Chapitre 4 - Révélation et Raison

Dans le chapitre précédent :

– Parce que c'est ainsi. C'est un monstre. Jamais je ne m'allierai à lui. »

Il termina cette discussion en se levant. Mais je n'en avais pas fini avec lui. Ses raisons sonnaient creux. Je lui pris le bras pour qu'il n'aille pas plus loin.

« Qu'est-ce que tu me caches ? » demandai-je.

Pendant un bref instant, je vis ses yeux s'agrandirent sous la surprise, mais il reprit contrôle de lui-même et arracha son bras de ma poigne.

« Va te reposer, petite sœur, dit-il en descendant les marches.

– Non, je veux que tu me dises la vraie raison de ton refus et pas ses excuses minables qui...

– Tu veux la vraie raison ! cria-t-il en se mettant face à moi. Il a tué nos parents ! »

Je restai interdite devant la révélation.


Je le regardai passer la main dans les cheveux avec rage et désespoir tandis que je restais choquée.

« Q-quoi ? » demandai-je une nouvelle fois.

Alexandre s'arrêta de marcher et me regarda avec tristesse.

« Oh Ambre, je suis tellement désolé. Je ne voulais pas te l'annoncer comme ça. »

Mon frère me prit dans les bras, alors que je gardais mon corps figé. Il souffla des mots apaisants et doux pour que je me détende, mais rien n'y fit. Je restai raide dans ses bras. Je ne savais pas quoi penser. Je n'avais pas les souvenirs de la vraie Ambre, mais cette révélation me toucha.

Ce Roi avait tué les parents d'Ambre et d'Alexandre, il était normal qu'il ressente de la haine envers cet homme qu'il n'arrête pas de qualifier de barbare. Je refermai enfin les bras autour de sa taille pour le soulager de sa peine immense. Malgré le fait que ses parents étaient morts en sachant qui était leur meurtrier, il avait su garder son sang-froid. Jusqu'à maintenant. Comment pouvais-je lui en vouloir ?

« Comment les a-t-il tués ? demandai-je d'une voix rouée par l'émotion.

– Je ne crois pas que tu veuilles le savoir, déclara-t-il en se détachant de mon corps.

– Je veux le savoir Alexandre. »

Ses yeux ne reflétaient que de l'inquiétude pour moi. J'étais reconnaissante, mais je voulais une réponse. Peut-être qu'il ne les avait pas réellement tués en main propre. Cela pouvait simplement être un concours de circonstances.

« Père s'était allié avec plusieurs seigneurs pour assiéger le territoire de ce Roi. Je ne sais pas si tu te rappelles, mais Père était parti du royaume pendant quelque temps. Il était avec ces seigneurs et avait entamé de commun accord une guerre contre le Roi Adonis. Mère était inquiète donc elle suivit Père sans que je puisse l'en empêcher. J'ai appris que Père est tombé au combat alors que Mère est morte sur le chemin avant même de pouvoir rejoindre Père. »

Face à la rage et l'impuissance d'Alexandre, je laissai des larmes couler librement.

« Merci de me l'avoir dit. Je vais faire un tour dehors. »

Je tournai les talons sans me retourner vers Alexandre qui criait mon nom. Je marchai tout droit sans me préoccuper des regards. Je traversai le pont-levis sans un regard en arrière.

Le château étant surélevé sur une colline, la forêt m'entourait. J'allai jusqu'à mon point d'eau que j'avais découvert en me baladant à travers les bois. Les rochers gris s'amoncelaient pour permettre une petite cascade d'eau claire et fraiche. Avec les galets visibles à quelques centimètres de la surface de l'eau, je pouvais m'assoir et écouter les soupirs de la nature et m'envelopper de la douce odeur qu'elle dégageait.

Mais à ce moment, je voulais me défouler. Je me dévêtis donc tout en gardant seulement un collant caché sous ma robe et un haut taillé en débardeur. La robe majestueuse et le corset laissés pendus sur une branche d'un arbre, je me faufilai à travers les troncs d'arbres, je courrai en ligne droite sur les chemins de pierres et je sautai pour éviter les racines à terre.

Le vent me rafraichissant, je continuai ma course en faisant un aller-retour de plusieurs kilomètres. C'était pour moi le meilleur moyen de décompresser. Je courrais souvent quand j'étais sur Terre. Je pouvais faire la même chose ici, mais à l'abri des regards, et dans un paysage très différent.

De retour devant le point d'eau, je fis quelques étirements qui me soulagèrent. Voyant le temps passé avec le soleil qui commençait à baisser, je me lavai dans le lac et remis en place ma robe tout en laissant mon corset caché derrière un rocher.

