Ce qu'il était (Hunter's Shade)

-Prince Nathael ? Prince Nathael, s'il vous plaît.

Le petit garçon leva les yeux du livre ouvert devant lui. Un vieux professeur le toisait avec une sévérité docile. Nathael se demandait comment il faisait pour être si dur et si poli à la fois. L'homme avait peur de lui, c'était Ein qui lui avait dit. "Parce que tu pourrais demander à Père de le tuer", lui avait-elle expliqué. Parfois, il était tenté d'essayer, quand il était en colère. Mais seulement quand il était en colère, parce qu'Ein lui avait dit qu'être tué, ça faisait mal, et qu'ensuite, on n'existait plus. Nathael ne voulait pas que le vieux monsieur arrête d'exister. En dehors des cours, il était gentil. Il lui donnait des bonbons, et il lui demandait d'en donner à Ein et à Tveir -elles seules, parce que les autres étaient trop jeunes.

-Écoutez-moi, à présent. Vous devez connaître la géographie pour...

-J'aime pas la géographie. Ça fait vraiment mal de mourir ?

L'homme soupira.

-Ça dépend de la façon dont on meurt. Mais en règle générale, je pense que oui.

-Si Père vous faisait tuer, vous auriez mal ?

-Je suppose. Pourquoi donc ?

-Je veux savoir si ce que dit Ein est vrai. Parce que Père dit que c'est juste une fille et qu'il ne faut pas écouter les filles. C'est des animaux.

Le vieux monsieur serra les dents. Visiblement, il n'était pas d'accord avec Père. C'était drôle. D'habitude, les gens étaient d'accord avec Père. Enfin, le vieux monsieur était un rebelle, comme il était gentil avec Ein.

Est-ce que Nathael devait le dénoncer ?

Mais lui aussi, il était gentil avec Ein, parfois. Il ne mangeait pas les bonbons qui étaient pour elle et Tveir. Et les siens aussi, parce que les bonbons, il n'aimait pas ça. Mais il en mangeait un peu pour faire plaisir au vieux monsieur.

Et puis, il aimait Mère, alors que Père disait que c'était une chienne.

Non, il ne fallait pas raconter à Père. Il ne voulait pas devenir méchant avec Ein et Mère.

-Qu'est-ce qu'un animal pour vous, mon prince ?

Le garçon réfléchit.

C'était compliqué. Quand on disait animaux, il pensait au loup que lui avait offert Père.

-Une bête qui bouge, répondit-il après une réflexion. Et qui réagit quand elle a mal ou qu'elle est contente... Et Père dit aussi que ce sont les enfants qui n'ont pas encore leur nom d'âme, comme moi.

Il se tut.

-Alors je suis comme Ein.

Le vieux monsieur ne dit rien, mais Nathael vit qu'il avait peur.

-Je ne dirai rien, promit l'enfant. Parce que je vous aime bien.

Le vieil homme sourit.

-Vous êtes un bon garçon, mon prince. Puissiez-vous devenir un Empereur sage et avisé.

-Mieux que Père ?

Il rit, un peu gêné.

-Tout bon père se doit d'être dépassé par son fils, n'est-ce pas ?

-Votre fils vous dépasse ?

-Je n'ai eu que des filles.

-Oh... Pauvre monsieur.

-On n'a pas tous la chance d'être un Empereur béni des dieux et d'avoir un fils capable de lire à quatre ans. On peut juste avoir la chance de les servir.

-Vous me considérez comme votre fils ?

-Mon prince ! Je ne me permettrais pas !

-Dommage. Vous êtes gentil. Vous voulez être mon grand-père, alors ?

-Mon prince, et si nous en revenions aux montagnes d'Hellye ?

L'enfant soupira.

À peine avait-il terminé ses leçons que Nathael fila dans la cour du château, suivi par son fidèle loup. Les gens s'inclinaient bas sur son passage. Cela le faisait beaucoup rire. Quand il était sûr que Père n'était pas à proximité, il traversait les couloirs en courant, regardant les domestiques qui s'inclinaient en catastrophe, les uns après les autres, comme des dominos. Père n'aimait pas qu'il coure ainsi. Un Empereur était digne et mesuré dans sa démarche.

