Chapitre 15 : Seynor


Seynor n'était pas réveillé, ça il en était sûr. Pourtant ce qu'il voyait semblait réel, même palpable. Sous ses pattes il percevait chaque grain de poussière. Derrière lui, il sentait le soleil se lever. Ses rayons montaient dans le ciel et éclairaient le mur face au dragonnien. Il fixait la brèche derrière laquelle l'être qui l'avait enfermé avait disparu. Ses griffes raclaient le sol. Pourquoi ne l'avait-il pas attaqué quand il en avait l'occasion ? Était-ce à cause de ce lien étrange qui l'avait transpercé ? Ce lien qu'il sentait ramper sous ses écailles ? Ce lien qui ne semblait pas naturel pour un dragon sauvage.

Le dragonnien se réveilla en sursaut. Son torse se soulevait et s'abaissait à toute vitesse. Il frissonnait légèrement du fait de quelques gouttes de sueur sur sa peau albâtre. Par la fenêtre de timides rayons de soleil éclaircissaient sa chambre. Il songea que, si ici la lumière tardait à venir, dans les maisons en contrebas ce ne devait pas être le cas. Comme dans son rêve. Une part de lui se doutait d'où provenait ses visions, mais il ne voulait pas encore y croire, ce serait trop beau pour sembler vrai.

Au moment d'ouvrir la porte une pensée le traversa. Pas comme une vision, cette fois-ci c'est la colère et la frustration qui culminaient. Un marmonnement résonnait dans le fond de sa conscience. Le dragonnien avait beau ne pas vouloir y croire, ce qu'il entendait ressemblait bien trop à ce qu'Heorick lui avait décrit. Seynor se replia en lui-même, quelque part dans sa tête devait se trouver une bulle, l'endroit du lien. À l'intérieur, il prit le temps d'assurer qu'il viendrait le soir-même. Puis sans attendre de réponse, il revint à la réalité. Il avait eu assez de problèmes la veille, s'il montrait des absences en plus... On pourrait le penser en pleine communication avec Promethion.

Il quitta sa chambre et réalisa que le silence régnait dans l'appartement. Malgré le lien, il avait déjà entendu Heorick s'adresser vocalement à Leorn. Il s'approcha à pas de loup et jeta un coup d'œil dans la salle. À l'intérieur, il vit le dragon, les bras croisés sur son poitrail musculeux, face à Heorick qui s'activait dans la cuisine. À présent, il était sûr qu'ils avaient une conversation qui lui échappait. Avec quelques appréhensions, il tenta de se glisser dans la tête de son mentor dragonnien.

Seynor avait du mal à entendre, il était à la lisière de la conscience d'Heorick. Il savait que si'il voulait mieux entendre, il devait s'approcher de la bulle de lien. Mais la bulle se situait profondément sous le crâne des dragonniens, si Seynor allait si loin il avait peur de se faire repérer.

Les deux semblaient parler de lui. Heorick avait les pensées agitées. Peut-être s'inquiétait-il pour Seynor. La voix de Leorn était posée, il essayait de calmer son lié. Soudain il capta quelques mots : un dangereux secret. Il ne put s'empêcher de s'avancer un peu. "Le conseil doit taire ses origines". Qu'est-ce que cela voulait bien dire ? Soudain Leorn se tourna dans la direction de Seynor qui trébucha dans l'escalier.

— À quoi joues-tu jeune homme ? gronda le Zargmar.

Pendant un moment Seynor se retint de respirer, l'avait-il senti ? Il décida finalement de passer pour un idiot plutôt que de risquer son secret.

— Ça ne t'arrive jamais de louper une marche ? En plus je viens seulement de me réveiller.

