Chapitre 34 - Annonce
Dans le chapitre précédent :
Une autre de nos conditions pour ce voyage à travers les mondes. Les femmes ne pouvaient pas enfanter. Dans un monde avec une époque reculée comme ici, c'était un sujet délicat alors que dans un monde plus futuriste, il suffirait de dire que je n'étais pas fertile ou que je ne voulais pas d'enfants et l'histoire était réglée. Cependant, je n'avais pas pensé à la réaction d'Adonis quand je lui avouerais cette vérité. Je ne m'étais pas doutée que je l'aimerais autant ni que ces sentiments impacteraient sur les miens avec une telle force.
Avec tristesse, je me mis à genoux devant Adonis et lui caressai la joue. Son visage dur avec ces brûlures si visibles me donnait envie de pleurer. Allait-il rester toute sa vie ainsi ? Je regardai ensuite Onyx et Adélaïde, l'un à côté de l'autre avec cette même expression d'impassibilité.
Si la Prêtresse ne trouvait pas un antidote, je devrais les tuer c'était certain. A quel point les Moires pouvaient être cruelles ?
***
Assise sur une chaise, je soufflai une énième fois en fixant le profil de la Prêtresse Médée. Elle était toujours penchée sur ses fioles colorées. Agacée, je me tournai vers les centaures qui n'avaient pas bougé à part des paupières. N'avaient-ils pas besoin d'aller aux toilettes ?
Je fronçai des sourcils face à la question que je venais de me poser. C'était ridicule. Des interrogations sans importance me pourrissaient l'esprit tellement je m'ennuyais.
« Est-ce que je peux vous aider ? demandai-je alors qu'elle arrêta de gesticuler.
– Il y a bien une chose sur laquelle vous pouvez m'aider. Je voudrais savoir qui vous êtes réellement. »
Je restai silencieuse. Trop silencieuse. Après un dernier regard vers les centaures, je me lançai dans un long monologue sur ma vie. Ma vraie vie. Celle de voyageuse à travers les mondes. Son regard gris rivé sur moi ne me quittait plus. Médée écoutait attentivement le récit de mes aventures. Mon arrivée dans le corps d'Ambre. Ma rencontre avec Adonis, mon amant. Mon arrivée dans ce château. Ma rencontre avec Zircon et Agathe. La salle blanche dans lequel je passais mes rêves. Ma rencontre avec Onyx, mon frère biologique. Et surtout la recherche du Héros de cette histoire qui était Eugène. Je n'omis aucun détail.
« Et ce qui est surprenant c'est que je peux vous raconter toute cette histoire sans que les vieilles femmes n'interviennent. Je me demande si j'ai aussi eu ce genre de cas dans les autres mondes..., finissai-je, pensive.
– Vos Moires vous envoient-elles dans des mondes différents ?
– C'est une bonne question, mais nous n'avons aucun moyen de le savoir étant donné que notre mémoire est effacée dès qu'on part d'un monde.
– Et que vous disent-elles avant de partir ? demanda Médée avec une certaine curiosité.
– De..., commençai-je avec hésitation. Si nous voulions rester ou partir, en général nous partons à chaque fois...
– Et c'est tout ?
– Le reste ne vous concerne pas, répliquai-je rapidement.
– Pardonnez mes questions indiscrètes, mais c'est fascinant de pouvoir savoir que des êtres humains voyagent à travers d'autres mondes par simple décision divine.
– Ces voyages viennent au prix de sacrifices, argumentai-je en me levant de ma chaise. Je meurs quand mon frère meurt ou quand mon amant décède, et ce même si je ne l'ai pas encore rencontré. Je dois changer le destin des personnes que je croise. Je ne peux pas enfanter. Je dois parfois tuer un changeur de destin pour éviter qu'il ne souffre... »
Je me pinçai les lèvres en repensant au poignard que j'avais enfoncé dans le coeur de Zircon. C'était la seule manière que j'avais pour diminuer sa douleur. Et étrangement, je savais que c'était une sensation horrible que de perdre son compagnon de voyage même si dans ce monde, je n'avais pas encore perdu Onyx. Je savais au fond de moi que je devais tuer.
« Vous ne pouvez pas enfanter ? Il n'y aura pas d'héritiers..., souffla Médée, médusée.
– Léandre est là. Il fera un très bon guerrier ! criai-je presque, les poings serrés.
– Mais il n'est pas de sang royal !
– Peut-être, mais il est notre fils. »
Ma voix colérique laissa place au silence. Médée resta pensive, tandis que je voulais lui envoyer mon poing dans sa figure. La curiosité était une chose, mais qu'elle dise que Léandre n'était rien me mettait hors de moi. Au bout d'un moment, elle hocha la tête comme si elle était arrivée à une conclusion.
Elle se leva vêtue de sa toge blanche et s'approcha des centaures avec une fiole à la main. Elle versa quelques gouttes entre les lèvres de Thaumas puis je l'entendis gémir. La Prêtresse continua sa distribution jusqu'à Adonis. Ce fut le dernier à pouvoir bouger de nouveau.
