CHAPITRE 14 - LOUIS

Une légère secousse sur mon épaule me réveille. Je mets quelques secondes à émerger, à me souvenir pourquoi je me suis endormi sur le divan du bureau de Niall. Je me redresse et m'assieds, étirant mes bras et mon dos. La douleur liée à ma chute dans les escaliers il y a quelques jours se rappelle à moi, me faisant grimacer et réaliser que ce n'était pas une bonne idée de dormir ici.

Mais que pouvais-je faire d'autre après m'être enfui comme un idiot en réponse au baiser que Harry m'a donné ?

J'ai couru jusqu'à l'auberge pour me réfugier à cause de l'orage. En entrant dans la bâtisse et en constatant le calme qui y régnait, j'ai pris conscience de l'heure plus que tardive. Je n'ai pas vu passer cette soirée qui pourtant ne s'annonçait pas comme l'une des meilleures que j'ai passées ces derniers mois.

Mais je dois le reconnaître, cette soirée en compagnie de Harry, à partager des confidences vraiment personnelles, a été agréable. J'ai pu en apprendre plus sur lui et finalement découvrir que mon jugement était erroné. Même s'il pense être une personne odieuse parfois, je sais maintenant qu'il est quelqu'un de bien au fond de lui.

"Louis ? Qu'est-ce que tu fiches ici ?"

La voix de Niall me sort de mes pensées. Qu'est-ce que je fais ici ? Je me cache vraisemblablement. Je me suis retrouvé démuni quand Harry m'a attiré à lui, quand son parfum a envahi tout mon espace, quand son souffle a caressé ma bouche juste une fraction de seconde avant que ses lèvres se déposent sur les miennes avec une délicatesse incroyable.

Je ne m'y attendais pas et je n'imaginais pas ressentir cette impression de flottement à son contact. Mon estomac s'est contracté dans cette douce sensation qui vous fait perdre pied l'espace d'un instant. Et, alors que j'aurais dû lui rendre son baiser et me laisser porter par ce moment, j'ai préféré m'enfuir en le laissant chez moi. Chez moi !

La tête entre les mains et les coudes sur les genoux, je soupire fortement avant de lever mon regard vers Niall qui me fixe avec incompréhension.


"J'ai envie de te répondre que ce serait trop long à expliquer et que j'ai honte ! je lui dis.

Mais qu'est-ce que tu as fait ?

- J'ai rien fait, justement. J'ai rien fait, je réponds presque en colère contre moi-même.

Je nous prépare du café et tu me racontes ?"


Niall est comme qui dirait mon meilleur ami. Nous nous connaissons depuis le collège et nous avons suivi le même cursus universitaire. Il a été présent à la mort de ma mère et vraiment enthousiaste lorsque je lui ai proposé de prendre la direction de l'auberge.

Aujourd'hui, ça nous permet de travailler dans une bonne ambiance et surtout sans gêne. Niall sait qu'il peut tout me dire. Mais moi, est-ce que je peux réellement tout lui dire ? Après mon comportement et mon discours concernant Harry, est-ce que je peux lui dire que je suis en train de craquer littéralement pour ce mec ?

Je me lève du canapé pendant que Niall va nous chercher une tasse de café à chacun. Je me place devant la fenêtre et regarde le paysage qui s'offre à moi. Il a vraiment beaucoup plu et le vent a ramené de nombreuses feuilles et branches sur les abords de la terrasse. Au moins, ça va me permettre d'être bien occupé aujourd'hui, à aider notre équipe d'entretien. Le soleil qui se lève et les quelques nuages annoncent une belle journée.

Je plonge mes mains dans les poches de mon jean. Je laisse mes doigts jouer quelques secondes avec la clef que j'y trouve avant de la sortir en secouant la tête. Il avait donc une clef... Peut-être que je finirai par savoir comment il se l'est procurée. Je la fais tourner entre mes doigts repensant à ces fois où j'ai entendu Harry jouer du piano, avec la même passion, le même talent que lorsqu'il a joué de la guitare au milieu de mon salon. Je frissonne au souvenir de ce moment.

Je me retourne et me dirige vers le bureau de Niall à la recherche d'une enveloppe. Quand je finis par en trouver une au milieu du bazar qui encombre certains tiroirs, j'écris sur l'enveloppe le prénom de Harry et glisse la clef à l'intérieur avant de la fermer. Je la laisse en évidence devant l'ordinateur de Niall et sors du bureau pour rentrer chez moi.


