chapitre 15


Salut bébés phoques. (On commence à expérimenter sur tout le règne animal, là.)

Ça roule ?

Allez, on retourne en Amazonie, ou plutôt, un peu avant, histoire de comprendre comment nos deux abrutis préférés se retrouvent coincés en forêt avec un fennec comme compagnon. (Ça vous a marqué, ça… MOUAHAH.)

Bonne lecture !

Cercle 2.2

- J'adore cette mission ! pépia Wade, captivé.

Les formes, les couleurs, les odeurs…

Surtout les formes, en fait. Après avoir découvert le corps mutilé d'une prostituée de Rodriguez, les deux amis avaient attaqué leur enquête. Et quoi de mieux que les collègues de la victime pour essayer d'en apprendre davantage ? Voilà ce qui expliquait leur présence dans l'un des établissements du mac, au milieu d'une dizaine de filles qui discutaient entre elles, riaient, envoyaient des textos, choisissaient leurs sous-vêtements et essayaient diverses tenues toutes très intéressantes.

- Wade, reste concentré, le tança Peter.

- Je suis concentré !

Concentré sur le cruel dilemme qui s'offrait à Léa : corail ou rose poudré pour le soutien-gorge ? Un coup de coude le rappela à l'ordre.

- Sur la mission, abruti!

Mais essayer de faire entendre raison à Wade alors qu'il était perdu au milieu de cette mer de femmes n'était pas chose aisée.

Peter se mordit la langue, énervé de voir son complice si facilement distrait. Franchement, il en bavait presque… N'importe quelle personne avec des seins serait capable de le manipuler, c'était aberrant. Peter souhaitait partir le plus vite possible de cet endroit, et récupérer un Wade non lobotomisé par ses hormones.

Il était frustré de voir que la mission, que leur collaboration avait tout à coup moins d'intérêt qu'une ou deux poitrines bien faites.

Lassé d'interpeler en vain le mercenaire, il prit une décision.

Surprenante, certes. Peut-être liée à son impatience, au manque qui commençait de se faire sentir, au fait qu'il était quatre heures du matin, qu'il n'avait pas dormi, et que, vraiment, être immergé au milieu d'autant de prostituées le mettait mal à l'aise. Il colla subitement une main sur l'entrejambe du mercenaire. Celui-ci sursauta, les yeux écarquillés, tournant enfin son attention sur le jeune homme.

- Bah alors sucre d'orge, grinça Peter sans sourire, je croyais que tu te réservais pour moi ?

Il affermit très légèrement la pression, et la mâchoire de Wade manqua de se décrocher à ce contact inattendu.

- Hein ? De… Quoi ? Que ? Je… Il se … HEIN ?

Peter s'approcha davantage encore, sans rompre le contact. il souffla ses sarcasmes contre l'oreille du mercenaire:

- Je te donne l'autorisation de te branler en pensant à moi si tu te concentres sur notre mission.

Il ôta sa main en soupirant, et gratifia le mercenaire d'une tape sur la joue, pour le ramener dans le mondes des vivants.

- J'ai ton attention ? On peut commencer ?

- Ah, euh… Ouais ouais, tout ce que tu veux bébé.

Peter leva les yeux au ciel. Cet homme était décidément bien trop influençable.

- A quand remonte le premier meurtre ?

Celle qui semblait dominer l'assemblée répondit, avec l'accord tacite de ses consœurs. Isabelle, yeux de biche, quinze ans de métier, svelte mais rattrapée par ses rides.

- Trois semaines, à peu près.

- C'était le 21, confirma une des filles, occupée à remettre du rouge à lèvres. Je m'en souviens car ce soir-là j'étais avec l'amiral.

Les autres pouffèrent. Il y avait probablement une blague entre elles à ce sujet.

Peter fut surpris de voir que malgré le meurtre de trois de leurs collègues, les jeunes femmes conservaient le moral. Lorsqu'il leur en fit la remarque, Isabelle haussa les épaules.

- C'est pas un métier facile, mon mignon. La plupart d'entre nous sont tout à fait capables de se défendre seules. Il y a des tarés, il y en aura toujours. Et puis ,Rodriguez a fait appel à vous, alors on va pouvoir dormir sur nos deux oreilles, n'est-ce pas ?

