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Les langues étrangères faisaient partie de ce qu'aimait le plus Adélaïde. Elle adorait apprendre des langues et découvrir différentes cultures. Ça la passionnait énormément. Elle aimait regarder des reportages dans sa chambre sur un pays inconnu, découvrir la vie des autres, puis espérer un jour mettre les pieds dans ces pays qui lui tapaient dans l'œil. Adélaïde n'a pas énormément voyagé durant ces seize années de vie. Elle est allée à Marseille, à Biarritz, à Lisbonne un bon nombre de fois à cause de ses origines, et à Londres grâce au lycée l'an dernier. Elle n'est jamais allée très loin, n'est jamais sortie de l'Europe, n'a jamais traversé un océan.
Cela faisait deux heures qu'elle était sur ce devoir d'anglais. Elle étudie des choses hyper intéressantes en cours d'anglais et elle a déjà une très bonne maitrise de la langue. Elle n'a aucune difficulté. Cependant ce travail lui donnait du fil à retordre. Elle ne le trouvait pas parfait. Si cela avait été des maths, elle aurait déjà abandonné depuis longtemps. Mais là, elle aime l'anglais. Alors elle continuera jusqu'à la perfection.
Soudainement, la porte de sa chambre s'est ouverte en grand, ceci faisant un vacarme épouvantable. Adélaïde a eu peur et elle s'est promptement retournée. C'était son demi-frère, Raphaël. A cinq ans, il est déjà intenable.
- Adèle ! Adèle ! Tu peux me mettre un dessin animé s'il te plaît !
Il s'est précipité sur elle et s'est accrochée à son bras lui tirant vivement la manche. Elle détestait ce surnom. Elle ne comprenait pas d'où il sortait. Elle s'appelait Adélaïde, seulement Adélaïde et non pas Adèle. La jeune fille a dégagée son bras et a foudroyé le petit Raphaël.
- Non. Sors de ma chambre, lui a-t-elle dit méchamment.
Le petit garçon l'a regardé d'un air si gentil, mais cela n'a pas fait craqué Adélaïde. Ce gosse était mal élevé. Il l'emmerdait à longueur de journée. Les yeux du petit Raphaël se sont petit à petit gorgés de larmes, puis il a finalement éclaté en sanglot.
- Putain Raphaël ! Ferme-là bon sang ! Sors de ma chambre !
Elle a commencé à repousser le petit garçon qui ne faisait que pleurer de plus en plus fort. Elle avait l'impression qu'il faisait exprès pour qu'on l'engueule encore une fois.
- Adélaïde t'es méchante ! T'es méchante ! lui a-t-il dit en pleurant. Maman ! Adélaïde elle est pas gentille avec moi !
Sa mère n'a pas tardé et est venue dans la chambre de la rousse.
- Raphaël, tu embêtes ta soeur. Laisse-la travailler, elle a besoin de se concentrer, a dit Marion. On te laisse travailler.
Elle a attrapé la main de son fils et ils sont sortis de la chambre d'Adélaïde. Marion commençait à prendre du poids, son ventre n'était plus si plat et parfois ses sautes d'humeurs étaient ingérables. Marion a, depuis qu'elle s'est marié avec le père d'Adélaïde, voulu mettre dans la tête de ses enfants que la rousse est leur sœur. Mais elle ne l'est pas, et elle est loin de l'être. Adélaïde ne considérera jamais ces gamins comme ses frères et soeurs. Elle est fille unique et elle le restera.
N'étant plus du tout concentrée, elle a finalement abandonné son devoir d'anglais. Tant pis, il ne sera pas parfait. Elle s'est levée de sa chaise et s'est laissée tomber sur son lit. Elle fixait d'un œil vide sa chambre, qui était complètement désordonnée. Rien n'était à sa place, des vêtements collaient le parquet, des feuilles chiffonnées sortaient de ses tiroirs, des livres s'entassaient dans sa bibliothèque. Puis, ses yeux se sont posées sur l'enveloppe bleue. L'invitation qu'elle a reçu lors de l'enterrement de Mme Ferraud.
Elle devait commencer à faire sa valise. Elle partait dans un peu plus d'une semaine. Elle loupait une journée entière de cours juste pour ce fichu voyage. Son vol était très tôt le matin, aux alentours de six heures et demi. Ils devaient tous être à l'aéroport deux heures avant. Puis ils avaient environ deux heures de vol pour enfin arriver à Palerme. Là, ils logeraient dans une jolie maison avec vue sur la mer Méditerranée.
Adélaïde a soupiré un bon coup puis s'est redressée. Au moins ce voyage lui permettra de revenir bronzée et de visiter une ville magnifique qu'elle ne connaissait pas. Finalement, il y a quelques petits avantages à ce séjour secrètement organisé.
La rousse s'est levée, a sorti sa valise qui se trouvait sous son lit et s'est décidée à commencer à la faire. Elle a pris le temps de réfléchir à ce dont elle avait besoin pour ce voyage. Il allait certainement faire très bon. Elle devait opter pour des tenues plutôt légères et quelques vêtements chaud au cas où. Elle s'est alors attelée à la tâche et elle a terminé au bout d'une bonne heure, juste à temps pour déjeuner avec son père, sa belle-mère et les petits.