📧De Louis à Niall : Je te raconterai plus tard. A plus !


***


Harry est culotté mais je ne suis pas surpris de ne pas le trouver à la maison quand j'y arrive.

Dans la cuisine, je constate qu'il a nettoyé et rangé les tasses. Par contre, dans le salon, c'est autre chose. La table basse est recouverte de feuilles blanches griffonnées, des notes de musiques, des phrases. La guitare qu'il a utilisée hier soir est sur le canapé.

Les deux faces d'Harry littéralement.

Il y a quelques heures j'aurais éclaté de colère. Mais là, en parcourant les feuilles, je souris. Et surtout, je me maudis d'être parti de cette manière hier soir.

J'hésite quelques minutes à lui envoyer un message pour m'excuser de mon comportement, mais me ravise. C'était un baiser.

Juste un baiser. Parce que nous avions passé une bonne soirée. Parce que Harry a ressenti le besoin de se confier sur ses craintes et que j'étais là pour l'écouter. C'était juste un baiser.

Je rassemble les pages et les dépose sur le meuble derrière moi. Je remets la guitare à sa place, sur le mur de briques où trône la guitare de mon grand-père, celle qu'il m'a offerte à mes douze ans.


***


La matinée est passée à une vitesse folle. Je n'ai même pas eu le temps de déjeuner. Alors, lorsque je pousse la porte de la cuisine et que je vois Reese m'accueillir avec un grand sourire et une plâtrée de pâtes, je suis ravi. Je m'installe sur le tabouret haut près du plan de travail et commence à manger.

Reese s'installe à mes côtés et nous sert un verre de vin blanc à chacun. Je pose ma fourchette et trinque avec mon amie. Son regard me sonde et je lui renvoie le mien, interrogateur.


"Tu vas bien Louis ?

- Ça va. C'était la course ce matin, je réponds, voyant bien que la question de Reese est plus "profonde" que ça.

Quelqu'un est passé très tôt ce matin, à ta recherche... elle ajoute, mystérieuse.

Vraiment ? Qui ça ? je demande tout en entortillant mes tagliatelles autour de ma fourchette avant de la porter à ma bouche.

Harry." lâche-t-elle de but en blanc.


Je me stoppe dans mon geste, la bouche ouverte et la main légèrement tremblante. Mon cœur s'emballe. Est-ce qu'il lui a dit quelque chose sur notre soirée ? Je repose ma fourchette dans mon assiette et lève le regard vers Reese. Je gagne du temps en prenant une gorgée de vin tout en essayant de paraître le plus naturel possible.


"Il t'a dit pourquoi ? j'interroge mon amie.

Non. Il est resté très évasif, hésitant même. Il avait des cernes de trois kilomètres de long... croit-elle bon d'ajouter. Comme je ne réponds rien, elle reprend. Niall m'a dit qu'il t'avait trouvé endormi dans son bureau..."


Elle laisse volontairement sa phrase en suspens mais son regard semble vouloir me transpercer. Je gigote sur le tabouret, mal à l'aise.


"Tu as tenté ta chance et tu t'es fait recaler ? demande-t-elle doucement, sans moquerie.

Je dirais plutôt l'inverse, en fait...

- Quoi ?" dit-elle surprise.


Le rouge me monte aux joues et je ne trouve rien de mieux que de me noyer dans mon verre de vin. Mais Reese patiente, sa jambe se balançant négligemment sur sa cuisse. Je pose mon verre, souffle un grand coup en lissant mes cheveux en arrière.


"Il a débarqué chez moi hier soir à cause de l'orage, je commence. On s'est embrouillé...

- Évidemment, m'interrompt Reese.

Et puis, il est vraiment mal à cause de sa voix, je n'pouvais pas le mettre à la porte...

- Bah non !

- Mais arrête... je la réprimande. On a pas mal parlé, de moi, de l'auberge, de maman et de la musique. De lui et de ses craintes, ses doutes.

- Je t'avais dit qu'il n'était pas comme tu l'imaginais... elle me fait remarquer.

Oui... Enfin... Voilà, une chose en entraînant une autre... Il m'a embrassé, je lâche.

Oooh... Mais c'est digne d'une comédie romantique ça ! J'adore ! rit-elle. Continue...

- Je suis parti. En courant, littéralement !"


Reese me regarde, bouche-bée, avant de me donner une tape à l'arrière de la tête. Elle lève les yeux au ciel et descend du tabouret. Elle commence à faire les cent pas derrière moi, à m'en donner le tournis. Elle se poste devant moi les mains sur les hanches.


