Chapitre 35 : Seynor

Seynor observait le dernier morceau de pain qu'il leur restait. Démira, elle, n'avait plus de viande depuis deux jours maintenant. Le dragonnien avait plus de mal à voler de quoi la nourrir elle que lui.

— Seynor, on doit partir, supplia presque Démira, comme tous les jours depuis qu'ils s'étaient enfermés dans leur cachette.

Au moins, elle semblait avoir arrêté de grandir, supposait le dragonnien. Était-ce parce qu'elle avait atteint sa taille adulte, parce qu'elle n'avait pas assez de place ou bien parce qu'elle ne mangeait pas assez, il ne savait pas. Il allait lui promettre qu'ils quitteraient bientôt la ville, comme tous les jours, mais des exclamations à l'extérieur l'interrompirent. Il se leva pour aller voir malgré les recommandations de Démira de ne pas bouger.

Il se glissa sous la pierre qui bloquait l'entrée, juste assez pour voir ce qu'il se passait. Un groupe de gardes se tenaient devant la maison d'à côté. Seynor retint son souffle, est-ce qu'Heorick les avait envoyés le chercher finalement ? Allaient-ils l'emmener se faire juger devant le conseil ?

Depuis que Seynor avait lu les pages de la condamnation de sa mère, son imagination ne cessait de l'y projeter dans ses cauchemars. Souvent il était simplement assis dans les gradins, son carnet de notes sur les genoux, et il écrivait lui-même le compte-rendu. Il ne pouvait pas voir sa mère, mais il jurait d'entendre sa voix. Elle le suppliait de venir l'aider. Mais il ne bougeait pas, il gardait le nez sur ce qu'il notait.

Soudain, les cris reprirent et Seynor remarqua quelqu'un entre les gardes. Ces derniers maintenaient un homme et l'entraînaient à l'extérieur. Plusieurs habitants du quartier tentaient de les en empêcher mais les dragons défendaient leurs dragonniens. L'homme fut jeté sur le dos de l'un d'eux et Seynor le reconnut : Alistair. Ils finirent par s'envoler, mais le dragonnien n'avait aucun doute sur leur destination.

— Seynor, tu ne vas quand même pas aller là-bas ! tentait de rappeler à la raison la dragonne. Fuyons pendant qu'ils sont occupés !

— Démira, il m'a aidé à plusieurs reprises, je ne peux pas le laisser aller seul dans la fosse.

— Comme si tu pouvais lui être d'une quelconque aide, soupira-t-elle.

Le dragonnien l'ignora et se mit en route vers l'amphithéâtre du conseil. Là-bas, il se cacha dans l'ombre. Il n'en revint pas des spectateurs dans les gradins, Merinor et tous ses amis observaient le jugement avec des rictus réjouis. Évidemment qu'ils allaient se venger d'Alystair. Le conseil de ce dernier avait déjà commencé. Il se tenait face aux conseillers comme il y a maintenant presque un cycle lunaire. Cependant, un sourire mauvais ne quittait pas ses lèvres à présent. Lorsque Seynor tenta de voir ce qu'il avait derrière la tête, l'homme tourna son regard vers lui, comme par instinct. Le dragonnien en sursauta de surprise mais il continua à s'enfoncer sous le crâne d'Alistair. Il s'étonna de ne pas entendre sa voix mais une multitude de chuchotements. Il quitta immédiatement les pensées du forgeron pour écouter le verdict.

— Pour avoir pactisé avec Promethion contre Zadregon et contre les vivants, Alistair Marson est condamné à l'exil, prononça Delgon sous les acclamations des étudiants dans les gradins.

Curieusement, Seynor trouva le silence du forgeron nettement plus assourdissant. Son regard passa sur chaque conseiller avec ce même sourire malsain, comme s'il souhaitait garder en mémoire leurs expressions. Les gardes finirent par l'emmener mais il ne prit pas la peine de se débattre cette fois-ci. Seynor se détourna pour retourner à la cachette près de Démira mais il se heurta à un torse écailleux.

— Tiens Seynor, cela faisait longtemps, gronda Leorn qui croisa ses bras musculeux.

Le dragonnien ne parvint pas à aligner une phrase, Démira avait raison, il s'était jeté dans la gueule du dragon.

— Tu connaissais cet homme Seynor ? l'interrogea Heorick derrière lui.

Le jeune dragonnien réfléchissait à un mensonge potable mais, face aux regards aiguisés de ses mentors, il choisit une semi-vérité.

