Chapitre 20 - Bébés et Prison
Dans le chapitre précédent :
« Habille-toi. »
Son ordre me fit l'effet d'une douche froide. Je me mordis la joue intérieure pour éviter de répliquer et fis ce qu'il me dit. Après m'être enfin vêtue d'un haut et d'un pantalon ample que je pouvais enfin porter, nous filâmes vers je ne savais où. Nous rencontrâmes Amédé ainsi que d'autres hommes et femmes dont je ne connaissais que vaguement le visage.
Soudain, un cri aigu déchira mes oreilles. J'ouvris grands les yeux avant de me précipiter vers la porte où le hurlement de douleur s'était échappé. Ce que je vis me laissa sans voix. Plusieurs femmes humaines bougeaient avec vitesse dans la pièce qui était une chambre tandis qu'il y avait deux créatures surnaturelles dans le lot.
« Bordel ! m'écriai-je en observant leur corps de cheval et leur torse humain. Ce sont des centaures ! »
***
Mon cœur allait exploser de joie tellement j'étais excitée. Mon immense sourire gravait mon visage dans ce sentiment jovial. Je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais. Je remerciai les Moires pour m'avoir envoyée dans un monde avec des centaures. J'adorais ces créatures depuis toute petite. Et avoir devant moi une véritable créature mi-homme, mi-cheval me faisait sauter sur place.
« Adonis ! Un centaure et une centauresse ! Dans la pièce d'à côté ! » m'écriai-je le sourire aux lèvres tandis que je me jetais dans ses bras.
J'avais l'impression que je pouvais enlacer tout le monde pour communiquer ce bonheur que je ressentais. J'étais devenue cette enfant pleine de vie, et cela ne me déplaisait pas malgré les regards interloqués des personnes m'entourant. Je chantais à tue-tête que j'avais vu un centaure et une centauresse. Qui accouchait.
Bien vite, la joie se dissipait par de l'inquiétude. La jeune centauresse était en mauvaise posture. Elle n'avait pas arrêté de crier sa douleur. Mais la lassitude se faisait entendre dans sa voix. Je me détachai d'Adonis pour ouvrir la porte derrière laquelle elle allait donner naissance, mais mon mari mit un bras autour de ma taille et me plaqua contre lui.
« Adonis, qu'est-ce que tu fais ? demandai-je en tournant la tête vers lui.
– Tu n'as pas peur de cette centauresse ?
– Quoi ? Non, bien sûr que non ! J'ai toujours rêvé de rencontrer un centaure. Et là, j'en vois deux ! C'est magnifique ! »
Le regard abasourdi d'Adonis ainsi que d'Amédé me portait à interrogation. Je ne comprenais pas leur état. Peut-être croyait-il que j'aurais eu peur en les voyant ?
« Adonis, l'accouchement ne se passe pas bien. Il faut que je les aide, » dis-je en essayant de me retirer de sa prise.
Heureusement, il me relâcha et je pus revoir la magnifique centauresse. Que du bonheur pour mes yeux, mais l'excitation fut de courte durée quand elle cria de nouveau. Le bébé ne sortait pas malgré la Prêtresse Médée qui tentait de lui donner naissance. Elle récitait aussi des prières.
Je m'approchai d'elle et lui demandai ce qu'il s'était passé exactement. Surprise de me voir ici, je pouvais voir qu'elle était aux bords des larmes.
« L'enfant ne sort pas...
– Est-ce qu'elle a toujours été un centaure ? demandai-je plus à cause de la curiosité que pour l'accouchement.
– Oui, bien sûr !
– Oh, ça aurait été plus pratique si elle pouvait se transformer en humaine, soufflai-je déçue et alarmée par la manière dont je devais m'y prendre avec ce corps de cheval.
– Elle peut se transformer en humaine, mais l'accouchement est imminent. Se transformer serait risqué pour l'enfant.
– Qu'allez-vous faire alors ? » questionnai-je en chuchotant vers Médée.
La jeune Prêtresse ne me répondit pas. Seul un regard triste voila ses yeux gris. Je fronçai des sourcils en réfléchissant à un moyen de donner naissance à cet enfant. Peut-être qu'il était simplement gros ou qu'ils étaient deux ou qu'il était mal placé dans l'utérus pour pouvoir sortir aisément. Je ne pouvais pas faire de césarienne, je ne connaissais pas bien l'anatomie des chevaux.
