Chapitre cinq: métamorphose


Maokai fulminait. Cela faisait des jours qu'il essayait de mettre la main sur ce fichu manuscrit, sans succès. Il savait qu'il l'avait vu il y avait quelques temps de cela à la grande bibliothèque de la cité mais n'avait pas jugé bon de s'en occuper à ce moment. Il ne se souvenait plus exactement pourquoi, probablement trop occupé à d'autres manipulations diverses et variées. Et là, voilà qu'il apprenait que c'était cet empâté d'Entha qui avait le bouquin en sa possession depuis des semaines ! Qu'est ce qu'il fichait avec d'ailleurs ? Le gosse n'avait pas rien à faire avec ce genre d'écrits, c'était à se demander comment il avait pu tomber dessus. Après réflexion, il se dit que c'était probablement lui qui avait envoyé le gosse chercher des livres divers et variés et qu'il en avait sûrement oublié un au passage. Mais ça n'excusait pas tout, loin de la ! Il aurait dû le lui rendre dès qu'il en avait eu l'occasion.

Il avait surpris le gosse avec le livre sous la main, l'attendant devant la porte de ses appartements. Maokai l'avait regardé avec dédain. Qu'est-ce qu'il voulait encore le marmot ? Le Mage n'appréciait guère les enfants, ni tout autre être vivant ou mort d'ailleurs et c'était avec un grand mécontentement qu'il avait appris qu'on lui avait refourgué ce que les autres avaient la prétention d'appeler « un disciple » sur les bras. Au départ, il avait cru à une mauvaise blague. Mais non, Anasthase et les autres n'avaient pas l'air de plaisanter. Ils avaient déjà chacun à charge une ou plusieurs personnes, il n'y avait pas de raison pour qu'il y échappe. Et il avait eu beau crier, menacer et s'acharner, rien n'y avait fait. Il s'était vu forcé de se coltiner le jeune elfe noir dont le visage angélique avait le don de le mettre encore plus en rogne qu'à son habitude. Mais, finalement, il s'était vite rendu compte que d'avoir quelqu'un à sa solde n'avait pas que des inconvénients. Il n'avait désormais plus à se soucier de se déplacer en personne pour chercher des livres et des manuscrits.

Mais, lorsqu'il avait vu le gamin devant sa porte, le livre qu'il cherchait tant sous le bras, il n'avait pas pu s'empêcher de laisser éclater son mépris envers l'enfant. Il le regarda d'une moue dédaigneuse, lui arracha le livre des mains sans un mot et reparti dans ses appartements, calquant la porte derrière lui et laissant le pauvre enfant hébété sur le pas de sa porte.

Après avoir vérifié que le manuscrit contenait bien ce qu'il cherchait, l'homme sortit de chez lui, se dirigea vers le centre de la cité et traversa le grand hall de la tour des Mages, son bouquin enfin retrouvé sous le bras. Il monta les étages à grandes enjambées pour aller s'enfermer dans son bureau. Il savait pertinemment que les autres n'appréciaient guère qu'il monopolise la tour d'astronomie, un nom beaucoup trop pompeux à son gout pour le petit bureau, mais ils étaient tous beaucoup trop pleutre pour oser s'élever contre lui. Il n'était pas le plus âgé des mages, loin s'en fallait, mais sa maitrise de la magie imposait le respect. Il n'avait jamais vraiment compris pourquoi il avait ce don, ni pourquoi les autres n'arrivaient pas à l'égaler mais il n'allait pas se plaindre, loin de là. Cela lui donnait une certaine notoriété dont il usait et abusait à sa guise.

Une fois installé à son bureau, il se mit à feuilleter les pages du livre à la couverture usée à la rechercher de ce qu'il cherchait. Il savait qu'il avait le don d'exaspérer, Anasthase l'Ancien, à s'évertuer de rechercher tout et n'importe quoi si ce n'était une façon de sauver leur terre. Mais Maokai était un homme pragmatique. Si le monde devait mourir, qu'il se meurt. Il n'avait plus rien à attendre de lui depuis bien longtemps de toute manière. Une fois la page recherchée trouvée, il se mit à la recherche de ce dont il avait besoin pour accomplir son œuvre.