— Oui, c'est le seul forgeron qui a accepté de m'aider à créer mes armes.

— Tes armes ? releva Heorick qui s'appuya un peu plus sur son bâton, et tu les as sur toi, là ?

Seynor se retint de toucher ses dagues pour s'assurer qu'elles étaient toujours cachées dans son dos, juste sous sa cape. Il secoua négativement la tête avant d'ajouter un mensonge cette fois-ci :

— Non, le supérieur d'Alistair a refusé de me laisser partir avec des armes, tu imagines pourquoi.

L'insinuation eut le mérite de mettre son mentor mal à l'aise et Seynor en profita pour commencer à s'éloigner. Cependant une main griffue se posa aussitôt sur son épaule, suivie d'une question sur un ton menaçant :

— Et où tu crois aller, petit ?

— À l'appartement j'imagine ? soupira Seynor qui ne tenta même pas de lutter.

Ils se mirent tous les trois en route dans le silence. Le jeune dragonnien n'avait pas besoin d'utiliser son pouvoir ni de se retourner vers ses mentors pour savoir qu'ils parlaient à travers leur lien. Il ne pouvait avoir le luxe de se pencher sur leurs messes basses, lui-même devait lutter pour ne pas affronter Heorick en pleine rue. Même si quelques jours loin de lui l'avait calmé, maintenant qu'il lui faisait face à nouveau tout lui revenait en mémoire. Ses notes d'expériences sur lui, sa participation à la mort de sa mère, les mensonges...

— Tu étais où ces derniers jours Seynor ? Nous nous sommes inquiétés, affirma Heorick.

— Ça, je veux bien te croire, ricana à voix basse le jeune dragonnien. Avec une amie.

— Hérénice ? Sa mère me l'aurait dit je pense.

Seynor s'arrêta et lui fit face lorsqu'il révéla :

— Aussi incroyable que ça puisse paraître, j'ai une autre amie.

Ils reprirent la marche sans un mot à présent.

Dès que les portes de l'ascenseur se furent ouvertes, Seynor tenta de fuir jusqu'à sa chambre mais cela échoua.

— Seynor, regarde-moi, dis-moi ce qui t'arrive, ordonna Heorick, au centre de la pièce.

Leorn resta quelques pas derrière lui, immobile, mais Seynor sentait sa position défensive prête à exploser. Il ne put retenir sa colère plus longtemps. Après tout, il avait ce qu'il voulait : ses mentors dans un lieu privé.

— Ce qui m'arrive ? répéta-t-il alors qu'il se tournait pour leur faire face, Heorick, toi regarde-moi, plonge ton regard au fond du mien, et ose me dire que tu ne sais pas ce qui m'arrive.

Le mentor recula comme si son protégé l'avait frappé. Son expression se fit plus inquiète et il sembla chercher de l'aide auprès de Leorn.

— Que vous parliez à voix haute ou à travers le lien ne change plus rien pour moi, révéla Seynor avec un sourire satisfait devant l'air choqué d'Heorick.

— Tu ne devrais pas utiliser ces pouvoirs, ils sont dangereux car ils ne sont pas de ce monde. Ce n'est pas naturel, assena-t-il.

— Pas naturel, hein ? Comme ce qu'a fait ma mère ? Moi aussi tu vas me condamner à mort Heorick ? l'interrogea-t-il alors qu'il se rapprochait de son mentor d'une démarche menaçante. Montre-moi, je veux voir comment est morte ma mère.

Le vieux dragonnien secoua négativement la tête, il n'osait même plus regarder son protégé dans les yeux.

— Montre-moi je t'ai dit ! hurla Seynor, envahi par la rage.

— Et moi, je te conseille de ne pas t'approcher d'un pas de plus, gronda Leorn sur ses appuis, prêt à bondir sur lui.

— Puisque c'est ainsi, soupira ce dernier.

Il rassembla tout son pouvoir qu'il sentait brûlant comme une lame plongée dans la forge. Enfin, il le déchaîna sur l'esprit d'Heorick qui n'eut le temps que de pousser un cri étouffé avant de tomber à genoux.

— Je t'avais prévenu ! rugit le Zargmar avant de se jeter sur Seynor, qui l'arrêta d'un coup d'œil.

L'esprit du dragon était sous contrôle, même si ce n'était pas entre ses griffes.