Leorn émit un reniflement que le jeune dragonnien reconnut comme un rire. Il n'avait donc rien à craindre pour son secret. Seynor se releva avec un sourire soulagé quand il croisa le regard d'Heorick. Celui-ci le fixait de manière étrange. Le jeune homme partit s'installer dans la cuisine, l'air innocent. Au fond de lui, il rêvait de retourner sous le crâne de son mentor. Il détestait rester dans le doute. Était-ce depuis qu'il avait découvert son pouvoir ou est-ce que ça avait toujours été le cas ?

Finalement Heorick fronça les sourcils et secoua la tête.

— Tu as quoi comme cours aujourd'hui mon jeune ami ? l'interrogea le dragon vert qui étirait les muscles de ses bras.

Seynor leva la tête de son bol de lait et réfléchit à la visite qu'Hérénice leur avait faite la veille. À un moment, ils étaient passés devant un tableau où leur planning indiquait leurs cours.

— Ce matin nous avons dragonologie, je vais peut-être enfin pouvoir savoir comment les Zargmar font pour avoir toujours raison !

Leorn plissa les yeux et sa langue fourchue fouetta l'air devant sa gueule. Il se tourna ensuite vers Heorick et ils échangèrent un signe de tête. Le Zargmar ouvrit ensuite son portail et disparut de l'autre côté.

— Un dragonnien a-t-il déjà essayé de traverser le portail ? interrogea Seynor.

L'attention de celui-ci était toujours rivée à l'endroit où le portail s'était ouvert. Le jeune dragonnien trouvait Heorick étrange. Lui qui d'habitude avait toujours un sourire en coin avait maintenant les lèvres serrées. Ses doigts tapotaient sur les plans de travail, ce qui agaçait Seynor. En réalité ce n'est pas vraiment le geste qui l'énervait, il en avait conscience. Maintenant qu'il avait goûté à cette nouvelle connaissance, il savait qu'il en voudrait toujours plus.

Après un long silence, Seynor se dirigea vers la porte. Il ne sait pas s'il espérait pouvoir quitter la pièce de cette manière, mais de tout évidence cela échoua :

— Tu as réfléchi à ce que je t'ai proposé hier mon grand ?

Seynor se crispa sur la poignée de la porte, et si l'académie lui avait parlé de son cours de la veille ? Et si lui avait compris ce qu'il s'était passé ? Seynor ne savait pas quoi répondre, il avait constamment peur qu'il puisse laisser échapper son secret. Finalement c'est Heorick qui repris la parole :

— C'est pour te protéger que je te propose ça. Le système de cette ville est compliqué lorsque quelqu'un ne rentre pas dans leurs cases.

Seynor soupira et il sentit ses épaules se relâcher. Il ne se retourna pas quand il supplia presque son mentor :

— Laisse-moi plus de temps Heorick, s'il te plaît.

Le calme revint dans la pièce. Pendant que son mentor devait peser le pour et le contre, Seynor avait l'impression que son cœur égrenait les secondes.

— Très bien Seynor, je ne t'y obligerai pas, mais ne rentre plus aussi tard sans explications. Et surtout dans l'état dans lequel tu étais. Leorn et moi sommes ta famille, il est normal que l'on s'inquiète.

Seynor chancela devant cette confidence. Il savait que ses deux mentors étaient les seules personnes qui craignaient pour sa santé. Mais jamais il n'avait réalisé que ça faisait d'eux sa famille. Après un silence, il décida de quitter la pièce sans répondre. Pour répondre quoi de toute façon ? Qu'en une journée à l'extérieur il s'était empêtré dans plus d'un secret ?

Cette fois-ci Heorick ne revint pas à la charge et Seynor quitta leur bâtiment pour se diriger vers l'académie. Le temps se réchauffait déjà légèrement depuis la lune rouge. Ils venaient de quitter Glaorn, la saison du froid partout en Teldanarie. Sauf sur les plateaux où ça devenait une saison agréable. Seynor n'avait absolument pas hâte qu'Ostrar arrive à son terme. Dès le lever de la lune dorée, ils entreraient dans Mundra, la saison chaude, voire même desséchée.

