Chapitre 18 - Noms et Choix
Dans le chapitre précédent :
« Tu es si belle... dit-il avec une pointe de tristesse. Alors que je ne le suis pas. Ce qu'il y a sous ce masque te dégoûterait pour toujours.
– Adonis, la beauté est subjective. Même si je suis belle, ça ne veut pas dire que je te verrais comme un monstre si tu as quelques cicatrices sur le visage. »
À cela, il se tut. Ses lèvres pincées montraient qu'il n'était pas d'accord avec moi. Je soupirai puis bâillai de fatigue. La journée avait été épuisante. Mais j'avais encore tellement de questions à lui poser. Notamment sur notre réunion et ce Roi ennemi.
« Dors, » me souffla-t-il avant de mettre un bras autour de mon corps pour me rapprocher du sien. Je le laissai faire puis fermai mes paupières sachant que j'étais entourée de cette chaleur confortable.
De nouveau, le même manège se mit en place dès que je fermai les yeux. J'étais devant la table blanche où étaient posées les cartes de Tarot. Je soupirai ne sachant que faire.
« Ambre ? Qu'est-ce que tu fais là ? »
Je me retournai vers la source de cette voix, étonnée de voir cet homme dans mes songes aussi.
***
« Zircon ?
– En personne. Pourquoi on est réunis ici ?
– Aucune idée... Les deux dernières fois, tu n'étais pas là.
– Je n'ai pas dormi au château la nuit dernière et celle d'avant... Je suis restée dehors avec Agathe, expliqua-t-il. C'est quand même bizarre tout ça.
– Oui. »
Il avança vers la table et observa les cartes d'un air surpris. En suivant son regard, je vis qu'il y avait plus de noms qu'avant inscrit sous les cartes.
« Emeline, impératrice ? Vraiment ? Et moi alors ? demandai-je, vexée, en croisant les bras.
– Toi, ma belle, tu es plus la Papesse. L'analyse, la réflexion, c'est ton domaine non ?
– Oui, c'est ça, rattrape-toi. Pourquoi Adonis n'est pas l'empereur ?
– Je pensais mettre Régis dans le rôle de l'Empereur qui possède des biens plutôt qui domine le monde, si tu vois ce que je veux dire.
– Très bien. Nomos est le blond aux cheveux longs avec qui j'étais à la réunion, c'est ça ? Et Polibé est le bibliothécaire... Le Diable est le château ? Ce n'est pas un peu tiré par les cheveux ? demandai-je, étonnée.
– Oui, Nomos relit les textes de loi. J'ai une hypothèse concernant le château. Tu as bien senti toute cette magie qui émane des murs ? (J'hochai la tête, attentive.) Eh bien, je pense que le château est un véritable être, peut-être doué de conscience, et c'est lui qui nous envoie ici... Pour moi, cette hypothèse se confirme parce que dès que j'ai mis les pieds dehors, je ne viens pas ici... Je fais un rêve tout simple comme avant.
– Mais moi aussi, il m'est arrivé une fois de ne pas être envoyé ici et pourtant j'étais au château...
– Oui, parce que tu n'avais pas rencontré assez de personnes dans ce monde pour ajouter un nouveau nom. Quand je te dis que le château peut être doué de conscience, je ne plaisante pas Ambre.
– Mais ça ne pourrait pas être des personnes physiques qui nous envoient ici, comme des magiciens ou des sorciers ?
– Les magiciens, sorciers, fées, n'existent pas dans ce monde, affirma Zircon.
– D'accord, alors si tu as juste, il serait un peu comme le Château ambulant de Miyazaki ?
– C'est ça un peu près ! s'exclama-t-il, excité.
– Bon alors la Roue de Fortune pourrait être le monde dans lequel nous sommes, ou l'histoire. Et l'Étoile pourrait être la bibliothèque ?
– C'est plausible, murmura-t-il en fixant les cartes le poing sous le menton. J'aime bien tes idées, tu peux être la Papesse si tu veux ! »
À cela, il prit la plume et écrit sous la carte de la Roue de Fortune, Histoire, puis sous la carte de l'Étoile, Bibliothèque puis sous la carte de la Papesse, Ambre. Je ne savais pas si mon raisonnement, ni si le sien était juste, mais au moins on pouvait sortir de cet endroit.
