BONUS 15 : « Min kjærlighet »
Comme promis il y a des semaines et des semaines en arrière parce que je suis pas foutue d'écrire à un rythme régulier, voici le bonus Mekra ! Je dis rien de plus, de toute façon je pense que vous savez déjà sur quoi ça va porter.
Il n'y a pas vraiment besoin d'avoir lu Toujours Là pour comprendre, mais il y a quand même un petit spoil pour celles et ceux qui se seraient arrêtés à la fin de Jim Morrison.
Plein de bisous et bonne lecture ! ❤️
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« Y'a que pour les bières que j'préfère les blondes ».
Bah putain, si j'avais su, j'aurais mieux fait de fermer ma gueule.
La faute à Elma aussi. Si elle était jamais entrée dans la vie de cet enfoiré de Deen, j'aurais jamais rencontré Stine.
Je me souvenais encore de la première fois où je l'avais vu. Où je l'avais réellement vu. La date coïncidait avec les premier match de handball féminin auquel j'avais assisté. Au premier match de handball auquel j'avais assisté tout court en fait.
Ken m'avait traîné au Palais des Sports pour voir Elma jouer, et j'y étais allé à reculons parce que j'avais prévu de voir une meuf que je côtoyais depuis quelques temps. On était pas ensemble, on était un peu plus que des plans culs, je l'aimais bien mais sans plus, bref. Je savais pas trop ce qu'on était mais ce soir-là j'avais clairement pas envie de regarder des nanas courir après un ballon donc j'étais pas d'une humeur de ouf.
J'avais passé la première mi-temps à rêvasser alors que le Fenek s'extasiait sur le talent de sa nouvelle giga pote, regardant vaguement ce qui se passait sur le terrain en regardant le chrono toutes les trois secondes parce que ça me faisait chier. En plus personne m'avait expliqué les règles et le seul truc que je savais c'était qu'il fallait mettre le ballon dans les buts adverses, donc j'étais passablement énervé à chaque fois que le temps s'arrêtait parce qu'il y avait une faute que je comprenais même pas. Quel sport de connard.
Ken m'avait un peu déridé pendant la mi-temps, se moquant de mon air grognon et faisant des vieilles vannes sur ma libido, genre « rappelle-moi de plus t'emmener à des matchs de hand sans que t'aies tiré ton coup avant » ou des bails du genre. Je lui avais répliqué de plus m'emmener à des matchs de hand tout court parce que je considérais qu'Elma avait déjà une assez bonne fan base avec tous les canards qu'étaient nos potes envers elle. Ça me faisait toujours halluciner d'ailleurs, je comprenais pas ce qu'ils lui trouvaient tous à cette casse-burnes de babtou. Mon kho m'avait ensuite rapidement expliqué quelques règles qu'il avait capté - cet enfoiré les connaissait même pas toutes et il faisait quand même semblant auprès de la handballeuse mais bref -, et j'avais décidé de mettre un peu plus de mien pour la deuxième mi-temps.
Ce fut comme ça que je m'étais quasiment levé de mon siège en m'exclamant quand Maëlle fit un move de malade avec une de ses coéquipières : depuis le bord du terrain, près de la touche, Maëlle avait fait une passe quasiment à l'aveugle dans le secteur central au-dessus de ce que je me rappelais comme étant la zone, et une autre nana l'attrapait en plein vol comme un putain d'oiseau avant de la mettre dans les buts et de faire une roulade sur le sol pour se réceptionner. J'avais été sur le cul putain.
Après ça, la joueuse s'était relevée en triomphant, courant vers le banc de touche avec les bras écartés dans un geste de victoire, avait très rapidement checké Elma sur sa route, puis je l'avais plus quitté des yeux du match. C'était inhumain ce qu'elle venait de faire.
C'était le numéro 5, et j'avais mis douze piges avant de pouvoir lire le nom inscrit sur son dos. « Oftedal ».
Comme ça, de loin, tout ce que j'avais pu capter c'était qu'elle avait de longs cheveux d'un blond presque blanc attachés dans une queue de cheval. Qu'elle était assez baraque aussi, sans être trop costaud non plus. Mais surtout, qu'elle était putain de douée.