Je lâchai un cri de joie avant de sauter sur mon mari. Sans attendre, je l'embrassai pendant de longues secondes sans jamais enlever le sourire collé sur mon visage.
« Tu es de retour, dis-je par télépathie avec soulagement.
– Oui. »
Un sourire illumina son regard. Onyx et Adélaïde semblaient aussi en pleine forme. Mon frère s'était jeté sur la jeune guerrière pour dévorer sa bouche avant qu'il ne cache son visage contre son cou. Adélaïde se laissa faire, certainement choquée, mais aussi soulagée de le retrouver.
Ce fut le moment que choisit Eugène pour arriver dans la salle. Avec joie, je lui fis une accolade avant qu'Adonis ne lui fasse un hochement de tête approbateur.
« Alors qu'elle était le poison ? demanda Eugène.
– Simplement des herbes vénéneuses. Rien de bien compliqué à concocter, ce qui ne m'étonnait pas des humains. Si primitifs à ce niveau, dit-elle d'une voix morne.
– Q-quoi ? dis-je, abasourdie. Vous voulez dire que l'antidote était simple à faire ? Mais vous avez pris toute la journée !
– Je voulais des réponses tout d'abord.
– Des réponses ? Vous avez attendu que je parle pour me poser des questions alors que j'étais inquiète ?! Mais je vais vous étrangler bordel ! »
À ces paroles, je me jetais sur elle, les mains en avant. Adonis me rattrapa avec un bras autour de ma taille. Il remercia la Prêtresse puis descendis de la tour en me poussant vers la sortie. Malgré mes protestations, il ne dit rien. Très vite, j'arrêtai de gesticuler et voulus lui demander ce qui n'allait pas, mais Léandre apparut et se rua sur son père. Je les laissai ensemble tout en me tenant sur le côté avec un faux sourire sur le visage.
Quelque chose n'allait pas.
Je laissai Adonis avec les autres membres de sa famille et me dirigeai vers mon frère que je voyais seul.
« Où est Adélaïde ? » demandai-je.
Sa mâchoire se contracta. Lui qui avait un visage renfermé et une personnalité qui n'était pas vraiment ouverte aux autres, cette tension me faisait peur. Je le vis lancer un coup d'oeil à Adonis avant de me prendre la main pour m'emmener je ne sais où.
Quand il était dans cet état, j'avais appris depuis petite à ne pas le mettre en colère. Il arrivait qu'il ne me parlait plus pendant des jours si je répliquais. Alors je ne le faisais plus et attendais qu'il se calme pour me parler.
Nous nous arrêtâmes en plein milieu d'un couloir où les ombres dansaient sur les murs. À travers les immenses vitres, les rayons lunaires nous éclairaient d'un halo gris. Je continuai de fixer Onyx sous sa forme de centaure en me tordant le cou pour voir son visage. Cependant, son regard était rivé vers la lune exposée dehors.
« Tout ce que tu as dit à la Prêtresse, on l'a entendu.
– Quoi ?
– Le fait que les changeurs de destins ne pouvaient pas enfanter, répéta-t-il en me fixant dans les yeux, même quand nous étions hypnotisés on a entendu. T'étais obligée de lui dire ?! J'avais enfin réussi à me rapprocher d'Adélaïde et là je dois tout recommencer !
– Quoi ?! C'est ma faute maintenant ? Comment est-ce que je pouvais savoir que vous entendiez ?! Bordel Onyx, tu ne peux pas m'accuser comme ça ! »
Je le vis souffler avant de s'en aller. Les bras ballants, je le regardais impuissante. J'avais peut-être commis une erreur, mais je payais le prix aussi. Je comprenais pourquoi Adonis était distant avec moi. Épuisée par les événements, je marchais vers la salle au fond du château : l'antre du dragon. Celle où Adonis et moi avions fait l'amour la première fois.
Tout était sombre, mais avec une torche prise dans le couloir, j'allumai les bougies de la salle. La chambre n'avait pas changé ; les meubles étaient toujours incrustés d'or. Éclatant. Je continuai ma marche pour allumer la cheminée. Un peu de chaleur me ferait sûrement du bien. Ou pas...
Je m'installai en tailleur devant le feu et attendant. Quoi ? Aucune idée. Mes paupières se fermèrent doucement tandis que je restais assise. Reposer mes yeux ne pouvait pas me faire de mal.
Soudain, je sursautais en sentant des bras autour de moi. Quand je compris que c'était Adonis, je me calmai et refermai les yeux tout en calant ma tête contre son torse nu. Ses battements de cœurs m'apaisèrent, mais il s'éloigna trop vite de moi. Mon corps se posa sur un lit puis des draps me recouvrirent. Je gardai les yeux fermés tout en appréciant les doigts de mon mari me caresser les cheveux. Il devait être allongé sur le lit, tourné de profil vers moi.
« Tu m'en veux ?
– Me l'aurais-tu révélé ? demanda doucement Adonis.
