CHAPITRE 4 - HARRY

"H ? Tu descends dîner ? J'ai préparé une salade."

Kendall est assise sur le bord de mon lit. Elle découvre ma tête, enfouie sous la couette. Dans un geste apaisant, elle caresse mes cheveux.

J'ai réussi à m'endormir tandis que l'angoisse me rongeait. J'espérais en me réveillant que tout ceci n'aurait été qu'un cauchemar, que ma gorge ne serait pas en feu si je tentais de parler. Mais à peine ai-je avalé ma salive qu'une sensation désagréable m'envahit. Je ronchonne et essaye de récupérer la couette. Je plonge mon visage dans l'oreiller.

Je chante depuis l'âge de 19 ans. J'enchaîne les concerts et même s'il m'est arrivé d'être malade, jamais je n'ai souffert comme je souffre actuellement.

"Il faut que tu manges H. Tu as déjà sauté le repas de ce midi.

J'ai pas faim, je murmure.

Je vais appeler ton médecin si tu veux... me répond doucement Kendall.

Tu as des nouvelles de Jeff ?

Il t'a envoyé un message."


Mon amie me tend mon téléphone. Elle est contrariée, inquiète. Je m'empare de l'appareil en me redressant, passe ma main sur mon visage jusque dans mes cheveux. Instinctivement, je m'éclaircis la gorge et grimace.

J'ouvre le message de Jeff, le cœur battant. Jeff est mon producteur mais également mon ami. Même s'il était en colère tout à l'heure et qu'il m'en veut, souvent, de faire la une de la presse à scandales, je sais qu'il s'inquiète pour moi.

📧 De Jeff à Harry : Tu me fais chier H ! J'en ai ras le bol de tes frasques d'enfant gâté.

J'ai annulé le studio pour la semaine. T'as intérêt à te remettre, et vite !

Apparemment pas forcément !

Je bascule sur mon lit, mon bras gauche replié sur mes yeux et mon téléphone dans la main droite, étendue par dessus la couette. Je soupire. Je pensais que Jeff s'inquièterait plus de mon état après sa conversation avec Kendall. Nous sommes amis, tout du moins c'est ce que je croyais. Sa réaction me blesse alors que je suis déjà abattu par la situation.

"Tu as lu le message ?

Oui, me répond Kendall, ennuyée. Il est en colère mais je suis sûre qu'il s'inquiète. Tu sais comment il est. Ses mots sont durs aujourd'hui, mais je suis certaine que demain, il passera voir comment tu vas.

J'en suis pas si sûr. On était censé commencer les enregistrements du nouvel album, corriger les textes. Il a commencé à programmer la tournée. Finalement, le boulot compte plus que tout.

H ! Il va peut-être comprendre qu'il faut lever le pied. Tu étais en tournée il y a à peine trois mois. Tu ne peux pas repartir sur les routes sans te reposer, sans t'accorder du temps.

Tu sais bien que ça me convient. Je déteste..."


Je m'interromps dans ma phrase pour déglutir. Kendall me tend ma bouteille d'eau. La gorgée que j'avale me soulage à peine.

"Tu as besoin de te reposer. Physiquement et vocalement. Je sais que tu n'aimes pas être inactif mais aujourd'hui c'est nécessaire. Pour quelques jours en tout cas.

Ouais.

Ça va aller. Tu viens manger un morceau ?

J'arrive."


*

* *

Kendall a fini par rejoindre son loft près de la marina, persuadée que Jeff prendrait le relais pour s'assurer que je vais bien. Mais les jours ont passé, Jeff ne s'est pas pointé à la maison et ma voix n'est pas revenue.

Je ne sais pas si c'est pire. Je reste muet la plupart du temps n'essayant même pas de faire une tentative. J'essaye de me souvenir à partir de quel moment j'ai commencé à avoir mal à la gorge de façon tellement régulière que c'est devenu mon quotidien. J'ai été souffrant à la fin de la tournée à cause de la climatisation trop forte dans l'un des derniers hôtels où nous sommes descendus.

La tournée s'est achevée il y a trois mois...

Quand je suis allé rendre visite à ma famille, ma mère m'a fait la remarque que ma voix était plus rauque que d'habitude. J'ai mis ça sur le compte de la fatigue et du décalage horaire. Cependant, j'ai passé toute cette semaine-là à tousser ou me racler la gorge.

La même situation s'est répétée à mon retour sur Los Angeles et j'ai mis ça sur le compte de la climatisation de l'avion. Finalement, depuis près de trois mois, je ressens une gêne souvent masquée par la brûlure de l'alcool que j'ingurgite en soirée.