– Putain mais faut les cloner Stine et Elma, avait ricané Ken après un enchaînement de buts de la part de la blonde et de notre pote au bout de dix minutes de temps de jeu.
C'était comme ça que j'avais capté que j'avais déjà vu la numéro 5. « Stine », ça me disait quelque chose. Je me rappelais vaguement Maëlle nous avoir présenté une Norvégienne le jour de son anniv', et avoir bien insisté sur la prononciation du prénom : « Stiné, pas Stine, faites pas les analphabètes ok ? » J'étais persuadé que Sneazz avait répliqué un truc du genre « Styléééé » l'air super fier de sa vanne.
« Y'a que pour les bières que j'préfère les blondes ».
Putain je savais pas si c'était le karma ou quoi, mais on aurait dit qu'une force supérieure avait à tout prix voulu me prouver que j'avais tort en mettant la Norvégienne sur mon chemin. Une Norvégienne putain. Parmi toutes les nationalités possibles j'avais même jamais pensé au fait qu'il y avait des meufs en Scandinavie tellement j'étais persuadé que ma hlel serait une rebeu.
Enfin bref, si j'avais absolument pas fait attention à cette meuf le jour où Maëlle nous l'avait présentée – peut-être trop bourré, peut-être parce que sérieux, vraiment, les blondes c'était pas mon truc ! –, j'avais été complétement obsédé par elle après l'avoir vu jouer pour la première fois. Et je m'étais détesté pour ça, parce que j'étais clairement pas le genre de type à se laisser ensorceler par une racli.
Notre rapprochement s'était ensuite fait plutôt naturellement, à base de chambrage en soirée. Cette go était grave drôle. Un peu pince-sans-rire en fait, avec son putain d'accent et sa façade inexpressive on savait jamais quand elle déconnait et quand elle était sérieuse. Et putain elle avait une de ces réparties... Peut-être pas autant que cette casse-burne d'Elma, mais même avec la barrière de la langue elle arrivait à nous faire fermer nos gueules. Parfois en Français, parfois en Anglais. Souvent en Norvégien avec Maëlle pour traductrice. Puis quand on s'était rapprochés et qu'on avait commencé à se considérer comme des potes, elle se contentait du Norvégien et je lui répondais en Arabe. On se comprenait pas, et ça nous faisait marrer de s'expliquer mutuellement ce qu'on avait dit en Français juste après.
J'avais mis longtemps avant de vouloir plus avec Stine. Déjà, parce qu'on s'entendait grave bien amicalement et qu'on avait à aucun moment envisagé pouvoir sortir avec l'autre, et puis surtout parce que je l'avais jamais considéré comme une meuf que j'aurais pu pécho vu qu'elle avait un mec qui l'attendait en Norvège. Markus. On parlait pas trop de lui parce qu'elle vidait son sac auprès du petit groupe de meufs qu'elle formait avec Elma, Lissa et Julia, mais j'avais capté que leur histoire allait pas durer bien longtemps à cause de la distance : askip les contrats de Stine à Paris s'enchaînaient, et le type était pas prêt à tout plaquer pour venir la rejoindre en France. Donc au bout d'un moment, les visios et les visites aux vacances de Noël et pendant l'été allaient pas suffire à sauver leur relation. Ce qui avait commencé à m'arranger au bout d'un moment.
Je pense que nos potes avaient compris avant nous qu'on allait terminer ensemble : quand on se retrouvait en groupe on s'asseyait machinalement l'un à côté de l'autre, on passait notre temps à se tailler, on se marrait comme des pintades en nous foutant de la gueule des autres, il arrivait à Stine de laisser tomber sa tête sur mon épaule ou de venir s'asseoir par terre entre mes genoux quand il y avait plus de place nulle part pour s'installer... De mon côté ça me faisait chier quand elle pouvait pas venir à une soirée, quand elle était en déplacement pour des matchs on continuait de parler sur notre conv en s'envoyant des conneries qui avaient pas lieu d'être, dès qu'elle se pointait je lui laissais une place à côté de moi avant de lancer un sujet de discussion sur le hand parce que ça m'intéressait de ouf depuis que j'allais la voir jouer... On s'entendait vraiment super bien. Nos caractère étaient quasi les mêmes, on s'embrouillait jamais parce qu'on savait ce qui emmerdait l'autre et on se comprenait de ouf, on rigolait des mêmes trucs, on faisait les mêmes vannes. En fait tout était naturel entre nous. Y'avait zéro gêne, on se forçait jamais, et on avait une putain de complicité.
