CHAPITRE 23 - HARRY

Il fallait bien que la réalité me rattrape. Je ne pouvais pas rester caché aux Capucines, dans les bras de Louis, sans attirer les soupçons. Si je ne suis pas surpris de voir Kendall débarquer, je le suis un peu plus concernant Jeff. Depuis deux semaines que j'ai fui Los Angeles, il n'a pas pris la peine de prendre de mes nouvelles.

Alors, lorsque Reese est venue me prévenir que Kendall était à l'accueil accompagné d'un homme de mauvaise humeur, j'ai senti une boule se former dans le creux de mon estomac.

La bulle allait éclater et ça risquait d'être difficile à gérer.

Je resserre mon étreinte autour des épaules de Louis et cale mon menton sur son épaule.


"Qu'est-ce que ta folle de copine revient faire ici ?" murmure Louis à mon oreille.


Je ris. Leur première rencontre a été mémorable.

Louis se tourne entre mes bras, son regard rivé au mien.


"Tu devrais aller voir ce qu'ils te veulent, il dit doucement. Tu peux aller à la maison si vous avez besoin de confidentialité. Je ne vais pas rentrer avant quelques heures, il ajoute gentiment.

Merci." je chuchote simplement avant de capturer ses lèvres.


Mon cœur s'emballe et mes émotions s'entrechoquent. Je quitte les bras de Louis et me dirige vers l'auberge. J'aperçois Kendall et Jeff sur la terrasse. Au fur et à mesure que je m'approche, mon sourire s'efface et l'angoisse augmente.

Dans un geste machinal, je glisse mes doigts dans mes cheveux avant d'embrasser la joue de Kendall. Je m'approche de Jeff pour en faire autant mais je me retrouve face à un mur alors qu'il me repousse d'un geste.


"Tu te fous de moi Harry ?!? il se met à hurler. Tu disparais pendant deux semaines, tu loupes tes rendez-vous médicaux et l'opération, il s'exclame. Et pourquoi ? Pour que je te retrouve dans un lieu paumé, dans les bras d'un... d'un... d'un quoi d'ailleurs ? C'est qui ce gars ?"


Les yeux des clients présents dans le salon sont braqués sur nous. Si j'avais insisté sur la confidentialité de ma présence à l'auberge lors de mon arrivée, je n'ai pas réitéré ma demande en prolongeant mon séjour. Et même si j'ai confiance en la clientèle et le personnel des Capucines, il n'est pas question que nous nous donnions en spectacle. J'attrape le bras de Jeff et me penche vers lui pour me faire entendre.


"On va aller discuter ailleurs, si tu veux bien, je demande.

J'ai besoin d'explications Harry ! Mais j'ai surtout besoin que tu prennes tes affaires et qu'on quitte cet endroit rapidement.

Non, je murmure. Je n'ai pas l'intention de te suivre.

Harry ! Tu t'entends ? s'exclame Jeff avec rage. Ce n'est pas sérieux. Le docteur Corday m'a appelé et m'a demandé de te ramener illico !" insiste-t-il.


C'est évidemment par le docteur Corday que Jeff a su que je n'étais pas rentré, et non parce qu'il ne parvenait toujours pas à me joindre. J'aurais dû appeler le médecin et reporter le rendez-vous plutôt que de ne pas m'y présenter. Je souffle et leur fais signe de me suivre pour nous mettre à l'écart.


"Où est-ce qu'on va ? demande Kendall, un sourire dans la voix.

Chez Louis. C'est là que je loge depuis plusieurs jours." je réponds simplement.


Tandis que Kendall émet un petit "Hum hum" suspicieux, Jeff souffle derrière nous. J'imagine parfaitement qu'il se retient de hurler sur moi.

Nous entrons dans la maison de Louis cinq minutes plus tard. Instinctivement, Kendall et Jeff se dirigent vers le salon alors que j'aurais préféré la cuisine et la sérénité qui s'en dégage.