Je pris le temps de réfléchir aux révélations de mon frère pendant le chemin du retour au château. Je me dirigeai directement dans ma chambre tout en saluant les chevaliers postés dans chaque salle et chaque couloir du château. Ils avaient l'habitude de mes petites escapades, et devaient sûrement être soulagés de me revoir rentrer en vie.

En voulant aller dans ma chambre, j'aperçus le messager du Roi Adonis, entouré de deux chevaliers. Après un instant de pause, je me dirigeai vers eux. Les chevaliers s'arrêtèrent de même que le messager. Il ne semblait pas surpris de me voir contrairement aux gardes.

« J'aimerais vous parler seul à seul. »

Les chevaliers se regardèrent, hésitant à me laisser en présence de l'ennemi. Je les obligeai donc à rester à l'écart tandis que je discuterais avec le jeune homme.

Une longue conversation entre deux oiseaux meublait le silence entre nous. Après un soupir, je me lançai.

« Pourquoi êtes-vous ici, dans ce château, alors que vous auriez pu rentré chez vous ? demandai-je alors qu'il y avait de grande chance qu'un silence me réponde.

– Pourquoi ne suis-je pas mort, ma dame ? Votre seigneur semble détester mon Roi, mais je suis toujours vivant devant vous. Je suis venu sachant que je pourrais trouver la mort en ces terres. Si tel avait été le cas, mon Roi aurait déclenché la guerre de suite. Mais votre seigneur ayant tout de même déclenché la guerre, me garde en vie. Ne trouvez-vous pas cela étrange ? »

Sourcils froncés sous la réflexion, je repensais à ses propos très justes.

« Je ne sais pas pourquoi il vous garde en vie. Est-ce mon frère qui vous garde en ces lieux ?

– Non. Je n'obéis qu'à mon Roi, déclara-t-il solenellement.

– Y aura-t-il vraiment une guerre ?

– Non, ma dame, avoua-t-il sous la confidence. Mon Roi viendra de lui-même jusqu'ici, mais ce ne sera pas la guerre victorieuse qui sera fêtée.

– Je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'il y sera fêté dans ce cas ?

– Oh, vous le saurez bientôt ma dame, » souffla-t-il avant de reculer et de rejoindre les chevaliers, le sourire toujours aux lèvres.

Je compris la raison de son retrait quand j'aperçus les yeux de mon frère dans les miens. Il était furieux. Contre moi, sûrement. J'avais tout de même parlé à un ennemi sans aucune protection. Je soupirai tandis qu'il s'approchait à grands pas de ma position.

« Ambre, gronda-t-il.

– Je sais, je sais... Je lui ai juste demandé pourquoi il était présent ici, mais il ne m'a pas répondu clairement. Le soleil s'est couché, je vais dîner dans ma chambre. »

Je ne lui laissé pas le temps de répliquer puis m'envolai à grandes enjambées vers ma chambre, qui ne devait être la seule pièce où je me sentais à l'aise avec la forêt. Arrivée dans ce château il y deux années de cela, j'étais déroûtée et avais eu du mal à me faire aux coutumes de l'époque. S'adapter n'était pas facile. Je ne savais pas comment je me débrouillais dans les autres mondes, mais cet endroit ne m'enchantait pas. Au contraire, le château m'était comme hostile. Je n'avais jamais compris pourquoi, et même aujourd'hui, j'avais cette sensation de n'être pas à ma place.

Mais m'en aller d'ici n'était pas la meilleure idée qui soit. Voyager était un luxe en cette époque. Les routes n'étaient pas pavés et les chemins cachaient des mercenaires et brigands ravis de terrifier les charrettes et convois osant s'aventurer sans une bonne garde. Mourir bêtement sans avoir aider un minimum de personnes auraient été stupide de ma part dont la mission était précisément cela.

Une fois dans ma chambre, je sentis une délicieuse odeur avant de voir un plateau de nourriture. Je me jetai dessus pour le déguster. Après la course dans la forêt, j'étais affamée. Ensuite, le ventre bien rempli, je défis tous mes vêtements encombrants et me glissai sous les draps en attendant un nouveau jour. Je n'avais aucune idée de ce que je devais faire concernant l'arrivée du Roi et cette nouvelle révélation d'Alexandre. J'espérai simplement que la nuit me porterait conseil.