— Fais-vite, grogna Démira qui luttait de toutes ses forces.

Le jeune dragonnien pouvait sentir l'esprit de son mentor se débattre sous son pouvoir mais il n'avait aucune chance : il était dans le monde de son adversaire. En peu de temps, Seynor put enfin voir le souvenir de ce fameux conseil.

Il vit tout d'abord sa mère. Ses cheveux châtains tombaient raides de chaque côté de son visage. Elle avait les yeux aussi sombres que son fils, qui pouvait voir sa terreur face au conseil. Mais il voyait que ce n'était pas pour elle qu'elle avait peur. Son attention n'était concentrée que sur le bébé dans les bras d'un des gardes du conseil.

— Je vous en prie, j'ai vécu ma vie sans dragon, ainsi que mon mari, et notre premier né n'a pas eu le rêve. Dans nos familles, c'est notre malédiction, je veux que Seynor ait au moins cette bénédiction. Je vous en supplie, faites quelque chose.

Son ton était exactement que dans ses rêves. Il sentit une larme rouler sur sa joue, il voyait sa mère le défendre.

— Vous devriez savoir que ce n'est pas nous qui choisissons, affirma la voix d'Heorick, vous auriez dû prier Zadregon. Mais ce n'est pas ce que vous avez fait, n'est-ce pas ?

Sa mère tomba à genoux, en pleurs. Elle criait, gémissait, qu'est-ce qu'Heorick insinuait ?

— Cet enfant était mort avant d'arriver au monde, appuya une autre conseillère, et vous avez chercher de l'aide auprès des Nécromages quand vous auriez dû l'enterrer.

— La mort n'est pas toujours la fin, murmura sa mère, comme apaisée.

Le conseil cria au blasphème mais Lysia ne les écoutait plus. Lorsqu'ils prononcèrent sa condamnation, elle ne leur prêtait plus attention. Elle observait une dernière fois son enfant. Comme si elle souhaitait graver chaque détail de son visage dans sa mémoire.

Et soudain, la première liane enserra son cou. Seynor voulait hurler, la protéger, mais très vite le vent se leva. Lysia était prise dans une tornade où les flammes régnaient. Quand elle tenta de quitter ce supplice, Seynor eut juste le temps de voir l'eau quitter ses lèvres. Il décida d'arrêter le souvenir avant de voir ce qu'il restait de sa mère.

Quand il revint dans la réalité, ses jambes tremblaient tant qu'il tomba à genoux. Le regard éteint, il souffla :

— Et c'est moi le monstre ?

— Non Seynor, ce que tu es, c'est d'être une erreur de ta mère. Elle n'aurait pas dû te ramener du royaume des morts. Mais j'ai voté contre le conseil lorsqu'ils ont voulu te tuer. D'après moi, tu n'avais encore rien fait pour mériter une condamnation.

Seynor répliqua d'une voix sombre :

— Alors quoi, Heorick ? Je dois t'en être reconnaissant ? Te remercier de m'avoir sauvé juste après avoir tué ma mère ?

Leorn se débattait toujours contre le lien mental que Démira tissait autour de lui. Il rappela soudain à Seynor quel rôle il avait joué dans la condamnation.

— Je te considérais comme ma famille... Et pendant tout ce temps, tu avais son sang sur les griffes, constata-t-il d'un air douloureux.

— Pour Heorick, j'ai essayé de te considérer comme son fils, mais je savais que la graine plantée en toi ne pouvait que te faire pourrir, gronda le dragon, toujours paralysé.

Seynor encaissa comme il put cette attaque avant de passer sa main derrière son dos pour en sortir une de ses dagues. L'améthyste sur son manche semblait pulser au même rythme que sa respiration. Il s'approcha de Leorn qui l'observait sans broncher. Il aurait presque aimé l'entendre supplier pour sa vie, demander pardon au moins.

— Seynor, tu en es sûr ? l'interrogea la dragonne à la lisière de ses pensées. Le chemin sur lequel tu vas t'engager risque d'être douloureux.

Il posa la pointe de l'arme au-dessus du cœur du Zargmar et sonda au plus profond de ses iris.

— En plus d'être certain de vouloir ma vengeance Démira, je sais qu'il n'aura de cesse de me poursuivre, déclara-t-il.

