Chapitre 26 - La douleur de Zircon et le retour d'Onyx
Dans le chapitre précédent :
« Je ne l'ai pas tuée, dit calmement Onyx, et je le croyais.
– Foutaises ! Tu étais penchée sur l'ourse pour la tuer ! clama Adonis avec la rage dictant ses paroles.
– Adonis... soufflai-je tandis qu'il me retourna pour me prendre dans ses bras alors que j'étais toujours à quelques mètres du sol.
– Je ne l'ai pas tuée, répéta Onyx en direction d'Adonis puis son regard se tourna vers le mien. Est-ce qu'il sait ?
– Oui, je lui ai révélé qui j'étais hier. Je dois y aller. Zircon est à l'intérieur, il ne doit pas la voir. Occupe-toi d'Agathe ! lançai-je en me dégageant des bras d'Adonis pour courir vers le château.
– Je ne suis pas celui que vous croyez, » entendis-je Onyx dire à Adonis avant que je ne m'enfonce trop loin dans la forêt.
Et je sus qu'à ce moment-là, le Roi Adonis ne pourrait jamais réclamer vengeance, car le véritable Roi X était mort il y a de cela deux longues années. Avec la tristesse me portant, je me précipitai vers un hall du château où Zircon était déjà présent. Mais il était au sol, tenant sa poitrine d'une main tandis qu'il essayait de se relever.
« Où est-elle ? » demanda-t-il en me fixant avec colère.
***
Je m'agenouillai près de lui pour l'aider à se relever, mais il me répétait sans cesse la même question. Et moi, je restai muette face à ses plaintes. Il savait que sa meilleure amie était morte. Cette douleur qu'il ressentait comme une brûlure sera encore plus forte après quelques heures.
Que devais-je faire ?
« Ambre... grogna-t-il comme un chien enragé.
– Elle est morte quelques secondes plus tôt, le temps que j'arrive ici, expliquai-je doucement.
– Et tu n'as pas essayé de la sauver ? demanda-t-il avec incrédulité et rage tandis que je vis un attroupement autour de nous.
– Il était déjà trop tard Zircon. »
Malgré ma voix douce, il refusa mon aide pour se relever et me projeta à terre avec ses bras qui gardaient une certaine puissance due à sa nature de centaure. Même si je n'eus pas mal en retombant sur les fesses, Adonis, qui était revenu, grogna férocement contre le jeune mourant. Je soupirai tandis que mon mari m'aida et capturai son visage avec mes mains pour qu'il se calme en me regardant, une méthode qui marcha assez bien.
Je souris et ordonnai aux autres hommes de ne pas laisser sortir Joker. Comme un homme, ils empoignèrent mon ami et leur ami aussi, alors qu'il proférait des insultes à ces mêmes centaures. La douleur lui faisait mal, et faisait du mal aux autres.
J'ordonnai aux hommes de le laisser maintenant qu'il était trop faible pour marcher et ils obéirent. Je m'approchai de Zircon malgré les protestations de mon mari. Et, d'un geste fluide, je vins devant mon ami et plantai la dague, portée auparavant sur ma cuisse, dans son coeur sans jamais quitter ses yeux verts. Ceux-ci s'agrandirent sous la surprise et la douleur, puis il relâcha un soupir. Il savait que c'était terminé pour lui donc il abandonna.
« Je ne peux pas te laisser la voir, je suis désolée Zircon. Tu sais, je t'aime bien, même si tu es lourd par moment. »
L'homme qui se faisait passer pour le Joker fit un sourire grimaçant. Se vidant de son sang, son corps ne tint plus. Ses genoux tombèrent sur le sol dallé, et je le suivis dans cette chute. Je l'allongeai pour qu'il soit plus à l'aise et attendis près de lui, son dernier souffle.
Je ne fis pas attention aux cris outrés autour de moi, je ne fis pas attention à Amédé qui essayait de venir vers moi, je ne fis pas attention à Adonis qui le retenait.
Toute mon attention était tournée vers cet ami à terre que j'avais poignardé sans hésitation. C'était un autre de nos fardeaux, à nous les Changeurs de Destins. Tuer ses amis pour qu'ils s'en aillent sans la souffrance écrasante de la perte de son compagnon ou compagne de voyage.
« Imagine Agathe en train de supporter un gars comme moi. Je n'ai jamais su comment elle avait pu être mon amie, pourquoi elle était venue vers moi pour me parler dans cette cour de récré alors que les filles voulaient jouer avec elle. Depuis on ne s'est plus jamais quitté, tu sais. Quand je faisais des conneries, elle était toujours là pour me crier dessus et me remettre sur le droit chemin. Je lui dois beaucoup. Énormément, déclara le jeune mourant tandis que mes larmes coulèrent librement sur mes joues.
– J'espère qu'on se reverra Zircon. »
Après ces dernières paroles que je lui adressais avec un doux sourire, il ferma les yeux et s'en alla. Loin. Très loin d'ici, de ce monde. Il était parti rejoindre Agathe. Enfin ensemble.