- Comptez sur nous ! Rétorqua Wade, du tac au tac, sans relever l'ironie dans la phrase de la demoiselle.

Il se découvrait une nouvelle vocation, chevaleresque : sauveur de filles de joies en danger.

Peter recentra la discussion.

- Et vous n'avez rien remarqué de nouveau, dans le quartier ? Des gens bizarres, n'importe quoi ?

Les filles s'entre regardèrent, réfléchissant à mi-voix, jusqu'à ce que l'une d'entre elle prenne la parole :

- Tiens, maintenant que j'y pense, le premier meurtre coïncide avec l'arrivée des tatouées !

- Des tatouées ? Releva Peter, intrigué.

Des discussions véhémentes naquirent çà et là autour d'eux, enflammées, violentes presque. Isabelle résuma la pensée générale.

- Ouais… Y'a des filles qui sont arrivées, qui traînent dans nos quartiers, qui font de la concurrence. Mates, tatouées, du rouge ou du noir, sur le visage même !

- Erk, ça me dégoute, commenta une fille à leur droite. Et pourtant, elles drainent du monde ! Apparemment, les prix sont avantageux…

- Et apparemment, y'a d'autres « services ».

Le silence se fit. Wade invita la jeune femme à donner plus de précisions.

- Il paraît que si tu payes plus, tu peux avoir des gosses.

Des murmures outrés se propagèrent dans la pièce exiguë.

- Des gosses ? répéta Peter, hébété.

- Des gosses. Tatoués.

Une certaine nausée souleva l'estomac de l'araignée. Du trafic d'enfants. La prostitution, c'était une chose déjà assez révoltant selon lui, mais ça…

- Je suis désolée Mesdames, s'exclama Wade en se dirigeant vers la porte de manière théâtrale, mais je vais passer à la concurrence… Si vous aviez l'amabilité de m'indiquer un endroit ou rencontrer ces gens…

C'est au silence qui suivit sa déclaration que Wade se sentit obligé de préciser :

- Pour enquêter, hein.

- Oh, répondit Isabelle, comme soulagée. Elles sont un peu partout, elles empiètent sur tous les territoires des autres. Suffisamment discrètement pour que les boss laissent couler, pour l'instant en tout cas.

- A cette heure-ci, il y en a deux ou trois qui traînent dans mon coin. Je peux vous emmener, si vous voulez, proposa une jeune femme moulée dans une mini-robe à imprimé léopard.

Ils lui emboîtèrent le pas.

- J'ai l'impression d'être un vieux pervers stalker…

- T'as l'impression d'être moi ?

- Nan mais franchement, Wade… Y'a des gens qui payent pour… Pour des gamins ?

- Me regarde pas comme ça, j'y suis pour rien. Ok je suis un peu spécial, mais pas à ce point-là !

Aplatis sur le toit, les deux hommes se contorsionnaient, mal à l'aise. Les briques leur rentraient dans les coudes, les genoux, le torse. Il avait plu, et le toit humide avait détrempé leurs vêtements. Peter pencha la tête sur le côté, pour étirer sa nuque douloureuse. Il luttait contre le sommeil : l'aurore approchait dangereusement, et ils attendaient, immobiles depuis leur cachette, depuis presqu'une heure.

- Ca y'est !

Une grosse cylindrée s'arrêta à côté du trottoir où attendaient encore quelques filles. Comme Isabelle les avait dépeintes : grandes, sveltes, une peau brune et magnifique, de longs cheveux noirs très épais, et quelques discrets tatouages apparents sur le visage de certaines. Des formes tribales, juste sous les yeux, ou sur le front. Six prostituées s'engouffrèrent dans la voiture, se tortillant pour s'entasser sur les banquettes.

Les deux mercenaires attendirent que la voiture s'éloigne pour se relever, et Peter fit rouler ses épaules pour les dégourdir.

Il attrapa vigoureusement Wade par la taille, et lança une toile vers le bâtiment de l'autre côté de la rue.

- Accroche toi ma poule, ce serait con de les perdre de vue…

Le Jardin d'Eden. Wade n'avait jamais entendu parler de cet établissement. La devanture flambant neuve témoignait d'une activité récente. Les deux vigiles se resserrèrent pour leur interdire le passage quand ils firent mine d'entrer.