« Il faut qu'elle se transforme, exigeai-je.
– Non, l'enfant ne survivra pas et nous avons besoin de lui. Cela fait déjà plus d'une génération que les naissances n'aboutissent pas.
– Êtes-vous aveugle ? L'enfant ne survivra pas tant que la mère restera ainsi. Je peux l'aider si elle redevient humaine, mais en restant ainsi, je ne pourrais rien faire. Il faut qu'elle se transforme. »
Je regardai le mari centaure qui hésita avant d'hocher la tête. La mère épuisée me regarda les larmes aux yeux puis commença sa transformation. Ce n'était pas extraordinaire comme je l'aurais souhaité, mais c'était assez rapide pour la situation actuelle. Après quelques secondes, la jeune femme était nue et à terre. Plusieurs femmes la portèrent pour la déposer sur le lit. Je pus enfin me mettre au travail.
Je palpai le ventre pour sentir comment était positionné le bébé. J'avais de la chance, car la tête était vers le bas, et j'eus une autre surprise en touchant le ventre rond. Je souris un bref instant avant de donner les instructions à la jeune mère. Elle poussa à chaque contraction. Dès que la tête sortit, j'aidais le bébé pour le sortir complètement. Il cria, ce qui soulagea tout le monde.
Soudain, la jeune femme poussa un autre cri de douleur. Comme je le pensais, il y avait un autre bébé. Je m'enduisis les avant-bras d'huile et plongeai ma main droite à l'intérieur pour dégager le fœtus. Je réussis à le sortir, mais comme je l'avais senti. Quelque chose n'allait pas avec lui. Il était atrophié d'un bras et d'une jambe. Je le cachai à ses parents et me mis en face de Médée. Elle regarda l'enfant avec de grands yeux, puis la tristesse la percuta. Je lui confiai le nouveau-né mort et me retournai pour enlever le placenta en entier.
« Que se passe-t-il ? Où est mon bébé ? demanda la jeune mère qui avait l'air d'avoir mon âge, mais je savais qu'elle devait être beaucoup plus âgée qu'une humaine.
– Je suis désolée... » répondis-je dans un souffle.
La mère ouvrit grands les yeux embués de larmes. Elle répétait qu'elle voulait voir son bébé. Je ne savais pas si c'était une bonne idée, mais Médée l'approcha près d'elle. Elle put voir à quoi ressemblait ce second enfant et ne fut pas du tout dégoûtée. Je souris avec tristesse à cette scène touchante. Tour à tour, le père et la mère cajolèrent le petit être.
Trop d'émotions. L'air commençait à me manquer. Je devais sortir de là. J'ouvris la porte avec lassitude et sortis. Je longeai les murs tout en m'appuyant dessus, laissant des traces de sangs et d'huile à mon passage. J'avais l'impression que je portais un gros fardeau sur mes épaules. Exténuée.
« Ambre ? »
Je me retournai avec surprise vers la voix d'Adonis. Il me regarda avec un mélange d'inquiétude et de crainte. Comme tous ces hommes et femmes autour de lui. Emeline et Claire étaient aussi présentes.
« Q-que s'est-il passé ? demanda Emeline avec peur.
– Oh, un magnifique garçon est né, dis-je en arborant mon plus beau sourire.
– Un garçon ? Vous voulez dire qu'un enfant est né ? Il est vivant ?
– En pleine forme ! Un peu gros, mais vous pourrez demander à Médée les détails. »
Je me retournai et continuai de marcher vers ma chambre. Ou ce que je souhaitais être ma chambre. Mais en réalité, mes pensées étaient tellement vides que je ne savais pas où je me rendais. Je voulais juste partir. M'éloigner de cet enfant atrophié que je n'avais pas réussi à sauver. C'était de ma faute. Soudain, mes jambes lâchèrent et ma vision glissa dans les ténèbres.
Je plissai des yeux pour les ouvrir. Les rideaux étaient pourtant fermés pour éviter les rayons de soleil de m'éclairer. La pièce était sombre, seul le feu dans la cheminée illuminait la chambre. Je grognai en frottant mes yeux. En voulant me lever, je me rendis compte que j'étais toute nue sous les draps de fourrures. Je soupirai en me recouchant sur le dos.