-Silfr ! lança-t-il.

Le canidé, reconnaissant son nom, vint enfouir sa truffe humide entre les mains de son maître. Le petit garçon s'esclaffa, carressant sa grosse tête poilue.

-Regarde ce que je sais faire ! s'exclama-t-il en reculant.

De petites griffes jaillirent de ses mains, et l'enfant exécuta diverse techniques de combat improvisées, sous l'œil jaune et attentif de son compagnon à poil.

-Tu as vu comme je suis fort ? Un jour, je serais meilleur guerrier que Père ! Personne ne pourra me battre ! Même pas toi, Silfr !

Il l'observa un instant et rentra ses griffes, avant de déclarer.

-En fait, je suis déjà plus fort que toi ! En garde, Silfr !

Sans attendre, il se jeta sur la bête, qui l'esquiva lestement et le jeta à terre d'un coup de patte. Le garçon s'effondra sur le sol, se retournant immédiatement pour accueillir le loup qui bondissait sur lui.

Enfant et animal se débattirent un moment sur le sol, entremêlés, semblables à un étrange thérian lupin, jusqu'à ce que Silfr parvienne à plaquer le petit garçon au sol. Son immense gueule s'approcha du visage de Nathael...

...qui s'esclaffa quand la langue râpeuse de son compagnon lui couvrit la joue de salive.

-Tu es dégoûtant ! se plaignit-il en riant, avant de se dégager.

Il se redressa sous le regard de l'animal ravi.

-Je t'ai laissé gagner, affirma l'enfant. Beurk, je suis tout sale. IL ME FAUT DE L'EAU ET UN CHIFFON ! lança-t-il.

Aussitôt, un serviteur se précipitait dans sa direction, un seau à la main. Il entreprit aussitôt de nettoyer le visage de l'enfant, qui l'arrêta de la main dès que le tissus eut touché son visage.

-Elle est trop froide ! Va en chercher une autre !

Le pauvre homme obéit sans discuter.

Soudain, le prince sentit une ombre s'abattre sur lui. Il fit volte-face.

-Père ! s'exclama-t-il, mettant un genou à terre.

-Nathael. Que fais-tu dehors à cette heure ? s'enquit Thyr.

-Je jouais avec Silfr, Père.

-J'ai vu. Montre-moi tes mains.

Il obéit.

-Tout.

L'enfant sortit ses griffes.

-Ça ne fait plus mal ?

-Non, Père.

Quand ses griffes étaient apparurent pour la première fois, un peu moins d'un an auparavant, elles avaient déchiré sa peau. Maintenant, cette dernière semblait s'ouvrir d'elle-même pour les laisser passer.

-Je me demande d'où te vient ce don... Un obscur ancêtre de ta mère, sans doute... Toujours est-il que tu es précoce. C'est bien.

-Merci, Père ! se réjouit l'enfant.

-Ton maître d'arme n'était pas là ?

-Non, Père. C'est son jour de congé.

-Dans ce cas, tu vas t'entraîner avec moi.

-Oh, oui, Père !

L'Empereur lui donna une petite épée, et ils échangèrent quelques passes d'armes. Père était presque méchant avec lui. Il ne cherchait pas vraiment à enseigner, et Nathael n'avait aucune chance. Mais il aimait passer du temps avec lui. Père, c'était une bonne personne. Il était fort et intelligent, et il ne battait Nathael que quand c'était nécessaire.

La lame de Père lui entailla la joue, puis la main. L'enfant recula, retenant un cri de douleur. Père aimait quand il ne criait pas. Un Empereur ne montre pas quand il a mal.

-C'est bien, le félicita l'Empereur.

Il planta son épée dans le sol et prit le petit garçon dans ses bras. Nathael lâcha aussitôt son arme. Il brûlait de le serrer contre lui, mais il ne devait pas. C'était les femmes qui faisaient des câlins. Au lieu de cela, il posa sa main sur la joue de l'homme. Elle semblait si petite sur son visage immense.

-Je ferais toujours tout pour que vous soyez fier de moi, Père.