Wade glissa à l'oreille de son complice :

- Et maintenant, prends une leçon, spidey-boy. Voilà comment on fait pour entrer dans ce type d'endroit. Pour entrer partout, en fait.

Il fourragea distraitement dans ses poches, jusqu'à en extraire une carte bancaire.

Noire. Avec l'image d'un soldat romain frappée au centre.

Les hommes s'écartèrent sans plus attendre et Peter siffla d'admiration.

- La vache, une american express centurion ?

- Et ouais ma poule. Je suis riche. Enfin, des fois. Ca varie assez vite dans notre métier…

Wade tendit un gros billet à chacun des colosses. Il s'assurait ainsi un passage plus facile lors de ses prochaines visites…

Ils entrèrent dans un vestibule sombre, tapissé de velours rouge, orné de tableaux dorés et d'un vestiaire en pierre noire très élégant. Wade jeta sans considération ses katanas à l'homme chargé du vestiaire et fit mine de se recoiffer. Ce qui aurait mieux marché s'il avait eu des cheveux. De l'autre côté, dans la salle principale, la musique pulsait, langoureuse.

Deux hommes en costard écartèrent un lourd rideau pourpre qui séparait l'antichambre de la salle des plaisirs, et les deux mercenaires firent leur entrée au Jardin d'Eden.

Deux pistes de danse en acier brillant occupaient le cœur de la pièce, entourées de fauteuils en cuir sobres et de lampes à pieds diffusant une lueur rougeâtre de bon augure. Un bar immense léchait tout le pan Nord de la salle, et quelques canapés délimitaient un espace réservé un peu plus loin.

L'endroit était plein à craquer. Hommes et femmes assistaient aux prestations, dansaient, riaient, engourdis par les basses et par l'alcool, par les effluves de sueur et d'herbe qui planaient tout autour d'eux. Une ambiance surchauffée, nébuleuse et sensuelle.

Sur l'une des pistes, deux filles en petites tenues faisaient leur show, acclamées par les spectateurs captivés par les mouvements de leurs corps huilés.

- T'as vu ? frémit Peter, criant presque pour couvrir la voix de Rihanna.

[…] Cause I may be badbut I'm perfectly good at it
Sex in the airI don't careI love the smell of it[…]

- Et comment ! rétorqua son acolyte, qui louchait sur la poitrine avantageuse de la performeuse.

- Je parle pas de ses seins, abruti! De son tatouage !

- Ah ouais… Mec, faut revoir ton sens des priorités !

Wade étudia les motifs rouges qui appuyaient sur les pommettes de la danseuse. Peter le remorqua vers le bar, le cœur vibrant au rythme de la musique trop forte, l'esprit enflammé par l'excès d'informations que captaient ses cinq sens. Ils s'installèrent sur les hauts tabourets pour prendre leurs marques. Le Barman s'approcha, et Wade prit les devants.

- Deux AMF.

L'homme hocha la tête et disparut derrière une série de bouteilles.

- C'est quoi ça ?

- Vodka, rhum blanc, tequila, gin, curaçao et 7up.

- Bordel… Rien que d'y penser j'ai mal au crâne !

Bientôt, deux verres d'un bleu vif les attendaient, et ils trinquèrent.

- J'adore mélanger plaisir et travail, susurra Wade.

- Ouais, ben oublie pas la mission…

Mais la remarque était distante, comme énoncée de mauvaise grâce.

Peter avait la bouche sèche, soudain, malgré l'alcool qui coulait dans sa gorge. Il perçut les battements affolés de son cœur, et les tremblements de ses doigts lorsqu'il s'agrippa au verre.

L'alcool, la musique, la dépravation… Son corps réagissait au quart du tour, lui rappelant ce qu'il attendait dans ce type de situation.

- Wade.

- Hm ?

- Il m'en faut.

Les pupilles du mercenaire s'étrécirent.

