Oneshot Nekfeu

Inspiration soudaine, rien à voir avec le reste de l'histoire, aucun personnage en lien. Juste un OS ! Bonne lecture ❤️

Il est là.

Mes entrailles se tordent dans tous les sens quand j'entends sa voix résonner dans l'appartement.

Allez souffle, grosse dinde, tu peux avoir l'air à peu près naturelle.

Ça fait trois mois que je ne l'ai pas vu, c'est rare qu'il revienne dans le coin. Je savais qu'il était là cette semaine, alors je suis rentrée chez mes parents, sachant très bien qu'il allait passer diner un soir.

Vous savez ce que c'est d'être malade d'amour ?

C'est quand chaque seconde de notre vie est tournée vers une seule personne, c'est quand on s'endort chaque soir et qu'on se lève chaque matin avec son visage en tête. C'est quand cette personne visite chacun de nos rêves.

C'est lorsqu'on ne parvient plus à manger tant sa présence à notre table nous obsède, quand toutes nos actions, choix, préférences, sont calculés de manière à avoir un jour la chance qu'il nous aime en retour.

Et je suis malade d'amour pour lui.

Je le connais par cœur, mieux que quiconque, mieux que la femme dont il est complètement fou.

Je sais quand il va rire, je sais quand il va plaisanter. Je connais chaque mimique et ce qu'elle traduit de ses sentiments. Quand le coin de ses lèvres s'étire alors que l'un de mes parents dit quelque chose d'idiot ou cliché, c'est qu'il n'en pense pas moins, mais qu'il a trop de respect et d'affection pour eux pour les contredire ou les remballer.

Dans ce genre de moment nous échangeons toujours un regard amusé. Ce sont mes préférés, ces échanges complices. Personne ne pourra jamais nous les retirer.

Poussant un soupir tendu, je me rends dans le salon où il vient d'entrer et dans lequel mes parents sont déjà en train de s'afférer pour le recevoir comme un roi. Il est de dos mais mon cœur bat déjà si fort que ma poitrine est douloureuse.

— Ah Lou, enfin tu es là.

À peine mon père a prononcé sa phrase que Ken se retourne, un sourire un peu gêné aux lèvres.

Il sait.

Évidemment qu'il sait espèce d'andouille, tes joues sont déjà cramoisies et tu meurs d'envie de te jeter dans ses bras pour ne plus jamais en sortir. C'est écrit sur ton front que t'es folle de lui.

—  Wesh la reus, ça dit quoi ?

La sensation que quelqu'un a une poupée vaudou à mon effigie et vient juste d'enfoncer une aiguille dans mon cœur.

À chaque fois il me fait le coup. « La reus ».

— Salut Ken...

Il s'approche de moi pour me faire la bise. Il sent bon. Affectueusement il me frotte la tête et j'ai un peu envie de pleurer.

Mes parents font le reste de la conversation, ils sont vraiment super contents de le voir.

Il y a des années, Ken a travaillé pour eux pendant tout un mois d'été, il avait dix-huit ans cherchait un petit job et mon père l'a embauché. Ils ont noué une belle relation et depuis, c'est devenu une sorte de rituel qu'il vienne dîner à la maison quand il passe dans le coin. Je le vois parfois à Paris où je fais mes études. Mais il est toujours si débordé, et je n'ose pas lui demander de se voir.

Cela fait vingt minutes que le sujet du prochain album de Ken est au cœur des conversations. Depuis Cyborg il n'a rien sorti.

Je déteste et adore cet album en même temps. Pourquoi ? Parce que je fais partie de ceux qui ont pu l'écouter avant qu'il ne sorte, il m'avait envoyé tous les sons en me demandant de garder un silence absolu. Ce que j'ai fait, bien entendu.

Mais je le déteste pour tous les morceaux où il parle d'elle. La femme. La femme qui tient le cœur du beau gosse du rap français. La femme qui le détruit et lui donne ses plus belles inspirations.

« J'suis le seul à te voir quand t'as pas les cheveux lissés ». Seule phrase que Ken n'ait jamais eu à mon égard au détour d'un morceau. Je l'ai repassée en boucle dans mes oreilles quand Feu est sorti.

L'amour à sens unique, ça craint à mort. 

— Ça avance ta thèse ?

Les yeux bruns du rappeur se sont posés sur moi, je relève la tête de mon assiette à laquelle je n'ai pas touchée.

— Euh oui. Je la soutiens en avril, je murmure.

Dans quelques mois j'aurai surement un doctorat de philosophie. Si j'arrive à boucler ma thèse d'ici là.

— Je suis invité ?

Il me sourit, je trouve qu'il a l'air gêné. Moi j'imagine ma soutenance de thèse avec lui dans la pièce. Mon Dieu, quelle horreur. Ou quel bonheur, je ne sais pas.