Donc forcément, quand la Norvégienne, trois mois après avoir largué son Markus, m'avait avoué que j'avais joué un rôle dans sa décision, j'avais pas pu m'empêcher de lui dire que j'étais sur la même longueur d'onde qu'elle et... Bah la machine avait été lancée. C'était bien la première fois que je faisais les choses dans l'ordre d'ailleurs : de potes on était passés à couple, et on avait couché ensemble seulement après nous être avoué notre attirance commune. Stine avait pas trompé son mec pendant toute la période où elle avait remis leur relation en question, et elle avait attendu de bien avoir enterré son couple avant de sauter dans un truc avec moi. Même si on avait rien dit à nos potes avant qu'ils le devinent par eux-mêmes.
C'était peut-être pour ça qu'on en était là aujourd'hui en fait. Tout s'était beaucoup trop bien passé depuis notre rencontre, fallait forcément qu'il y ait une couille quelque part.
En gros on était restés ensembles de décembre 2015 à août 2016. C'était pas si long dit comme ça, mais on avait eu le temps de vivre masse que-trus.
On était putain d'heureux ensemble, vraiment, j'avais jamais rencontré une meuf qui me complétait à ce point et avec qui je me prenais si peu la tête. On passait notre temps l'un chez l'autre, on se revoyait avec nos potes comme si on était pas déjà h24 ensemble, on avait toujours un truc à dire ou un fou rire à faire passer, c'était ouf. Vraiment ouf.
Puis cette connasse d'Elma nous avait fait flipper parce qu'elle savait pas foutre un pied devant l'autre et ça nous avait encore plus rapprochés. Stine essayait de faire face au coma de sa meilleure pote en restant de marbre devant les autres, mais dès qu'elle se retrouvait avec moi elle fondait en larmes et exprimait sa peur de perdre Maëlle, et je me mettais à sa place en imaginant que c'était Nek, Théo ou Raph dans ce putain de lit d'hôpital. J'avais détesté voir ma meuf dans cet état-là et voir ses yeux bleus plissés par autre chose que son sourire. Et puis en voyant l'Ancien à ce point dans le mal, j'avais pas pu m'empêcher de m'imaginer à sa place et de projeter Stine branchée à des tuyaux comme Maëlle. C'était peut-être à ce moment-là que j'avais réalisé que j'étais vraiment amoureux d'elle.
Ça avait été un putain de soulagement quand Maëlle s'était réveillée. Autant pour moi que pour Stine. À l'époque, j'étais bien moins proche d'Elma que de Raph, même si je respectais la meuf de ouf et qu'elle me faisait bien marrer mine de rien. Mais c'était justement en partie à cause de lui que j'avais été soulagé : si cette conne y était passé, j'aurais pas juste eu Stine à ramasser à la petite cuillère, mais y'aurait aussi fallut que je force Raph à vouloir vivre, parce que sans sa sœur il aurait voulu se laisser crever, c'était sûr. Fin' bon, ça servirait à rien de parler de ça, on avait évité le pire.
« Y'a que pour les bières que je préfère les blondes ».
Putain en fait le problème c'était même pas la couleur de cheveux, c'était le métier.
J'avais bien vu ce qui était arrivé à Deen et Elma quand elle s'était barrée en Norvège pendant un an pour sa carrière. Comment j'avais pu penser que Stine resterait toujours à Paris ? Elle aussi elle avait des offres de contrats ailleurs qu'en France. En plus miskina elle avait même pas le choix, c'était soit elle partait en Hongrie soit elle pouvait dire adieu au haut-niveau parce qu'il y avait pas eu masse transferts de dispo l'année de la fin de son contrat avec Paris. Je voyais que ça la brisait autant que moi d'être obligée de se barrer : de quitter une nouvelle fois sa petite sœur Hanna qui, elle, prolongeait avec Paris, de quitter ses trois potes meufs de Paname, de me quitter moi... Et de voir que j'étais pas prêt à bouger en Hongrie, comme son ex avait pas été prêt à bouger à Paris...