Depuis la session « Peter frôle l'overdose dans une ruelle de Manhattan », il était devenu la Gardien des Substances. Sachant pertinemment que mettre le jeune homme au régime sec du jour au lendemain ne conduirait à rien d'autre qu'une catastrophe, ils avaient décidé d'un commun accord d'espacer les prises de Peter, chaque fois un peu plus, jusqu'à ce que son corps parviennent à se passer des toxines qui le détruisaient à petit feu.

Cela faisait deux jours. Wade n'avait cependant pas confiance en Peter et craignait qu'il achète de son côté, et consomme dans son dos. C'est pourquoi il commençait à dresser Métastase, l'entraînant à détecter la cocaïne. Les premiers résultats étaient encourageants. Et Wade surveillait Peter presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il savait que les premières semaines étaient cruciales.

- Attends encore un peu.

- J'peux pas, mec.

Sa voix était hésitante, alarmée presque. C'était l'ambiance du lieu, probablement. Son corps réagissait à l'habitude. Il avait souvent traîné dans des lieux de débauche, et ses veines réclamaient leur dose habituelle. Sa main droite s'était perdue dans ses cheveux bruns, pour les ébouriffer plus que ce qu'ils n'étaient déjà.

Wade le trouva adorable.

L'emmener ici n'était pas le meilleur moyen de le désintoxiquer.

- Et la mission ?

- Même avec deux litres d'héro dans chaque bras je serais plus concentré que toi, tellement t'es occupé à mater !

Wade soupira. Deux jours à jeun, c'était un début. Il faudrait qu'il tienne le double la prochaine fois…

- Juste une ligne, alors.

Peter inspira profondément, avala son cocktail d'un trait et quitta sa chaise.

- Et je viens avec toi, ajouta l'aîné, se levant à son tour.

Peter haussa un sourcil mitigé.

- Je ne suis pas sûr qu'on nous laisse entrer à deux dans les toilettes pour hommes…

Wade sourit de toutes ses dents.

- T'en fais pas, mon chou, ils ont l'habitude…

- Elle.

Wade venait de désigner d'un doigt impérieux une performeuse, la jolie brune tatouée qu'ils avaient vue dès leur arrivée. Le manager les jaugea du regard, évalua rapidement la pile de billets posée sur le comptoir, et hocha la tête.

- Pour deux en même temps, y'a un supplément.

- Ouais, ouais, on sait, soupira Deadpool, ajoutant un autre billet sur le tas.

- Elle finit et elle viendra vous chercher. Ingrid.

Les minutes s'écoulèrent rapidement. Peter avait perdu la notion du temps, et se sentait dans une forme phénoménale, tout lui apparaissait plus clairement, avec plus de netteté, il était conscient de tout, bien au-delà du naturel. Son cœur battait bien trop vite et la sensation de toute puissance qui coulait dans ses veines le délivrait d'un poids immense.

« Ingrid » - même si vu sa physionomie, Peter était certain qu'il s'agissait d'un pseudonyme- boucla enfin sa chorégraphie, quitta la scène, et revint quelques minutes après, habillée d'un ensemble en cuir noir moulant assez révélateur.

Elle les entraîna à l'écart de la piste de danse, passa un barrage formé de deux vigiles pour s'enfoncer au cœur du bâtiment, dans un couloir qui desservait de nombreuses pièces ou se tenaient ce type de « démonstration privée ».

Finalement, elle ouvrit une chambre à l'aide d'une clé, et invita les deux messieurs à la suivre.

L'ambiance était intimiste. Des canapés de cuir rouge sombre, une table basse en verre et acier, des meubles design et un immense lit pourpre caché derrière un paravent noir. Une douce lumière rouge jetait un voile feutré sur ces lieux de débauche.

- Je t'ai pas dit, chuchota rapidement Peter à l'oreille de Wade, mais tu sais, dans le bouquin que je lis… Le deuxième cercle de l'enfer, c'est la luxure. Toi qui avais peur de n'être pas baptisé…

- Merde, à coup sûr, je ne finirais pas au paradis.

La jeune femme leur indiqua les sièges. Ils tentèrent de communiquer avec elle, mais visiblement, elle ne parlait pas Anglais. Ou très peu.

- Commencer ? finit-elle par demander, visiblement impatiente d'en finir.

Il y avait de la lassitude dans ses grands yeux bruns

- Alors, comment dire poupée… Non, on ne va pas commencer, expliqua Wade, s'approchant d'elle de la manière la moins inquiétante possible.

