CHAPITRE 9

1- Harry

J'erre littéralement dans les couloirs de l'auberge. Je commence à tourner en rond. Ça ne fait que quelques jours que je suis arrivé mais je commence à m'ennuyer. Le silence et la quiétude qui se dégagent de l'endroit m'apaisent. Je me repose physiquement et mentalement. J'écris. Mais les journées sont longues et la solitude me pèse. Il y a toujours du monde autour de moi habituellement, toujours une personne prête à répondre à la moindre de mes requêtes. Ici aussi, en quelques sortes. Et puis, de quoi pourrais-je avoir besoin ? La seule chose dont j'ai envie, je suis devenu incapable de la faire.

Je soupire, las, en descendant l'escalier qui mène à la salle de restaurant. Tout est calme. Les clients sont tous occupés à leurs activités de l'après-midi. La salle a été nettoyée et rangée. J'entends un peu de brouhaha dans la cuisine mais dans l'ensemble il règne un calme presque religieux. A tel point que j'ai l'impression d'être totalement seul dans l'auberge.

Je flâne devant la bibliothèque, feuillette quelques ouvrages à la couverture en cuir, respire l'odeur de l'encre sur le vieux papier. Depuis mon arrivée, j'ai fait en sorte de ne croiser personne mais puisque j'ai le salon pour moi, je choisis un livre et décide de m'installer dans l'un des fauteuils pour lire. Mais la mélodie de l'autre jour se rappelle à moi et l'envie de jouer prend le dessus sur l'envie de lire. Je tourne sur moi-même pour vérifier que je suis toujours seul, m'avance vers la porte derrière la console et actionne la poignée. La porte est fermée à clef. Alors, forcément, ça attise un peu plus ma curiosité et mon envie.

Je replace doucement la console et me dirige vers la réception. Je consulte le panneau sur lequel sont disposés les crochets pour les chambres, fouille un peu sur le bureau. Pas de clef. Je relève la tête. Toujours personne à l'horizon. J'ouvre un tiroir, puis un autre et hormis de la paperasse, je ne trouve pas de clef. Ça devient un peu mon obsession. J'ouvre le dernier tiroir qui ne contient qu'une boîte en métal étiquetée du nom de Johanna, l'amie de ma mère et ancienne propriétaire de l'auberge.

Je suis comme un gosse. Mon cœur accélère ses battements parce que je crois avoir trouvé le Graal. Je m'empare de la boîte et l'ouvre délicatement. Elle contient quelques lettres et photos sur lesquelles je ne m'attarde pas car, sous le paquet de papiers divers, une clef attire mon attention. Je la sors et la glisse dans ma poche avant de refermer et ranger la boîte dans le tiroir.

Je retourne vers la porte mystérieuse, décale la console prudemment et glisse la clef dans la serrure. Un tour. Deux tours. Et la poignée se déverrouille, découvrant une nouvelle salle de réception, un peu plus petite et plus cosy que la principale, les murs ornés d'aquarelles encadrées et surtout, surtout, le piano en son centre.

Je m'avance en admiration devant l'instrument. Je passe le bout de mes doigts sur les touches. L'instrument m'appelle, sa mélodie résonne déjà en moi. Je m'installe sur le tabouret recouvert d'un velours rouge foncé, prends une grande inspiration et me tiens droit. Les mains au-dessus du clavier, je tremble. Je souffle en glissant mes doigts sur les touches et commence à jouer. Je me laisse envahir par les notes, les sons assemblés. Je m'arrête, recommence puis me lance dans une mélodie. Tantôt les partitions que je connais par cœur, tantôt une suite de notes qui me submerge. Je me laisse porter par la musique, les yeux fermés, les notes au bord des lèvres.



2- Louis

Mon estomac se serre lorsque je rentre dans l'auberge et entends les notes du piano. La mélodie est douce et fluide. Je crois, l'espace d'un instant, que je vais trouver ma mère, installée devant l'instrument.

Je dépose mes affaires sur le bureau de la réception et m'avance vers le salon. Je reste derrière la porte, bercé par les notes. Personne n'a les clefs de cette pièce à part moi. Tout le monde à l'auberge sait que cette pièce est condamnée jusqu'à nouvel ordre. La musique m'apaise mais pourtant c'est une torture. Les larmes commencent à brouiller ma vue et avant de me faire surprendre par quelqu'un, je passe mes mains sur mon visage pour me redonner contenance et entre dans la pièce.