J'essuyai mes larmes et me levai en tremblant. Les émotions bouleversantes étaient encore trop présentes dans mon esprit. Je pris le temps de respirer lentement. Puis levai les yeux pour fixer Onyx, mon frère qui venait d'arriver dans l'enceinte du château. Je souris tendrement tandis qu'il hocha la tête en gardant son expression de marbre.
J'avais bien fait, c'était ce qu'il fallait faire. Je n'avais pas d'autres choix. Dès que l'un du duo des voyageurs mourrait, l'autre mourrait quelques heures après avec souffrance. C'était ce que les Moires nous avaient soufflé, donc le seul moyen d'abréger leur douleur était de les tuer. C'était pour cela aussi qu'il était mieux, voire nécessaire d'avoir plusieurs paires de voyageurs dans un même monde.
On pouvait se retrouver et travailler ensemble, sauver le plus de monde possible de leurs destins néfastes. Un don comme une malédiction. Mais nous le savions. Quand nous étions devant les vieilles femmes, nous avions connaissance de toutes ces contraintes. Et pourtant, nous avions accepté. Le jeu en valait la peine...
« Il faut brûler son corps, Adonis, » lui informai-je alors qu'il me prit par les épaules pour m'éloigner du corps de Zircon.
Pour toute réponse, il hocha la tête et des hommes vinrent s'occuper de lui. Je fus déçue qu'Adonis ait repris sa forme humaine. Je voulais encore l'admirer sous ses traits de centaures. Seuls Onyx et ses hommes étaient restés sous cette nature fantastique.
Nous commençâmes à marcher vers la salle du trône, et j'aperçus enfin l'hostilité dans les regards de nos centaures. Onyx marchait derrière nous, à plusieurs mètres, mais des guerriers les encerclaient et surveillaient tous ces gestes.
Étonnée, je restai néanmoins de marbre jusqu'à ce qu'Adonis s'assoit sur son trône et m'oblige à m'installer sur ses genoux. Je gigotai avant de rester tranquille sur lui. Je vis ensuite plusieurs gardes dans nos rangs sortir avec méfiance. Il ne restait dans la salle plus qu'Adonis, moi, Onyx, un de ses guerriers, Amédé, Nomos et Régis.
Un silence palpable où un concours de regards le plus méchant se fit. Je ne fis rien pendant un instant avant de lever un sourcil en direction d'Onyx pour qu'il cesse cette gaminerie.
« Je ne suis pas venu pour vous attaquer, dit-il de sa voix qui me rappela tant de souvenirs.
– Vous avez attaqué le château où vivait ma femme, appuya Adonis avec un regard dur.
– Ces hommes nous avaient attaqués en premier, nous n'avons fait que nous défendre.
– Ce n'est pas ce que nos guerriers m'ont affirmé, répliqua mon mari, clairement énervé qu'on lui réponde.
– Vos guerriers sont-ils de retour ? »
Adonis resta muet. Les personnes qui avaient été sauvées de cette attaque sur le château d'Alexandre n'étaient toujours pas arrivées jusqu'ici. Je ne savais pas combien de temps il fallait attendre, mais j'espérai qu'ils étaient non loin de notre château.
« Amédé voudrait qu'on le tue. Il ne comprend pas pourquoi nous discutons avec lui... me révéla Adonis par télépathie. Je sais qu'il est ton frère, mais il y a plus que cela n'est-ce pas ?
– Nous sommes venus tous les deux dans ce monde, donc nous repartirons ensemble aussi. S'il meurt, je mourrais aussi, Adonis, expliquai-je doucement alors que sa poigne se resserra autour de ma taille.
– Tu as dit que tu as changé, que tu n'es plus celui que tu étais auparavant, que tu n'es plus ce monstre... Est-ce la vérité X ? demanda Adonis, ravi qu'il soit de mon côté.
– Mensonge ! s'écria Amédé au bord de la rage. Il joue avec nous ! Ne le vois-tu pas Adonis ?! »
En voyant cet élan de colère, je me disais que je devais aussi révéler à Amédé que la vérité sur nous. Mais je ne savais pas si c'était une bonne idée... Je levai le regard vers Onyx pour un soutien quelconque.
« N'y a-t-il que des personnes de confiance ? demanda mon frère en croisant les bras.
– Oui.
– Alors je t'en prie... »
Je pris une longue inspiration avant de révéler la vérité troublante pour certains et horrible pour d'autres. Le fait que X avait changé pendant ces deux dernières années. Il n'était plus le même. J'espérai faire changer d'avis Amédé et les autres sur X. Après tout, cela faisait deux ans qu'il n'avait pas attaqué ce château.
Bien sûr, le changement de comportement de X empêchait Amédé ou Adonis d'exprimer leur vengeance ou de faire un deuil convenable. Parce qu'après tout, c'était ainsi en cette époque que se faisait un deuil. En tuant ceux qui avaient fait du mal à leurs proches. Le taux de criminalité devait être bien élevé, mais les gardes du Roi ou des Seigneurs n'avaient pas les outils nécessaires pour faire justice. Finalement, seule la loi du plus fort gagnait.
« C'est impossible ! marmonna Amédé.
– Comment vous connaissez-vous ? demanda Nomos d'un ton poli. Je pensais que vous étiez étrangère quant à l'existence des centaures ?
