Chapitre 4.2 - Le Commissaire et les meurtres
« Vous souhaitez boire ou manger ?
– Non, merci, répondis-je poliment à la énième personne qui me le demandait. Je voudrais parler au Commissaire si ce n'est pas trop demandé. Je suis venue pour cela.
– Bien sûr, » dit un officier avant de refermer la porte.
Je soupirai encore. Il retardait notre discussion. Je le savais. Assise dans une salle d'interrogatoire similaire en mon époque, je croisai les bras depuis une trentaine de minutes au moins. Une demi-heure à ne rien faire était extrêmement long.
Enfin la porte se rouvrit sur le Commissaire. Il avait enlevé son haut de forme pour révéler ses cheveux sombres.
« Madame semblerait impatiente, murmura-t-il avec amusement.
– Madame en a assez de rester assise sur cette chaise inconfortable, répliquai-je.
– Milles excuses, vous préférez sûrement un divan ou un fauteuil pour poser votre derrière.
– Ce serait déjà mieux oui.
– Dommage, il n'y en a pas ici, finit-il la conversation en s'installant en face de moi. Que faîtes-vous dans cette ville, Wells ? »
Je penchai la tête sur le côté droit, perplexe au fait qu'il balance mon nom de famille sans un préfixe de politesse. Je lui répondis néanmoins.
« La sœur de Peter est une amie à moi. Elle m'a envoyé une lettre me racontant les meurtres commis. Je voulais en savoir plus donc je suis venue à Grimvice.
– Vous semblez recouverte de bonnes intentions... dit le Commissaire, moqueur.
– Que voulez-vous ? Solidarité féminine. »
Un sourire forcé naquit sur mon visage. Cet homme m'agaçait profondément. On n'avançait pas dans cette affaire. Le tueur était encore dehors sûrement en train d'éventrer une autre femme. Frustrée, j'allai lui dire le fond de ma pensée, mais son visage changea d'humeur. Sourcils froncés et yeux droits dans les miens, il mit ses mains à plat sur la table.
« Écoutez, je gère cette affaire. Je suis dessus depuis le début et il est hors de question que quiconque la bousille. Vous semblez intelligente, mais vous êtes une femme et ici chaque femme est en danger, qu'elle vive dans l'Ouest ou l'Est alors la chose la plus sage à faire serait de vite partir de ce lieu. »
J'éclatai de rire à son discours. Une fois calmée, je secouai la tête toujours avec un sourire aux lèvres.
« Jamais je n'abandonnerai cette affaire. Maintenant que je suis là, je ne repartirai pas tant que je n'aurais pas retrouvé le tueur. Vous semblez oublier que toutes ses femmes avaient un point commun, elles couchaient en échange d'argent. Et ce pourrait même être par ce moyen que leur assassin les a dénichées.
– Têtue, n'est-ce pas ? souffla-t-il par dépit.
– Complètement... Je veux vous aider. Je veux autant que vous retrouver ce meurtrier qui sème la terreur dans cette ville. »
Nous nous regardions encore un moment dans les pupilles sombres avant que le Commissaire ne soupire en passant une main dans ses cheveux. J'avais gagné cette bataille. J'étais plus que satisfaite, mais je ne le montrais pas.
Il se leva de la chaise et m'indiqua de le suivre. Nous traversâmes les couloirs gris en croisant des officiers et arrivâmes dans le bureau du Commissaire. La plaque sur la porte portait son nom Commissaire Zircon, mais aussi un dessin d'une moustache similaire à Hercule Poirot. Surprise, je laissai échapper un rire avant qu'il ne referme la porte derrière moi.
Par contre, il n'y avait rien de spectaculaire dans la pièce. Les murs étaient colorés de peinture verte, mais des étagères et armoires les longeaient. Je pris place sur la chaise plus confortable devant le bureau tandis qu'il fit le tour pour s'installer sur son fauteuil. Il s'y adossa et attendit. Je finis l'observation de son bureau en bois qui n'avait que quelques stylos dans un pot et des dossiers jaunis.