Sa main tremblait un peu autour du manche. Heorick criait derrière lui, il l'entendait mais n'y prêtait pas attention. Le désespoir de son mentor aurait pu le faire chanceler, mais il était dans une bulle. Dans celle-ci, il n'y avait que Seynor et Leorn. Enfin, il ferma les yeux et laissa son pouvoir guider l'arme. Elle franchit les écailles comme la surface d'un lac gelé. Alors qu'il sentait le cœur du dragon battre tout près de la lame, il rouvrit les yeux juste à temps pour voir la conscience de Leorn s'éteindre.

Le dernier battement résonna tout le long de son bras et il ne sut pas qui cria le plus fort entre lui et Heorick. La souffrance avait envahi son cœur, ce n'était pas la culpabilité, mais une douleur physique. C'était comme si sa magie consumait sa chair pour y puiser les ressources nécessaires. Son supplice le faisait sombrer. L'obscurité envahissait son champ de vision, la part consciente en lui ne voulait pas lâcher prise, il devait fuir ce soir. Mais son corps meurtri s'effondrait déjà.

Soudain la douleur se fit moins intense, comme si quelqu'un partageait ce poids avec le dragonnien. Seynor put revenir à lui, essoufflé mais conscient, grâce à Démira.

— Merci mon amie, soupira-t-il.

— On doit partir Seynor, ce soir, maintenant.

Alors qu'il se levait, le bras qui le soutenait flancha. Il s'écroula à nouveau par terre et dut utiliser son autre main pour se mettre debout avec plus de difficulté. Il écarquilla les yeux à la vue de son avant-bras. Sa peau avait comme été vidée de ses muscles et collait à présent à l'os. De plus, elle semblait desséchée et comme ridée. Cet aspect le fit frémir mais il se secoua pour terminer ce qu'il avait commencé. Dehors la nuit était déjà tombée, Démira et lui devaient en profiter pour s'envoler loin de la capitale.

D'une démarche tremblante, il tomba à genoux face à son mentor. Il ne put s'empêcher de prendre les mains de celui qui avait été comme un père pour lui. À présent, il avait le regard fou. Il fixait le cadavre de l'être qu'il avait le plus connu. Celui qui partageait la moindre de ses pensées avait disparu. Seynor le lui avait arraché. Il aurait aimé ressentir de la culpabilité, il ne doutait pas qu'un jour elle l'assaillirait, mais seule la vengeance l'habitait pour le moment, et ça devait continuer. La main tendue, il appela sa dague qu'il avait laissé tomber près du cadavre de Leorn. Il en plaça la tranche sur sa gorge. Ce serait une mort rapide, beaucoup plus généreuse que ce que sa mère avait subi.

Mais sa main retomba sans force. Seynor n'y arrivait pas. Il refusait de causer une blessure visible à son mentor. Malgré sa rage, il voulait qu'il parte l'esprit paisible. Il rangea sa lame et posa sa main sur son crâne. Il n'avait aucun doute sur la douleur qui allait de nouveau l'envahir, mais cette fois-ci, une part de lui l'accueillait à bras ouvert pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Son esprit fila droit au fond de la conscience du vieux dragonnien. Il essayait de ne pas y prêter attention, mais il réalisait la folie qui avait pris place dans la tête d'Heorick. Il était l'un des êtres les plus intelligents qu'il ne connaîtrait jamais. Soudain, alors qu'il tenait littéralement la conscience de celui qui avait été son père entre ses mains, une voix suppliante retentit :

— Vas-y, fait-le, par pitié.

Une première larme roula sur sa joue lorsqu'il mit fin à la souffrance de son mentor.

— Je suis désolé Heorick, gémit-il.

La douleur l'envahit comme un raz-de-marée. Il se tint la tête comme si elle s'apprêtait à exploser. Malgré sa vision brouillée par les larmes et son supplice, il apercevait des mèches de cheveux épaisses tomber. Pendant un instant de folie, Seynor se demanda si son visage allait perdre tout relief comme son bras. Démira vint à nouveau le tirer hors de ces sables mouvants et l'encouragea à quitter l'appartement. Il s'étonna de se retrouver debout presque avec facilité et supposa même que la dragonne avait pris le contrôle de son corps. Mais il n'allait pas lui en tenir rigueur cette fois-ci.

Avant de quitter la pièce, son regard fut attiré par le bâton de son maître. Il savait qu'il n'aurait aucun pouvoir, mais il voulait un souvenir de cette vie malgré tout. Il brisa le bois autour de l'émeraude qui luisait encore faiblement. Allait-elle s'éteindre un jour ? Seynor espérait que non. Il ne s'attarda pas plus longtemps et marcha aussi vite qu'il put jusqu'à l'ascenseur.