Elle est sortie de la chambre en attachant sa chevelure flamboyante. Elle s'est assise à table, à côté de Raphaël et en face de son père. Adélaïde a attrapé sa fourchette et a baissé la tête sur son assiette : gratin, dont l'odeur donnait l'eau à la bouche, accompagné de morceaux de blanc de poulet. Adélaïde devient bien l'avouer, son père et sa belle-mère cuisinaient extrêmement bien.
- Tu veux que je te rajoute quelque chose ma chérie ? s'est adressée une voix grave à Adélaïde.
La jeune fille n'a pas relevé sa tête et s'est contentée de répondre froidement qu'elle ne voulait rien de plus.
- Bon appétit, s'est exclamé Raphaël en enfonçant une fourchette pleine dans sa bouche.
- Oui, bon appétit. Raph, ne mange pas trop vite, tu vas avoir mal au ventre sinon, a conseillé le père d'Adélaïde.
La rousse a commencé à manger, et à savourer le délicieux plat. Elle rêve de savoir aussi bien cuisiner.
Adélaïde était gauchère et malheureusement son demi-frère était droitier. Ceci était souvent source de disputes à table, Adélaïde donnait sans faire exprès des coups de coude à Raphaël, qui se mettait rapidement dans tous ses états.
- Adèle ! Tu prends trop de place avec ton coude, a ronchonné le garçon.
La jeune fille a roulé des yeux et lui a répondu :
- Lâche-moi, t'avais qu'à pas te mettre à côté de moi.
- T'es méchante ! En plus tu sais même pas manger.
La rousse a soupiré, à quoi bon rétorquer. Ce n'était qu'un gosse chiant, qui cherchait à attirer l'attention. Pourtant Adélaïde ne comprenait toujours pas que ce qu'il cherchait à attirer était son attention à elle.
Marion s'est raclée la gorge, et a interpellé la jeune fille :
- Tu pars bientôt à Palerme ?
Adélaïde s'est contentée d'hocher de la tête, jetant un silence froid à toute la table, jusqu'à ce que Délia intervienne :
- Ça se situe où Palerme Maman ?
- Ça veut dire quoi situer ?
- Un mot de géographie, t'es trop petit pour comprendre, a répliqué la fillette.
Cette phrase a eu le don de faire rire intérieurement Adélaïde. Elle estimait que Délia pétait plus haut que son cul et que du haut de ses huit ans, elle pensait gouverner le monde. La petite a déjà tenté plusieurs fois d'envoyer de petites piques discrètes à la rousse, mais elle n'a pas réussi à éviter l'échec. Adélaïde ne se laissait pas faire et encore moins par une gamine de ce genre.
- Raph, situer, c'est un verbe qui t'informe de la place de l'objet, de la personne ou du lieu en question.
Le petit garçon a vivement acquiescé, content qu'un adulte lui explique gentiment les choses.
- Adélaïde part dans un peu plus d'une semaine, a répondu son père.
- Tu vas prendre le soleil, ça va être génial. Si ça se trouve tu pourras même te baigner ! s'est exclamée sa belle-mère.
La rousse a grommelé un « génial comme tu dis » et a continué de manger silencieusement. Chez elle, les repas duraient assez longtemps. Personne n'avait le droit de sortir de table avant d'avoir mangé le plat, le fromage et le dessert. C'était une règle d'or qu'Adelaide ne comprenait toujours pas. Elle ne se souvenait pas que son père était si à cheval sur les repas avant.
- Et puis tu pars avec des gens de ton âge ! Vous allez pouvoir vous amusez, faire des trucs de jeunes ! a renchéri son père repensant certainement à toutes les belles conneries qu'il a pu faire.
- C'est clair, on va pouvoir se lamenter, observer la brûlure atroce de Quentin, compter les calories que s'enfile Juliette a chaque repas, s'inventer des problèmes avec Victoire, et violer d'autres jeunes avec Émile. Ouais, c'est clair ça va être incroyable, a répondu Adélaïde en regardant durement son père.
Ce dernier, gêné par les propos durs de sa fille, a minablement souri. Adélaïde n'avait jamais autant parlé à table, c'était si rare de l'entendre que malgré la méchanceté de ses propos, il était content.
Adélaïde s'est elle-même surprise d'avoir réussi à retenir tous les prénoms des jeunes, comme disait son père, avec qui elle partait. Elle a seulement oublié celui qui n'a pas voulu parler de lui.
Marion, elle, n'a rien dit. Lorsque Adélaïde sortait des phrases de la sorte, elle préférait la fermer pour ne pas s'en prendre une à son tour. Cependant, elle se demandait à chaque fois d'où lui venait cette aussi grosse haine qui sortait de sa bouche des qu'elle l'ouvrait. Cela gâchait toute sa beauté.
- Ça veut dire quoi violer, s'est exclamée Délia en tirant la manche de sa mère.
- C'est un mot d'adulte, t'es trop petite pour comprendre, a lâché la rousse.
Le petit Raphaël, comprenant que sa demi-sœur répétait la même phrase que Délia lui a dit quelques minutes plus tôt, a explosé de rire. Et entendre Raphaël rire à ses phrases méchantes, donnait toujours du baume au cœur à Adélaïde.
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