« La belle au bois dormant s'est enfin réveillée ? Moi qui voulais tellement l'embrasser, c'est raté ! s'exclama Zircon qui était sur le bord de la fenêtre.
– Zircon, depuis quand tu es là ? Je ne t'ai même pas entendu arriver... demandai-je en plissant des yeux d'un air suspect.
– ça, ma chère, c'est tout l'art d'être un ninja. Ce que tu n'es pas ! Bon, tu te rappelles de ce qu'il s'est passé ?
– Oui, je suis tombée dans les pommes après que l'enfant soit né, racontai-je la gorge nouée en repensant à son frère. Qu'ont-ils fait à l'autre ?
– Le jumeau qui n'a pas survécu a été brûlé après que Médée ait prié pour que la Déesse le prenne sous sa protection. C'est ainsi qu'on dit adieu aux défunts ici, déclara-t-il doucement.
– C'est ma faute, soufflai-je entre les dents. Si je n'avais pas demandé à la mère de se transformer en humaine, les deux jumeaux seraient encore vivants.
– Non, je t'interdis de dire ça. Cela fait des générations que les nouveau-nés meurent. Tu es la première à réussir cet exploit. Si j'avais eu plus de connaissances en la matière, j'aurais aidé, mais j'ai jamais vu des accouchements à la télé et encore moins assisté à des accouchements. Parce qu'entre nous, faut vraiment dire que c'est dégoûtant.
– C'est vrai, dis-je en souriant. Mais...
– Pas de mais, ce que tu as fait a donné de l'espoir à toute la communauté des centaures... »
Il s'arrêta un instant, surpris par ce qu'il venait d'avouer. Apparemment, il pouvait enfin révéler le mot qu'il ne pouvait pas prononcé avant. Centaure. Leur véritable nature.
« D'accord, mais des centaures ? dis-je en m'asseyant sur le lit tout en gardant la couverture sur ma poitrine.
– Je sais, c'est dingue, non ? Nous sommes tous des centaures qui peuvent se transformer en êtres humains. Seules toi et ton amie Claire êtes des humaines à part entière dans ce château.
– Eh bien, c'est un sacré choc. Je n'y avais pas songé. Mais maintenant, je sais d'où provenaient les bruits de sabots que j'entendais de temps en temps.
– Ah oui ! Depuis que vous êtes là, Adonis a ordonné de ne pas se montrer en mode centaure. Mais certains n'en peuvent plus d'être piégés dans le corps d'un homme. Ils n'ont pas vraiment l'habitude.
– Je vois, c'est pour ça que les maisons sont assez hautes.
– Exact ! Bon, vu que tu vas bien, je vais m'en aller, lança-t-il en grimpant sur les bords de la fenêtre.
– Attends ! Il est quelle heure ?
– C'est bientôt le dîner d'après le soleil couchant, pourquoi ?
– Agathe. Je lui ai dit que je viendrais la voir aujourd'hui... avouai-je en me mordant la lèvre.
– Oh alors tu l'as rencontrée ! hurla presque Zircon. J'espère qu'elle ne t'a pas trop effrayé. Ne t'en fais pas, je lui dirai que tu ne pourras pas venir. Elle comprendra. Mais si tu pouvais la voir quand tu auras rechargé ta batterie, ce serait bien.
– Bien sûr, » soufflai-je avec un sourire.
La pauvre ourse devait se sentir bien seule dans la forêt. Heureusement que Zircon l'avait trouvée assez rapidement, mais ça ne changeait pas l'état dans lequel elle se trouvait. Les Moires avaient été bien imaginatives pour l'envoyer dans un corps d'ourse brune.
Soudain, Zircon me regarda d'une drôle de façon puis se dirigea vers le lit. Je le fixai de manière confuse quand il se mit debout sur le lit et le traversa en prenant soin de ne pas cogner mes jambes. Il arriva devant la porte puis la referma avant de m'envoyer un clin d'oeil. Je fronçai toujours des sourcils avant d'éclater de rire. Cet homme me surprendra toujours. Il ne m'avait pas trop embêtée aujourd'hui, ce que j'appréciai grandement.
