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- Vous souhaitez vous assoir ? a demandé la rousse a une vieille dame qui venait tout juste d'entrer dans le bus.
Cette dernière s'est tournée vers elle, avec des yeux brillants d'une grande reconnaissance. Adélaïde n'était pas si méchante qu'elle paraissait. Elle avait bon fond. Elle adorait être méchante, balancer des répliques glaçantes à certaines personnes qui n'avaient rien demandé ou bien alors qui l'avaient cherché. Elle aimait juste être seule. Elle n'avait pas besoin d'autrui pour vivre. Cependant, elle n'aimait pas être méchante avec les petits vieux des transports. Alors bien souvent, elle cédait sa place avec bonté.
- Merci beaucoup jolie demoiselle, c'est très aimable de votre part.
Adélaïde n'a rien répondu, elle a simplement souri. Un joli sourire sincère qu'il était rare d'apercevoir sur son visage.
Lorsque le bus s'est arrêté à son arrêt, la jeune fille est descendue, a traversé une rue et en a longé une autre pour atteindre son établissement. Elle a jeté un coup d'œil à la façade avant de soupirer. Le lycée d'Adélaïde ne donnait pas spécialement envie. Le bâtiment est entièrement en pierre, ces dernières sont complètement noircies par la pollution permanente qu'il y a dans la rue. Le bâtiment est tout simplement horriblement triste et repoussant.
Selon la rousse, l'Etat rendait l'école horrible pour les jeunes. Ils développaient une phobie scolaire à cause de l'éducation nationale. L'école n'était que stresse, compétition, méchanceté entre élèves et j'en passe. Ils avaient des emplois du temps atroces, et tant de devoirs qu'ils n'avaient plus le temps de souffler. Pas étonnant que l'adolescence soit une des plus dures périodes de la vie, l'Etat ne faisait qu'aggraver les choses.
Elle est entrée dans l'enceinte du lycée, a à peine salué le pion qui se trouvait devant la porte et a regagné la classe où son premier cours avait lieu. Une partie des gens de sa classe se trouvaient déjà dans la salle, ils parlaient, s'amusaient, avant les deux heures de langues anciennes qui les attendaient. Comme à son habitude, Adélaïde a pris la place du fond, collée au mur. L'angle du fond était la meilleure place, surtout dans une salle conçue comme un amphi. L'odeur de renfermée qu'il y avait dans la salle, donnait envie de vomir. L'air n'était pas respirable.
Elle a observé sa classe de première littéraire, et était déjà épuisée en pensant à toute l'année qui l'attendait, à la supporter. C'est simple, elle haïssait sa classe. En général, Adélaïde n'aime pas spécialement les classes dans lesquelles elle tombe, mais elle apprécie très légèrement deux ou trois personnes. Cette année, ce n'est pas le cas. Personne ne l'intéresse ou lui correspond pour qu'elle fasse un minimum d'efforts. Il y a, tout d'abord, les filles au style cliché de là filières L : maquillées de façon étrange, goût vestimentaire surprenant, mais malgré tout, cela leur va bien. Les filles timides à lunettes, les filles qui lisent constamment des œuvres qu'on n'impose qu'au lycée, les filles qui griffonnent ou dessinent sur leurs études de texte, celles qui pensent être belles et qui se prennent en selfies à longueur de journée, alors qu'elles ressemblent à des bouches d'égouts, et pour finir, il y a surtout les quatre garçons qui apportent de la diversité dans la classe.
La salle s'est remplie au fur et à mesure et quand la sonnerie a sonné, tout le monde était là. Le professeur est arrivé quelques secondes après, avec son habitude exaspérante de claquer la porte après l'avoir passée. Il était bruyant et ça dérangeait Adélaïde. Cependant, elle ne pouvait pas exprimer son mécontentement. Alors elle se contentait de rouler des yeux quand elle sentait les bancs bougés suite à l'action du professeur.
La matinée a annoncé sa fin lorsque la sonnerie a retenti. Adélaïde a rassemblé ses affaires, n'écoutant même pas la fin de la phrase de sa professeur de français. Cette vieille cruche leur rabâchait encore qu'il fallait commencer les révisions du bac de français le plus tôt possible. Encore faut-il avoir de quoi réviser pour s'y mettre. Adélaïde est sortie de la salle, ne saluant même pas sa professeur. Elle ne l'aimait pas et cela semblait réciproque.
Adélaïde s'est dirigée vers la cantine et s'est faufilée entre les élèves. Certains d'entre eux ne remarquaient même pas qu'elle les doublait, d'autres manifestaient leur mécontentement mais jamais très longtemps. C'est pourquoi, la jeune rousse s'est vite retrouvée avec un plateau rempli de nourriture infecte en main. Elle a choisi une table un peu isolée dans le réfectoire et a commencé à manger. Les cantines étaient ce qu'il existait de plus bruyant au monde. En plus, l'odeur était ignoble et ce que l'on mangeait ne ressemblait à rien. Les élèves étaient tellement affamés qu'ils ne prêtaient pas énormément d'attention à ces points-là. Ils n'étaient que de simples bêtes affamées que l'on engraissait pour que leurs cerveaux soient productifs pour le reste de la journée.
