Quand j'ai perdu confiance (3/3)
(Oui, ok, je suis en retard :P. Si vous n'avez pas lu la nouvelle version des chapitre 24 et 25, ou si vous revenez après 2 mois d'absence, alors recommencez la lecture à partir de « Quand j'ai perdu confiance 1/3 ! » ça vous rafraîchira la mémoire! En espérant que la lecture vous plaira... Des bises!)
— Même Gaen m'a déçue... gémis-je avec résignation avant de plonger mon regard dans celui de Meiré. Et vous... même vous...
Un poids familier se réveilla dans mon ventre. Reconnaissant aussitôt cette terrible sensation, je pressai mes mains contre ma poitrine avec effroi. Le vide. Il était revenu. Il m'avalait de l'intérieur, m'empêchant déjà de respirer. Vite. Il me fallait quelque chose pour nourrir cet immense gouffre. Un coussin ? Je regardai avec précipitation autour de moi, sans en trouver aucun. Mon cœur s'affola. Comment allais-je survivre à cette crise sans ne rien serrer contre moi ? La boule continuait de grandir, m'écrasant chaque seconde un peu plus. Je me pliai en deux, plaquant mon front contre le tapis. Mon pouls martelait mes tempes à toute vitesse. C'est alors que je vis son pied pâle au centre de ma vision floue. Dans un geste désespéré, j'attrapai sa cheville d'une main et posai ma joue contre ses orteils glacés. Son odeur de cendre m'enveloppa comme un drap chaud. Il était le seul qui pouvait encore m'apaiser. Le seul...
Quelle tristesse ! J'étais si misérable, à chercher du réconfort auprès de mon bourreau ! Que penserait l'humanité, si elle me voyait ainsi ? Ne voudrait-elle pas que je meure ?
— Camille, fit le Maître d'une voix grave.
Je gardais la tête au sol, honteuse. J'avais bien trop peur qu'il ne me dénigre comme Charles l'avait fait.
— Arrête de te torturer. Cette humanité dont tu crains le jugement n'existe plus.
Ses mots touchèrent juste. Il avait raison. J'étais effectivement l'une des rares survivante d'une race disparue. Après tout, n'avais-je jamais eu comme ultime but que de survivre coûte que coûte ? Du temps où je détestais mes Maîtres, je ne me posais pas autant de questions. La haine me faisait tenir debout. Mais Meiré, lui, je ne le détestais pas. Pourquoi alors culpabiliser de rechercher son affection ?
Lâchant son pied, je me relevai prudemment pour l'approcher tel un chat désirant des caresses. Sans lui jeter un regard, je posai mon front contre son genou avant d'enlacer sa cuisse de mes bras tremblants. Un alarme sonnait dans mon esprit, mais je décidai de l'ignorer, collant sans retenue mon corps le long de sa jambe.
La main du Maître quitta l'accoudoir. Il l'approcha lentement de mon visage. Craignant qu'il ne me repousse, je m'accrochai avec ferveur aux plis de son pantalon. Quand ses doigts frôlèrent mon front, je fuis en plaquant ma joue contre sa cuisse, imbibant celle-ci de mes larmes.
Le Maître eut un léger spasme et arrêta son geste le temps d'une hésitation. Ses minuscules pupilles changèrent de direction pour fixer le ciel étoilé à travers la fenêtre, tandis qu'il lâchait un soupir pensif.
Finalement, il posa la paume de sa main sur ma tête. Faisant preuve d'une douceur inhabituelle, il effleura mon crâne de la pointe de ses ongles, avant de laisser glisser ses doigts le long de mes cheveux. Mon corps frémit tout entier à cette caresse inattendue, pourtant si désirée.
Mais le court bonheur fit bientôt ressurgir des pensées noires. Et si ce geste ne servait qu'à me manipuler ? Et si je cédais encore à une illusion ?
Je relevai mes yeux misérables vers le Maître dans l'espoir de lire ses intentions. Bien qu'il affichait le même regard froid et impénétrable qui m'avait si souvent intimidée, il observait les étoiles calmement, sans me prêter attention. Je me demandais si finalement ce regard n'était pas juste le reflet de sa nature de vampire. Était-il vraiment à craindre ? Fermant alors les yeux pour en oublier sa froideur, je ne me concentrai plus que sur la chaleur de sa caresse.
