Le bus. Encore et toujours le même bus et le même visage aux cheveux bouclés qui la fixe avec suffisance. Elle ne voulait pas être là, elle ne voulait plus. Elle devait y retourner, aider ces pauvres gens qu'elle apprenait à connaitre et à aimer. Elle avait lutté pour ne pas partir, sachant que si elle relâchait ne serait-ce qu'un instant sa vigilance, le monde s'effacerait. Mais hélas, au bout d'un temps, avant même qu'elle n'ai le temps de se poser, son esprit fatigué avec cessé de lutter et elle s'était retrouvée là, de nouveau dans ce bus avec Marlow, ses mystères et ses menaces.

-Bien dormi ?

Le garçon ne s'était pas départi de son sourire et son ton enjoué insupportable. Elle le haïssait, dieu qu'elle le haïssait. Elle le tenait pour responsable de cette situation impossible. Elle ne pouvait pas continuer à vivre comme ça, entre deux mondes, elle allait devenir folle.

-Es-tu certaine que tu ne l'es pas déjà ?

Marlow ne cherchait plus à cacher son attitude désormais. Cela surprenait à peine Mathleen qu'il ait entendu ses pensées, après tout, elle faisait bien la même chose avec le Corbeau, ce n'était même plus si improbable pour elle.

-Tu as parlé à haute voix, sourit Marlow comme pour se justifier de ce qu'elle n'avait dit. Il arborait toujours ce sourire étrange qui sonnait comme un rictus pour la jeune fille.

-Je sais que c'est faux, Mar'.

Mathleen se surprit elle-même par son ton glacial. Le garçon haussa les épaules, indifférent.

-Crois ce que tu veux.

-Jusqu'à quand vas-t-on être coincé ici ? Ça n'a aucun sens !

-Es ce que quelque chose dans ces derniers jours à vraiment eu un sens pour toi ? Actuellement, toi et moi dans ce bus c'est la chose la plus sensé qui ai pu t'arriver.

Elle ne dit rien et se mit obstinément à fixer le paysage qui défilait derrière la vitre. Ce n'était pas aisé. La pluie tombait à verse au fur et à mesure qu'ils avançaient. Le foret avait laissé place à des champs et les champs à des montagnes qui se dessinaient au loin. Le paysage était étrangement familier à Mathleen mais elle n'arrivait à dire pourquoi. Elle ne s'était pourtant jamais aventurée aussi loin de chez elle. Elle n'en avait pas besoin, sa ville possédait tout ce qu'elle avait besoin pour être heureuse.

Toute sa vie elle avait vécu heureuse et protégée dans ce petit cocon. Elle avait vécu, avec ses rêves et ses migraines en les ignorants pour prétendre que tout allait bien. C'était faux. Elle n'allait pas bien. Elle s'enfonçait au fils des années dans les affres de l'oubli et de la peur. Il y avait des pans entiers de sa vie qui ne faisaient pas sens, elle s'en rendait compte désormais. Jamais elle n'avait connu la misère ni la peur avant de les découvrir dans l'Autre Monde. Jamais elle n'avait été confrontée à ses choses. Et plus elle y pensait, plus elle comprenait que rien de tout cela n'était normal. Et plus elle réalisait, plus les alarmes se mirent à hurler dans sa tête.

-Marlow, qu'est-ce que tu as fait !

Mais le garçon n'avait pas l'air de comprendre.

-Mathleen ça va ? T'es toute blanche !

Mais elle ne l'entendait déjà plus. Les alarmes vrillaient son crane en même temps que sa migraine. Elle allait sombrer de nouveau dans les méandres du labo, elle le sentait. Et cela ne se fit pas attendre. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle était de retour dans cette pièce austère et stérilisée ou vrillaient ses alarmes sans interruption. Une fois encore, sa vision était étrangement brouillée et son corps la faisait souffrir.

Cette fois, elle avait l'air d'être seule. Il lui était compliqué d'en être certaine, les alarmes couvraient tous les bruits alentours. Elle tenta de bouger pour observer les lieux plus en détails mais des liens entravaient son cou et ses bras, rendant tout mouvement impossible. Elle était simplement là, posée à l'horizontal sur une planche en métal froid. Elle se rendit compte que le froid mordait beaucoup trop fort son dos, plus qu'il n'aurait du et compris qu'elle était nue.

Finalement, les alarmes se turent et, au même instant, le Sosie entra dans la pièce en vociférant, suivie de près par deux hommes en blouse blanche qui se penchèrent au-dessus d'elle sans aucune gêne.