Un bruit de plateau s'écrasant sur la table a réveillé Adélaïde. Personne ne venait la déranger le midi en général, tout simplement parce qu'elle n'avait pas d'amis. Elle a relevé la tête pour voir qui osait l'emmerder. Elle a de suite reconnu le blond qui est allé au même enterrement qu'elle. Émile Barriot : l'harceleur du lycée.
- Qu'est-ce que tu veux ? lui a demandé Adélaïde en fronçant les sourcils.
- Manger en face de toi.
Et il s'est assis en face d'elle. Il a attrapé sa fourchette et s'est attaqué au plat de résistance. Il mastiquait ses aliments en faisant énormément de bruit et ça agaçait Adélaïde. Elle ne supportait pas le bruit.
- Fais moins de bruit quand tu manges, t'es dégueulasse. En plus d'avoir une mauvaise réputation, tu dégoûtes les autres rien qu'en mangeant.
Émile a levé les yeux vers elle et l'a observée. Il la trouvait très culottée de lui dire toutes ces méchancetés, pourtant cela lui plaisait. Au lycée, tout le monde avait peur de lui et personne n'osait s'attaquer à ce grand blond. Même les professeurs le redoutaient. Et elle, cette petite rousse, n'avait même pas peur d'ouvrir sa bouche et il aimait ça.
Adélaïde a pris le temps de finir de manger, sans adresser un seul mot à Émile qui ne cessait de la contempler. Il la trouvait fascinante. Il l'a déjà croisée quelques fois auparavant, sa chevelure l'a quelque peu marquée. Pourtant, il n'a jamais pris le temps de faire attention à elle. Elle n'avait rien d'extraordinaire hormis ses cheveux et ses yeux, mais elle rejetait cependant quelque chose de totalement envoûtant. Elle était magnifique.
La jeune fille s'est soudainement levée, a attrapée son plateau et s'est dirigée vers la sortie. Émile s'est empressé de la suivre et l'a suivie jusqu'à la cour de récréation où elle s'est arrêtée.
- Lâche-moi, lui a-t-elle dit. J'ai pas envie qu'on pense que je suis amie avec le violeur du lycée. Trouve-toi une autre cible.
Le blond l'a regardé, amusé. Les répliques, qu'elle sort, sont quand même bien trouvées.
- Pourquoi tu t'amuses à faire la bad girl ? a-t-il répliqué.
La rousse a froncé les sourcils. Elle ne voyait aucun rapport entre ce qu'elle venait de lui dire et la réponse qu'il venait de lui donner.
- Arrête de me coller où je fais croire à la proviseur que tu m'emmerdes, l'a-t-elle menacé.
Les yeux moqueurs d'Emile ont rapidement pris une couleur noire. Son regard s'est appuyé sur la jeune fille et il a grincé des dents :
- Va te faire foutre.
Émile a tourné les talons laissant Adélaïde plantée au milieu de la cour.
Après les cours, Adélaïde s'est rendue à son cours de boxe. Sa chevelure flamboyante attachée, elle a tapé dans un sac pendant une bonne heure. Cela lui faisait un bien inexplicable. Elle lâchait prise, ne pensait à rien, le stress n'avait plus d'emprise sur elle et elle arrêtait soudainement de penser à toutes sortes de répliques méchantes et rabaissantes qu'elle lâchait a longueur de journée. A la boxe, elle était calme, concentrée, discrète et déterminée. Et son coach l'appréciait pour cela. Elle ne ratait aucune leçon, était toujours présente et ne reculait devant rien. On aurait presque pu dire que la boxe était une passion pour elle, si elle ne considérait pas autant ça comme un moyen de se défouler.
Elle est ensuite rentrée chez elle. A peine le pas de la porte passé, elle ressentait déjà l'envie de ressortir. Elle n'aimait pas cet appartement, ce semblant de bonheur, ces jolies photos colorées accrochées au mur où on ne la voyait pas, ces peintures impeccables, cette disposition de meuble qui ressemblerait à un appartement d'exposition ou de shooting, ces odeurs de bougie pour créer une bonne ambiance, toutes ces jolies plantes. C'était trop.
L'appartement était grand, bien situé et de valeur. Chaque pièce était bien positionné et était suffisamment spacieuse. Adélaïde avait sa propre chambre, mais ne l'aimait pas spécialement. Elle ne lui correspondait pas. Elle n'avait pas choisi les peintures, les meubles, les décorations. Son père et sa belle-mère s'en sont chargés pour elle.
Adélaïde a une famille recomposée. Son père s'est marié à sa belle-mère, il y a plusieurs années. Cette dernière avait déjà deux enfants, de 5 et 8 ans. Ils attendaient tous les deux un autre enfant. Ils créaient une jolie petite famille dont Adélaïde était le défaut.
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