Je me réveillai sous des chuchotements parasites. Je plissai des yeux, avant de m'étirer. Je ne trouvais pas un autre corps près du mien. Adonis s'était levé plus tôt que moi alors d'où venaient ces murmures ?
En ouvrant les yeux, je pus voir une petite tête qui me fixait à l'extrémité du lit.
« Bonjour Léandre, que fais-tu là ? demandai-je avec un sourire tout en m'asseyant.
– Je... Je voulais parler à Père.
– Il semblerait qu'il ne soit pas présent. Veux-tu que je lui passe un message ?
– Oui, dit-il hésitant. J'aime pas la viande...
– Oh très bien. Ton message ira vers ton père. Voudrais-tu qu'on mange un peu ensemble ? Je n'aime pas être toute seule, suppliai-je presque.
– Oui ! » hocha-t-il la tête avec enthousiasme.
Une femme vint apporter le repas. Elle me regarda avant de fixer Léandre pour revenir vers moi. Je levai un sourcil pour lui faire comprendre qu'elle prenait trop de temps à lorgner sur nous. Elle déposa le plateau puis je lui demandai de l'eau chaude pour le bain. Elle fit donc des allées retours pour nous remplir le bain pendant que Léandre était assis sur mes cuisses pour manger. Il ne semblait pas être dérangé par le fait que je sois derrière lui. Il m'avait même complimentée sur mon odeur qui était délicieuse. Je ne savais pas comment le prendre, mais leur odorat plus développé devait lui donner une flagrance précise qui me qualifiait.
Une fois finie, je lui demandai s'il voulait partir ou rester avec moi quand je prendrais mon bain. Il avoua qu'il préférait rester avec moi. Je ressentis une certaine fierté stupide. Mais le fait qu'il souhaitait ma compagnie à celle d'Emeline me ravissait.
« Tout se passe bien avec Emeline ? demandai-je alors que je pataugeais dans la baignoire.
– Oui, Tante Emeline est très gentille.
– Alors pourquoi tu n'es pas avec elle ou Adélaïde ? Ils vont s'inquiéter si tu t'enfuis ainsi.
– C'est la faute à Tante Emeline ! Elle veut pas que je joue dehors... se plaignit Léandre.
– Elle veut te garder en sécurité, peut-être...
– Tante Emeline dit beaucoup de mal de vous, dit-il en me regardant droit dans les yeux. Je lui ai dit que c'était méchant, mais elle m'a dit de m'en aller. Je voulais parler à Père pour lui dire plein de choses, mais il est pas là.
– Emeline ne m'aime pas beaucoup, mais je ne me soucie pas de ce qu'elle dit sur moi, petit homme. Elle est comme ça. »
Je sortis de la baignoire pour me rhabiller. En regardant du coin de l'oeil Léandre, je le vis toujours fixer l'eau, plongé dans ses pensées.
« Pourquoi tu n'es pas en colère ? Elle est méchante avec toi.
– Je te l'ai dit, ce n'est pas grave ce qu'elle pense de moi. Elle aime bien parler des autres, ça lui fait du bien, donc je la laisse faire, dis-je avec nonchalance. Bon, ce n'est pas tout, mais je m'ennuie. À quoi on joue aujourd'hui ? »
Une lueur intéressée s'alluma dans les yeux de Léandre. Il réfléchit un instant en regardant dans la pièce. Il garda ses yeux vers la fenêtre ouverte.
« On pourrait chasser dans la forêt ! s'exclama-t-il joyeux.
– Je n'ai jamais chassé ici. Et s'il y avait des ours ? Je ne veux pas que tu te blesses, expliquai-je calmement.
– Alors on pourrait se battre !
– Léandre, à quoi joues-tu avec tes amis ? demandai-je en m'asseyant au sol.
– Père m'emmène à la chasse tous les matins, puis on apprend à écrire, compter et lire avec Polibé et l'après-, on se bat ! raconta-t-il avec un grand sourire.
– Tu ne joues pas tes amis ?
– Bah on joue à se battre pour devenir de grand guerrier, dit-il confus par mes propos.
