01. petit bout du journal de béa

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JOURNAL
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septembre 1976

❝  PARFOIS

on sait qu'on a fait quelque chose de mal avant même de l'avoir fait.

C'est pas tellement le moment de le faire, le pire. C'est les jours, les heures, les minutes avant de la faire, cette connerie. Je crois que c'est ça le plus dur. Rien n'est jamais plus long que ces trente secondes de culpabilité à vif et de remords prématurés.

La gorge s'assèche, les mains tremblent, la paupière frémit. Le coeur se pince, et on a beau secouer les épaules et inspirer profondément, ça reste atrocement douloureux. C'est comme si on enfonçait de minuscules petits bouts de verres dans ta cage thoracique.

C'est souvent à ce moment précis qu'on abandonne. Qu'on laisse tomber et qu'on retourne se coucher. Qu'on choisit le regret et pas le repentir. C'est parce qu'à ce moment, ce moment précis, tout est possible. Les dés ne sont pas jetés, tu n'as pas écrit ton destin. Ton poing fermé hésite au-dessus de la table, et une petite goutte d'encre se forme sous la plume en suspens.

J'aurais pu faire demi-tour. Rafler le sac à mes pieds, remonter sur la pointe des orteils le long de l'escalier glacé et me glisser sous la couette. Personne n'aurait jamais rien su. J'ai failli le faire, d'ailleurs. Et puis j'ai levé le nez.

Le ciel était très noir, percé de minuscules points lumineux. J'avais jamais vu autant d'étoiles, sauf dans les bouquins d'astronomie. Je suis restée un moment, la nuque cassée en deux, la bouche ouverte, à fixer les étoiles qui me jugeaient du haut de leurs années-lumières. J'avais envie de pleurer, et surtout de rentrer - même en septembre, ça pèle par ici.

Mais il y en a une qui a attiré mon attention. C'était pas la plus grande, ni la plus brillante. Elle avait pas l'air d'appartenir à une grande constellation bien connue que n'importe quel enfant aurait pu citer. Elle était petite, légèrement clignotante. On aurait dit la flamme d'une bougie qu'on s'apprête à souffler. Je l'ai regardé, et elle m'a fait un genre de clin d'oeil, un espèce de rapide coucou de l'univers.

J'ai pris ça comme un encouragement. T'inquiètes Béa, je veille sur toi" ou un truc dans le genre.

Alors j'ai fait une connerie.❞

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