chapitre 34


Cercle 8.2

Deux jours après sa petite escapade à New York, Peter n'y tint plus. Il récidiva.

La carte de Coulson gisait toujours, froissée, au fond d'une poche d'un jean sale. Il y pensait, souvent, sans vraiment avoir l'intention de l'utiliser. Et pourtant, ce besoin morbide de voir la tour. La tour Avengers. De se rendre sur les lieux du crime ou, en tout cas, le lieu où les conséquences du crime étaient le plus perceptibles. De voir les lumières éteintes. Les drapeaux en berne. Les portraits d'Iron Man brandis, en soutien, sur les édifices alentours.

Ils étaient quelque part à Bangkok, depuis hier. Wade s'efforçait au mieux de le divertir, mais sans grand succès. Perdus aux vingt-septième étage d'un immense building, noir et gris. Broyés par la masse.

Peter ne pensait qu'a New York. Aussi, en pleine nuit, il recommença.

Il erra longtemps, cette fois, dans les ruelles, un capuchon baissé sur son visage.

Mais Coulson le retrouva de nouveau. Sans surprise, nonchalant, dans son survêtement de sport.

« Je vous paye un café ? » Et de nouveau, pas la force ni l'envie de s'y opposer.

Coulson parla beaucoup. De Wade, un peu, mais beaucoup d'autres choses. Des Avengers, du terrorisme, de la pluie et du beau temps. De ses vacances à Tahiti. Une heure plus tard, il laissait Peter repartir et lui tendait de nouveau sa carte. La même.

« Je l'ai déjà », songea Peter. Pourtant, il l'attrapa et laissa le carton brûler ses doigts. Le soir suivant, la même rengaine. Et celui d'après, et celui d'après. Phil était toujours là, au rendez-vous. Parfois il parlait beaucoup, parfois non. Peter, lui, se contentait d'écouter, les mains serrées autour de sa tasse brûlante. Il ne prononçait pas l'ombre d'un mot. En partant, il acceptait la carte que lui tendait l'agent.

Ce petit jeu ennuya très vite Wade. Les premiers temps, il laissa faire, sur le qui-vive. Mais rien ne se passait. Alors, il voulut en avoir le cœur net. Profitant des absences de Peter, il dédoubla la ceinture de téléportation. Un soir, alors que son complice venait de quitter discrètement le lit conjugal, Wade s'équipa. Ceinture de téléportation, jumelles, oreillette connectée au micro qu'il avait insidieusement placé dans la couture du pull préféré de Peter. Fléchette hypodermique. Il hésita à peine une seconde avant de compléter son équipement par une bonne paire de Desert Eagle.

Forcément il faut qu'il pleuve bordel.

Toute, la pluie, tombe sur moi, lalalala

Ca y'est l'autre abruti a encore pété un câble…

- Fermez là là-haut ! J'essaye d'écouter ce que Peter dit !

Métastase couina à côté de lui, et Wade le fusilla du regard.

Allongé sur le toit, gigotant dans sa combinaison rendue poisseuse par l'humidité, Wade réglait ses jumelles pour faire le point sur le couple à la terrasse, quelques vingt mètres en contrebas. Dans son oreillette, les bribes d'une conversation résonnaient, entourées des bruits typiques du pub : machine à café, caisse enregistreuse, éclat de rire forcé des serveuses.

Mais finalement, le micro n'apprit pas grand-chose à Wade. Il savait déjà tout ce qu'il avait besoin de savoir, n'est-ce pas ? Peter en train de boire un café avec Coulson. Comme tous les jours ou presque depuis une semaine.

Tiens, Métastase est revenu ?

Il était mort je croyais ?

On ne l'avait pas vu depuis trois chapitres au moins…

- Ouais mais non, il était là, en mode petit genre insecte, fermez là maintenant !

Mon cul ouais. Reconnaît le, notre scénariste en carton l'a carrément oublié.