– Je ne le savais pas avant de venir ici, » répondis-je honnêtement en fronçant des sourcils.
Un silence pesant s'installa. Un silence que je ne comprenais pas.
« J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
– Il existe différents types de centaures. Certains comme Adonis peuvent se transformer en être humain, et d'autres comme moi, ne peuvent pas effectuer de transformation, expliqua Onyx.
– Je... J'ai un peu merdouillé là, soufflai-je en me pinçant les lèvres.
– Un peu, oui, dit-il avec un regard menaçant, qui fit grogner Adonis derrière moi. Ambre n'a pas vu la partie inférieure de mon corps. Seule la partie supérieure lui avait été visible quand j'ai pris mon bain.
– Un bain ? demanda Adonis plus énervé que jamais.
– Elle se promenait dans la forêt quand je l'ai senti dos à moi. J'étais dans l'eau donc elle n'a pas vu mes attributs inhumains. Elle est ensuite partie vers sa demeure. »
Je restai de marbre en assimilant ce qu'il venait de dire. Bien sûr, c'était un pur mensonge dont je devais retenir au mot près, pour éviter de dire une bêtise plus tard.
« Que faisiez-vous sur ces terres humaines ? » demanda Régis tel un policier en train d'interroger un coupable.
Onyx y répondit sans se démonter. D'autres questions furent posées et ses réponses sortir de sa bouche avec aisance. Il avait toujours été ainsi. Il savait parler. Comparé à moi, il avait voyagé de nombreuses fois dans d'autres pays avec des associations humanitaires. Il n'était plus souvent à la maison pour le Nouvel An ou Noël, mais il faisait toujours en sorte de venir nous voir au moins une fois par an. Même s'il ne le montrait pas, nous lui manquions beaucoup.
« Ambre ? » m'interpela Adonis.
Quand je me retournai vers lui, je me rendis compte que des larmes avaient dévalé mes joues. Je les essuyai rapidement en souriant.
« Ce n'est rien, je suis un peu émotive... »
Personne n'ajouta rien, mais je pus voir le regard de tout le monde sur ma personne. Des regards inquiets.
« Je suis désolée. Tu ne peux pas venger ton père, soufflai-je tristement.
– Ne le sois pas, dit-il en caressant mes joues. Il est mort. C'est tout ce que je souhaitais. »
Je souris tendrement avant qu'un raclement de gorge ne me fasse tourner la tête. Onyx avait les bras croisés et leva un sourcil de mécontentement. Mon grand frère protecteur était de retour et je ne pouvais que rire de son attitude qui m'avait tellement manquée.
Soudain, la porte de la grande salle s'ouvrit sur les cris agacés d'Adélaïde. Adonis et moi nous levâmes, et je partis vers elle, étonnée qu'elle soit de si mauvaise humeur. En descendant les marches, je vis qu'elle n'était pas seule. Un homme souriant la suivait.
Mes yeux s'ouvrirent sous la surprise. Jamais je n'aurais pensé revoir cet homme aux cheveux bruns et surtout pas ici, sur un territoire rempli de centaures.
« Vous ! criai-je presque complètement abasourdie en contemplant le jeune Duc.
– Que faîtes-vous ici ? demanda-t-il aussi étonné que moi, mais avec un grand sourire aux lèvres.
– C'est moi qui devrais vous posez cette question ! Je suis mariée au Roi Adonis, avouai-je en éclatant de rire tout en avançant devant lui. Et vous ?
– Oh, je ne le savais point... dit-il avec un air songeur. Je...
– Vous vous connaissez ? demanda Amédé qui était encore près du trône.
– Oui, on s'est vus au bal, expliquai-je en me tournant vers lui.
– Le bal que j'ai organisé, » précisa Onyx d'une voix rauque qui m'interpela.
Je me tournai vers lui et mon sourire s'envola quand j'aperçus son visage concentré sur Adélaïde. Ils étaient séparés par au moins trois mètres, mais la jeune femme aussi regardait dans les yeux d'Onyx. Quelque chose d'étrange se passait. Je ne comprenais pas quoi, mais c'était intense entre eux deux.
« X... Ton frère a trouvé sa yinéka. »
Les mots d'Adonis dans mon esprit me firent l'effet d'une gifle. Onyx et Adélaïde étaient amants. Je ne savais pas si je devais être heureuse ou non, car à leurs expressions, ils semblaient sur le point de se battre. J'avais l'impression qu'Adélaïde tentait de combattre son attirance pour lui. C'était normal étant donné qu'ils sont censés être ennemis. Je devais expliquer à la jeune centauresse que cet X n'était pas le même que dans ses souvenirs.
Je vis Nomos ainsi que Régis qui crachait des impolitesses dans sa barbe sortir de la salle pour nous laisser entre nous. Pendant plusieurs minutes, je racontais qui j'étais et qui était Onyx. Et personne ne nous interrompit. Les Moires aussi restaient muettes face à mes vérités prononcées.
Alors à votre avis, pourquoi l'homme du bal est là ? ^^ (Il apparaît la première fois dans le Chapitre 2 : Bal et Baiser)
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