Enfin le mur d'enceinte de l'académie lui fit face. Il réprima un frisson au souvenir de la journée d'hier. Son esprit chercha du réconfort quand il atteignit cette partie toute nouvelle en lui, le lien. Il s'attendait à entendre des grondements mais fut étonné de ne sentir que de la curiosité. Après quelques secondes la conscience disparut et il pénétra dans la cour avec plus de sérénité. Il vit le duo de la veille et les rejoignit, rassuré de ne pas avoir à aller en cours seul. Dès qu'il le remarqua, le visage de Galwyn s'éclaira d'un sourire qui réchauffa un peu plus le cœur du jeune dragonnien. Il espéra voir la même réaction pour Hérénice mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, son regard s'assombrit et elle soupira devant l'attitude de Galwyn. Seynor tenta de garder contenance, elle ne devait pas savoir l'influence qu'elle avait sur lui.

— Salut Seynor !

— Comment tu vas Galwyn ? s'enquérit le dragonnien au souvenir de ce qu'il lui avait fait la veille.

— Ton cher ami aimerait savoir si tu n'as pas eu de nouvelles poussées de connaissances pendant la nuit je présume ? persifla Hérénice.

— Tout doux Néri ! s'esclaffa le dragonnien blond.

Seynor crut s'être pris un coup de massue, ils en étaient déjà à se donner des surnoms ? Au vu des yeux brillants de la jeune fille, cela ne semblait pas lui déplaire... Au moins Galwyn l'avait calmé. Le jeune dragonnien essayait tant bien que mal de positiver aujourd'hui.

— Pour répondre à ta question, oui je vais bien Seynor, merci de t'en soucier, voilà comment on réagit quand on est civilisé, Néri.

La dragonnienne eut un gloussement qui tappa sur le système de Seynor. Bon la positivité n'avait pas duré très longtemps...

— Et toi mon ami comment s'est passé ton après-midi ? l'interrogea Galwyn avec un air chaleureux.

Cela apaisa Seynor qui se rappela de ce qu'il avait entendu dans l'esprit d'Heorick ce matin. Devait-il leur en parler ? Après tout il risquait d'avoir besoin d'aide dans ses recherches, et ce n'est pas à ses mentors qu'il allait pouvoir faire appel.

Il décida de dévier la question du dragonnien :

— Si je vous le demandais, est-ce que vous accepteriez de m'aider ?

— Tu viens de le faire, grommela Hérénice.

Seynor l'ignora et ajouta :

— Je sais que cela risque d'être dangereux, si on se fait prendre on est sûr d'avoir des ennuis.

La dragonnienne échangea un regard avec Galwyn qui avait déjà un sourire confiant. Il avait pris sa décision.

— Mec, tu m'as convaincu dès que le mot dangereux a quitté tes lèvres, pouffa-t-il.

— Et toi, Hérénice ? eut le courage de demander Seynor.

Tout dans l'attitude de la jeune fille le fit pressentir un refus. Une panique soudaine l'envahit et il se précipita dans son esprit presqu'avec facilité. Il fallait qu'elle l'aide. Parce qu'il le voulait. Hérénice eut un hoquet de surprise avant qu'un sourire ne se dessine sur son visage. Sa main se dirigea vers son bandana mais elle abandonna son geste avant.

— D'accord je t'aiderai moi aussi.

— J'ai entendu une discussion entre mon mentor et...

Seynor se reprit à temps : il ne pouvait évidemment pas leur parler de son don, et les dragons liés ne parlaient pas à voix haute à leur lié. Ce n'était pas naturel.

— Et un autre membre du conseil, rectifia-t-il. À propos d'un secret qu'il garde sur moi.

— Tu es sûr d'avoir bien entendu ? mit en doute Hérénice d'un air gêné.

Seynor hocha la tête sèchement.