Pourtant elle m'avait supplié putain. Et Stine suppliait jamais parce qu'elle avait sa fierté. Elle avait tenu genre une semaine à base de « Nan mais tu fais comme tu veux, je t'en voudrai pas si tu me rejoignais pas » avant de tout lâcher et de me dire qu'elle se voyait pas vivre sans moi à mille kilomètres de Paname. Puis je lui avais dit que j'étais pas prêt à tout plaquer pour aller vivre dans un pays dont je parlais même pas la langue. Alors qu'en réalité je m'en branlais de pas parler la langue, c'était surtout que j'étais carrément pas prêt à abandonner le rap et mes khos et à faire une croix sur tous les bêtes de moments qu'on passait ensemble pour une go. J'étais encore dans ma vingtaine, je voulais toujours profiter, et me barrer en Hongrie c'était un peu synonyme de niquer ma jeunesse pour moi. Je savais que c'était super égoïste, mais j'avais toujours fait passer ma mif et la musique avant les meufs, et même si j'avais pas souvent aimé une meuf autant que Stine, bah elle était pas arrivée à me faire abandonner mes principes.
C'était pas parce que j'avais pris la décision de mettre fin à notre relation que je m'en étais pas mordu les doigts après. Si au début j'avais relativisé parce que j'étais à l'origine de ma nouvelle situation de célibataire, la Norvégienne avait vraiment pas tardé à me manquer.
Mes frères m'avaient rapidement fait remarquer que je devenais insupportable depuis ma rupture. J'avais envie de rien, je râlais pour un rien, je m'énervais facilement, j'étais complètement aigri, j'avais aucune inspi. Mon ex me manquait et je me détestais de pas avoir bougé avec elle. Puis quand l'idée de la rejoindre me venait, je me rappelais pourquoi j'étais resté en France et je me faisais une raison quant au fait que dans tous les cas j'aurais jamais réussi à me barrer loin de Paname. J'étais pas Nek, j'avais pas envie de me barrer constamment à l'autre bout du monde : Paris c'était ma ville, et j'avais besoin d'elle pour avoir un équilibre.
Quand Raphaël avait failli clamser, j'avais pas repensé à Stine depuis quasiment un an. Complètement au fond du trou parce que je pensais vraiment que mon kho allait y passer, j'avais accueilli le soutien de Stine avec joie. Ou détresse, je sais pas. Dans tous les cas je me souviendrai toujours de la scène dans laquelle j'étais en salle d'attente avec Idriss, et où Stine avait débarqué de nulle part sans prévenir : ça faisait un an que j'avais pas vu sa gueule autre part que sur un écran, et j'avais été surpris peut-être seulement deux secondes de la voir ici avant de me lever pour réduire la distance qui nous séparait et qu'elle me prenne dans ses bras. Un an qu'on s'était pas vu, pas tenu, pas senti, et tout avait semblé putain de naturel entre nous. Incompréhensible le truc.
Elle m'avait soutenu comme jamais pendant cette période. Pareil pour Maëlle, elle la lâchait pas d'une semelle pour être sûre qu'elle allait surmonter le bail sans faire de connerie. Avant que Raph soit transplanté, une seule idée arrêtait pas de voyager dans ma tête : j'allais bouger en Hongrie. La vie était trop courte, j'aimais cette femme, j'avais les moyens financiers de revenir à Paname quand je le voulais, je pouvais taffer mon peu-ra là-bas... J'allais construire un truc sérieux avec elle et bouger en fonction de ses contrats, c'était décidé.
J'avais tenu deux mois en Hongrie. En vrai, c'était pas si désagréable que ça vu que j'étais dingue de ma femme. Mais elle m'avait tej parce qu'elle sentait que je regrettais d'être venu et qu'elle voulait pas me rendre malheureux. Au début, je l'avais super mal pris, et j'avais nié de A à Z. Puis je m'étais rendu compte qu'elle avait complètement raison, et on s'était quittés en de bons termes. En de bons termes mais aussi brisés l'un que l'autre parce qu'on s'aimait de fou. Mais parfois l'amour c'était pas suffisant.