—  Si tu veux oui, je t'enverrai une invitation.

Ken hoche la tête et de nouvelles questions fusent, sur lui, sur moi, sur mes parents. Je suis incapable de manger quoi que ce soit. La boule au ventre et si forte que ça me coupe l'appétit.

Ma mère me le reproche, j'invente l'excuse d'avoir grignoté tout l'après-midi en travaillant sur ma thèse. 

— Comment va Noémie ? demande mon père à Ken.

La simple mention de sa copine m'enfonce une deuxième aiguille dans le cœur, je regarde ailleurs pour ne pas voir son visage s'éclairer lorsqu'il parle d'elle.

— Euh... Hum... On s'est... On s'est séparés. Définitivement.

Hein ? Quoi ?

Mes yeux se fixent automatiquement sur lui, son visage ne s'est pas du tout éclairé, au contraire. Sa douleur est palpable.

Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ?

D'habitude j'ai droit à un appel de Ken complètement déboussolé, malheureux et réclamant des conseils pour la récupérer. Conseils que je lui donne, évidemment.

Pendant toute la fin du repas, mes oreilles bourdonnent, je n'entends plus rien. J'ai juste les yeux fixés sur l'homme que j'aime plus que tout au monde, le cœur en panique, le souffle en déroute.

Il faut que je lui parle. Je n'en peux plus de cette situation.

Ken me jette des regards inquiets, il voit que je ne suis pas dans mon état normal. Je comprends que lui aussi souhaite que nous discutions seul à seul.

Une éternité plus tard, mes parents décident enfin de nous foutre la paix, je leur dis que je range la cuisine, qu'ils n'ont qu'à aller se coucher.

Un silence pesant emplit alors la pièce tandis que Ken m'aide à débarrasser et à remplir le lave-vaisselle.

Il sait.

Il sent bien que sa présence à mes côtés me met dans tous mes états, que chaque fois que sa main frôle la mienne mon pouls s'accélère. Il voit l'importance de son regard sur moi. Lui aussi, veut qu'on mette les choses au clair.

Avant il était beaucoup plus affectueux, n'hésitant pas à me prendre dans ses bras, à me pincer la hanche pour rire, à embrasser mon front sans raison. Depuis quelques temps, il met de la distance, il est plus mesuré dans son attitude, dans ses mots à mon égard aussi.

Et c'est parce qu'il sait.

Finalement il s'adosse au plan de travail et me regarde finir de passer un coup d'éponge, un cure-dent entre les lèvres, il attend que je parle je crois.

Comme je n'arrive pas à sortir le moindre mot tant ma gorge est serrée, il finit par attraper mon poignet, retirer l'éponge de ma main et la balancer dans l'évier.

— Arrête, murmure-t-il, Tu sais très bien qu'il faut qu'on discute.

Je déglutis avec difficulté. Son regard me brule la rétine. Il retire le bâtonnet de sa bouche et le pose à côté de lui.

— De quoi tu veux parler ?

Piètre tentative d'esquive.

— Lou, me prends pas pour un con, tu crois que je vois pas comment t'es avec moi ?

Le désespoir m'emplit alors, je me sens pathétique. Il ne m'aime pas et moi j'ai envie de le supplier de faire semblant, et de m'embrasser pour sentir ce que je n'ai jamais vécu que dans mes rêves.

— Pourquoi tu m'as pas dit que t'étais plus avec Noémie ?

Ken baisse les yeux et tripote maladroitement sa montre, je crois qu'il cherche des mots pour ne pas me blesser.

— Parce que... Je voulais pas que ça te fasse de faux espoirs.

Tu vois, grosse débile, il est parfaitement au courant que tu es folle de lui.

Ken relève les yeux vers moi et je peux lire une souffrance assez indescriptible dans son regard, peut-être qu'elle n'est que le reflet de la mienne.

— Depuis quand tu sais ? je demande.

Ça ne sert plus à rien de faire semblant.

— Depuis un moment, je l'ai compris, murmure-t-il, Mais je crois que j'ai préféré me voiler la face pendant un temps. Parce que j'avais peur de te perdre. Si tu savais comme je déteste l'idée de te faire du mal. C'est tellement... Putain.

Il serre les poings si forts que je peux voir les jointures de ses phalanges blanchir, Ken a l'air totalement déboussolé.

— Tu sais... C'est pas grave que tu ne m'aimes pas... J'ai appris à l'accepter.

Menteuse, tu rêves toute la journée qu'il vienne te chercher en te disant qu'il est dingue de toi. Tu as déjà imaginé ton mariage avec lui et tu es totalement en train de fixer ses lèvres en espérant qu'elles se collent au tiennes.

— Lou...