-Et c'est ainsi que tu deviendras un grand Empereur, mon fils.

Il souriait. Nathael aimait quand Père souriait. On aurait dit que ses yeux s'illuminaient. Rien ne l'emplissait plus de joie que la vue d'un tel éclat dans ce regard d'acier.

-Va dans ta chambre, maintenant. Tu dois te préparer pour la parade de ce soir.

-Oui, Père.

L'homme le reposa doucement sur le sol. Nathael siffla Silfr, qui le suivit sans bruit.

Avant de rentrer, l'enfant observa le château. On racontait qu'il avait été sculpté dans la pierre d'une montagne, et le petit garçon en était convaincu. Il semblait taillé dans un seul bloc de la meilleure pierre de Keizerrijk, noire comme de jais, et sans doute était-ce le cas. Comme à leur habitude, les sculpteurs l'avaient rendue plus lisse que la surface d'un lac au repos, sans pour autant lui enlever son aspect sauvage, et la lumière du soleil se reflétait sur les milliers de facettes d'onyx de l'édifice.

En entrant, il effleura du bout de doigts le minéral sans défaut. Père aimait lui répéter que les premiers habitants de Keizerrijk avaient été sculptés dans la pierre par les dieux, et que le noir profond de leurs cheveux en était le témoin. Les Songare, eux, avaient été taillés dans la pierre la plus pure et la plus solide, et c'était pour cela qu'ils gouvernaient l'Empire. Quand Nathael demandait pourquoi, lui, fils d'un Empereur, avait des mèches bleues, Père lui répondait qu'il existait des pierres bleues dans un territoire plus au Sud, et que cela signifiait que l'enfant serait amené à régner sur ce territoire.

Il lui semblait étrange que tous les autres peuples ne soient pas soumis à celui de Keizerrijk. N'étaient-ce pas eux, les élus des dieux ? Pourquoi se dresser contre la volonté divine ?

Les gens étaient étranges.

Le jeune prince rejoignit sa chambre aussi calmement qu'il le pouvait, tâchant de rester digne, comme on lui avait appris. Heureusement, il avait déjà la posture d'un Empereur. Le professeur de tenue avait pu éviter les leçons de port de tête, tant il se tenait droit. Depuis tout petit, on aurait pu faire tenir une pile de livres sur sa tête sans problème. C'était naturel, instinctif.

Il entendait souvent les gens murmurer sur son passage, les hommes envier à Tyrh ce fils si merveilleux. Il ne s'était jamais vraiment gêné de ces remarques, considérant toutes ses qualités comme un dû, une juste offrande faite à sa famille.

Sa chambre était dans le donjon, la partie la mieux protégée du château. Des gardes surveillaient en permanence les allées et venues. Père leur avait dit de le protéger tout particulièrement. Il ne devait rien arriver à l'héritier du trône.

C'est pour cela qu'il fut surprit de remarquer que sa porte était ouverte. Curieux, il se glissa à l'intérieur en dégainant ses griffes, se demandant si Père serait fier de lui s'il neutralisait un intrus.

L'importun, ou plutôt l'importune, une femme aux cheveux noirs savamment tressés, lui tournait le dos. Elle pivota d'un bond en l'entendant arriver.

Silfr gronda, mais l'enfant le calma d'un geste.

-Mère ? s'étonna-t-il en reconnaissant les yeux hagards de l'Impératrice.

Bleu-gris, comme ceux de Tveir. Ein et les autres, elles, avaient les yeux vert-de-gris de père. Nathael était le seul à avoir des yeux jaunes. Peut-être était-ce dû au pouvoir qui lui donnaient ses griffes ? Il n'aurait su le dire, mais Père semblait le penser. Il aurait aimé avoir ses iris. Il était vexé que ceux d'Ein aient cette teinte, alors qu'elle ne méritait pas ce privilège. Il lui en avait demandé la raison, mais elle avait simplement que répondu qu'ils étaient très beaux, ses yeux de petit fauve, et que ce n'était pas un mal de ne pas ressembler à Père.

Ein, elle répondait toujours à côté.