Heureusement que certains lecteurs suivent, sinon il aurait juste purement et simplement disparu. Honteux, j'appelle Brigitte Bardot.

- Allez bien vous faire foutre. Cordialement.

Dans les jumelles, Peter se leva pour mettre fin à son entretien avec l'ennemi. Coulson imita le jeune homme et lui tendit la main. Cet instant ramena le calme dans la tête de Wade.

- Peter. C'était donc la dernière fois que vous buvions un café ensemble. Je suis ravi d'avoir collaboré avec vous.

A travers ses jumelles, Wade vit le sourire entendu de l'agent du SHIELD. Son amabilité, la poignée de main chaleureuse, l'autre main sur l'épaule de l'ancien super héros.

Tout était clair. Le contrat entre ces deux-là était officiel.

Visiblement, le pacte final était scellé. Un pacte avec le diable, et le diable se déguisait en aigle. Wade remballa son matériel d'espionnage, le cœur au bord des lèvres.

Ainsi, il était arrivé trop tard et le mal était fait. Peter les avait vendus. La veille, l'avant-veille ? Plus tôt encore? Les paroles de Coulson ne laissaient que peu de place à l'imagination. Si ce matin, c'était leur dernier café, il n'y avait qu'une seule conclusion possible.

On passerait le cueillir aujourd'hui. Connaissant les méthodes du SHIELD, cette nuit probablement. Dans leur planque à Bangkok.

Wade se téléporta rapidement, pour être rentré avant Peter et ne pas éveiller ses soupçons.

Ce soir, donc.

Très bien. Il serait prêt.

Peter ne comprit pas vraiment les propos de Coulson. Comment ça, la dernière fois ? Était-ce une menace ? Coulson lui demandait-il implicitement de se décider à livrer son complice, à révéler leur cachette ? Ce n'était pas impossible. Mais Peter n'avait pas envie de céder. De trahir Wade, après ce qu'ils avaient vécu ensemble. C'était inenvisageable, encore et toujours, et cela plus que tout autre chose le rongeait, le noyait de malheur. Mais il ne pouvait pas, c'est tout. Alors si Coulson, par ce petit chantage, comptait le faire changer d'avis, il se trompait. Peter était venu chaque jour ici, en sa compagnie, pour tester ses limites, pour chercher des réponses.

Et la réponse était non.

Non, il ne pouvait pas vendre Wade. Pas plus que ce qu'il faisait déjà, en étant ici, tous les jours, avec l'un des hommes qui voulait le voir assis sur une chaise électrique. C'était déjà une trahison en soi.

Coulson ne pouvait plus attendre. Au-dessus de lui, on attendait des résultats. La capture des tueurs. Il profita de serrer la main de Peter pour coller un minuscule disque sur son poignet. Le matériau se teinta immédiatement de la même couleur que la peau de Peter et celui-ci ne ressentit rien de particulier.

Derrière cette protection invisible et indétectable, une micro puce. Moins d'un millimètre. Un bijou de la technologie Stark – c'était la moindre des choses.

Et dans cette puce, un traceur GPS.

La chasse allait prendre fin.

Cercle 9. Trahison.

La vue sur Bangkok était saisissante. Une forêt de longs gratte-ciels émanant du centre-ville, baignés d'or et de lumière. C'était la beauté de la ville qui lui tirait des larmes des yeux. Ou alors, c'était le vent violent qui giflait son visage. Peut-être un mélange des deux.

Peter peina à allumer sa cigarette, pris en otage par les bourrasques. Un souffle ni frais ni chaud, chargé de pollution et de poussière. Un courant violent, mais qui ne parvenait tout de même pas à chasser l'atmosphère vaguement écœurante qui planait, nuage menaçant, sur Bangkok.

La nuit tombait à peine, il restait un maigre artefact de soleil, lueur orange louche tapie derrières les buildings face à lui.

