CHAPITRE 12 - LOUIS

Le battant de la porte de la cuisine claque sur la sortie d'Harry. Je souffle. Un peu trop fort sûrement, le cœur battant à tout rompre. Agacé. Déçu ? Je ne sais même pas ce que je ressens en réalité.

Déçu, peut-être oui. Déçu de me rendre compte qu'Harry est bien ce genre de personne qu'on dépeint dans la presse people. Cette brune filiforme, superficielle, qui s'avère être sa petite-amie, en est la preuve vivante. Je pensais que son arrogance n'était qu'une façade par rapport à son état, une image qu'il se donnait. Que l'homme sensible qui joue du piano chaque jour est celui qu'il est vraiment au fond de lui. Mais je me suis bien trompé. La lueur que j'ai aperçue dans son regard lorsqu'il a quitté le ponton a rapidement disparu.


"Louis ? Louis ?

- Hum ?"


Je me détourne de la porte pour faire face à Reese.


"Je ne supporte pas ce genre de personne ! Il se croit tout permis. A quel moment un client entre en cuisine pour passer lui-même ses commandes ?! J'te jure, on aura tout vu. Vivement que son séjour se termine ! je débite avant de me servir une tasse de café.

Mais qu'est-ce qu'il t'a fait bon sang !?!

- Bah rien. Mais tu n'es pas d'accord ?

- Non. Je suis désolée Louis, mais je pense que tu juges trop facilement Harry. As-tu seulement pris un peu de temps pour discuter avec lui ?

- Discuter ? Ce mec pue l'arrogance. Et sa nana, n'en parlons pas ! Tu l'as vue ?

- Mais t'es jaloux, ma parole ! me dit-elle amusée.

Quoi ? Mais non !

- Mais si ! Il est plutôt beau garçon, je te comprends en même temps. Tente ta chance, ajoute-t-elle en me faisant un clin d'œil.

Mais Reese, mais non ! je réponds en rougissant. Et puis je vois pas trop comment un gars comme moi pourrait l'intéresser. Non, et non... Mais qu'est-ce que tu me fais dire !"


Le rire de Reese m'accompagne jusqu'en dehors de la cuisine dont je sors rapidement, en pestant au fond de moi.


***


La fraîcheur de la soirée me fait frissonner lorsque je quitte l'auberge. La terrasse a été désertée et tous nos clients se sont réfugiés à l'intérieur pour le dîner.

Sauf Harry. Harry dîne dans sa chambre avec sa dulcinée... Gneugneugneu !

Je lève les yeux au ciel et secoue la tête. Ce type est en train de me rendre fou. J'ai l'impression que mes pensées sont continuellement tournées vers lui depuis qu'il a franchi le seuil de l'auberge.

Je m'engage sur le chemin qui mène à ma maison en remontant le col de ma veste. Le vent s'est mis à souffler en fin d'après-midi et je ne serais pas surpris que nous essuyons une averse dans les prochaines heures.

Je marche tranquillement savourant le calme de la soirée, respirant à plein poumon l'odeur de la terre humide. Pour rien au monde je ne voudrais quitter cet endroit malgré tous les souvenirs que j'y ai, malgré toutes les peines qu'il me renvoie parfois. Ici, je me sens apaisé et m'enivrer des odeurs qui se mélangent sur le domaine me permet d'oublier les aléas des jours qui passent.

Les mains au fond de mes poches, je m'engage vers le lac pour me balader un peu, profiter de la soirée avant de rentrer chez moi. Puisqu'il n'est pas très tard, j'en profite pour appeler mes grands-parents et prendre des nouvelles de mes sœurs.

J'avance d'un bon pas, écoutant les anecdotes de chacun. Si bien que je mets plusieurs minutes à me rendre compte que le vent souffle plus fort. Mes doigts sont glacés autour de mon téléphone. Je lève les yeux vers le ciel chargé de nuages bas. Il ne faut que quelques secondes avant que la pluie se mette à tomber en trombes d'eau. Je suis de l'autre côté du lac, à l'opposé de chez moi. Je raccroche rapidement et me mets à courir pour rejoindre mon habitation le plus vite possible.

La distance n'est pas importante mais cela n'empêche que je sois trempé jusqu'aux os. J'arrive sur ma terrasse et me débarrasse de mes chaussures sous la marquise en verre et fer forgé avant d'ouvrir la porte non sans râler.

Mais je m'arrête net en pénétrant à l'intérieur. La lumière du salon est allumée, ce qui me surprend puisqu'il faisait jour ce matin quand je suis parti. Je n'ai pas eu besoin d'éclairer la pièce pour me préparer. J'enlève ma veste et glisse mes doigts dans mes cheveux mouillés avant de m'avancer doucement dans le salon, méfiant.

Evidemment il est là. 

Moi qui voulait le fuir, le voilà maintenant au milieu de mon salon. Les cheveux dégoulinants sur son sweat, Harry est penché vers la bibliothèque qui orne l'un des murs de la pièce. Il ne semble pas m'avoir entendu entrer puisqu'il continue son inspection, s'emparant d'un ouvrage et commençant à le feuilleter.

Je l'observe. Ses cheveux en désordre à force d'y glisser les doigts, ses larges épaules, ses jambes interminables coincées dans un jean slim, sa paire de Converse...

Sa paire de Converse qui est en train de ruiner mon tapis !

Je sors de ma contemplation, furibond.


"C'est une habitude chez vous de pénétrer dans des endroits privés sans y avoir été invité !?!" je m'exclame, hors de moi.


Il ne sursaute même pas quand je m'adresse à lui. Il ferme doucement le livre avant de le remettre à sa place, puis se tourne pour me faire face. Il est tellement agaçant dans sa manière nonchalante de toujours terminer ce qu'il a commencé.