-Nathael, répondit la femme. Tu es dehors, d'habitude, à cette heure.

Elle ne semblait pas vraiment soulagée que ce soit lui, et pas un garde, qui l'ait trouvée. Elle savait que l'enfant pouvait la dénoncer à Père à tout moment. Elle n'avait pas le droit d'entrer dans la chambre de son fils. Ni de lui parler. Ni même de rester trop longtemps dans la même pièce que lui.

Elle semblait maigre. Très maigre, en comparaison de l'apparence qu'elle avait quelques jours plus tôt, avant de donner naissance à une énième petite sœur. Elle semblait tellement fatiguée qu'on l'aurait crue bien plus vieille qu'elle n'était. Parce qu'elle était encore jeune, Mère, cela se voyait tout de même, malgré les cernes et le regard las.

-Je dois me préparer pour la parade, dit-il froidement.

-C'est bien. J'ai vu les vêtements préparé par le domestique, ils sont très beaux.

-C'est Père qui les a demandés. Père ne se trompe jamais.

Elle grimaça légèrement.

-C'est vrai...

Elle sembla hésiter, l'observa un moment. Ses bras couturés de cicatrices pendaient le long de son corps. Elle avait un hématome sur la joue.

Nathael broncha. C'était mal. Mère devait cacher ses blessures, et ne pas sortir de la chambre conjugale quand elle avait des marques sur le visage.

Il allait lui rappeler ses obligations, quand elle s'agenouilla devant lui, prenant sa tête entre ses mains. Il voulut se dégager, mais son regard l'en dissuada. Jamais Mère ne l'avait regardé comme ça. Personne ne l'avait jamais fait. Ce n'était pas l'amour de Père. C'était une tendresse plus violente encore, un amour désespéré et irrationnel. L'amour d'une folle.

Ou...

L'amour d'une mère séparée de son fils ?

-N'aie pas peur... souffla-t-elle. Je ne te ferais jamais de mal, Nathael, tu le sais ?

Il ne répondit pas, ne fit pas un geste. Il se contenta de la fixer, sans savoir quoi faire, se demandant quoi répondre à l'affection de cette femme qu'il connaissait à peine, qui n'était, au fond, que quatre lettres et un regard vide à gauche de Père, le sujet d'une affection qu'il comprenait à peine et préférait ignorer. Il n'avait pas peur, non. Il n'éprouvait rien, seulement une gêne immense. Il aurait voulu être en colère. Mais pas une pointe de ressentiment ne perçait en lui.

-Tu es tellement beau... Tu le sais, Nathael ? On te l'a déjà dit ? Ton père, il te bat souvent ?

-Quand c'est nécessaire, répondit-il.

Il avait la désagréable impression qu'elle voyait les bleus sur son corps, les entailles que le fouet laissait sur son dos.

-Ein m'a dit qu'il t'enfermait dans les cachots quand tu n'étais pas sage. C'est vrai ?

-C'est vrai. Il sait que je n'aime pas ça.

Un éclat de fureur apparut dans les yeux de la femme, mais il s'éteignit aussitôt, chassé par une indicible terreur.

-Qu'est-ce que tu fais là ?

La voix dure de Père résonnait entre les murs de la pièce. Silfr se plaqua sur le sol en gémissant. Mère se redressa d'un coup, droite comme un i, et Nathael en profita pour s'écarter.

Sans attendre sa réponse, Père saisit l'Impératrice par le bras, et la traina dans sa chambre. Nathael savait ce qui allait suivre.

-Père ! Père, c'est ma faute, affirma-t-il. Je lui ai demandé de venir.

Il ne vit même pas venir la gifle. Ce n'est que quand son dos heurta durement le sol qu'il se rendit compte de ce qui venait de se produire.

-Ne me ment pas ! gronda Père.

L'enfant se releva lentement, alors que l'Empereur poussait sa femme à l'intérieur et claquait la porte au nez du petit garçon.

La seconde d'après, des hurlements de rage et des bruits de coups retentissaient aux oreilles de l'enfant, seulement entrecoupés de gémissements étouffés.