Je ne suis pas surpris d'y découvrir Harry, les yeux fermés et les doigts dansant une valse rapide sur le clavier. Il a beau être qui il est, il n'a rien à faire dans cette pièce et encore moins devant le piano de ma mère.


"Qui vous a autorisé à pénétrer dans cette pièce ?" je m'exclame.


La mélodie ralentit mais ne s'arrête pas. Harry baisse le visage vers le clavier en ouvrant les yeux, termine la partition qu'il a en tête avant de finalement relever les mains de l'instrument.

Le silence nous enveloppe, lourd.


"Je vous ai posé une question ! Qui vous a donné accès à cette pièce ? Le salon est condamné." j'insiste.


Harry se lève du tabouret, le regard sombre. L'air serein sur son visage a laissé place à une sorte de contrariété. Est-il contrarié de s'être fait surprendre ou contrarié parce que je l'ai interrompu ?

Je plante mon regard dans le sien. Je frissonne. Ses pupilles sont presque totalement dilatées. Il ouvre la bouche mais se ravise. Il me toise avec cet air condescendant qui ne le quitte jamais. Il passe à côté de moi, me bousculant légèrement de son épaule.

Je le regarde disparaître à l'étage.


"Mais quel con, celui-là !" je dis à voix haute en refermant la porte, constatant que la clef n'est pas sur la serrure mais certainement au fond de la poche d'Harry.

Je m'avance dans la pièce et laisse aller mes mains sur le clavier avant de refermer le couvercle de l'instrument. Je sors et prends soin de fermer la porte à clef.

Je ne prends pas le temps de récupérer mes affaires et me dirige directement vers le bureau de Niall. J'entre sans frapper et me plante devant lui bien qu'il soit en conversation téléphonique.


"C'est toi qui a laissé l'accès au salon à Styles ?" je demande furibond.


Niall me fait taire en levant la main. Il met un terme à sa conversation et reporte son attention sur moi.


"Reese m'a prévenu que tu étais de mauvais poil, je ne pensais pas autant.

- Oh ça va ! Vous me faites chier tous les deux avec vos secrets et vos manigances ! Réponds-moi ? C'est toi qui a filé une clef du salon à Styles ? je répète agacé.

Non. Je ne l'ai même pas croisé depuis deux jours.

- De toute manière, c'est un fantôme ce mec. On l'entend pas et il ne fait aucun effort pour être agréable.

- Louis ! me réprimande Niall.

Quoi ? Toi aussi tu vas me dire de ne pas le juger, blablabla...

- C'est quoi le problème avec lui ?

- J'ai pas de problème... , je marmonne en manquant totalement de crédibilité.

Louis...

- Niall, vous vous comportez comme des lèches-culs avec lui. Vous me cachez quelque chose. Il a tous les droits à l'auberge. Franchement ça m'agace.

- Je pensais que tu l'aimais bien..., me dit-il doucement.

Comment je pourrais bien l'aimer alors que le mec ne daigne même pas répondre quand on s'adresse à lui et qu'en plus il se permet d'accéder, par l'opération du Saint-Esprit, à la seule pièce condamnée de l'auberge ?!?

- Je voulais dire artistiquement, croit bon d'ajouter Niall après mon petit laïus.

Bah..., je réponds un peu gêné, j'ai bien aimé quelques-uns de ses titres, mais j'irai pas jusqu'à dire que je l'aime bien... Enfin. Non. Non.

- OK ! termine Niall. Je vais essayer de le voir et lui demander comment il s'est procuré la clef.

- Et la récupérer. Je ne veux pas qu'il touche à cet instrument.

- Louis !

- Non. Je serai intransigeant sur ce point Niall."


Je sors du bureau et ne laisse pas le temps à mon ami de me répondre. Si c'est pour m'entendre dire que, exceptionnellement, je pourrais laisser l'accès à la salle. C'est non !



3- Harry

A quel point suis-je fourbe ? Jeff ou Kendall en ont déjà fait les frais, mais ils me connaissent par cœur. Mais là, j'avoue que je me suis un peu surpassé. Niall Horan, le directeur de l'auberge, est venu me trouver dans ma chambre. Prétextant s'assurer que je ne manque de rien, il m'a ensuite demandé comment je m'étais procuré la clef du salon où se trouve le piano.