*
Le Maître caressa longtemps mes cheveux, inlassablement, d'une façon presque mécanique. Tandis que le poids dans ma poitrine s'estompait peu à peu, une pensée me traversa l'esprit. Gaen s'était-il senti aussi seul que moi ? Était-ce pour cette raison qu'il avait fait le choix de servir et d'aimer sa Maîtresse ?
À cette idée, je retrouvai un peu d'estime pour Gaen. Peut-être le comprendrais-je mieux la prochaine fois que nous nous verrions. Je lâchais un petit soupir de soulagement, quand soudain la voix grave du Maître m'interpella.
— Tu es bien compliquée, Camille, lança-t-il.
Alors que je rougissais de honte, sa main froide quitta mes cheveux et se posa sur ma joue. Malgré la gène que je ressentis à ce contact plus intime, je ne pus me résoudre à chasser ses doigts. Il se pencha vers moi, l'œil intrigué, et vint appuyer au dessus de mes lèvres avec son pouce. J'eus pendant un court instant l'impression absurde qu'il m'avait brûlé. Mais comment aurait-il pu me brûler avec ses doigts si froids ? Je fronçai les sourcils avec confusion, avant qu'il ne pose son index sur mon nez, réveillant la même douleur. À quoi jouait-il ?
Soudain, sa main descendit sur ma gorge. Il plaqua ses doigts glacés autour de ma nuque. Je sursautai à nouveau, agressée par la même sensation de brûlure.
— Aie ! hurlai-je en cherchant à m'éloigner de lui.
Sa grande main me retint.
— Attend, gronda-t-il avec impatience.
Il se pencha dangereusement au dessus de moi, ses pupilles remplissant peu à peu toute la surface de ses yeux. Mon cœur se remit à battre à toute vitesse. N'allait-il tout de même pas me mordre ?
— Non ! hurlai-je en plaquant mes mains contre ses épaules pour l'empêcher de s'approcher d'avantage. Dans mon geste irréfléchi, j'emportai involontairement quelques-unes de ses mèches grises entre mes doigts. Meiré plissa les yeux, trouvant désagréable qu'on lui tire les cheveux.
— Lâche, grogna-t-il.
Je secouai la tête avec affolement.
— Je ne veux plus !
Lisant la confusion sur ses traits, je rajoutai avec frénésie :
— Je ne veux plus que vous buviez à ma gorge !
Meiré resta interdit plusieurs secondes sans comprendre.
— Mais Camille, je n'allais pas...
— Je veux que vous arrêtiez, le coupai-je aussitôt. Je n'en peux plus ! S'il vous plaît ! S'il vous plaît !
Croyant que la folie s'emparait à nouveau de moi, Meiré empoigna fermement mes deux mains. Au lieu de libérer ses cheveux, je réaffirmai mon emprise sur ceux-ci avec rage.
— Mais vas-tu me lâcher ? s'indigna Meiré. Je ne vais pas boire à ta gorge !
— Plus jamais ! criai-je en le fixant dans les yeux. Plus jamais vous ne boirez à ma gorge !
Les traits de son visage se crispèrent de colère. Ses lèvres se soulevèrent dans un rictus menaçant, laissant apparaître ses longues canines pointues. Pour la première fois, je parvins à soutenir son regard épouvantable.
— Je ne veux plus! Je n'en peux plus ! Comment Charles a-t-il pu insinuer que j'aimais ça ? Comment pourrais-je aimer un acte si douloureux et humiliant ? Vous rendez-vous compte de la torture que c'est ?
À ma grande stupéfaction, Meiré se figea, frappé par mon aveu. Ses yeux s'éteignirent et je crus déceler pendant une fraction de seconde un éclat de tristesse au fond de son regard. Sans même riposter ni me laisser le temps de lui lâcher les cheveux, il se laissa lourdement retomber dans son fauteuil.
Je constatai avec regret que des boucles argentées étaient restées entre mes doigts.
— Désolée... murmurai-je en les observant. Je ne voulais pas...