Il sentit les larmes lui monter aux yeux. Pas à cause de la douleur : il l'avait méritée. Mais parce qu'il n'aimait pas quand Père battait Mère. Quand son regard perdait toute contenance, quand l'homme digne qu'il était laissait place à un animal violent et cruel. Quand la beauté et la douceur de Mère fanait un peu plus sous les poings de son mari, quand sa chair bleuissait et que son sang la teintait de rubis.

Il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas pourquoi la douleur de Mère le blessait autant, pourquoi la bestialité de Père le terrorisait à ce point.

Il se laissa glisser le long du mur, remontant ses genoux contre son torse. Des sanglots silencieux agitaient ses épaules, alors que ses mains se plaquaient sur ses oreilles pour étouffer le vacarme discordant qui se produisait dans la chambre à côté de lui. Il avait appris à reconnaitre chaque cri. Chaque râle, aussi, quand Père se livrait à une toute autre forme de violence. Sans doute cela n'allait-il pas tarder. Cela semblait inévitable, comme si l'une entrainait l'autre.

Arrêtez, Père.

Ça ne peut pas être bien.

Ça ne peut pas être ce que je dois devenir.

Ça ne peut pas être ce que je suis.

Une petite main se posa sur son épaule. Sans même la voir, il sut que c'était Ein. Ein, qui venait le consoler, malgré le danger.

Elle n'a pas le droit de me toucher !

Son désarroi et sa douleur, enflammés par la colère de voir sa sœur transgresser les règles, lui brouilla la vue, envahissant son esprit.

Avant même qu'il comprenne son geste, sa main avait fusée.

Trois fines trainées rouges sillonnaient à présent le visage de la petite fille, du front jusqu'en bas de la mâchoire. Bientôt, elles commencèrent à saigner abondamment. Calmement, Ein porta sa manche jusqu'à sa blessure, compressant la plaie pour arrêter l'écoulement. Elle était habituée. En quelques minutes à peine, le sang ne coulait plus. C'était à peine si elle grimaçait.

Comme quand Père la frappait.

Cette fois, de véritables sanglots s'échappèrent de la gorge de Nathael. Etranglés, car il craignait que Père l'entendent, mais trop forts pour qu'il puisse les contenir.

Il avait frappé sa sœur. Comme ça. Sans raison suffisante. Comme le faisait Père quand il devenait fou, comme maintenant avec Mère.

Ein le regarda une seconde, un peu plus, peut-être. De ses deux yeux, car ils n'avaient pas été atteints.

Nathael s'attendait à ce qu'elle parte. A ce qu'elle fuie ce frère violent, aussi violent que Père.

Elle n'en fit rien.

Doucement, elle le serra contre elle, l'écarta du mur pour mieux le prendre dans ses bras. Nathael ne protesta pas. Il n'en avait plus la force. L'épaule contre les côtes de sa sœur, il se laissa aller dans son étreinte, le visage baigné de larmes.

-Je suis comme lui, sanglota-t-il. Je suis comme lui, Ein. Je ne veux pas être comme lui.

-Tu n'es pas comme lui, souffla-t-elle. Tu pleurerais pas sinon. C'est ce qu'il veut, Thael, mais tu n'es pas comme lui.

-Pourquoi il fait ça ? Pourquoi il fait du mal à Mère ? Je veux qu'il arrête. Je veux qu'il ne fasse plus de mal à Mère, ni à toi, ni aux autres.

-C'est des choses de grands, Thael. Je ne crois pas qu'on puisse comprendre. Tu n'es pas comme ça, Thael. Toi, tu pleures.

Nathael repensa à Père. A sa force, sa stature. A tout ce qu'il avait de parfait, d'impressionnant. Tout ce qu'il aimait, ce à quoi il voulait ressembler. Si seulement il n'y avait pas eu cette chose, cette bête, ce monstre.

Monstre, c'était le mot.

Ce monstre, dont il finissait par se demander s'il n'était pas le véritable Père.

C'est alors que, entre deux hoquets, d'une voix étranglée, il murmura l'impensable :

-Je ne veux pas devenir comme lui, Ein. Je ne veux pas ressembler à Père.

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