Il sorti de l'armoire deux grosses fioles et alluma un feu en dessous de l'une d'entre elle d'un claquement de doigts négligeant. Il continua à fouiller dans les placards pour en sortir des fioles diverses et variées et continua ses mélanges en gardant toujours un œil sur son manuscrit pour être certain de ne pas commettre d'erreurs. Ce qu'il faisait état risqué, seul l'auteur du parchemin avait apparemment réussi le sort qu'il décrivait mais étrangement son nom avait disparu depuis bien longtemps. Depuis si longtemps que Maokai avait été bien en peine de retrouver la moindre autre trace de son passage en ce monde. Mais du moment qu'il avait ce qu'il voulait, la vie de ce pauvre bougre ne lui importait guère.

Après quelques heures, beaucoup de sueur et quelques énervements, il lui sembla qu'il était enfin parvenu à ses fins. Il éteignit le feu et pris précautionneusement entre ses mains la fiole qui chauffait dessus. Celle-ci contenait un étrange mélange tourbillonnant, d'une magnifique couleur ambrée. Maokai filtra avec attention le tout avant de se saisir de l'unique aiguille qui restait dans la pièce. Les autres ayant été utilisées pour tester les effets d'herbes diverses et variées sur son organisme au cours de la semaine. Les effets avaient été...intéressants.

Il remonta précautionneusement la manche de sa chemise d'une main, posa la seringue sur un recoin encore intact de son bureau et alla chercher une ficelle pour se faire un garrot et enfonça doucement la pointe brillante dans la peau de son bras.

Au départ, il ne sentit pas grand-chose. Tout juste un picotement désagréable à l'endroit de la piqure. Puis, vint une étrange sensation, comme si des fourmis s'étaient glissées sous son bras et remontaient lentement en direction de son système nerveux. Maokai n'était pas serein. La formule ne décrivait pas les effets qui devaient se produire, ni au bout de combien de temps la métamorphose devait arriver. Aussi, n'avait-il aucune idée de si ce qui était en train de se passer était normal ou pas. Puis, soudain ses yeux aussi se mirent à le picoter étrangement. Dérangé par la sensation, Maokai se les frotta légèrement, tentant en vain de faire disparaître la gêne. Loin d'améliorer les choses, le picotement sembla au contraire se propager dans ses oreilles d'où un bourdonnement sourd provenait désormais. Il n'entendait plus rien et voyait à peine. Le sorcier commençait sérieusement à douter du bien-fondé de son expérience. Est-ce que tout ça valait vraiment la peine après tout ? De toute manière, il était trop tard pour revenir en arrière. Soudain, tout s'arrêta. Il rouvrit doucement les yeux pour s'apercevoir qu'il voyait désormais avec beaucoup plus d'acuité qu'auparavant. Son ouïe aussi lui paraissait différente. Il percevait désormais des sons qu'il n'entendait pas avant. Avec un peu de concentration, il parvenait même à repérer quelques bribes de conversation provenant de la place en contrebas. Soulagé mais encore engourdi par ses nouvelles sensations, Maokai regarda autour de lui, satisfait. Le sortilège semblait avoir fonctionné, en partie tout du moins. C'était pour le moins étrange, il n'arrivait pas à s'expliquer pourquoi le sort n'avait pas entièrement fonctionné. Il avait pourtant tout suivi à la lettre. Il devait manquer quelque chose. Comme pour lui donner raison, une douleur lancinante le pris au creux du dos lorsqu'il voulut se relever.
Et la vraie souffrance commença.

Un intense foudroiement le pris dans tout le corps. Maokai s'effondra sur le sol et se mordit la langue afin de ne pas hurler. La douleur reprit de plus belle, elle s'enfonçait encore plus profondément en lui, s'infiltrait dans tous les pores de sa peau, le terrassant un peu plus de douleur à chaque instant. L'homme se rendit compte qu'il avait désormais un gout de métal dans la bouche. Il avait serré sa langue entre les dents beaucoup trop fort sans s'en rendre compte. Couché en position fœtal sur le sol, Maokai haletait. Il savait qu'il avait surement eu la pire idée du monde en se lançant dans ce sort sans certitude des résultats mais son orgueil avait eu raison de lui. Ça lui apprendrait tient ! Une quatrième vague de douleur s'empara de lui. Puis une cinquième. Encore et encore, sans lui accorder le moindre répit, la douleur lancinante s'enfonçait un peu plus en lui à chaque instant. Un énième éclair de douleur le transperça jusque dans son crâne. Maokai perdit pied.