"T'es un crétin !"


C'est clair, bref, concis.

Reese sort de la cuisine. Je joue quelques secondes avec le restant de mes pâtes avant de me lever et les mettre au frais dans une boîte hermétique, l'appétit coupée.


***


Je consulte l'heure sur l'écran de l'ordinateur.

15h35.

J'ai fini d'organiser le planning et rangé trois fois le bureau de la réception. Comme chaque après-midi, l'auberge est calme. Un couple de retraités déguste une tasse de thé sur la terrasse.

Je tourne en rond. Niall n'a peut-être pas vu Harry pour lui remettre l'enveloppe ou peut-être n'a-t-il pas saisi qu'elle lui était destinée.

Je rumine assis au bureau d'accueil. Le téléphone sonne et m'oblige à reprendre mes esprits. Je décroche et prend la réservation. Les clients me posent un millier de question sur l'auberge et les activités alentours. La conversation dure une vingtaine de minutes et quand je raccroche, je souris.

Les notes de musique me parviennent, emplissant la pièce d'une douce mélodie. Une mélodie que je ne connais pas. J'attendais ce moment avec beaucoup plus d'impatience que je ne le pensais. J'enclenche la messagerie vocale et me dirige vers le salon.

La porte est grande ouverte. Il n'a plus besoin de se cacher, étant désormais autorisé à pénétrer dans la pièce et à jouer sur le piano de ma mère. Je m'approche doucement avant de m'appuyer contre l'encadrement de la porte pour profiter de ce moment. Le temps me semble suspendu et j'ai l'impression d'être transporté par sa mélodie.

Les yeux fermés, les doigts d'Harry semblent danser sur le clavier. Il est détendu. Je l'observe en silence, de peur de briser cet instant. Une mèche de cheveux tombe sur son front. Il porte un t-shirt noir moulant mettant en valeur sa carrure et découvrant les tatouages improbables de ses bras.

La mélodie s'arrête brusquement et il ouvre les yeux, tournant à peine son visage vers la porte. Pris en flagrant délit d'espionnage... encore ! Je me fige mais ne fais rien de plus. Je reste là, dans l'embrasure de la porte, le cœur battant. Nous nous scrutons quelques secondes. Le temps s'arrête autour de nous et j'ai l'impression qu'il n'y a plus que lui et moi. Puis, il finit par retourner son attention vers le clavier.

Harry se décale légèrement sur le tabouret et commence une nouvelle mélodie. Je la reconnais tout de suite. C'est une partition à quatre mains, une musique extraite d'un film français que ma mère aimait particulièrement. Mon estomac se serre et les larmes brouillent ma vue quelques secondes.

Je comprends alors que c'est une invitation à le rejoindre.

Est-ce qu'une fois encore je vais fuir ?

La mélodie reprend alors que je m'avance. Je m'installe sur le tabouret étroit. Ma cuisse se colle à celle d'Harry. Ce n'est pas grand chose... mais pourtant... Je tourne mon visage vers le sien et découvre un léger sourire sur ses lèvres. Je me cale au rythme de la musique, faisant abstraction des battements de mon cœur, les mains prêtes à caresser les touches du clavier.

Et je me lance. J'accompagne Harry. Je laisse les notes nous envahir. La mélodie me rappelle parfois nos échanges, tantôt lente tantôt rapide. Je regrette que le morceau ne soit pas plus long ou qu'Harry ne l'enchaîne pas à nouveau.

Les dernières notes résonnent encore dans le salon. Ses mains quittent le clavier pour se poser sur ses cuisses. Je n'ose pas croiser son regard. Pourtant, je lui dois des excuses pour hier soir.


"Je..., je commence, alors qu'il me coupe.

Merci pour la clef."


Je souris. Parce que ce "merci" vient du fond de son cœur. Alors, je me tourne vers lui et passe ma main à l'arrière de sa nuque, glissant mes doigts dans les petites mèches de ses cheveux. Il bascule légèrement la tête en arrière pour accentuer mon geste. Ses yeux verts brillent, ses lèvres charnues semblent si tendres. Je pose mon autre main sur sa main droite, sur sa cuisse et enfin, je capture ses lèvres.

Je l'embrasse comme j'aurais dû le faire hier, avec un certain empressement mais surtout avec toute la douceur qu'il mérite quand il partage ces moments uniques.


*

*  *


Louis a été surpris mais il se rattrape bien, non ?

#CapucinesFic

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