Ce qu'il restait de Spider-man, ce don de précognition qui l'avait déjà trahi plus d'une fois, s'éveilla. A peine. Une présence familière approchait, tranquillement, dans son dos. Wade.

Il sentit le souffle du mercenaire venir chatouiller son oreille, les bras se refermer affectueusement autour de ses épaules, le torse se plaquer contre ses omoplates. Peter se détendit, et se laissa aller, reposant son dos contre la poitrine palpitante du grand homme.

Au loin, dans les rues étroites, il les aperçut.

Les voitures banalisées noires qui dégringolaient dans le quartier, qui convergeaient toutes vers eux.

Coulson avait deviné, alors. D'une manière ou d'une autre. C'était ça, jouer avec le diable. C'était prendre le risque de perdre. Et au fond, tout au fond de lui, même si son inconscient refusait de le reconnaître, n'était-ce pas ce qu'il attendait ? Qu'on vienne les chercher, les punir ? Qu'on les attrape, même s'il n'avait donné aucune information ? Il savait, en côtoyant Coulson, que ce risque existait. Et pourtant, il avait continué à aller boire un café avec lui le matin. Pour tester ses limites, ou en espérant que l''agent du SHIELD trouve un moyen de les capturer ?

L'étreinte de Wade se fit plus forte, les bras entourèrent ses épaules avec plus de fermeté. La joue râpeuse, dissimulée par l'éternel masque noir et rouge, vint se frotter contre la sienne.

Wade murmura, à peine, de manière à laisser le vent masquer presque entièrement son propos.

Presque.

- Après tout ce que j'ai fait pour toi…

La douleur fut si vive qu'elle priva momentanément Peter de volonté et de réflexion. Il sentit la lame effilée s'infiltrer sous sa peau, au niveau de l'abdomen. Le poignard perça si facilement ses chaires, il crût que son corps n'était pas plus épais que de la soie.

Mais le pire, ce fut lorsque Wade retira la lame. Cette impression d'avoir sa vie aspirée hors de son corps. La douleur dérangeante, qui porte le cœur au bord des lèvres, qui fait lâcher les genoux.

Wade l'obligea à se retourner, et Peter s'écroula sur lui, retenu par une poigne ferme qui le plaqua contre son torse.

- Chut, là, tout va bien, chuchota Wade, caressant les cheveux de sa main humide de sang, le cajolant comme un enfant malade.

Le sang qui se répandait sur le toit, tout ce sang donna envie de vomir à Peter. Par reflexe, une de ses mains vint s'appuyer sur la plaie, dans une tentative inutile de conserver un peu du précieux liquide à sa place d'origine. L'autre main vint s'accrocher à la combinaison noire et rouge, s'y retenir, désespérément, alors que ses jambes refusaient de le porter davantage. Mais Wade, fort et droit, le maintenait debout, murmurant des paroles de réconfort à son oreille.

Les sirènes de police retentirent dans tout le quartier. Déjà, des hommes en noir sortaient des voitures, arme à la main. Des ordres criés résonnaient en contrebas, mais Peter les entendit à peine, submergé par un brouillard aveuglant.

- Pour Stark et pour le reste… ronronna Wade.

Il laissa sa phrase en suspens, chassant distraitement une mèche de cheveux du front moite de son complice. Il conclut :

- Dis leur que c'était moi.

Le dernier moment de conscience de Peter fut cette image terrifiante, le mercenaire qui s'écartait de lui, le laissant tomber à genoux. Et puis, alors que déjà, les hommes du SHIELD investissaient le bâtiment, Deadpool se volatilisa.

… Allez-y, vous pouvez vous lâcher. Faites-vous plaisir. Encore un chapitre =D Et il sera temps pour nos chemins de se séparer… (Enfin jusqu'à la prochain fic quoi. Hey, mollo, vous allez pas vous débarrasser de moi aussi vite.)

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