Et se mit à hurler.

Faim. Nourriture. Bat des ailes.

Il tombait. Il sentait qu'il tombait irrémédiablement dans des ténèbres encore plus profondes sans rien pour se raccrocher à un éclat de réalité. Son esprit était à la dérive, perdu dans il ne savait quel recoin de son esprit en miettes.

Araignée. Manger. Plafond. Elance toi.

Il nageait dans une sorte de brouillard. Autour de lui, tout était sombre. Il tombait à l'aveuglette dans un monde de ténèbres dont il ne savait pas comment sortir. Maokai était inquiet. Quelque chose avait du mal se passer et voilà qu'il se retrouver coincé il ne savait où. Il avait l'impression d'errer entre deux mondes, pas tout à fait vivant mais pas tout à fait mort non plus. Il avait l'étrange impression de vivre une sorte de non-existence, prisonnier de son corps qu'il n'arrivait pas à contrôler. C'était comme si une autre entité contrôlait son corps et qu'il était relégué au sein de simple spectateur. Enfin, spectateur était un bien grand mot étant donné qu'il ne voyait rien. Il sentait son corps se mouvoir, étrangement, d'une façon qu'il n'avait jamais connu avant. C'était comme s'il...flottait ?

Araignée. Plus haut. Bats des ailes.

Il avait faim aussi. Il ne s'en était pas rendu compte avant mais maintenant qu'il commençait à revenir doucement à ses sens, il s'aperçu qu'il avait un énorme vide dans l'estomac. Il mourait de faim pour être exact. Comme si cela faisait des jours qu'il n'avait rien avalé. Or il se souvenait très bien de son dernier repas, deux tranches de pain accompagnées d'un peu de beurre ce matin. Et, chose encore plus étrange, il avait faim...d'insectes ?!

Attrape. Avale. Pose-toi.

Maokai senti une sensation désagréable le traverser. Désagréable pour lui mais une partie de son organisme semblait satisfait de ce qu'il venait d'arriver quoi que cela puisse être. L'homme, au milieu de toute cette étrangeté décida de ne plus prêter attention aux messages que lui envoyait son corps. Il était coincé dans cette demi-réalité de son esprit et sa curiosité ne pourrait jamais être rassasiée ainsi. Il fallait attendre et espérer que la situation s'améliore. Et il espérait de tout cœur que ça allait être le cas rapidement. Sur cette pensée peu rassurante, Maokai sombra de nouveau.

Rassasié. Pose-toi. Dors.

LorsqueMaokai rouvrit les yeux, il ne comprit tout d'abord pas où il se trouvait. Endessous de lui, il pouvait voir son bureau dans un capharnaüm sans précédentet, au milieu, se tenait Entha qui le fixait d'un regard incompréhensif.L'homme leva les yeux et se heurta seulement au plafond terne, beaucoup plusprès que ce qu'il n'aurait dû. Il ne comprenait pas. En dessous de lui, Enthas'était remis à fouiller la pièce à la recherche d'il ne savait quoi. Il tentad'appeler le gamin pour lui demander une explication mais seul un cri rauque etétrange sorti de sa gorge. Interloqué, il réitéra. La même chose se produisit.Puis, il eut enfin la présence d'esprit de se regarder lui. Des plumes sombres,des serres vives. Le sortilège avait bien fonctionné finalement. Maokai jubilaintérieurement, il savait qu'il était capable de transformation animale !Ce n'était au fond pas si compliqué, bien que le processus soit, certes, un peudouloureux et déroutant. Soudain, le Sorcier se figea dans sa joie digne d'unenfant qui aurait prouvé à un adulte qu'il avait tort. Il restait un problèmeauquel il n'avait pas pensé, tout à son excitation : il ne connaissait pasla formule pour inverser les effets.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top