– Non, chuchotai-je. Tu aurais conclu dans quelques années que je ne pourrais pas avoir d'enfants. »
Je sentis sa main se rétracter. J'avais peur d'ouvrir les yeux, je ne voulais pas voir son visage en colère. D'un coup, je me retournai pour me lever du lit, mais un bras s'accrocha à ma taille et me poussa contre son torse. Je fermai de nouveau les yeux et cacher mon visage dans les oreillers pour qu'il n'entende pas mes pleurs.
« J'aurais tellement voulu donner naissance, mais j'apprécie cette vie que les Moires m'ont offerte. Je suis censée être morte avec mon frère dans un accident, et pourtant j'ai vécu toutes ces choses dans ce monde. Les centaures n'existent pas dans mon monde, ce sont des créatures imaginaires.
– Ambre, je comprends maintenant. Pardonne-moi, j'avais besoin de réfléchir. Seul. Et ta présence ne m'aidait pas à voir clairement, » supplia-t-il presque.
Je me tournai vers lui pour voir son visage peiné. Je pouvais comprendre son envie de réfléchir seul, ça arrivait à tout le monde. Je soupirai en lui touchant la mâchoire. Ses brûlures étaient toujours présentes et le seraient toujours, mais Adonis n'arrivait pas à me fixer quand je le touchais ainsi. La peur était là et sûrement la honte aussi.
Je souris et m'approchai pour l'embrasser. D'abord surpris, il se laissa ensuite faire. Tout en continuant les jeux entre nos langues, je le chevauchais en mettant mes cuisses de part et d'autre de son torse allongé. J'éloignai ma bouche de la sienne, essoufflée puis enlevai mon haut. Je vis le désir brûlant dans les prunelles grises d'Adonis.
Avec souplesse et rapidité, il échangea nos positions, lui se trouvant au-dessus et moi en dessous. Je lâchai un rire joyeux avant qu'il ne me fasse taire d'un autre baiser langoureux. Une chaleur chemina tout mon corps jusqu'à contracter mon bas ventre. Croulant sous le désir, je n'hésitai pas à laisser mes mains se balader sur son corps tandis qu'il en faisant autant avec les siens.
« Maman ! Faut que vous veniez ! Vite ! La fête ! »
Je grognai de mécontentement en entendant la voix de Léandre dans ma tête. Adonis me regarda avec inquiétude.
« Il faut vraiment que tu me dises comment tu bloques les voix, dis-je. Léandre nous dit de venir rapidement à la fête d'après ce que j'ai compris.
– Plus tard, lâcha Adonis en cachant son visage dans mon cou, ce qui me fit éclater de rire.
– Allez viens, on aura tout le temps de faire l'amour plus tard ! Eugène et Onyx doivent repartir chez eux, on ne les verra plus avant quelque temps, stipulai-je en me levant du lit pour me rhabiller.
– Et ton frère ? Ne voudrais-tu pas qu'il reste ici ?
– Non, dis-je en secouant la tête. Il a sa propre vie à mener. Je suis simplement contente de l'avoir revu. Et j'espère qu'on se reverra plus tard. »
Je souris à mon mari avant qu'il me prenne la main pour aller dans la salle du trône. Celle-ci était pleine de monde. Centaures, humains, adultes, femmes, enfants. C'était une fourmilière géante avec des éclats de rire et des chansons anciennes.
Plus tard dans la soirée, une réunion se tint avec Eugène et Onyx. Des alliances se firent, mais je ne voulais pas en entendre parler. Je me contentais d'aller dans l'antre du dragon une nouvelle fois pour attendre Adonis. La fête m'avait plus qu'épuisée. Je bâillai plusieurs fois, mais ne m'endormis que quand mon mari se glissa sous les couvertures pour me prendre dans ses bras.
Le lendemain, Eugène s'en alla avec ses hommes et quelques centaures qui voulaient l'aider tandis qu'Adélaïde rejoignit Onyx pour partir chez lui. Ils semblaient s'être réconciliés depuis mon annonce involontaire.
« À bientôt, Onyx. »
Il desserra son étreinte pour me reposer à terre puis laissa un baiser sur mon front. Je souris à Adélaïde qui était sous forme de centaure. Ils faisaient un beau couple, c'était certain. Adonis glissa un bras contre ma taille alors que Léandre me tenait la main en agitant l'autre énergiquement pour souhaiter une bonne route aux autres centaures.
Finalement, j'avais retrouvé mon frère, mon amant et le héros de cette histoire. Encore fallait-il surveiller Eugène dans les années à venir. Ce ne serait pas étonnant qu'une autre tuerie se prépare prochainement. Après tout, nous ne connaissions pas l'avenir.
J'espérai simplement que le Royaume d'Hélia soit prospère pendant encore longtemps. Ainsi je pourrais passer un long moment avec Adonis sans avoir à me soucier d'un nouveau monde à visiter.
Il reste l'épilogue ;) Et je pense que je peux étoffer un peu les derniers paragraphes. Je le ferais jeudi si je peux.
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