Chapitre 38 : Pronkar

Les ailes de Pronkar battaient à un rythme régulier. Il avait hâte de savoir les progrès de sa protégée. Elle devait l'attendre à leur rendez-vous habituel, il y serait déjà si les affaires du Garhul ne l'avaient pas retenu. Voilà maintenant qu'ils le chargeaient de babysitter une meute d'higwolgs sans aucune éducation. Comme s'il n'avait pas déjà assez à faire. Sa sœur et ses airs supérieurs au côté du Garhill pouvaient bien se fatiguer un peu les ailes ! Mais non, c'était encore à Pronkar de voler par monts et par vaux sur tout le territoire et plus encore. Il songeait au nouveau défi que son vieil ami Tiolman allait confier à Oalane. Il savait qu'il s'agissait de leur but à tous deux depuis le début, mais la jeune kaarane n'allait pas aimer ce traquenard.

Il pouvait déjà voir les pics enneigés au-delà de la forêt. Il se souvenait encore de sa rencontre avec Tiolman. À l'époque sa mère venait de lui apprendre que ce serait sa sœur qui resterait au côté du Garhill pendant qu'il veillerait sur le peuple et les alentours. Ce serait son rôle en tant que veilleur et passeur de mémoire. De tout temps les higelgs avaient cette tâche au sein des higwrens. Il n'avait pas compris cette décision. Il avait les meilleurs résultats, était bien plus diplomate, tant avec son peuple que leurs proches voisins, sa place aurait dû être au Garhul. Ce jour-là, il planait loin de la forêt quand il vit un kaaran loin des siens. Même de là où il se tenait, il voyait des larmes de sang couler depuis son œil sous sa main. Il reculait en boitillant, son attention sur un point face à lui. Il ne semblait pas avoir remarqué la crevasse à quelques pas derrière lui. Pronkar chercha ce qu'il l'avait mis dans cet état, et soudain il le vit. Un kikeren profitait de sa fourrure pour ramper dans la neige. Une forme presque invisible et pourtant se mouvant vers sa proie.

Pronkar ne réfléchit pas plus lorsqu'il piqua vers l'animal. Ses serres en avant, aussi silencieux que le vent dans ses plumes, le kikeren n'eut pas le temps de relever la tête. Les griffes aiguisées de l'higelg se plantèrent dans sa chair sous son feulement de douleur. Il le relâcha plus loin, beaucoup plus visible dans la neige maintenant que le rouge le tachetait. Malgré cela, le prédateur voulut achever son attaque, les crocs dénudés. Pronkar revint donc à la charge et, ses ailes grandes déployées, fit barrage en poussant un dernier cri d'avertissement. Cette fois-ci l'animal ne demanda pas son reste et détala en de longs bonds dans la neige.

Pronkar se tourna ensuite vers celui qu'il venait de sauver. Peut-être du fait du choc de l'attaque, le jeune kaaran avait trébuché dans la neige. L'higelg effectua le girmalk et vit l'œil unique s'écarquiller.

Déjà à l'époque il s'était étonné que les kaarans n'aient pas connaissance de l'existence des higwrens. Déception qui s'était renouvelé quand il avait rencontré Oalane. Il craignait pour la mémoire de son peuple, mais réalisait que cet oubli n'était pas seulement chez les siens. C'est pour cette raison qu'il avait choisi de rester en contact avec les kaarans : il comprenait pourquoi sa mère lui avait confié ce rôle.

Il avait besoin de raviver ses souvenirs de temps en temps. Là où certains de son peuple ne voyaient le passé que comme un fardeau, dans son cas c'était ce qui le poussait en avant. Ce fut l'esprit apaisé qu'il remarqua une scène en contrebas. Il aurait pu la survoler sans y prêter attention, personne ne pouvait le voir tant il était haut au-dessus de la forêt. Mais sa vue lui avait permis de repérer le tableau d'une meute d'higwolgs agitée autour d'un évènement. Et un mauvais pressentiment lui tirailla les entrailles quant à la mission qui lui avait été confiée. Avait-il pris cette direction par instinct ? Car jamais il n'aurait songé voir une telle violence de la part de son peuple. Pourtant cela se déroulait sous ses yeux : l'armak au-dessus de l'armal, ses crocs plantés dans le cou de sa victime.

La meute se mit à hurler d'une seule voix, et alors Pronkar comprit à quel rite barbare il venait d'assister. Sa tête tournait violemment, il devrait se poser pour reprendre ses esprits. Il craignait de s'écraser à tout instant. Il chercha un point à fixer à l'horizon, ça pourrait lui permettre de se concentrer. La seule chose qu'il vit fut les montagnes au loin. Une tempête semblait s'y préparer, il s'inquiéta pour ses amis kaarans quand des aboiements menaçants résonnèrent entre les arbres plus bas. Le meurtrier grondait à présent sur un autre higwolg massif au poil clair mais pas tout à fait blanc. Pronkar analysa d'où pouvait provenir ce nouveau désaccord après la scène qu'il venait de voir, quand il aperçut du mouvement dans sa vue périphérique. Cet higwolg-ci était bien plus menu, le poil plus sombre. Et il courait droit en direction du Garhul.

Le regard de l'higelg se perdit une dernière fois en direction des montagnes, il espérait qu'il n'arriverait rien à ses amis kaarans. Mais aujourd'hui son peuple avait besoin de lui.

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