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Adélaïde allait à l'enterrement de sa psychiatre . Elle se rendait à son cabinet depuis quatre mois, et n'aimait pas particulièrement cela. C'est son père qui a eu cette sublime idée, et la jeune fille n'a pas eu d'autres choix que de lui obéir. Madame Ferraud, sa psychiatre, est décédée lors d'un accident de moto. Adélaïde ne la connaissait pas vraiment, mais cela lui a comme même fait un choc. Peut-être parce que l'on imagine que les personnes qui ont cette vocation sont intouchables.

Dès que son père a su qu'elle était conviée à l'enterrement, Adélaïde n'a pas eu d'autres choix que d'y aller. Voilà pourquoi elle se retrouvait à pendre le métro ce dimanche matin. Elle en avait bien pour une bonne demi-heure de transport et elle n'avait rien à faire. Les vacances d'été ont pris fin il y a moins de trois semaines, et Adélaïde entamait son année de Première Littéraire. Et elle n'aimait pas sa classe. Après tout ce n'est pas comme si elle aimait les gens en général.

La jeune fille est descendue à la bonne station, et a pris son temps pour remonter à la surface. Elle se donnait tous les moyens pour rater quelques minutes de l'enterrement. Elle a regagné l'église où elle restera minimum deux bonnes heures. Il y avait énormément de gens devant le bâtiment. Une atmosphère mortelle régnait, et Adélaïde ne se sentait pas à l'aise. Elle s'est habillée tout en noir et seuls ses magnifiques cheveux roux illuminaient un peu sa tenue qui se devait être triste.

- Tu es Adélaïde ? l'a-t-on accosté. Tes amis sont déjà là. Je vais te montrer où ils sont.

Adélaïde a froncé les sourcils. Comment était-ce possible que ses amis soient au même enterrement qu'elle ? Surtout étant donné qu'elle n'avait pas d'amis. Quelque chose clochait.

Le jeune homme, qui devait bien avoir dix ans de plus qu'elle, est entré dans l'église et la rousse a décidé que le suivre était une bonne idée. Il s'est arrêté devant un banc, en retrait par rapport à l'autel, où cinq jeunes de son âge se trouvaient déjà.

- La cérémonie commence dans un quart d'heure, l'a-t-il informé avant de repartir.

Adélaïde est restée plantée, dévisageant ses "amis". Elle a poussé un profond soupire et s'est laissée tomber sur le banc à côté d'un grand brun.

- Salut, s'est-il exclamé un peu trop joyeusement.

Elle a tourné la tête vers lui, a levé un sourcil avant de rétorquer :

- On se connait ?

Les yeux chocolatés du garçon ne la quittaient pas. Il avait une peau caramel, et une barbe de trois jours qui lui allait assez bien. Il était mignon. Une brûlure assez importante qui semblait commencer au niveau de son cou a attiré le regard d'Adélaïde. Puis elle s'en est rapidement détachée quand une réponse lui est parvenue :

- Quentin. Tu viens aussi pour l'enterrement de Madame Ferraud ?

- Non je suis venue pour son mariage, a lancé la rousse sur un ton plein de sarcasme.

Se rendant compte de l'idiotie de sa question, le garçon s'est gratté la nuque. Adélaïde s'est tournée vers l'autel et a fixé le cercueil, attendant que la cérémonie commence.

Le prêtre les accueilli, a fait ce qu'il avait à faire, puis les proches sont passés faire des discours jusqu'à ce que l'un d'entre eux mentionne le métier de Elizabeth Ferraud. Les six jeunes présents se sont redressés, soudainement plus concernés.

- Elle aimait beaucoup son métier, et se donnait corps et âme dans la guérison de ses patients.

