d'un mouvement de tête entendu.
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