Approchez-vous pauvre mortel. Plus près, encore. Vous voyez cette cité au loin là-bas ? Et les arbres calcinés à l'horizon ? Bien sûr que vous les voyez. Vous qui venez encore et toujours en ces lieux, pour des raisons obscures ou sans raison du tout d'ailleurs. Que faites-vous ici en fait ? Non pas que cela m'importe, simple curiosité. Ou peut-être que ça m'importe après tout. Qu'en sais-je ? Il y a bien longtemps que j'ai cessé de me soucier des affaires de ce monde.

Ah ça y est. Vous êtes enfin arrivé. Il vous en aura fallu du temps pour parvenir jusqu'ici. A croire que le cerveau humain fonctionne de moins en moins vite au fil des années. Pourquoi êtes-vous ici ? Que faites-vous ? Êtes-vous sûr de vouloir rester ? Autant de questions importantes dont je n'ai que faire après tout. Vous avez choisi de venir, c'est votre affaire désormais. Maintenant que nous sommes ici, vous et moi, qu'allons-nous faire ? Attendre patiemment que l'autre daigne lui expliquer sa présence en ces lieux ? Je ne le ferais pas et je me fiche éperdument de votre réponse. Alors que faire si ce n'est attendre la fin, sans un mot dans ce silence absolu. La fin de quoi pensez-vous ? Diantre vous ne savez vraiment rien à rien.

Quelque chose s'est passé en ces lieux. Il y a longtemps. Ou bien était-ce il y a quelques instants à peine ? Je ne sais pas. Cela n'importe pas. Mais je vois à votre regard que vous, vous aimeriez savoir. Vous avez cet éclat au fond des yeux, cette curiosité presque indécente de ceux qui veulent comprendre les désastres. Vous voulez les comprendre, les analyser jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les faits, rien que les faits. Les causes et les conséquences, en mettant de côté tout ce qui faisait l'intérêt de la chose. L'humain. Son ressenti, ses souffrances et ses faiblesses face à un désastre qu'il n'aurait pu éviter de toute manière. A quoi cela vous avancera-t-il de connaitre les détails sans en connaitre les protagonistes ? Ce sont eux qui font tout le sel de cette histoire. Sans eux, nous ne serions pas là, à discuter comme de vieux amis. Sans eux, rien n'a d'importance. Alors taisez-vous donc un instant, faites cesser le vacarme incessant de votre esprit tumultueux et écoutez.

Vous êtes dans un jour de chance. Laissez-moi vous raconter une histoire. Puisse-t-elle vous éclairer ne serait-ce qu'un peu sur notre bien triste situation. C'est une histoire à deux voix, trois peut-être quand j'ai envie de m'en mêler. C'est une histoire sombre et tragique, triste et mélancolique, dramatique et désastreuse. Peut-être en fais-je un peu trop mais après tout c'est là le but d'une narration non ? J'ai éveillé votre intérêt il me semble. Alors regardez au loin par-delà la forêt, que voyez-vous ? Oui, vous la voyez comme moi, l'ombre qui court. Et le corbeau qui la suit, vous le voyez aussi ? C'est cette histoire que je vais vous conter, celle de l'Ombre et du Corbeau. Celle de l'androïde et du Mage, celle de l'éveil d'un monde et de la chute d'un autre. Ou est-ce vraiment le cas ?