Les mots de Kendall me reviennent en mémoire : "Ta voix c'est ton outil de travail H, préserve-là !". Est-ce que j'ai trop tiré sur la corde ? Est-ce que je me suis trop reposé sur mes acquis, à tel point que je ne me rends même plus aux séances avec Charlène, ma coach vocale.

Je tourne en rond au milieu de mon salon, mon éternelle bouteille d'eau à la main. Je ne suis pas bien et même si ça m'ennuie de le reconnaître, j'ai besoin de Jeff près de moi pour me rassurer, pour qu'il prenne les choses en main. Ce n'est pas une simple angine. Ça dure depuis trop longtemps et je ne sais pas quoi faire.

Alors, je ravale ma fierté et décide de me rendre chez mon producteur pour lui présenter mes excuses et lui demander de l'aide. Je monte me préparer à l'étage, enfile un jean et t-shirt à manches longues, noue l'un de mes foulards autour de mon cou. Je sors de ma maison et monte dans ma voiture. Lunettes de soleil sur le nez, je sors de ma propriété et m'engage dans le lotissement avant de rejoindre les boulevards jusqu'à l'appartement de Jeff.

J'arrive à destination assez rapidement ; la circulation étant fluide en ce début d'après-midi. J'accède au parking en sous-sol avec le badge que je possède, gare la voiture et rejoins l'ascenseur. Je ne me fais pas annoncer par le concierge et monte directement à l'étage.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le salon du loft, face aux immenses baies vitrées surplombant la ville. Glenne, la compagne de Jeff, relève son visage au tintement de l'ascenseur et me sourit gentiment quand elle me voit m'avancer vers elle.

"Harry ! Comment tu vas ? me demande-t-elle en s'accrochant à mon cou et bisant ma joue. Tu as l'air fatigué et amaigri...

Jeff est là ?"


Je peux clairement lire le choc sur son visage quand elle m'entend murmurer avec difficulté. Je lui souris tristement et glisse mes doigts dans mes cheveux, mal à l'aise.

"Je vais l'appeler. Il est en conférence téléphonique avec le Japon.

Merci.

Je te propose quelque chose à boire en attendant ? Un thé ?"


Je hoche la tête affirmativement et m'assieds sur le canapé. Je n'ai jamais bu autant de thé que depuis que je suis incapable de parler normalement. Je fais tourner mon téléphone entre mes mains, nerveux, desserre mon foulard. Glenne revient cinq minutes plus tard, un plateau avec deux tasses entre les mains qu'elle dépose sur la table basse. Elle me donne ma tasse de thé fumant et s'installe à côté de moi. Je déteste le regard qu'elle porte sur moi, mélange de pitié et d'inquiétude. Je ne sais pas ce que Jeff a pu lui dire et j'aimerais pouvoir lui expliquer. Mais je m'économise, conscient de l'importance de ma conversation avec mon producteur.

"Jeff termine sa conférence. Il ne va pas tarder à nous rejoindre.

OK.

Harry... Je suis désolée de ce qui arrive. Je suis surprise surtout. Je balaye sa remarque d'un geste de la main avant qu'elle enchaîne et me confirme ce que je pense par rapport à Jeff. Jeff a été sur les nerfs toute la semaine à cause de votre conversation de dimanche. Mais, à te voir, je comprends qu'il n'a pas conscience de l'ampleur de ton état."


Je vais pour lui répondre mais Glenne se penche vers moi, ses doigts se posant délicatement sur mes lèvres. Elle me sourit gentiment et s'apprête à poursuivre quand son mari entre dans le salon. Son regard est dur sur moi et me comprime l'estomac. Jeff n'a pas pris la peine de venir me rendre visite ou de m'envoyer un simple message de la semaine pour prendre de mes nouvelles. Me voir au milieu de son salon ne semble même pas l'étonner ou l'inquiéter. A quel moment notre relation est devenue plus professionnelle qu'amicale ? A quel moment notre relation est devenue tout simplement inexistante ? Nous n'avions jamais eu de vrais différends Jeff et moi. Il m'a passé tous mes caprices et mes débordements. Mais il semblerait que cette fois, ce soit la goutte d'eau... Et j'en paye toutes les conséquences.

"Harry ! Que me vaut l'honneur de ta visite ? On a rendez-vous demain au studio. Il ne fallait pas te donner la peine de venir jusqu'ici ! me dit-il le ton chargé de sarcasme.

Jeff, intervient Glenne. Ne sois pas si sévère avec Harry.

- Non, non, c'est fini tout ça. J'en ai ma claque. Kendall et toi vous êtes tout le temps en train de lui trouver des excuses quand il fait de la merde. C'est bon !"