— Tu sais de quel conseiller il s'agissait ? persista la dragonnienne, les bras croisés.

— Pas de ta mère, tu veux m'aider oui ou non ? s'agaça Seynor qui leva les bras en l'air, exaspéré.

Les deux dragonniens se regardèrent, soucieux. Est-ce que Seynor était allé trop loin ? Il ne savait pas quoi faire de plus. Ses épaules s'affaissèrent d'avance.

— Calme-toi Seynor, où est-ce que tu penses qu'on peut trouver des renseignements à ce sujet ?

L'espoir revint dans l'esprit de Seynor quand Hérénice s'exclama :

— Les archives du conseil ! Si les dirigeants ont parlé de toi durant une séance ce sera forcément dans un compte rendu archivé.

Les trois se jaugèrent d'un air confiant quand un éclair de lucidité frappa Galwyn :

— Par contre, c'est quoi notre excuse ? "Bonjour on voudrait fouiller vos archives pour percer à jour un de vos secrets sur ce dragonnien ici présent" ?

À peine le regard d'Hérénice et de Seynor se furent croisés qu'ils lancèrent à l'unisson :

— L'exposé !

Il n'y avait déjà plus personne à l'extérieur alors ils se dépêchèrent de se rendre à leur premier cours. Lorsqu'ils entrèrent dans la salle, tous les élèves étaient déjà installés par groupe.

— Installez-vous où il reste de la place les retardataires ! lança le professeur, pour cette première séance, je veux voir votre connexion avec votre dragon, alors je vais vous donner des textes que vous leur réciterez. À la fin du cours on se rendra dehors et j'interrogerai vos liés.

— Mais nos dragons sont dans leur monde professeur, vous voulez que nous les fassions venir dans la cour ? s'étonna l'un des élèves.

— Absolument pas, réagit vivement l'enseignant, les dragonniens et leurs liés doivent toujours pouvoir communiquer, même des deux côtés de la barrière !

Des murmures stupéfaits s'échangèrent dans la salle tandis qu'Hérénice et Galwyn rejoignaient des groupes. Malheureusement, plus aucun groupe n'avait de chaise libre pour Seynor. Le professeur le rejoint, un air embarrassé sur le visage tandis qu'il lissait sa moustache.

— Je suppose que tu es...

Il chercha ses mots même si Seynor avait compris lequel il avait failli utiliser.

— L'élève envoyé par le conseiller Heorick, finit-il par achever d'un air fier de lui. Je suis désolé mais aujourd'hui est un cours spécial, et je ne peux rien te faire faire. Plus tard tu apprendras comme les autres de quoi sont fait nos compagnons. Mais pour le moment, va dans le fond de la salle, je dois m'occuper des autres.

Les épaules basses, Seynor obéit. Les autres étudiants avaient pratiquement tous les yeux fermés. Certains avaient les sourcils froncés, ils semblaient avoir des difficultés à trouver leur centre de lien. Était-ce dû à son pouvoir que Seynor avait un talent pour se diriger, autant dans son esprit que celui des autres ? Il admira Hérénice qui avait le visage apaisé. Ses traits étaient aussi lisses que les eaux d'un lac. Un sourire en coin venait par moment éclaircir son minois et Seynor se doutait qu'il devait l'observer d'un air béat peu valorisant.

Il se tourna ensuite vers son ami, comment Galwyn se débrouillait-il ? Le dragonnien remarqua que sa carrure se crispait par moment. Il soupirait fréquemment et Seynor supposa que c'était plus compliqué pour lui que pour Hérénice. Il hésitait à entrer dans sa tête, pour l'aider bien sûr. Mais il ne savait pas comment son dragon pourrait réagir s'il le sentait.