S'il me posait la question, c'est qu'on lui avait rapporté que j'avais joué. Je ne pouvais pas faire comme si c'était faux mais j'ai argué que la porte était déjà ouverte et que je me suis juste permis de jouer quelques minutes.

J'ai joué une heure sur l'instrument. Et ça m'a fait un bien fou. Alors j'ai gardé précieusement la clef du salon et tout le temps où Niall est resté dans ma chambre, je l'ai faite tourner entre mes doigts au fond de ma poche.

Alors, quand je m'installe à nouveau sur le tabouret, un petit sourire démoniaque se dessine sur mes lèvres. J'ai remarqué que tous les jours vers 15h, le rez-de-chaussée de l'auberge était vide. J'ignore où vont les clients mais ça me laisse le loisir de profiter du salon sans qu'un autre client que moi y pénètre.

Je tiens à la confidentialité du jardin secret du jeune homme qui joue également sur ce piano...

Je m'installe et joue la nouvelle partition que j'ai écrite depuis mon arrivée. J'y ai posé des mots et ne pas pouvoir les chanter me frustre énormément. Mais j'aime la mélodie.


"J'ai fermé moi-même la porte de ce salon !"


La voix de Louis, le jeune pianiste, bien que nous devons avoir le même âge, résonne dans mon dos. Il n'est pas resté à la porte cette fois et s'est avancé juste en face de moi. Je continue de jouer alors que je relève mon visage vers lui. Je loupe une note quand je croise son regard. Ses sourcils sont tellement froncés que j'aurais pu louper le bleu incandescent de ses yeux. Je déglutis mais poursuis ma partition, le regard ancré au sien.

Sans que je le vois venir, la main de Louis se pose sur le clavier m''interrompant cette fois définitivement.


"Ça va bien de m'ignorer et de vous comporter comme le roi ici. Mais il y a des règles à respecter. Cette porte est verrouillée et j'en détiens la clef, dit-il en me la montrant accrochée à son trousseau. Qui vous donne accès à cette pièce si vous n'avez pas de clef ?"


Je le regarde en soupirant et tourne la tête de gauche à droite pour lui faire comprendre à quel point il est ridicule. Posséder un si bel instrument et ne pas s'en servir est un sacrilège. Je tourne le dos à Louis pour me diriger vers la porte. Mais à peine ai-je fait quelques pas, que Louis se place devant moi pour m'empêcher de sortir.


"Non non, vous n'allez pas vous en sortir comme ça ! Ça fait deux fois que je vous trouve dans cette pièce. Je veux une explication. Ce salon est condamné jusqu'à nouvel ordre, pour le personnel et surtout pour la clientèle. Et quoi qu'en pense Niall, pour moi, vous êtes un client comme les autres !"


Je baisse mon regard sur lui pour croiser le sien. Louis est en colère mais ses yeux trahissent une certaine peine. Je me décale pour continuer à avancer mais sa main s'accroche à mon bras pour me retenir. Je crois qu'il est arrivé à saturation de mon comportement.


"Alors, quoi ? C'est pour éviter qu'on révèle à tout le monde que vous n'êtes qu'un connard antipathique qu'on doive signer ce putain d'accord de confidentialité ?"


Il me sert un sourire mauvais alors que je sens mon regard s'assombrir. Pour qui se prend-il ? Je me détache de sa poigne mais il insiste, me barrant le passage. Je serre les poings prêt à exploser. Mais comment exploser quand on a perdu la capacité de parler, d'hurler ?

Alors, j'agrippe la veste de Louis et m'approche au plus près de son oreille. Tant pis pour mon secret...


"Il faut parfois apprendre à regarder plus loin que le bout de son nez. Imbécile !"


Il est choqué, je le sais, parce qu'il ne répond rien et ne bouge pas. Je le bouscule légèrement et quitte le salon, la clef toujours bien cachée au fond de ma poche.


*

*  *

J'ai envie de dire Ta-Dam !!!!

C'est un peu explosif entre les deux... Entre le caractère de cochon de Louis et Harry qui se croit absolument tout permis.

C'est l'un de mes chapitres préférés !

#CapucinesFic (au cas où)

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