Il accompagna son rapprochement d'un babillage dont il avait l'habitude. Les yeux écarquillés de la jeune femme étaient formels : elle ne pipait pas un mot.

- Non car vois-tu, nous, en fait, on n'est pas là pour ça, c'est con hein, je veux dire, ne te méprends pas, t'es HOT comme un mois de juin à Dubaï, mais tu sais, on est là pour le boulot, et mon pote en plus il refoule son homosexualité, il a carrément craqué sur moi, alors voilà, en fait, on va juste prendre ta tête comme ça… Et l'éclater contre un mur.

Joignant le geste à la parole, il profita d'être juste à côté d'elle pour poser une main sur sa joue, et accompagner son crâne contre le mur le plus proche.

Peter jura, se précipita vers eux, des insultes plein la bouche.

- Relax max, je l'ai juste assommée. Tu vois ?

Une petite tache de sang décorait désormais le mur blanc. Wade coucha délicatement Ingrid, inconsciente, sur la moquette, et indiqua sa poitrine qui se soulevait encore à son compagnon.

- C'est quoi ces manies ?

- Oui bah hein, je fais pas dans la dentelle. On est là pour avoir des réponses ou pour se toucher la nouille? Y'a un type, ou plusieurs, qui met ses filles dans la rue, et tu peux être sûr qu'il assassine les filles de la concurrence pour se faire de la place… Et puis, t'es un ancien gentil, ça devrait te révolter, ces meurtres, et le trafic de mioches !

Peter grimaça.

- Et c'est quoi le reste du plan ?

- On défonce tout jusqu'à trouver le responsable. Ou quelqu'un qui le connaisse.

Wade ménagea son effet, dégustant l'air presque choqué de son acolyte. il fit lentement coulisser un poignard hors d'un fourreau plaqué dans son dos et vérifia que le fil était correctement aiguisé, avant de s'approcher de Peter.

- Ça t'excite, gamin? Murmura-t-il, rompant volontairement la sphère privée de Peter en venant se coller à lui.

L'araignée ne le repoussa pas mais ses traits se durcirent. Il grommela, un peu trop conscient du corps de l'autre contre lui.

- Va te faire foutre...

- Volontiers... Fallait pas me chauffer tout à l'heure. Au fait, j'ai un secret pour toi.

Wade attrapa le menton de Peter entre ses doigts, et murmura, incroyablement sérieux :

- J'ai pas attendu ta permission pour me branler en pensant à toi.

La main de Peter se posa machinalement sur une hanche recouverte de lycra. Impossible de dire si l'intention première était d'amener l'autre à lui, ou de le repousser. Une lueur amusée flotta au fond des pupilles de l'arraignée. Wade jubila de le voir entrer dans son jeu à nouveau.

Le mercenaire reçut une claque sur les fesses.

- Au travail, Wade Wilson.

Le vigile d'astreinte qui surveillait le couloir marqua un temps d'hésitation en voyant Wade sortir.

Erreur classique.

En un bond, le mercenaire était sur lui, appuyant la lame contre son cou, se glissant dans son dos pour l'immobiliser sous la menace de son arme.

- Tu te ramènes, junkie-boy ?

Peter n'en revenait pas, de l'aisance avec lequel Wade venait de prendre un otage, et circulait dans le couloir du strip-club comme en lieu conquis.

- Voilà ce qu'on va faire, mon beau, susurra Deadpool, tu m'emmènes à ton chef, ou je t'égorge.

Le malabar n'en menait pas large, et déjà la pointe de la lame entaillait la peau de son cou. Il indiqua du bout des doigts l'autre côté du couloir.

C'est à ce moment précis, frappé par cette soudaine clarté d'esprit, que Peter sût.

Peut-être était-ce cette vision incroyable, d'un Wade Wilson tout sourire écrasant contre sa poitrine un colosse terrifié. Ce sourire un peu fou, symptomatique du bordel qui régnait dans sa tête. Peut-être était-ce son attitude droite et sereine, ses muscles contractés pour maintenir son prisonnier à sa merci. Wade Wilson avait dû être un bel homme, avant que dieu ne sait quoi ne vienne ravager son visage. Sa silhouette bien dessinée contrastait avec les plaies qui marbraient sa peau.