– D'accord... Est-ce que tu voudrais bien m'apprendre à lire et écrire ? »
À ma demande, ses yeux s'agrandirent de surprise. Il hurla presque que ce n'était pas normal que je ne sache pas lire et écrire. Je lui avouai que je ne connaissais pas leur langue, mais que je voulais bien l'apprendre. Léandre semblait avoir compris et se dirigea vers une étagère qui contenait des livres. Il en prit plusieurs, ceux qu'ils jugeaient nécessaires puis revint s'assoir devant moi. Il y avait un livre aux pages vierges. Il m'expliqua que c'était un cahier d'exercices pour voir mes progrès. Il semblait très consciencieux et devait sûrement m'apprendre comme Polibé lui avait enseigné.
Très concentré, il commença par l'alphabet. Il l'écrivit, l'épela, et je répétai après lui. Nous continuâmes notre cours jusqu'à ce que quelqu'un toque à la porte. Une femme apporta un plateau où les fruits se chevauchaient. Je lui demandai de m'en donner quelques-uns avant qu'elle ne parte. Elle s'exécuta, puis repartit en silence comme elle était arrivée. Mais j'avais bien vu son regard étonné quand elle s'était penchée sur mes feuilles. Je dépliai mes jambes pour qu'elles soient grandes ouvertes et me penchai pour écrire plus confortablement tandis que Léandre mangeait avec hâte.
La matinée passa ainsi, entre moquerie sur ma prononciation et concentration sur mon écriture. Le petit garçon était un très bon professeur, très appliqué à la tâche. Bien sûr, il y avait des choses qu'il ne savait pas qualifier par leur nom comme la grammaire, mais je pus comprendre aisément avec les phrases qu'il fit que les verbes se trouvaient à la fin comme dans la langue latine.
Quand le soleil fut haut dans le ciel, il commença à se tortiller, à ne plus rester en place. J'étais déjà impressionnée qu'il reste aussi longtemps concentré. Mais c'était fini maintenant. J'annonçai la fin de ce cours, et il fut vite soulagé. Il avait faim et voulait aussi aller aux toilettes. Je ris en lui avouant que moi aussi je voulais m'y rendre.
Je savais que des latrines se trouvaient au bout du couloir. Nous y allions donc puis descendîmes vers la salle où un festin devait sûrement être prêt. Je lui soufflai que ce cours devait être notre secret ainsi que tout ce que nous avions dit dans la chambre. Léandre acquiesça de la tête.
Main dans la main, nous entrâmes dans l'immense salle à manger. De nombreuses têtes se retournèrent à notre passage. Surpris, ils continuaient de nous fixer tandis qu'on allait vers la table principale, en haut des marches. Du coin de l'oeil, je pus voir Emeline qui bouillonnait en me lançant un regard menaçant. Un vague sourire déforma mes lèvres.
Enfin arrivés à table, Léandre et moi nous installâmes côte à côte. Il voulut s'assoir sur mes genoux comme dans la chambre, mais je lui intimai de rester sur une chaise. Je lui dis qu'il n'était plus un petit enfant. Les chuchotements se turent quand le Roi entra. Son regard gris se fixa de suite dans le mien. Je déglutis face à la force de ses yeux qui n'était pas amicale. Il avait passé une mauvaise matinée comparé au mien.
« Ton Père a l'air énervé... chuchotai-je en me penchant vers Léandre.
– C'est tous les matins comme ça, dit Joker posté juste derrière ma chaise.
– Tu m'as fait peur, soufflai-je en mettant une main sur mon coeur. Que fais-tu là ? »
L'homme habillé en vert s'en alla sans un mot, mais le sourire aux lèvres. Le salaud m'avait ignorée. Je détestais quand il faisait ça. Adonis vint après et fit son discours comme à son habitude. Cette fois-ci, je pus comprendre qu'il remerciait la Déesse Néphélé et qu'ils devaient se nourrir avec allégresse pour dire que la nourriture était une bonne récolte. Une nourriture pour se battre avec vigueur. Adonis s'assit puis tout le monde mangea le festin.