« Toutes les femmes retrouvées mortes sont des prostituées. Mais d'après les endroits où l'assassin a laissé les corps, on peut voir qu'il se baladait partout en ville, expliqua-t-il en tirant un tiroir où il prit une carte qu'il déplia sur son bureau. Sauf que pour aller de l'Est à l'Ouest, il faut prendre un moyen de transport.
– L'homme serait donc riche ou au moins de bonne famille.
– Exact. Tous ces meurtres ont eu lieu pendant la nuit. Le tueur a retiré deux organes en plus de les éventrer : le coeur et l'utérus.
– Ce serait un homme qui avait une mauvaise relation avec sa mère ? demandai-je étonnée.
– Plausible, comme ce pourrait être simplement un homme qui se venge ou qui tue pour une cause.
– Tous les meurtriers pensent tuer pour une cause qu'ils pensent juste, Zircon, ajoutai-je en le fixant. On ne sait pas s'il y a eu agressions sexuelles ?
– Non, avec la technologie actuelle difficile de faire des analyses de sangs ou autres substances correctement.
– La technologie actuelle ? » répétai-je, interrogative.
Il alla répliquer, mais comme sauver par le gong, le téléphone noir sonna sur son bureau. Il décrocha puis prétexta une urgence sur une autre affaire. Il m'envoya presque dehors. Je montai dans le fiacre en voyant le ciel s'assombrir. J'avais passé toute l'après-midi entre le lieu du crime et le poste de police. Avant de partir, j'aperçus le commissaire se diriger vers moi. Il dit au majordome d'attendre.
« Je vous ai tout dit, alors ne venez pas vous immiscer dans cette affaire. En tant que civile, je ne veux pas que vous fourriez votre joli nez partout. Si je vous retrouve, je ferais en sorte que vous sortiez de cette ville avec Agathe et Lauren. »
Je restai choquée par ses paroles. Le transport partit alors que le mutisme m'avait atteint. Comment osait-il ? J'étais venue de mon plein gré à Grimvice pour aider à démasquer le tueur et il ne voulait pas de mon aide. Je ris jaune avant de faire la moue. Je ne comprenais pas cet homme. Il était agaçant, mais m'avait tout de même révélé des informations clés de l'enquête. Pourquoi ? C'était complètement contradictoire.
Mon ventre gronda doucement. Je n'avais pas mangé de la journée et la fatigue se faisait sentir. Arrivée devant la maison d'Agathe. Je souris quand elle m'ouvrit la porte.
« Alors ? demanda-t-elle, curieuse.
– Le Commissaire n'est pas un homme très commode. »
Agathe éclata d'un rire cristallin. J'enlevai mon chapeau gênant en essayant de ne pas gâcher le chignon sophistiqué que Lauren avait fait et m'installai sur le canapé.
« C'est un homme très agaçant, mais aussi mon meilleur ami.
– Que veux-tu dire ? chuchotai-je, étonnée.
– Je veux dire que ce gars est mon partenaire, mon compagnon de voyage.
– Mais, mais... dis-je, hébétée. Pourquoi il ne me l'a pas dit clairement ?!
– Il aime bien jouer, faut pas lui en vouloir, » dit-elle avec un sourire.
Je soupirai avant de secouer la tête. Alors cet homme était aussi un changeur de Destins. Les Moires avaient décidé de mettre deux couples de voyageurs dans ce monde. Je ne savais pas si c'était souvent ainsi, mais cela ne me dérangeait pas. Je pouvais parler avec Agathe et elle me dirait à coup sûr plus d'informations sur les meurtres. Donc finalement, je n'avais pas besoin de l'aide du Commissaire.
Soudain, Lauren arriva dans le salon. Elle se jeta sur moi avec son regard aux bords des larmes. Je lui soufflai des mots apaisants pour qu'elle se calme.
« Viens, on rentre chez toi. »
Le lendemain, j'étais certaine de revenir vers Agathe pour lui poser d'autres questions. Nous pouvions résoudre cette affaire à nous deux. Il fallait juste fouiller dans nos mémoires pour se rappeler qui avaient été les principaux suspects dans l'enquête Jack l'Éventreur de Withechapel. Avec ces informations, nous pouvions retrouver le tueur.
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