La dame qui faisait son discours a regardé les jeunes et a poursuit :

- C'est pourquoi, elle voulait que Adélaïde Lévrier, Quentin Tonvale, Victoire Pirret, Thibault Minetta, Émile Barriot et Juliette Simonin ici présents soient parmi nous, aujourd'hui. Elle a également dédié une partie de son argent pour eux, pour leur organiser un voyage en Italie tous ensemble. Ce voyage aura lieu pendant les vacances de la Toussaint.

Adélaïde a failli s'étouffer avec sa propre salive. Elle pensait halluciner, pourtant elle n'a rien fumé avant de venir. C'est en étendant ses camarades rétorquer, qu'elle a réalisé ce qu'il se passait.

La dame s'est faite applaudir et la cérémonie a pris fin. Le cercueil a été embarqué et les gens sont sortis de l'église.

- Enchantée, je suis la soeur de votre psychologue, leur a dit la femme qui venait à peine de faire son discours en s'approchant d'eux. J'espère que la nouvelle vous a plu, vous vous doutez bien que vos parents sont au courant et parmi tous les patients de ma soeur, vos parents sont les seuls à avoir acceptés ce voyage.

- Et si nous, nous ne voulons pas venir ? Ça se passe comment ? a questionné une fille a l'apparence d'un squelette.

- On ne peut pas revenir en arrière, vos parents ont déjà vos billets d'avion, et ont signés tout un tas de paperasses.

- Vous nous faites une blague ? a lâché Adélaïde.

- Non, réjouissez-vous, ça va être génial ! J'espère pour vous qu'il fera beau. Je vous laisse ma carte où se trouve mon numéro de téléphone, appelez moi en cas de besoin. On se retrouvera le jour du départ, à bientôt.

Et elle est partie.

- Putain, a juré Adélaïde. C'est pas possible !

Elle a fermé les yeux, tentant de se calmer. Elle n'allait quand même pas partir avec cette bande de bras cassés.

- On pourrait apprendre à se connaître puisque l'on va être obligé de passer deux semaines ensemble, a proposé son voisin, Quentin.

Adélaïde a ouvert les yeux, et l'a toisé. Elle ne comptait pas sympathiser et encore moins partir en Italie avec eux. Le grand blond baraqué s'est levé pour s'assoir sur le banc de devant, face à eux et la fille squelettique l'a imité.

- Moi c'est Quentin, a commencé le voisin de la rousse.

Il était déterminé à créer des liens avec ces cinq personnes qu'il ne connaissait pas.

- Je suis en terminale ES, et je connais Madame Ferraud depuis mon accident. Mes parents ont estimé que la rencontrer était une bonne idée. Je fais partie des grands brûlés. J'ai reçu une casserole d'eau bouillante. Depuis mes parents me protègent beaucoup trop.

Adélaïde roulait des yeux. Elle allait maintenant devoir faire semblant de lâcher une petite larme et lui dire à quel point elle était désolée que sa peau soit devenue répugnante.

- Euh...Moi c'est Victoire. Je suis en seconde. Mes parents me forçaient à voir Madame Ferraud parce que j'ai pas de bonnes notes.

Adélaïde a lâché un rire et lui a balancé :

- En clair, tu vas juste chez la psy pour t'inventer des problèmes alors que t'as une vie parfaite. Pas mal du tout.

Victoire a d'abord rougi, impressionnée par la dureté de la phrase d'Adélaïde qu'elle ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam. Puis elle a tant bien que mal essayé de répondre mais ce fut un terrible échec :

- Je...Pas du tout...Tu sais pas...ce que je vis au quotidien.

Adélaïde a souri, amusée par la fille qu'elle jugeait pitoyable. Elle a immédiatement compris que Victoire n'avait pas confiance en elle, qu'elle aimait s'inventer des problèmes et faisait tout pour être malheureuse. Une fille pourrie gâtée qui ne comprenait rien à la vie.

- Juliette. Je suis diagnostiquée anorexique et le jour où mes parents m'ont entendu vomir, ils ont décidé que je devais me coltiner une tonne de rendez-vous chez Madame Ferraud. Je suis en première S.