Soudain, son regard croisa un de ceux qui l'avait cherché la veille avec son dragon. Est-ce qu'il en voulait personnellement à Seynor ou est-ce qu'il éprouvait autant de haine envers tout ceux qui n'avaient pas de dragon ? Le dragonnien hésita à baisser la tête, il ne voulait pas s'attirer plus de problèmes. Ils étaient prêts à le passer à tabac pour sa seule présence en ces lieux, il valait peut-être mieux ne pas les provoquer. Cependant une part de lui s'y refusait. S'il se soumettait cette fois-ci, rien ne les empêcherait de recommencer avec plus de facilité.

L'expression de Seynor se durcit. En une seconde, il avait décidé qu'il ne serait pas leur proie. Au début, l'étudiant haussa un sourcil, surpris devant ce revirement, mais le dragonnien ne lui laissa pas le temps de réagir. Son esprit se jeta sur celui qui lui faisait face. À peine dans la conscience de l'autre qu'il murmura de simples mots avant de revenir à lui. Seynor sentit d'étranges picotements dans sa nuque. Comme si une dizaine d'insectes l'avaient piqué au même endroit. Il y passa sa main qui ne rencontra aucun obstacle jusqu'à ses cheveux.

— Tu crois que je ne t'ai pas entendu ? s'insurgea une voix dans la salle.

— De quoi tu parles Merinor ? sursauta son ami qui était en pleine concentration.

— Ne fais pas l'innocent sale traître !

Il avait encore haussé d'un ton tandis qu'il attrapait l'autre par le col. Des murmures plus nombreux s'élevèrent et le professeur avait des difficultés à ramener le calme. Dans son coin, Seynor peinait à retenir un sourire satisfait. Soudain, il vit que le regard de celui qui lui avait résisté la veille était posé sur lui. Le jeune homme avait encore la main posée près de son cou. Ses yeux d'un bleu cristallin analysaient Seynor. Une vague de froid envahit le dragonnien, depuis quand l'observait-il ? Il se tâtait à réessayer d'entrer dans sa tête quand le bruit d'un choc attira son attention. Galwyn était posté entre les deux belligérants et avait poussé Merinor qui avait trébuché sur une table. Ce dernier tenta de repartir à l'attaque mais la stature du robuste dragonnien ne lui laissait aucune chance. Finalement ils parvinrent à le faire quitter la salle.

Seynor réalisa ce qu'il venait de faire. En plus d'avoir risqué que quelqu'un ne dévoile son secret, il avait déclenché une bagarre en cours. Peut-être qu'Heorick avait raison de vouloir l'éloigner de la capitale ? Et s'il était un danger pour Olédrek ? Un grondement résonna dans son esprit :

— Le chasseur... pas craindre... faible.

Une exclamation échappa à Seynor, heureusement avec ce qu'il se passait autour de lui personne ne s'en rendit compte. Il rejoignit le lien sans difficulté tandis que les autres se replongeaient dans leur méditation.

— Tu parles maintenant ? s'étonna-t-il.

— Pour que tu comprendre, s'exprima avec difficulté le dragonnet.

À force d'entendre sa voix, Seynor réalisa un détail :

— Tu es une femelle ?

Une sorte de mugissement retentit sous son crâne et le dragonnien se retint de se boucher les oreilles.

— Toi aveugle ? Je suis une femelle comme ma mère crache la chaleur !

— D'accord d'accord ! Je suis désolé de t'avoir vexée.

Après un dernier reniflement, la voix finit par s'éteindre et Seynor s'affaissa sur sa chaise.

Il était lié à une dragonne, comment était-ce possible ? Les dragons liés n'avaient pas de genre. Encore une preuve que ce qu'il avait fait n'était pas naturel.

Lorsque le cours s'acheva, Seynor rejoignit ses amis en pleine discussion avec d'autres étudiants. La plupart s'éloignèrent à l'exception du frêle dragonnien au mystérieux collier. Celui-ci adressait un regard plein d'admiration à Galwyn.

— Alors, on va aux archives ? leur proposa Seynor.