Les oreilles de Mathleen bourdonnaient et elle avait du mal à saisir tout ce qu'il se passait mais la conversation sonnait étrangement familière.

-J'espère que vous avez une explication valable à cela ! Je croyais que tout était réglé depuis le premier incident. Et voilà qu'elle se réveille pour la deuxième fois ! On ne peut pas continuer comme ça, nous savons tous les désastres qui ont eu lieu lors de son premier éveil.

-On ne sait pas ce qui les déclenche. On peine encore à comprendre ce qu'es exactement cette chose alors...

-Je ne veux pas le savoir ! Trouvez une solution ! Qu'est-ce que je donnerais pour que Narwïn soit présent dans ce genre de moment ! Au moins, il savait ce qu'il faisait, lui. Si elle crève et que le portail se ferme je ne donne pas cher de nous. Et vous serez les premiers à en subir les conséquences je peux vous le promettre.

-Bien.

Le Sosie disparu de son champ de vision. Ne restait que les deux hommes. L'un d'eux s'éloigna pour s'affairer à elle ne savait quoi à côté. Elle pouvait entendre des bruits métalliques et quelques jurons. L'homme semblait chercher quelque chose.

L'autre restait là, planté devant elle, à scruter son visage paniqué. Elle voulut parler mais sa gorge était sèche et la brulait. Elle rassembla ses forces et réessaya.

-Ai..aidez moi...

Les sons qui sortirent de sa bouche étaient rauques et éraillées. Mathleen peina à reconnaitre sa propre voix. L'homme l'a regarda, abasourdit.

-Ethan ! Ramène-toi vite. On a un problème !

Le dénommé Ethan rappliqua aussitôt, intrigué par le ton de la voix de son camarade.

-Quoi Marco ? T'as pas vu que je suis occupé pour nous éviter les foudres de l'autre furie ?

-Ça recommence. La gosse se réveille.

-ça j'ai bien vu qu'elle était réveillée abruti. C'est justement de cela que l'autre nous a demandé de nous occuper.

-Non, j'veux dire. Comme il y a seize ans. Elle arrête pas de se réveiller et elle cause maintenant !

Le ton de l'homme était franchement paniqué.

-Tu déconnes j'espère ?

-Vas-y, cause-lui ! Tu vas voir si je déconne ! Y a pas moyen d'augmenter les endorphines pour la faire se calmer ?

-Si ça tourne mal on va en entendre parler...

-Dans les deux cas on est dans la merde si ça tourne mal, alors honnêtement, je suis plus à ça près.

L'autre homme, Marco, dévisagea Mathleen d'un air grave, en essayant d'analyser son expression.

-C'est vrai ça, que tu causes ?

La jeune fille tenta d'avoir l'air indifférente au monde qui l'entourait et d'ignorer l'homme. Pourtant, celui-ci eu l'air satisfait de ce qu'il vit.

-Augmente la dose.

Ethan hocha la tête et se dirigea vers quelque chose derrière elle, probablement une des consoles. Immédiatement, elle senti les douleurs de son corps s'apaiser mais cela ne présageait rien de bon. Marco revint avec la même seringue que la première fois. Alors, avec toute la force dont elle était capable, elle se mit à hurler. Hurler encore et encore, quitte à s'arracher les cordes vocales. Hurler comme si cela allait changer quelque chose à sa piètre situation.

Hurler, jusqu'à ce que les tentacules avancent encore un peu plus sur les murs de Dal'Boron.

-Sorcier, faut qu'on bouge ! Tant pis pour ta soi-disant Ombre rousse, elle s'est tirée et on ferait mieux d'en faire autant.

Maokai hocha la tête, désemparé. Il ne comprenait pas les agissements de cette gamine. Tantôt elle disait vouloir les aider, puis la seconde d'après voilà qu'elle disparaissait quand ils en avaient le plus besoin. Fort heureusement, il avait eu le temps de trouver un chemin qui semblait sur lors de ses périples de la nuit passée.

L'homme se retransforma en oiseau pour guider ses camarades depuis les cieux. Les trois prirent chacun un cheval et commencèrent leur périple vers les Terres Perdues. En soit, Byavask n'était pas si loin que cela, sept jours de marche tout au plus, mais ils savaient que cela s'avérerait compliqué.

Sans piper mot, la troupe se mit en marche, laissant derrière elle les tentacules hurlants de la défunte ville des sages.