Peut-être était-ce le lieu en lui-même, le reflet des néons sur le métal du poignard, la musique qui filtrait à travers la porte. Peut-être aussi que cet instant de révélation, cette prise de conscience, lui était offerte par la cocaïne qui pulsait dans ses veines.

Peter sût qu'il ne pourrait plus jamais faire demi-tour, quand bien même il l'aurait souhaité de toute son âme. Il sût que Deadpool l'avait définitivement happé dans son monde, dans cette abime sombre et tortueuse, du mauvais côté de la loi et de la morale. Il lui semblait que le Peter Parker d'il y a un an s'était lentement muré dans une chrysalide, constituée des peines, des déceptions et des trahisons, et que la chrysalide, après avoir lentement maturé, commençait à se fendiller, prête à libérer la créature monstrueuse qui s'était épanouie en son sein.

Lorsqu'un autre gorille sortit d'une chambre attenante, Peter sût qu'il ne pourrait pas s'en sortir. Wade attrapa souplement le Beretta dissimulé contre ses côtes, et la cervelle de l'homme retapissa le mur derrière lui.

Un mélange de répulsion et de plaisir malsain envahirent Peter. Avant, il était du côté de de la bien-pensance, de la présomption d'innocence, de la justice envers et contre tout. Maintenant, il était du côté de ceux qui, confrontés à du trafic d'êtres humains et d'enfants, ne prenaient pas la peine d'envisager l'innocence de qui que ce soit.

Quiconque travaillait ici, pour le salaud responsable de toute cette misère, était coupable. Et s'il ne l'était pas, eh bien, tant pis.

Dommage collatéral.

Et ils incarnaient la justice, qu'ils appliquaient directement, que Wade appliquait sans broncher, sans prendre la peine d'hausser un sourcil. Et il sût qu'il ne pourrait faire autrement, un jour, que de sombrer à son tour, attiré par cet appel de toute puissance, par cette violence qui l'encerclait, qui s'infiltrait chaque jour un peu plus dans son esprit.

Une part de lui était encore répugnée par cette idée, trop attachée aux valeurs longuement défendues. Un morceau de lui se révoltait de la facilité avec laquelle Wade rendait son jugement. Et s'il se trompait ? Si cet endroit, ces gens, n'avaient rien à voir avec les meurtres, avec le trafic d'enfants ?

Mais l'autre part de lui… L'autre part, tapie dans l'ombre, attendait son heure.

Les coups de feu attirèrent les curieux, et Peter se précipita vers son acolyte, lui effleura le torse pour attraper le glock 17 qu'il savait être toujours à cet endroit, et mettre en joue les nouveaux arrivants.

Ce geste pourtant simple fit naitre un immense sourire sur les lèvres de Wade.

- Maintenant que tu es un adulte, Peter, fais-moi penser à t'offrir tes propres armes. C'est tendancieux, de prendre les joujoux des autres garçons…

- Enculé ! hurla un homme en costard, apercevant le cadavre qui traînait derrière eux dans le couloir.

- Enchanté, enculé. Moi c'est Deadpool. Et maintenant, soit tu m'emmènes au salaud qui tue des putes et vends des mioches, soit je te refais la face, et celle de ton voisin, et celle du malheureux à qui je fais un câlin.

L'homme ne sembla pas entendre la menace, dégaina le colt pendu à sa ceinture, et visa le mercenaire.

- Comme tu veux !

La lame coulissa sur la gorge de l'otage qui hurla, et le bain de sang commença.

Peter sentait son cœur battre à ses tempes, et ses mains, moites, sur le pistolet, et ses jambes, campées fermement, et l'odeur de poudre lorsqu'il tira, visant les genoux.

Il n'était pas prêt à tuer quelqu'un. Mais aujourd'hui, il était conscient qu'un jour, bientôt, il serait capable de le faire.

Pas prêt à tuer quelqu'un…

Mais prêt à faire des blessés.

Ça, oui.

Voilà pour ce chapitre mes lapins.

On se retrouve très vite pour la suite, merci d'être toujours là !

La bise,

Laukaz

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