chapitre 24
Interlude
- Bon, j'y vais. A plus.
- Amuse-toi bien.
- Compte sur moi.
Sur un petit geste de la main, Wade quitta l'appartement familial, laissant Peter seul, désœuvré, affalé sur le canapé devant une fadaise.
L'araignée avisa la télécommande, sur la table basse, hors de portée. Heureusement, ses lance-toiles étaient fixés à ses poignets, aussi rapprocha-t-il l'objet convoité dans un grand accès de flemmardise. Le sport, le journal, la météo, la télé-réalité, un documentaire sur les mangoustes…
Rien ne lui convenait vraiment et son esprit se déconnecta des images vives pour suivre son propre train de pensée.
Quatre jours qu'ils étaient revenus de leur escapade chez Rodriguez. Quatre jours qu'il avait tué un homme de sang-froid, et quatre jour qu'il n'en ressentait pas le moindre remord. En fait, il s'était rarement senti aussi bien que depuis qu'il était décédé entre les mains d'Ajax.
La Mort lui avait fait un petit cadeau, avant de le renvoyer chez les vivants.
Elle l'avait débarrassé de son addiction à la drogue. Depuis son retour, tous les symptômes du manque avaient purement et simplement disparus. Enfin, presque. Disons plutôt que le manque avait changé.
Ce n'était plus les substances, dont l'absence se faisait sentir. Il revivait en boucle leur descente chez le proxénète. Le meurtre et ce qui avait suivi.
L'excitation ressentie lorsque ses mains s'étaient refermées sur la gorge du salaud lui manquait. Un léger picotement au creux des reins, les prémices d'une envie de recommencer qu'il s'efforçait de boucler au fond de lui-même. Il n'avait jamais rien vécu de tel auparavant, jamais aucune action ne lui avait procuré un tel sentiment de puissance.
Il en avait perdu le sens des réalités. Et Wade en avait profité…
Peter songea à Domino et sourit. Il imagina la tête de la mutante si elle avait su ce qui s'était produit, dans ce placard exigu.
Il y pensait presqu'aussi souvent qu'il pensait à Rodriguez. C'avait été inattendu. L'acte en soi n'avait pas été tellement plaisant, mais le concept en lui-même… Son corps ne l'attirait pas plus que ça, mais le principe, l'idée de baiser un mercenaire schizophrène mortellement dangereux l'avait excité. Il avait apprécié l'idée de posséder le mercenaire, ce simulacre d'intimité qui ne flouait personne.
La preuve, rien n'avait changé, et Wade venait de partir voir Domino pour sa séance d'écartage de cuisse bihebdomadaire.
Peter se perdit dans ses pensées, toutes plus ou moins proches de ce registre. Lorsqu'il entendit le son d'une clé jouant dans la porte, il sursauta, pour se rendre compte qu'il avait passé une demi-heure à divaguer.
- La vache, t'es déjà là ? T'es un rapide !
Wade grommela une vague réponse, jeta ses clés sans ménagement sur la table basse en marbre, traversa le salon et vint s'affaler à côté de son colocataire.
- Ah toi ta gueule hein…
- Qu'est-ce que j'ai fait encore ?
Peter sourit, sentant venir une histoire drôle. Drôle pour lui, bien sûr, pas pour Wade.
- J'y suis allé, elle m'a pourri car apparemment j'ai oublié son anniversaire, j'ai essayé de faire profil bas, ça a pas marché, elle n'a pas voulu qu'on baise, elle m'a saoulé, je suis rentré. Fin.
- Quel pauvre type… Oublier l'anniversaire de ta meuf…
- Oui ben j'étais occupé à te sauver les miches et à te ramener chez les vivants, alors excuse-moi hein ! se défendit Wade, mauvais.
- Je suis sûre qu'elle a été sensible à cette explication.
- Elle a dit mot pour mot « t'aurais dû la laisser crever cette tarlouze ».
- Élégant.
- Je m'en fous elle me kiffe trop, elle m'a déjà envoyer un SMS pour s'excuser. Vas-y, met le télé-achat, grogna Wade, essayant d'arracher la télécommande des mains de Peter. HAN ! Nan ! C'est l'heure de la rediffusion de Vampire Diaries !
- Pitié… C'est totalement nul…
- Arrête, je t'ai vu presque chialer à la fin de la saison 2…
- C'est parce que j'ai réalisé qu'il y en avait encore cinq après…
- Allez… J'ai le cœur brisé…Un peu de pitié…
Peter recula un peu sur le divan, maintenant la précieuse télécommande hors de portée des mains avides du mercenaire.
- J'étais là avant toi, c'est moi qui choisis !
- … Un documentaire sur les mangoustes, sérieusement ?
Peter jeta un œil distrait à l'écran, pour voir qu'effectivement il s'était arrêté sur ce très beau reportage.
- Exactement. Un peu de culture ça ne te fera pas de mal.
Mais Wade ne pouvait pas tolérer deux échecs successifs la même journée. Plein d'espoir, il déplia son bras avec toute la rapidité dont il était capable pour tenter de venir récupérer le précieux objet dans les mains de Peter. C'était sans compter, bien sûr, sur les réflexes reptiliens de ce dernier, qui s'amusa à la laisser à peine hors de portée, quelques millimètres, comme le tenancier sadique d'un manège laisse le pompom effleurer les doigts des enfants avant de le leur retirer.