Une fois hors du bâtiment, la scène qui lui fit face le désespéra. Galwyn semblait l'attendre avec Merinor et sa bande.

— J'avais l'espoir qu'Heorick verrait ce que tu es, mais puisque même lui ne peut t'arrêter, on va nous même t'emmener devant le conseil ! assura-t-il alors qu'il dégainait son épée. Seynor fit un pas en avant et, à sa vue, certains membres du groupe eurent un mouvement de recul.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé avec tes yeux ? souffla Galwyn, l'épée légèrement relevée.

Le jeune dragonnien tenta de camoufler son visage quand un vacarme leur parvint de l'autre côté de la ville. Tout le groupe se tourna dans cette direction et Seynor en profita pour se mettre à courir. Il ne savait même pas qu'il en était encore capable. Peut-être était-ce grâce à la peur mais il n'allait pas s'arrêter pour analyser cette nouvelle énergie. Derrière lui, la chasse était lancée. Le martèlement des pas semblait se rapprocher.

Des lances se fichèrent dans la terre, parfois à moins d'une enjambée de lui. Il ne savait même pas vers où il courait, Olédrek était un plateau entouré de canyons, à part l'escalier, il ne pourrait pas s'enfuir. Et il savait qu'il n'avait pas pris la bonne direction pour l'escalier, ils lui avaient bloqué ce passage dès l'immeuble. Les fracas continuaient dans l'autre coin de la ville, il avait une idée sur ce que cela pouvait être mais essayait de ne pas trop y penser pour le moment.

Il finit par s'arrêter in extremis au bord de la falaise. Plusieurs dizaines de mètres plus bas passait l'escalier, mais il ne survivrait pas à la chute. Seynor se retourna pour chercher une autre issue mais Galwyn lui faisait déjà face, les autres étudiants juste derrière lui. Seynor ne pouvait décrocher ses yeux de l'épée en flammes. À chaque pas qui rapprochait Galwyn du jeune dragonnien, ce dernier avait l'impression de sentir la chaleur lécher sa peau.

— Galwyn, je ne sais pas ce que Merinor a inventé, mais tu ne vas quand même pas me tuer, hein ? supplia-t-il comme dernier recours.

— Merinor n'a rien à voir avec tout ce qu'il s'est passé Seynor, tu le sais comme moi.

— C'est pour Hérénice alors ? Tu vas me tuer pour son amour ? le métal dans les yeux de Galwyn se figea, Seynor avait visé juste. Elle te détestera encore plus si tu me tues !

Un rugissement mit fin à l'écroulement de l'autre côté de la ville. La bande sursauta mais Galwyn et Seynor s'observaient toujours sans bouger.

— Tu as été mon premier ami Galwyn... gémit-il, les mains levées pour essayer de se protéger.

— Mais tu m'y as forcé, comme Hérénice, ce n'était pas naturel, affirma-t-il comme pour se convaincre lui-même.

— Je ne t'ai pas toujours forcé, admit enfin Seynor.

— Tu mens ! cria Galwyn qui abattit la lame.

Mais au dernier moment son mouvement dévia avec un claquement sec.

— Non je t'en prie Gal, ne fais pas ça ! conjura Hérénice, son arc en main.

Des larmes de soulagement montèrent aux yeux de Seynor. Il fit un pas vers la dragonnienne, s'il devait mourir, il aurait tant aimé la prendre au moins une fois dans ses bras.

— C'est aussi pour toi que je fais ça, souffla Galwyn qui enfonça sa lame jusqu'à la garde dans le torse de Seynor.

Un hoquet de surprise le fit tressauter. Finalement, il sentait à peine les flammes. Ses jambes le lâchaient, il tenta de s'accrocher à Galwyn, mais celui-ci le repoussa pour dégager son épée. Seynor crut entendre Hérénice crier juste avant que le vide ne l'attire en arrière. Le vent sifflait à ses oreilles et, au loin, le soleil semblait se lever. La lumière lui brûla les yeux alors il ferma les paupières, il était si fatigué.

— Je te tiens ! lança une voix en même temps que sa chute était stoppée nette. Seynor remonta en flèche, il le sentait, comme il entendait le puissant battement d'ailes de Démira. Mais ce fut la dernière chose qu'il entendit.

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