Mon ventre gargouilla sa faim. Je soupirai avant de prendre mes cheveux blonds pour en faire un chignon. Après avoir fini ma coiffure, je me figeai face à l'homme qui se tenait en face de moi. J'ouvris grands les yeux, puis amenai la fourrure sur ma poitrine découverte.
« Depuis quand es-tu là ? demandai-je choquée parce que lui non plus, je ne l'avais pas entendu entrer.
– Avant que... Zircon arrive. C'est comme ça que s'appelle Joker en réalité ? demanda Adonis en croisant les bras devant le pied de lit.
– Euh... oui, il s'appelle Zircon. »
Je réfléchis avec rapidité. Zircon devait sûrement savoir qu'Adonis était dans la chambre. Il était un centaure aussi, donc il avait fait exprès de révéler notre conservation... En fait, cet homme était vraiment une ordure. Il était parti en me laissant seul avec Adonis.
La colère m'envahissant, je serrai les fourrures sur mon corps tout en maudissant dans mon esprit Zircon. Cependant, je n'avais pas senti Adonis s'approcher de moi entre temps. Lorsqu'il s'assit sur le lit, je sortis de mes pensées.
« Depuis quand vous connaissez-vous ?
– Je ne l'ai rencontré qu'en arrivant ici, dis-je simplement en espérant calmer ma respiration.
– Vraiment ? »
J'hochai la tête en le regardant avec appréhension.
« Adonis, tu es vraiment un centaure ? demandai-je alors qu'il se crispa.
– Oui. »
Et cette affirmation ne me plaisait pas. Si Adonis était un centaure et qu'il pouvait vivre plus longtemps qu'un être humain, alors je ne pouvais pas risquer sa mort à cause de ma mort justement. Et si Onyx était humain comme moi, il mourrait, ce qui entraînerait ma mort puis la mort d'Adonis étant donné qu'on était lié. Et je ne pouvais pas accepter ce cas.
Je me levai du lit et pris des vêtements déposés sur le fauteuil devant la cheminée. Je m'habillai en vitesse et allai sortir de la chambre, mais Adonis me prit par le bras avant de me coller à son corps.
« Où vas-tu avec tant de hâte ? gronda-t-il avec le regard perçant.
– Il faut que je vois mon frère.
– Non, dit-il en resserrant sa prise.
– Je dois juste voir s'il va bien. Je veux juste lui parler, ça ne prendra que quelques heures, puis je reviendrais. Tu peux même venir avec moi, exposai-je en poussant son torse pour qu'il me relâche.
– Non, tu ne partiras pas d'ici.
– Adonis ! Lâche-moi ! Je dois partir ! Maintenant ! »
À mes cris, il serra les dents et m'emmena vers le lit. J'essayai de me débattre, mais son emprise me comprima les bras. Il m'obligea à m'assoir puis en me regardant dans les yeux, prononça des mots avec un sérieux qui me faisait peur.
« Tu ne partiras pas d'ici. »
Un cliquetis se fit entendre après ces paroles décisives. Je regardais ma cheville avec surprise. Un bracelet en fer relié à une grosse chaîne y était attaché.
« Tu te fous de moi là, » murmurai-je trop abasourdie pour y croire.
Le Roi s'éloigna en me laissant seule dans la pièce. Je lui criai des injures dont il ne connaissait pas la plupart. Je marchai derrière lui pour le frapper, mais la chaîne ne me permit pas d'atteindre la porte. Je tombai à terre.
Cet enfoiré m'avait emprisonnée. Je criai encore et encore des injures qui se répercutaient à travers les murs du château. Je voulais que tout le monde entende mes plaintes. Je voulais qu'il paie. Mais je me rendis compte que tout le monde était de son côté, tout le monde était ses hommes, tout le monde était contre moi. Personne ne m'aiderait à sortir.
À part Zircon. Mais après la conversation qu'on avait eue, Adonis ferait en sorte qu'il ne me vienne pas en aide. C'était certain. Je tentais une nouvelle fois de retirer le bracelet qui m'emprisonnait, mais rien à faire. J'étais sa prisonnière. La prisonnière d'un centaure.
C'est classe d'être prisonnier d'un centaure non ? ^^
Bon, d'accord, non ça ne l'est pas. Pour le coup, Adonis a été plutôt brutal. Espérons que ce n'est pas un véritable monstre qui se cache sous ce masque ^^
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