J'avais retrouvé une meuf, et j'avais appris par Maëlle que Stine s'était fiancée en 2020 à un handballeur Norvégien qui jouait aussi en Hongrie. J'avais eu un seum incroyable alors que ma nouvelle go était folle de moi. Alors que de mon côté... Je pense que je l'appréciais. Mais j'arrivais pas à ressentir tout ce que j'avais ressenti pour Stine : de la passion, de l'enivrence ou je sais pas quoi, ce genre de bail, j'en savais rien, c'était Nek le poète du crew. Tout ce que je savais, c'était qu'à l'époque où j'avais rencontré Stine, j'avais eu du mal à me passer de sa présence et je pensais qu'à elle, alors que là je passais facilement quelques jours loin de ma meuf et je pensais de temps en temps à mon ex.
« Y'a que pour les bières que je préfère les blondes ». À cette époque du coup, je m'étais maudis d'avoir prononcé cette phrase. Tout ce que j'avais réussi à faire, c'était provoquer le mektoub pour qu'il mette une Norvégienne aux cheveux quasiment blancs sur mon chemin, et me faire me séparer d'elle deux fois.
Sauf que j'avais rapidement compris que le destin se trompait jamais, et qu'il y aurait jamais que cette femme-là dans ma vie.
Parce qu'on avait peut-être attendu cinq piges pour se retrouver, mais on l'avait fait.
Juste après les JO 2021, Maëlle était revenue avec une médaille d'or pendant que Stine était retournée en Norvège avec une médaille de bronze. J'avais suivi toute sa compétition, comme un putain de gros stalker. Je m'étais torturé mentalement pendant plusieurs jours pour savoir si je devais lui envoyer un message pour la féliciter, comme un ado qui cherche n'importe quelle excuse pour lancer une discussion avec sa crush. Pathétique. Mais j'aurais pas su comment reprendre contact avec elle autrement. Parce qu'à ce moment-là j'étais pas au courant que si elle était retournée en Norvège et pas en Hongrie, c'était parce que son contrat avec Györ avait pris fin, et qu'elle revenait à Paname pour au moins trois saisons. Dans tous les cas le mektoub l'aurait de nouveau mis sur ma route puisqu'elle aurait passé son temps avec mon groupe de potes.
Après avoir répondu un « merci » timide à mon message, Stine était revenue en France à la mi-août pour préparer une nouvelle saison avec Paris. Y'avait pas fallut attendre longtemps pour que je la recroise vu qu'Elma avait organisé une soirée pour fêter son retour. Soirée durant laquelle on avait été incapables de s'ignorer : on avait maladroitement pris des nouvelles l'un de l'autre, puis avec quelques verres dans le nez on avait retrouvé notre vieille complicité.
On avait mis un certain temps avant de se refaire confiance mutuellement : je l'avais quand même lâchée comme son ex en refusant de la suivre dans un autre pays, donc je comprenais clairement qu'elle doute de mon amour pour elle. Surtout que de son côté elle m'avait juste jeté parce qu'elle voulait me voir heureux et qu'elle avait compris avant moi que je serais jamais heureux loin de mes proches.
Début 2022 je la demandais en mariage. Ouais, rapide, je sais. C'est ce que m'avaient dit quasiment tous mes khos, et à part Ken qui avait compris que je faisais pas ça sur un coup de tête et que j'avais vraiment réfléchis au truc, la plupart de mes potes s'étaient inquiétés de ma décision. Puis ils avaient compris.
Stine devenait une Akrour à l'été 2022. Et j'étais l'homme le plus heureux du monde d'avoir marié ma meilleure pote. Depuis ce jour, je me demandais comment j'avais fait pour pas comprendre que j'aurais jamais pu trouver mieux qu'elle. Enfin... Je me demandais surtout où j'avais trouvé la force de me pousser moi-même à pas comprendre que Stine devait devenir ma femme et comment j'avais réussi à m'infliger tout seul cinq ans loin d'elle alors qu'on aurait pu vivre des trucs incroyables ensemble, rien qu'au niveau de tous les championnats qu'elle avait gagné pendant ce laps de temps.
On devenait darons le 26 septembre 2023. D'un p'tit gars, Louaï.
Ça faisait maintenant deux semaines qu'on était revenus chez nous avec lui, et j'arrivais toujours pas à réaliser que c'était mon fils. Pourtant j'étais carrément en retard par rapport à mes khos, certains avaient déjà deux gosses à leur actif. Voire trois pour le certains : miskine Maxime et ses triplés d'à peine quatre mois là. Et ça faisait quand même neuf putain de mois qu'on l'attendait ce môme.