Ses cheveux en arrière dégagent totalement son visage, font ressortir le vert de ses yeux. A moins que ce ne soit l'éclairage tamisé du salon. Il ne dit rien, s'approche de moi, son regard ancré au mien, un sourire narquois au coin des lèvres. Je déglutis difficilement mais bombe mon torse pour lui faire comprendre qu'il est loin de m'intimider.


"Et vous, c'est une habitude d'espionner les gens avant d'annoncer votre présence ?" me susurre-t-il en arrivant près de moi.


Son souffle frôle ma joue quand il murmure au creux de mon oreille. Il savait que j'étais dans la maison et n'a pas cru bon s'arrêter de fouiner. C'est un intrus chez moi et c'est lui qui me reproche de l'espionner. Je me reprends et me dégage de sa proximité, le provoquant du regard.


"Vous êtes ici chez moi, je lui rappelle d'une voix acerbe. Ce n'est pas l'auberge, c'est MA maison, un endroit privé. Alors, je vous demande gentiment de sortir !"


Mes mots sont ponctués par un coup de tonnerre à faire trembler les murs. Harry sursaute, perdant un peu de son arrogance. La lumière vacille légèrement tandis que la pluie claque plus fort.


"Je suis désolé, il reprend, mais vous allez devoir me supporter jusqu'à ce que l'orage passe. Il n'est pas question que je rentre sous cette pluie battante, réplique-t-il, catégorique.

J'en ai rien à faire ! je m'exclame en secouant la tête. Vous sortez de chez moi. MAINTENANT !!!

Louis ! Je vais être clair ! Je me suis fait surprendre par l'orage, j'étais à côté de cette maison alors je suis entré pour me mettre à l'abri. Mais maintenant, il n'est pas question que je ressorte par ce temps ! dit-il froidement sans me quitter du regard.

Vous êtes déjà mouillé ! Un peu plus un peu moins, je ne vois pas ce que ça change ! je m'exclame en levant les yeux au ciel, exaspéré par son comportement.

Vous le faites exprès de ne rien comprendre ? me demande-t-il en commençant à véritablement perdre son sang-froid. Ça change tout Louis ! Je ne veux pas risquer de tomber malade alors que j'ai déjà perdu ma voix !"


Je m'apprête à répliquer, la colère montant en moi face à son inconvenance mais me ravise lorsque je prends conscience des mots qu'il vient de dire. J'aimerais pouvoir le mettre dehors, lui qui se croit tout permis, mais je dois bien reconnaître que sa voix est de plus en plus éraillée au fur et à mesure qu'il s'adresse à moi.


"Je..., je commence ne sachant plus quoi ajouter de plus. Ok ! Enlevez au moins vos chaussures ! Vous êtes en train de saloper mon tapis !" je dis, résigné à l'idée de passer les prochaines minutes ... heures ? ... avec lui.


Et alors qu'un faible rire passe les lèvres d'Harry, je lui tourne le dos et monte dans ma chambre pour me changer.

Lorsque je descends quelques minutes plus tard, Harry est dans la cuisine, le visage levé vers la verrière qui surplombe la table en bois. La bouilloire se met à siffler l'interrompant dans ses pensées. Parce qu'évidemment, il a fait comme chez lui et s'est fait chauffer de l'eau. Ce genre de comportement ne devrait plus me surprendre de sa part. Il a l'air d'être partout chez lui. Je lui tends le pull que je lui ai descendu pour qu'il puisse se changer, me retenant de lui faire une réflexion, et m'occupe de nous servir une tasse de thé à chacun.

"Alors c'est comme ça la vie d'artiste ? je lui demande, sèchement.

Pardon ? fait-il en se tournant vers moi, les sourcils froncés.

Vous pouvez tout vous permettre ? Sans jamais demander l'autorisation. Personne n'ose jamais vous dire quoique ce soit, je suppose ? je dis en évitant de le regarder.

Ce n'est pas toujours comme ça. Certaines personnes aiment me rappeler les bonnes manières.

Ça ne semble pas fonctionner... je marmonne en secouant la tête.

Non, en effet. Parce que j'aime beaucoup agacer mon entourage !

Je vois..."


Harry s'est posté juste à côté de moi. Je peux sentir les effluves de son parfum. Sa proximité me déstabilise et je déteste ça. Je m'empare des deux tasses et me dirige vers le salon, Harry à ma suite.

Tandis que je m'assieds sur le canapé, Harry reprend l'inspection de la pièce. Evidemment...

J'aime ma maison, l'ambiance qu'elle dégage : la chaleur du salon contre la luminosité de la cuisine. Harry a délaissé la bibliothèque et s'intéresse maintenant à la collection de vinyles de mes parents, que j'ai complétée au fil des années. Forcément, il ne peut s'empêcher de s'emparer de l'une des guitares accrochées au mur de briques.

Mon estomac se serre. Une fois de plus, j'aimerais lui dire qu'il n'a pas le droit de s'immiscer ainsi dans ma vie privée. Mais à peine a-t-il l'instrument entre les mains qu'il se met à jouer. Les notes emplissent la pièce de l'une de ses chansons dont je connais parfaitement la mélodie, l'une de mes préférées. Je me sens rougir, conscient qu'il a dû trouver ses propres disques dans ma collection. Alors je ne dis rien et profite de ce petit moment de grâce. Reese a peut-être raison finalement...

Et je la déteste pour ça !! 


*

*  *

Serait-il temps pour nos loulous de commencer à s'apprécier sincèrement... ?

#CapucinesFic N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez de la fiction sur le #

Des bisous

🌸🌸🌸


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