Tout le monde sauf Léandre. Dans son assiette se trouvait de la viande de je ne sais quel animal. Il jouait avec la cuillère en ne goûtant qu'à la sauce. Alors que j'allais parler, Amédé et Claire vinrent s'installer à table. Devant nous, Claire ne me regardait même plus. Un léger sentiment de tristesse m'envahit, mais je me ressaisis assez vite. Cependant, Léandre avait perçu mon malaise.
« Ne sois pas triste, » chuchota-t-il.
D'abord surprise, je fis un sourire et embrassai ses cheveux. J'avais entraperçu le regard de Claire qui s'était agrandi. Je ne m'en préoccupai pas et fixai l'assiette de Léandre.
« Tu ne voudrais pas demander à ton Père ?
– Non ! chuchota-t-il apeuré.
– Il faut que tu manges quelque chose. Ce n'est pas bon pour toi si tu sautes un repas.
– Mais il va être en colère... argua-t-il en se pinçant les lèvres.
– Tu veux que je demande ? »
Léandre hocha la tête, mais son regard était apeuré par la réponse de son Père. Je me retournai vers Adonis qui me fixait déjà. Il avait ce regard curieux et inquiet. Le problème dans ce lieu était que toutes les oreilles dans la pièce pouvaient clairement nous entendre.
« Il faudrait que je te parle de quelque chose. En privé. »
Étonné, il me fixa avant de me dire que je pouvais parler ici même. Je soupirai puis lui racontai que son fils n'aimait pas la viande.
Des hoquètements de stupeur pétrifiaient la salle. Je sentis les petites mains de Léandre se cramponner à ma taille. Son visage contre mon dos. Je ne savais pas s'il pleurait, mais il allait bientôt le faire.
« Il a besoin de viande pour grandir. C'est de l'irrespect envers notre chasse fructueuse. Ce n'est qu'un caprice, Ambre. »
Sa voix tonitruante montrait sa toute-puissance. Comme si ces paroles étaient lois. Je fus étonnée qu'il soit ainsi. Si demandeur alors que c'est de son fils que l'on parle. Je savais bien que les Rois et autres souverains ne devaient montrer aucune faiblesse devant leur peuple, mais je n'arrivais pas à me faire à cette stupide manière de penser. Comme si être doux avec un enfant pouvait les faire devenir des personnes moins fortes.
La colère augmentait quand Léandre se leva et courut en pleurant à l'extérieur de la salle. Je voulus le rejoindre, mais Adonis m'agrippa le poignet.
« Laisse, il se calmera tout seul.
– Quoi ? Mais tu t'entends parler ? Si ce n'était pas un caprice et qu'il n'aimait réellement pas la viande, pourquoi l'obliger à manger ? Pourquoi le punis-tu ainsi ?
– Une punition ? Manger de la viande serait une punition pour toi ? demanda-t-il étonné, ne comprenant pas ma colère.
– Oui, ça l'est. Il avait peur que tu te fâches s'il te le disait. Pense un peu à combien de temps il cache ce secret pour te satisfaire. Combien de temps il s'est sacrifié seul dans son coin... Pour toi, ce n'est qu'un caprice, mais pour lui c'est plus que ça. Il se sacrifie pour la tradition et surtout pour toi le grand guerrier. Je... Je ne sais même pas pourquoi je te parle encore. Tu vois, c'est ce genre de réaction qui me dégoûte plus que ton apparence Adonis. »
Après ce discours larmoyant, je me précipitai dehors pour essayer de retrouver Léandre. J'allais dans ma chambre, puis errai dans des couloirs. Bientôt, d'autres personnes vinrent à la recherche du petit Léandre. Personne n'arrivait à le trouver alors qu'ils avaient le pouvoir de télépathie.
De plus en plus inquiète, le soleil se couchait et nous n'avions toujours pas de nouvelles de Léandre. Adonis conclut qu'il était dans la forêt. Seul.
Adonis fit des groupes de recherche. Bien sûr, je me portai volontaire pour y aller alors que mon mari ne voulait pas. Je ne l'écoutai pas et me munis d'une lampe pour m'enfoncer dans la forêt sombre et inquiétante.
Désolée pour l'image, je n'en ai pas trouvé d'autres qui soit plus lisible...
Source : http://www.apprendre-tarotdemarseille.com
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