J'étais toujours aussi surpris de voir à quel point il me ressemblait pas du tout : cheveux blonds, yeux bleus, tout ce qu'il avait de moi c'était son teint mat. Mais il était quand même bg, il ressemblait pas à rien comme les gosses de Bigo, ceux de mon frère ou ceux de Théo. Bon, p'tite mention spéciale à ceux de Ken et ceux de Raph, ils avaient eu des bonnes bouilles dès le début ces petits. D'ailleurs, j'avais hâte que ma petite nièce rencontre son cousin : du haut de ses quatre ans, la seule chose que m'avait dit Kaïs quand elle avait appris que j'allais avoir un bébé, c'était « je vais le protéger comme Fouad ». Putain, qu'est-ce que les marmots Duprés-Clarkson me manquaient.
Je repensais à tout ça en regardant ma femme habiller Louaï d'un maillot de l'équipe de hand de Norvège floqué « Oftedal-Akrour ». Même si en réalité Stine avait pris mon nom, elle gardait le sien sur son maillot. Et je la comprenais, c'était son métier, son palmarès, mon nom tout seul avait rien à foutre là-dedans.
Notre fils se laissait faire sans broncher, trop occupé à regarder le mobile qui lévitait au-dessus de sa petite tête. Pauvre gosse ; le maillot était trois fois trop grand pour lui, et c'était vraiment pas utile de lui mettre pour regarder un match à la télé alors qu'il allait rester moins d'une mi-temps avec nous.
– Tais-toi, me lança fermement ma femme avec l'accent Norvégien qui rendait toujours ses paroles uniques, enfilant le bras de notre garçon dans la première manche.
– Quoi tais-toi ? je répondis agressivement. Rien que ça m'engueule parce que je te matte avec fierté.
– Peut-être mais je te connais Hakim Akrour (ça sortait toujours « Hokim Akrour » avec un -h inspiré et les -r roulés parce qu'elle kiffait pas faire d'effort avec mon nom quatre-vingt-dix pourcent du temps). T'es en train de me juger parce que je mets un maillot de handball à notre fils.
– Ouais, et ?
– Et il y a une dizaine de maillots de football différents taille bébé dans ses tiroirs min mann...
– Bah ouais, je fis en haussant les épaules. Parce qu'il fera du foot, pas du hand.
Ma femme me lança un regard bleu glacial dont elle avait le secret, et je souris immédiatement fièrement : j'adorais la provoquer.
Elle baragouina ensuite quelque chose en Norvégien pour s'adresser à notre fils, frottant le bout de son nez contre le sien en tenant ses deux petits mains dans les siennes, et je compris juste deux mots qu'elle répétait depuis deux semaines, à savoir « min kjærlighet », « mon amour » en français.
– Tu lui as dit quoi ? demandai-je, sachant pertinemment qu'elle allait m'envoyer chier parce que je faisais pareil quand je parlais à Louaï en Arabe.
– C'est entre lui et moi, lança-t-elle d'une voix joyeuse en commençant à babiller au-dessus du visage de notre fils.
Je lâchai un soupir pour la forme, avant de m'avancer pour aller coller mon ventre au dos de ma femme et l'entourer de mes bras, et surtout pour poser mon menton sur son épaule et admirer le beau gosse qu'on avait pondu.
Plus je regardais mon fils, et plus j'avais envie de chouiner. Je sentais même mon étreinte se resserrer autour de la taille de ma femme. Ça me faisait ça de temps en temps depuis que mon marmot était là : je me rappelais de tout le chemin que j'avais parcouru pour en arriver là, à ce moment précis, entre galères de thunes et peines de cœurs, pour pouvoir offrir tout ce qu'ils voudraient à mon fils et à la femme que j'avais faillis perdre plusieurs fois entre notre rencontre et notre mariage. Putain je les aimais tellement tous les deux, j'étais prêt à prendre les armes pour eux, et je savais que si l'occasion se présentait je le ferais. Pour eux deux et pour les marmots que Stine et moi on aurait ensuite. Parce que vu ce que je ressentais pour Louaï, j'avais clairement pas envie de m'arrêter là.
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