"Non mais tu as carrément emménagé ici, en fait !" s'exclame Kendall en voyant mes affaires éparpillées mais surtout les carnets et partitions qui recouvrent la table basse et la guitare sur le canapé.

Je m'empresse de rassembler un peu ce qui traîne et leur fait signe de s'asseoir, ce que Kendall fait alors que Jeff fait les cent pas dans la pièce.


"A quoi tu joues Harry ? demande Jeff d'une voix calme mais pleine de sarcasme. Tu t'es cru dans une comédie romantique en tombant amoureux du bel aubergiste.

Ça n'a rien à voir, je réponds en secouant la tête.

Explique-moi alors parce que je ne comprends pas ! dit Jeff avec plus de virulence.

Jeff ! intervient Kendall. Donne-lui le temps de s'expliquer...

- Je ne demande que ça ! répond Jeff en levant ses bras avant de les laisser tomber le long de son corps et s'asseoir.

Tu ne m'as pas écouté plus de cinq minutes Jeff, je commence. Alors oui tu as pris les choses en main mais tu ne t'es pas inquiété une minute de ce que je peux ressentir. On a à peine quitté le cabinet du docteur Corday que tu me parlais réunion et séance photo. A quel moment, mon ami s'est inquiété pour SON ami ? je poursuis tout aussi surpris par mes paroles que Jeff semble l'être. Je suis terrifié. Terrifié par l'intervention en elle-même. Terrifié par les conséquences, les jours de silence absolu, la rééducation. J'ai peur de ne pas retrouver ma voix. Peur de forcer et de la perdre en plein concert.

Et alors, quoi ? Tu comptes rester comme ça ? il rétorque violemment. Tu as peur Harry, OK, je l'entends. J'ai déconné avec toi, je veux bien l'entendre aussi. Mais tu agis comme un gosse pourri gâté. Tu te caches depuis deux semaines. Tu ne te rends pas à tes rendez-vous, il répète.

Tu ne comprends pas... je tente à nouveau de m'expliquer.

Si Harry ! Je comprends ! Je comprends que tu es en train de mettre ta santé en péril au delà de ta carrière. Je comprends que tu préfères nier les problèmes quand ils se présentent à toi, me dit-il en pointant son index vers moi. J'aurais dû t'écouter et j'aurais dû t'épauler. Mais ton comportement aujourd'hui relève de l'inconscience."


Je reste un instant bouche bée devant mon producteur, frustré de ne pas pouvoir lui hurler ma colère et mes peurs. Je sais que je suis en train d'aggraver le problème. Je sais que je suis inconscient. Je le sais putain ! J'agrippe mes cheveux avec mes deux mains, ravalant ma rancune contre Jeff. Merde ! Les Capucines étaient devenues un écrin où rien ne semblait pouvoir m'atteindre. Les jours sont passés dans une quiétude parfaite. J'ai fini par me voiler la face et croire que tout allait bien jusqu'à ce que je doive quitter l'auberge. Alors, toutes mes angoisses ont refait surface, même celles les plus enfouies. Je ne voulais pas quitter cet endroit. Je ne voulais pas quitter Louis. Parce qu'en quelques jours, Louis m'a plus écouté que n'importe qui d'autre dans ma vie. Même si je ne me suis pas confié sur tout, Louis a été là. Louis est là. Alors ces derniers jours, j'ai soigneusement évité Reese, la seule à savoir pour l'opération ici, la seule à qui je me suis confié sur mon état dans les premières heures qui ont suivi mon arrivée. J'ai reformé la bulle autour de Louis et moi, repoussant l'inévitable.


"Harry ! Conduis-toi en adulte responsable pour une fois !

Tu me fais chier Jeff ! je lui dis en le fixant droit dans les yeux.

Ok, Ok ! On va se calmer maintenant, intervient Kendall en se plaçant entre Jeff et moi. Vous êtes en train de dire des choses qui dépassent votre pensée...

- NON ! répondons-nous d'une même voix.

Mais bien sûr que si ! insiste mon amie.