J'en ai assez entendu. Je comprends que Jeff soit déçu mais qu'il ne me laisse pas le bénéfice du doute me met en colère. Je me lève du canapé et me dirige vers l'ascenseur. C'en est vraiment pour trop moi, il n'est pas question que je reste une seconde de plus ici. Jeff veut jouer au plus con, je peux être très fort dans ce domaine. Je presse les doigts de Glenne quand je passe près d'elle et lance un regard tendu vers Jeff. La main de Glenne agrippe mon bras et elle me retient.

"Jeff. Ça suffit. Harry est là pour te voir. Il a fait le déplacement exprès alors que toi tu n'as pas pris la peine de passer chez lui cette semaine. Il se présente devant toi, tu pourrais avoir la correction de le recevoir. Vous êtes amis avant d'être partenaires d'affaires. Donc vous vous mettez tous les deux sur ce canapé, et autant que possible, vous discutez !"

Jeff regarde Glenne, surpris de l'intervention presque virulente de sa femme puis se tourne vers moi. Je baisse le regard sur mes chaussures, indécis quant à l'attitude à adopter mais certainement pas prêt à céder face à Jeff. Glenne exerce une légère pression sur mon bras pour me donner le courage qui me fait défaut et m'attire vers le canapé. J'ai des torts, beaucoup de torts, dans la situation actuelle. Je suis prêt à les reconnaître et à les assumer.

Je reprends ma place et bois une gorgée du thé encore chaud. Jeff s'assied face à moi, le dos appuyé sur le dossier du canapé, la cheville ramenée sur son genoux et ses bras croisés. Je prends une grande inspiration et lève mon visage vers lui. Je lui renvoie son regard arrogant sans ciller alors même que mon cœur bat de façon désordonnée.

"Je suis désolé..."

Comme Glenne quelques minutes plus tôt, Jeff se redresse du canapé et me regarde interloqué, la bouche légèrement ouverte à cause de la surprise. Je décide de poursuivre sans lui laisser le temps de faire la moindre remarque.

"J'ai besoin de ton aide Jeff. Je suis resté muet toute cette semaine mais ça n'a rien changé. Je ne peux pas parler plus fort que ça depuis dimanche dernier, je chuchote avant de déglutir difficilement. Je n'ai consulté personne parce que je ne sais pas quoi faire.

Putain Harry... dit Jeff doucement. Mais pourquoi tu ne m'as pas dit à quel point c'était grave ?

Kendall te l'a dit. Tu nous as envoyé balader, comme tout à l'heure. J'ai honte parce que vous m'aviez dit de ralentir et... j'en ai fait qu'à ma tête, mais ce n'était certainement pas une raison pour m'ignorer comme tu l'as fait. Je reprends un peu de thé pour adoucir et humidifier ma gorge qui s'assèche à chaque parole. Mais j'ai besoin de toi."


Jeff se lève et vient s'asseoir près de moi. Glenne nous observe et quitte la pièce quand elle constate que j'ai toute l'attention de son mari. Il sort son téléphone de sa poche et ouvre son répertoire à la recherche d'un numéro de téléphone.

"On va te soigner H. Ménage-toi à partir de maintenant. Si c'est trop difficile de me parler, envoie-moi des messages."

Je hoche la tête pour lui répondre. Mon cœur dans ma poitrine ralentit enfin ses battements. Jeff appuie sur le contact qu'il a identifié dans son téléphone et échange avec la personne à l'autre bout du fil. Son ton est sec et convaincant, urgent. Son regard ne quitte pas le mien durant toute sa conversation et sa main libre presse mon genou.

Je suis rassuré de trouver le soutien que j'espérais de la part de mon ami. Je me garde bien de lui montrer parce que c'est un peu facile, après une semaine de totale ignorance, d'enfin s'inquiéter de l'état de son ami.

Jeff raccroche et pose son téléphone devant nous, sur la table basse.

"Rentre chez toi H, repose-toi et essaye de te nourrir. Je passe te prendre demain à 8h. Nous avons rendez-vous avec le Professeur Elisabeth Corday pour une consultation ORL."

Je me lève en soufflant et serre brièvement mon ami dans mes bras. Au creux de son oreille, je murmure un "Merci" auquel il me répond par une tape amicale dans le dos.


*

*  *

Je suis trop impatiente de vous partager cette histoire... !!

L'état de mon petit Harry ne va pas en s'arrangeant. Il s'inquiète enfin et commence à se poser des questions...

Merci pour votre lecture et vos petits mots... On continue l'aventure bientôt 

Des bisous

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