Il tend la main vers mon visage, puis l'éloigne avant qu'elle ne m'ait touchée, il ne sait pas comment agir, je l'ai rarement vu aussi maladroit.

— C'est pas que je ne t'aime pas... Je sais plus où j'en suis. Avec Noémie ça vient de se terminer, je l'aime encore et... ça va prendre du temps. Je veux pas me remettre avec quelqu'un d'ici un bon moment. Et puis si je te disais que je veux tenter un truc avec toi, qu'est-ce qu'il se passerait ?

Nous connaissons tous les deux la réponse.

— J'aurais peur. Que tu me fasses du mal. À cause d'elle, à cause de toi...

— Voilà.

Évidemment. Je le veux plus que tout, mais serais complètement terrifiée si les choses se concrétisaient.

— Lou, je peux pas imaginer te faire souffrir. Quand je te vois dans cet état, que je sais que c'est ma faute... C'est vraiment insoutenable.

Il a vraiment l'air terriblement mal, je vois ses yeux briller, je ne sais pas trop ce qui me prend mais je pose mes paumes contre ses joues.

— Ne fais pas ça, murmure-t-il.

Je le fixe avec tout l'amour que je ressens pour lui, ses yeux se posent brièvement sur mes lèvres mais il secoue la tête et capture mes mains dans les siennes pour les éloigner de son visage.

— Arrête, s'il te plaît...

— Pourquoi ?

Il me repousse un peu mais garde mes mains dans les siennes.

— Parce que toi t'es amoureuse de moi et tu mérites mieux qu'un mec triste qui a juste besoin d'oublier son ex.

Ça a le mérite d'être clair. Mais je l'aime tellement, et il est si proche.

Et voilà que maintenant, une larme s'échappe de son œil.

— T'es trop importante pour moi, je peux briser beaucoup de cœurs mais pas le tien.

— Et si je te dis que j'ai plus rien à perdre ?

Le voir pleurer m'a toujours découpé le cœur en lambeaux. L'une de ses mains lâche la mienne pour frotter ses yeux d'un revers de poignet. Je sens un sanglot me serrer la gorge.

— Ken, je serais prête à n'importe quoi pour toi. Si tu veux m'utiliser pour oublier ta peine, alors fais-le.

Oui, je suis pathétique à ce point. Je sais parfaitement qu'il ne m'aimera jamais, mais je veux en avoir l'illusion, juste un soir, une nuit. Savoir qu'il n'aura partagé ce moment avec personne d'autre que moi.

— Lou...

Je me colle à lui, il est si faible en cet instant, je le connais par cœur, je sais qu'il a du mal à résister aux femmes quand il est malheureux. Mon cœur semble sur le point d'exploser quand je joint mes lèvres aux siennes. Il recule tout d'abord son visage.

— Arrête, chuchote-t-il, Tu te fais du mal. Ne me laisse pas t'en faire...

Trop trop faible.

Je l'embrasse de nouveau, Ken me chuchote encore d'arrêter puis sa main se pose sur ma joue, il repousse faiblement mon visage vers l'arrière, mais finit par rendre les armes sous mes assauts intempestifs.

Je crois que nous pleurons tous les deux, moi parce que j'embrasse le garçon dont je suis complètement folle depuis neuf ans, lui parce qu'il a mal de me faire mal. Je sens sa main remonter dans mes cheveux, j'ai dû mal à croire que tout ceci est réel.

Peut-être parce qu'au fond ça ne l'est pas, c'est juste une illusion. Nous agissons comme si nous nous aimions, mais je suis la seule à aimer. Or à ce jour, il est prouvé et vérifié qu'il est absolument impossible d'aimer pour deux.

C'est à la fois le moment le plus douloureux et le plus beau de toute ma vie, comme la concrétisation d'un cauchemar érotique. Un parfait dosage de souffrance, de sensualité et d'amour.

Pourtant alors que mes mains glissent sous son sweat, Ken se bloque.

Il éloigne ses lèvres des miennes, le souffle en déroute.

— Arrête Lou, je peux pas faire ça.

Sa main caresse fébrilement ma joue, chassant mes larmes au passage. Il colle son front au mien et me fixe avec tendresse et douleur. Je me sens mal, comme si je venais de comprendre que je ne serais jamais à la hauteur pour lui plaire suffisamment et qu'il veuille plus.

Alors je m'effondre.

— Je suis désolé... souffle-t-il en me serrant dans ses bras, Je suis tellement désolé.

Ma seule réalité, à ce moment précis, c'est d'avoir envie de mourir. Juste là, dans ses bras, m'éteindre au rythme de son cœur qui bat pour une autre.

Parce que c'est clair et net, je resterai toujours la fille qu'il est le seul à voir quand elle n'a pas les cheveux lissés.

Pas de chanson d'amour pour Lou.

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