Non ! Personnellement j'en ai ras le bol de devoir toujours faire selon les désirs de Monsieur Styles !

Mais ça t'arrange bien ! C'est grâce à moi que tu mènes cette vie-là !

N'inverse pas les rôles Harry ! Sans moi, tu n'es rien !"


La main de Kendall sur mon torse me retient de frapper Jeff. Comment avons-nous pu en arriver là ! A quel moment le business a pris toute la place dans notre relation ?


"On va te laisser, H. On va trouver une chambre dans un hôtel en ville, reprend Kendall d'une voix calme. Vous êtes tous les deux épuisés, énervés. Il ne ressortira rien de bon."


Je souffle fortement et m'éloigne de Jeff et Kendall. Elle a raison et je suis surpris par son attitude, elle qui trouve toujours Jeff trop rabat-joie. Il sort d'ailleurs de la maison. J'entends ses pas sur la terrasse en bois puis dans les graviers de l'allée. Je me dirige vers la cuisine où j'ouvre le réfrigérateur pour prendre une bouteille d'eau. Je bois une longue gorgée alors que Kendall pose sa main sur mon épaule.


"Tu sais que je n'ai pas l'habitude de défendre Jeff. Mais, tu mets ta voix en danger H. Je comprends tes craintes mais tu ne peux pas rester comme ça. Quelques soient les conséquences."


Elle embrasse ma joue et sort de la maison. J'entends Jeff pester et Kendall l'envoyer balader. J'essuie la larme de rage qui coule sur ma joue.


***


Je pouvais aller m'enfermer dans le salon et jouer du piano jusqu'à ce que Louis termine sa journée et me rejoigne pour dîner.

J'ai préféré marcher un peu pour faire redescendre la pression, évacuer la boule d'angoisse qui commençait à se former. J'ai longé le lac jusqu'au ponton et je me suis assis, les pieds dans l'eau.

Je fais tourner mon téléphone entre mes doigts. J'hésite à envoyer un message au docteur Corday pour lui présenter mes excuses. Je sais que ça entraînera des explications et forcément un nouveau rendez-vous. Même si les mots de Kendall résonnent encore dans ma tête, je ne suis pas prêt.


"Tu es bien pensif..."


La voix de Louis me fait sursauter. Il s'appuie sur mon épaule pour s'asseoir en tailleur près de moi. Je tourne mon visage vers lui, lui offrant un sourire timide. Il laisse ses doigts courir le long de mon bras, jusqu'à s'emparer de ma main. Il se penche légèrement et embrasse le coin de mes lèvres. J'ai envie de me fondre contre lui.


"Est-ce que tu vas bien ? il me demande doucement.

Ouais... je murmure évasif.

Tes amis sont déjà repartis ?

Ils sont partis chercher un hôtel pour la nuit, je réponds en haussant les épaules.

Mais enfin... On aurait pu les loger ici ! s'exclame Louis.

- Je t'assure, c'est mieux qu'ils soient loin de moi.

Tu veux en parler ? m'interroge Louis sur la réserve.

C'est... compliqué. Enfin... Il y a tellement à dire..., je lui dis en haussant les épaules.

Tu as toute mon attention Harry..."


Et c'est avec ce genre de paroles que je sais que je ne veux plus quitter Louis. Je m'installe face à lui, entoure son visage de mes deux mains et l'embrasse passionnément. A bout de souffle, je me détache de lui. Son sourire est rassurant et ses doigts qui glissent dans mes cheveux, réconfortants.

Je prends mon téléphone et Louis comprend que l'histoire est trop longue pour que je lui raconte de vive voix. Alors, il se relève et s'installe près de moi, entourant mon corps de ses jambes. Dans cette position, il peut lire ce que je m'apprête à lui dire. Mais surtout, sans qu'il s'en rende réellement compte, il me soutient.


*

*  *


Et voilà, Harry va enfin se confier à Louis.

Comment pensez-vous que Louis va réagir ?


#CapucinesFic

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