Chapitre un: le rêve
Mathleen rêvait. Comme souvent, comme le font les autres gens. Sauf que cette fois quelque chose était différent. Le souffle du vent dans ses cheveux, l'odeur de pluie dans ses narines et la forêt comme horizon. Cela aurait pu sembler idyllique à Mathleen, elle qui adorait les paysages brumeux, ceux qui n'arrivaient que trop rarement par chez elle. Néanmoins, il flottait un je-ne-sais quoi indéfinissable dans l'atmosphère, rendant le tableau plus inquiétant que ce qu'il n'aurait dû. Le ciel était trop sombre, la pluie trop mordante, tout semblait trop saturé, trop réel presque.
Mathleen était mal à l'aise. Comme à son habitude dans ce genre de situation, elle essaya de se reprendre. Qu'est ce qui n'allait pas ? Elle balaya les environs du regard, ce qui lui permit d'apprendre deux informations capitales. Petit un : elle était posée au sommet d'un arbre, seul rescapé apparent d'un probable incendie, et petit deux : la ville qui s'étalait sous ses yeux n'avait rien en commun avec ce à quoi elle était habituée. C'était à se demander comment son cerveau avait pu pondre une telle improbabilité.
En bas s'étendait une ville, sorte de grotesque mélange hybride entre une citée moderne à moitié en ruine et une cité médiévale toute droit sortie de la tête d'un romancier à l'imagination débridée. Des immeubles de verre et de d'acier s'élevant dans les cieux formaient ce qui semblait être le cœur de la citée. Ils semblaient totalement impromptus au milieu du reste de la ville, comme si l'on avait essayé de les greffer de force et que la cité les avait rejetés. Les vitres de certains étages étaient brisées, le toit de la plus haute des quatre tours n'existait plus et la plus petite était totalement délabrée. Autour d'eux, de vieilles chaumières aux toits de paille venaient s'agglutiner autours de vieilles bâtisses en pierres en tellement mauvais état que c'était à se demander comment elles tenaient encore debout. De vieux remparts entouraient la ville, et la grande porte de celle-ci était barricadée. De là où elle était, Mathleen parvenait difficilement à distinguer plus de détails. Cela encore, Mathleen pouvait le concevoir. Ce qui la rebutait et la mettait excessivement mal à l'aise était que la ville semblait...vivante. Elle rechignait à l'admettre car cela dépassait tout ce qu'elle connaissait mais il fallait bien se rendre à l'évidence, la ville était douée de conscience ou de quelque chose s'en rapprochant. Ou alors -hypothèse encore moins plaisante- quelque chose de vivant, grotesque et inquiétant parasitait la cité. De là où elle était, elle pouvait voir des sortes de tentacules flasques entourer certains bâtiments et, d'autres bâtisses qu'elle avait cru délabrées à première vue étaient en fait en état de décomposition tel un cadavre humain rongé par les vers. C'était cela, la ville se mourait à petit feu, parasité par d'improbables tentacules venus d'elle ne savait où. Ce qu'elle avait pris au premier abord pour des chemins couleur sombre et des pierres écroulées s'avéraient en fait faire partie de cette entité étrange qui parasitait la ville. Les tentacules semblaient monter et s'abaisser doucement au rythme d'une étrange respiration qui petit à petit s'emparait un peu plus de la ville à chaque instant. En prêtant encore plus attention, la jeune fille mit le doigt sur un autre détail qui la mettait mal à l'aise.
Le silence. Bien que des goutes tombent sur son visage, pas un bruit ne venait troubler les environs. Cela n'étonnait guère Mathleen que la ville soit déserte au vu de la quelconque catastrophe qui avait dû s'y produire mais même de la forêt au loin, pas un bruit ne s'échappait. La douce brise qui lui caressait le visage lui parut soudain nettement moins amicale lorsqu'elle se rendit compte que le vent non plus, n'émettait aucun bruit. Le monde paraissait vide, tant de vie que de bruits.
Mathleen regarda les alentours. La forêt au loin, malgré son silence, avait un étrange coté rassurant avec ses arbres étonnamment verdoyants comparé à la cité qu'elle avait décidé de nommer la Cité Morte. Donner des noms aux choses la rassurait, aussi enfantin que cela puisse paraitre. On se moquait souvent d'elle pour cela d'ailleurs. Mais cela faisait bien longtemps qu'elle n'y prêtait plus attention. Elle tourna son regard vers la droite et vit que les tentacules se prolongeaient loin à l'horizon de ce côté. Plutôt que des tentacules on aurait plutôt dit des racines d'un arbre, parasitant toutes les choses qu'il touchait. La terre était en effet acre et terne malgré la pluie qui ne cessait de tomber. Sans trop savoir pourquoi, Mathleen se sentait triste, triste pour ce rêve improbable, cette Cité Morte et ce monde tombant en ruine. Littéralement d'ailleurs. Mathleen finit par comprendre pourquoi la pluie lui paraissait si étrange, si peu habituelle. Ce n'en était tout simplement pas. Elle tendit la main tout en continuant de flotter de façon tout à fait improbable à la verticale et recueilli ce que pleuraient les cieux. De la cendre. Une cendre aussi terne que la terre au-dessus de laquelle elle se tenait, aussi vide que la Cité Morte et aussi triste que son cœur. Mathleen compris alors que le monde s'effondrait réellement. La terre des craquelures de la Terre Ruinée se changeait en cendre et en poussière pour monter dans les cieux avant de retomber sur le sol qui s'effaçait un peu plus à chaque instant. Par endroit le sol n'existait plus, ne restait que de larges trous dont Mathleen n'apercevait pas le fond. Il n'y en avait probablement pas de toute manière se-dit-elle.
Le cœur lourd, la jeune fille tourna enfin son regard vers la forêt. Si seulement elle pouvait s'en approcher au lieu d'être plantée là, dans les ruines de la bordure du monde ! Comme si l'on l'avait entendu, le vent se mit à souffler plus fort et Mathleen se sentie bouger dans la direction désirée. De plus en plus vite, elle s'approchait des arbres en flottant de façon improbable dans les airs. Elle pouvait maintenant en distinguer les détails, le large chêne sans une feuille, dépassant d'une tête tous ses congénères. Au sommet de celui-ci, trônant fièrement sur la plus haute des branches, était un corbeau. Tout en continuant à avancer, Mathleen l'observa, intriguée. L'oiseau semblait faire de même. Encore une fois, tout semblait trop vrai à la jeune fille, cela la mettait beaucoup trop mal à l'aise. Comme pour rire de la situation le corbeau se mit à croasser tout en continuant à suivre l'intruse de ses yeux noirs.
Mathleen n'en menait pas large. C'était comme si la bête attendait quelque chose d'elle. Mais quoi ? Elle essaya de parler mais, étrangement, pas un son ne sorti de sa bouche. Elle réessaya une fois, deux fois mais rien n'y fit. Paniquée la jeune fille tenta de hurler sans plus de résulta. Devant elle, le corbeau n'avait pas arrêté ses cris, comme pour se moquer de sa propre impuissance. Mathleen sentit les larmes lui monter aux yeux, elle essaya de se calmer, ce n'était qu'un rêve après tout, rien ne pouvait lui arriver. Comme pour lui prouver le contraire, le corbeau s'envola de son perchoir pour venir se poser sur sa main. Il y planta ses serres, fort et rouvrit son bec comme s'il voulait dire quelque chose. Et Mathleen tomba.
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