Après quelques instants de réflexion, Meiré se redressa dans son fauteuil, l'air résigné.
— C'est entendu, Camille. Je ne boirais plus à ta gorge.
J'écarquillai les yeux de stupéfaction. Avais-je bien entendu ? Ses mots résonnèrent pendant de longues secondes dans ma tête. J'avais beau les retourner dans tous les sens, il n'y avait aucun doute sur leur énonciation. Aurait-il compris ?
Le Maître m'observa longuement avant de briser le silence de sa voix grave.
— Vas-tu te calmer à présent ?
J'eus un moment d'hésitation, peinant encore à réaliser tout ce que ses paroles impliquaient. L'esprit embrumé de pensées, je hochai la tête sans même chercher à comprendre ce qu'il voulait.
— Bien. Laisse-moi vérifier quelque chose.
Il approcha ses doigts de mes épaules et les glissa sous le tissu de ma robe. La même sensation de brûlure reprit aussitôt qu'il entra en contact avec ma peau. Quand je tressaillis de douleur, il comprit que quelque chose clochait. Sans attendre, il appuya sur l'interrupteur derrière le canapé. Le salon se remplit de lumière, m'éblouissant complètement. Alors que je plissais les yeux d'inconfort, le Maître ouvrait grand les siens. Un sourire quelque peu moqueur se dessina sur ses lèvres tandis qu'il me dévisageait de la tête au pieds.
— Qu'est-ce qu'il y a ? m'inquiétai-je.
Il se mit à rire.
— Un coup de soleil ! s'exclama-t-il. Quelle ironie !
Alors que je constatai avec surprise que mes bras étaient complètement rouges, il ralluma son petit écran.
— Voilà pourquoi ce truc indiquait que tu avais de la fièvre ! Les interférons ne peuvent donc pas soigner ce genre de blessures !
Il continua de rire un moment. C'était rare de le voir se laisser aller de la sorte, cela n'arrivait en général qu'en présence d'Adeline.
Je m'assis alors en tailleur devant lui, me sentant déjà plus à l'aise.
— Est-ce qu'il faut faire quelque chose pour mon coup de soleil ? l'interrogeais-je d'un air faussement naïf.
Détachant son regard de l'écran, Meiré me répondit d'un air amusé.
— Je ne sais pas. Je ne trouve rien sur ce sujet dans mes databases. Tu vas devoir rester comme ça toute ta vie !
Je restai interdite, n'arrivant pas à comprendre s'il était sérieux ou s'il me faisait une blague.
— Bien sûr que non ! rétorquai-je, c'est juste un coup de soleil, ça guérira tout seul !
Le Maître haussa les épaules.
— Non, je pense que tu resteras comme ça toute ta vie, répéta-t-il avant de repartir dans un éclat de rire.
Comprenant qu'il me charriait, j'arrêtai d'insister inutilement. Un minuscule sourire apparut sur mon visage. J'étais heureuse qu'après tous ces problèmes, nous arrivions encore à plaisanter.
Le futur me parut soudainement plus lumineux. Je me demandais déjà comment il s'y prendrait pour se nourrir. Le ferait-il à mon poignet comme Adeline avec Gaen ? Je lâchais un long soupir de soulagement, frôlant mon cou sensible avec mes doigts. Était-ce bien fini ? N'aurais-je donc plus à subir de morsures à cet endroit ?
S'il était effectivement prêt à ne plus boire à ma gorge, alors j'étais prête à lui refaire confiance.
Soudain, les vibrations de l'appareil du Maître m'arrachèrent à mes pensées agréables. Une alarme retentit, annonçant l'arrivée d'un appel spécial.
Les coins des lèvres souriantes de Meiré retombèrent d'un coup.
— La milice ? prononça-t-il avec stupeur, mais pourquoi ?
Après une courte hésitation, il balaya l'écran pour répondre. Au fur et à mesure que que se formait l'image d'une personne vêtue de clair devant ses yeux, Meiré se raidissait un peu plus. Pour quelle raison la milice le dérangeait-elle à cette heure? Que lui voulait-elle ? Pourvu que Charles n'y soit pas lié !
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