Wade changea de tactique. Au lieu de viser la télécommande, il visa les côtes de Peter, dans une tentative de chatouille éhontée. Sensible à ce type d'attaques, Peter se contracta, luttant pour ne pas exploser de rire tout en maintenant la télécommande hors de portée.
Il se tortilla tant bien que mal, repoussa le mercenaire d'un coup de genoux au plexus, ignora royalement ses insultes percluses de rires.
Le divan devint un mélange flou de bras et de jambes, témoin d'une lutte sans merci. Prenant tour à tour l'avantage, détruisant au passage le canapé, ses coussins, froissant les plaids qui le recouvraient.
- Mais tu vas me la donner, oui !
- Jamais ! Crève, enflure !
- Aïe ! Vire ton pied de mes côtes !
Et ainsi de suite, jusqu'à ce que, essoufflé, Peter parvienne à prendre définitivement le dessus, à califourchon sur le ventre de Wade, se servant de la télécommande pour l'étrangler.
Le mercenaire fit mine de se débattre, une ou deux secondes. Puis ses mains, vicieuses, plutôt que d'essayer d'ôter l'objet froid et noir qui lui compressait la gorge, vinrent attraper les fesses de l'araignée.
Un instant étrangement calme et silencieux s'en suivit. Tous les deux immobiles et muets, le silence percé uniquement de leurs souffles encore courts, les yeux rivés les uns aux autres.
Sachant pertinemment quelle serait la suite des évènements.
La télécommande tomba au sol, alors que Peter ajustait sa position sur le mercenaire, laissant leurs intimités particulièrement en forme se rencontrer. Les mains rouges et noires effleurèrent le dos de Peter, venant s'accrocher à ses hanches en un geste évocateur.
- Et Domino ? Souffla ce dernier, ses propres doigts pressés contre le torse protégé par le lycra.
Wade ne sembla pas hésiter une seule seconde. De toute manière, à l'heure actuelle, son sang n'était pas, géographiquement parlant, dans son cerveau. Ce n'était donc pas la raison qui dictait ses choix.
En même temps, chez le schizophrène, c'était rarement la raison qui décidait.
- Ce qu'elle ne sait pas ne peut lui nuire…
Peter n'avait pas attendu la fin de la phrase pour commencer à déshabiller le mercenaire. La réponse de Wade lui procurait une source de satisfaction inattendue, mesquine. Ses doigts voguaient sur le corps abimé, impavides. A la recherche de cette excitation qu'il n'avait eu de cesse de retrouver, depuis le meurtre de Rodriguez.
Le canapé, trop petit pour eux deux, les vit bientôt glisser au sol. Moins empressés que la dernière fois, l'action ne fut pas plus douce, à peine plus maîtrisée. Reflet évident des personnalités brutes et passionnées des deux participants. Étrangement sensible à la présence du corps de Wade contre le sien, Peter fit un effort inattendu de générosité. Il donna autant qu'il prit et si, par un mécanisme étrange, aucun des deux n'approcha réellement la jouissance, ils prirent davantage de plaisir que lors de leur précédente tentative.
L'ardeur de l'action les occupa une bonne heure, et laissa un Peter transpirant, le torse secoué par une respiration chaotique, allongé nu, les bras en croix sur le tapis.
Probablement pour éviter une situation post coïtale gênante, Wade se releva en grimaçant, rassemblant les différentes parties de son costume éparpillées sur le sol.
- Je savais bien qu'on finirait pas baiser devant cette cheminée.
Peter ne répondit pas, encore dans un autre monde à cause des endorphines. Wade jura en découvrant ses genoux râpés et rougis, qui commençaient à peine à cicatriser.
- Merde… La prochaine fois, on peut le faire dans un endroit plus confortable qu'un placard de un mètre carré et que le sol ? Notre appartement à deux chambres tout à fait fonctionnelles, bordel.
Il claudiqua en direction de la salle de bain. Long à la détente, Peter releva, se redressant sur un coude :
- Comment ça, la prochaine fois ?
Wade répondit d'un rire mesquin, avant de se glisser sous l a douche. Sa voix se fit entendre, à peine masquée par le bruit de l'eau :
- Ne nous voilons pas la face.
Peter médita un instant cette remarque.
Après de longues minutes, Wade sortit enfin de la douche. Peter s'y dirigea à son tour. En entendant le mercenaire enfiler son casque de moto, il questionna :
- Tu repars ?
- Yep. Je vais voir Rocket. Il a une pièce à me vendre.
- Qu'est-ce que tu trafiques encore ? soupira l'araignée, que les dernières expériences d'ingénierie de son colocataire avaient pour le moins traumatisé.
- Je reconstruis le téléporteur que ces connards du SHIELD nous ont volé !
Sa curiosité étanchée, Peter mis la douche en route. Si Wade arrivait réellement à relancer son téléporteur, c'était tout un océan de possibilités qui s'offrait à eux.
La pointe d'adrénaline devenue récemment sa nouvelle drogue le transperça.
Il pourrait toujours filer un coup de main au mercenaire pour s'assurer que l'appareil voit rapidement le jour…
Voilà pour ce petit interlude mes lapins. La prochaine fois, on file directement au cercle 6 ! Merci pour toutes vos reviews, vous êtes adorables.
Des bisous !
Laukaz
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