Plusieurs jours suivirent, mais pas même une illumination ne me vint en rêve. Je dus me résigner à contempler les chevaliers se préparer à la guerre. Une symphonie d'ordres, et de tintement d'épée n'arrêtaient pas de résonner dans mon esprit. Mon frère était plus que déterminé à se confronter à l'ennemi et je le regardais de loin sans pouvoir lui faire changer d'avis.

Le fait que ce Roi ait tué ses parents était la meilleure raison qui soit pour déclarer la guerre et le tuer. Les jours passèrent sans grand changement. J'étais repartie plusieurs fois à l'église pour essayer de contacter les vieilles femmes. Sans succès.

Alors que de nouveau le soleil se levait sur nos terres, un cri anonciateur se fit entendre dans tout le château.

« Il est là ! » criait-on alors que mon estomac se tordait sous l'anxiété.

Je gravissai les escaliers de la plus haute tour pour apercevoir au loin nos ennemis. Une marée d'homme à cheval se confondait avec l'herbe verte. Ils étaient nombreux. L'horizon était noire. Noire d'assaillants. Je redescendis en courant malgré ma robe qui me gênait et me précipitai vers la salle du trône où le seigneur était toujours là. Le messager lui tenait compagnie avec ses chevaliers le surveillant.

Dès mon arrivée quelque peu essouflée, ils se retournèrent vers moi avec un air grave.

« Ils veulent nous parler, » déclara doucement mon frère.

Je le regardai avec inquiétude. Je ne savais pas quel comportement il allait adopter alors que l'ennemi était à nos portes.

« Alors laisse-les nous parler, » murmurai-je.

Il me regarda dans les yeux. Une myriade d'émotions y passèrent avant que je vis sa colère dominante.

« Pourquoi ?! Ils ont tué nos parents ? Alors pourquoi t'acharnes-tu à vouloir les laisser impunis ? railla-t-il.

– Je ne veux pas de morts, c'est tout.

– Je suis désolé que tu dois vivre tout cela, mais cette guerre est nécessaire.

– Pour qui ?! Pour toi ? envoyai-je énervée. Oui, ils ont tué nos parents. Oui, je les hais pour avoir commis cet acte. Mais jamais je ne voudrais que nos chevaliers périssent sous leurs épées. Les as-tu vu dehors ?! Ils sont nombreux et sont plus forts que nous, et tu le sais !

– C'est un honneur que de mourir sur le champ de bataille ! cria-t-il.

– Mourir et perdre une guerre n'est en rien un honneur ! Bordel ! Avec toutes les rumeurs qui courts sur son peuple, tu dois bien savoir qu'on a aucune chance de les battre maintenant ! »

Mon cri avait retenti en un echo assourdissant. Je vis le visage d'Alexandre se décomposer. Sa façade avait disparu sous la vérité de mes mots. Je m'approchai de lui et pris son visage blême entre mes mains.

« Pas de guerre, s'il-te-plaît, » chuchotai-je d'une voix peinée.

Ses yeux contenaient autant de tristesse qu'une pluie d'étoiles filantes. Ses yeux scintillèrent de larmes traîtresses. Ses yeux reflétaient mon visage tordu de douleur.

Je savais que cela lui coûtait tellement de renoncer à venger ses parents, mais ma priorité était sa sécurité et celle des autres personnes de mon entourage. Il était hors de question qu'ils se mettent en danger aussi facilement alors que j'étais présente à leurs côtés.

Alexandre soupira avant d'hocher la tête.

« Laissez-les entrer, » déclara-t-il à des gardes d'une voix lasse.

Il avait l'air d'avoir perdu toute sa force en l'espace de quelques secondes. Je me sentais coupable, mais c'était nécessaire. Après un temps, on entendit des pas claquer sur les dalles. Alexandre replaça son masque de seigneur de château et s'assit sur son trône. Je le suivis, et m'installai sur le siège royal près du sien. En voyant le sourire du messager, je compris qu'il voulait que je fasse cela. Ou peut-être me narguait-il ? Je ne le savais pas.

Plusieurs chevaliers étaient postés en garde à vous tout le long de la salle. Bientôt des tintements d'armures se firent entendre de plus en plus clairement. Je vis la tension du seigneur qui palpitait jusque dans mon cœur. Alexandre regardait droit devant lui, droit devant la porte qui s'ouvrait.

Je ratai un battement quand mon regard croisa les yeux de ce Roi barbare et puissant.

« Oh non, » soufflai-je.

Ses yeux noirs et ce masque qui cachait la moitié de son visage. Mon homme mystérieux du bal, mon amant dans ce monde était le Roi barbare qui avait tué sans compter.




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