Galwyn afficha une mine contrite sans savoir quoi répondre. Quand elle réalisa que le dragonnien ne parviendrai pas à cracher le morceau, Hérénice avoua :

— Les autres de la classe nous ont invité à se balader en ville.

— Cool, les archives peuvent attendre ! se réjouit Seynor avec un grand sourire.

— Je doute que l'invitation t'était aussi adressée, répliqua la dragonnienne qui n'osait pas croiser les yeux de son interlocuteur.

Le cœur de Seynor chuta comme une pierre. Il ne savait pas où se mettre tant il avait honte.

— Ils ne nous l'ont pas vraiment dit comme ça Néri, peut-être que...

— C'est pas grave Gal, le coupa l'autre dragonnien qui composa une expression aussi digne qu'il pouvait dans cette situation. Allez-y, je ne voudrai pas gâcher l'ambiance de toute façon. On pourra aller aux archives plus tard.

Après un échange de regard entre ses deux amis, ils haussèrent les épaules et quittèrent la salle, leur nouveau fan sur les talons.

Seynor les suivit plus en retrait. Il traînait des pieds sans savoir ce qu'il allait pouvoir faire maintenant. Dans la cour, il eut juste le temps de voir ses amis disparaître derrière les murs de l'enceinte.

— Pas besoin d'eux, toi venir maintenant, souffla la voix qu'il commençait à connaître.

Avec plus d'entrain, il prit alors la direction du dernier cercle d'Olédrek, le plus mal famé, et là où il avait laissé le dragonnet.

Après s'être glissé dans la faille du mur, il tomba nez à nez avec un tas d'écailles par terre. Il frissonna d'horreur et chercha des yeux la petite dragonne. Comment avait-elle pu en perdre autant en si peu de temps ?

Elle se rapprocha de lui avant de s'asseoir, bien droite, à une distance respectable de Seynor. Depuis la veille, elle avait bien changé. Alors que Seynor pensait que la marque de sa main allait disparaître sous les écailles rouges, l'inverse se produisait. Les rubis chutaient pour être remplacés par les mêmes améthystes que dans les yeux de Seynor. Le pire c'est que la zone s'élargissait.

— Qu'est-ce que j'ai fait ? souffla le dragonnien qui tendit la main vers la dragonne.

Celle-ci feula alors il s'éloigna.

— Je sais que toi et moi ensemble, énonça la dragonne qui cherchait toujours ses mots, mais je sais aussi que j'ai mère, je veux aller.

La dernière affirmation fit frémir Seynor. Il ne pouvait pas l'y emmener. S'ils y retournaient il pourrait finir carbonisé cette fois-ci.

— Non, tu ne pourras pas y retourner, je refuse.

En un clignement de paupières, la dragonne était sur ses quatre pattes. Sa gueule entrouverte fit douter le dragonnien sur sa capacité à cracher des flammes.

— Je veux aller ! répéta le dragonnet.

Seynor comprit qu'il ne parviendrait pas à la raisonner. Du moins pas par le dialogue... Est-ce qu'il en était vraiment arriver là ? Son esprit s'approcha au plus près de la dragonne à travers leur lien. Sa queue battit l'air mais elle ne réagit pas, du moins pas avant qu'il ne soit entré dans sa conscience. À ce moment, ce fut un véritable rodéo entre les deux esprits. Seynor devait s'accrocher aussi fort qu'il le pouvait alors qu'il hurlait que jamais elle ne reverrait sa mère.

Après quelques secondes de lutte qui avaient semblé être des heures, la dragonne s'affaissa par terre.

La même sensation de picotement dans la nuque agaça Seynor mais ce n'était rien face à ce qu'il avait fait. Il se sentait sale. Sa main se leva, hésitante, au-dessus du corps inanimé de la dragonne. Finalement il se recroquevilla un peu plus loin, qu'est-ce qu'il était en train de devenir ?

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