Juliette était mignonne avec ses cheveux blonds et ses yeux marrons. Cependant son corps squelettique était si repoussant qu'Adélaïde en frissonnait presque. Cette fille avait l'allure d'un fantôme.

- Tu dois sûrement être le parfait cliché de l'anorexique qui fait de la danse classique, fume des clopes et qui est perfectionniste. Tu dois être hyper bonne en math à force de calculer les calories de tout ce que t'avales.

C'était encore une fois la voix de la rousse qui avait résonné dans l'église. Le grand blond baraqué a souri, amusé par les répliques méchantes d'Adélaïde. Quant à Juliette, elle n'a pas du tout réagi comme Victoire. Elle a préféré rétorquer, ne souhaitant pas se laisser faire.

- Je ne fume pas, ça abime la peau et les dents, je suis extrêmement bonne en math, j'ai 19 de moyenne, je ne fais pas de sport, et évidemment que je suis perfectionniste, je perfectionne mon poids pour atteindre la mort.

Adélaïde a perdu son sourire méchant. Juliette s'avérait être une grande adversaire. Elle ne se laissait clairement pas faire.Thibault a alors pris la parole pour détendre l'atmosphère.

- Je suis en Seconde. Je ne sais pas ce que je veux faire plus tard...hum... J'adore dessiné.

Adélaïde a froncé les sourcils après les quelques phrases prononcées par le brun dont la peau a la couleur d'un cadavre. Il n'avait pas parlé des raisons qui le poussaient à consulter leur psy.

- Pourquoi t'es là ? lui a-t-elle balancé.

Il lui a jeté un coup d'œil glacé, qui n'a cependant pas refroidi la fille à la chevelure de feu, et lui a répondu :

- Ça ne te regarde pas.

Émile s'est donc décidé à prendre la parole, même si voir le brun et la rousse s'entretuer lui donnait bien envie.

- Moi, c'est Émile. Je suis en Terminale S. Mes parents ont pris rdv chez la psy suite à des convocations répétitives dans le bureau de mon proviseur. Ça fait un an que ça dure.

Il s'est recoiffé, tentant de séduire les trois filles qui l'écoutaient. Adélaïde a esquissé un sourire hypocrite et ne s'est pas empêchée de renchérir :

- Tu me rappelles vaguement quelqu'un. Ça ne serait pas toi, le grand blond dont tout le monde parle au lycée ? Celui qui harcèle les filles ? T'as pas honte quand même, en 2018, faire de telles choses ça craint non ?

Le sourire arrogant d'Emile s'est effacé, laissant place à une mâchoire contractée. Elle n'avait pas le droit de s'attaquer à lui et à sa réputation. Victoire et Juliette ont eu l'air de prendre peur et cette dernière qui se trouvait à côté de lui, s'est légèrement décalée. Adélaïde venait de remettre la pendule de ce prétentieux à l'heure.

- Dis-nous qui t'es toi, tiens, lui a-t-il craché. Tu fais la maline depuis toute à l'heure, mais avoue que toi aussi t'es une grosse merde, autant que nous tous ici.

Adélaïde l'a méchamment regardé. Elle n'allait certainement par lui raconter sa vie à lui, le plus gros harceleur de son lycée. Et puis elle avait autre chose à faire que de devenir ami avec cette bande de bras-cassés.

- Ça ne regarde personne ici. Je ne vous connais pas et je n'ai pas envie de vous connaître.

Elle s'est très lentement levée. Victoire est restée bouche-bée, surprise que cette rousse tienne autant tête au beau blond. Juliette a paru exaspéré, Quentin mal à l'aise, Émile au bord du pétage de plomb et Thibault n'a pas relevé.

Adélaïde a quitté l'église, avec qu'une chose en tête, ces cinq personnes ne deviendront jamais ses amis, qu'elle parte en Italie ou non.

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