Bonus Maya #2 (partie 1)
Coucou ! petit bonus surprise en grosse partie pour ceux qui ont lu CQLANM ❤️
La sonnerie du réveil me donna l'impression d'une aiguille traversant mon crâne. J'avais trop bu la veille. Beaucoup trop bu. Malheureusement aucun des verres consommés pour oublier la raison qui me poussait à boire n'avait empêché le jour de se lever.
Je me redressai dans mon lit. Vide. Comme chaque matin depuis des mois. Ma main glissa sur le drap frais à côté de moi. J'avais voulu cette situation. Ou plutôt, il avait provoqué ma décision. Étouffant un bâillement, je me dirigeai vers la salle de bain pour me préparer. Comme toujours, j'accordai un soin précieux à mon apparence, en rajoutant même. Il fallait que je fasse bonne figure, que je montre que j'étais seule maîtresse de ma vie, que j'allais au bout de mes choix et que j'étais totalement capable de vivre sans lui.
Sortant de la pièce maquillée, coiffée et habillée, je consultai ma montre, il fallait que je réveille les enfants. Ils avaient école et les jumeaux devaient impérativement accompagner Nejma avant d'aller au collège.
Je frappai à la porte d'Amir avant d'entrer et m'approcher de son lit, passant doucement ma main dans ses cheveux je murmurai :
— Il est sept heures mon fils.
Il se frotta les yeux et après un temps d'adaptation, ouvrit grand les paupières pour me dévisager avec une certaine tristesse. Amir savait parfaitement ce qui se déroulait aujourd'hui. Dans quelques heures ses parents seraient officiellement divorcés. Je m'en voulais de leur imposer cela. De les décevoir. D'autant plus qu'à douze ans, les jumeaux étaient suffisamment vieux pour comprendre.
Ilyes ne m'adressa pas un mot. Se contentant de hocher la tête à mes quelques demandes, depuis deux jours il était simplement mutique. Refusant toute discussion. Je le connaissais par cœur et savait qu'il s'agissait de son principal mécanisme de défense lorsqu'il allait mal. Cela m'angoissait beaucoup, depuis son plus jeune âge j'avais conscience qu'il ne serait pas un adolescent facile, il me ressemblait bien trop, mais j'avais vraiment peur que ce divorce en rajoute.
Et si mon fils ne me le pardonnait jamais ?
Nejma était déjà levée et enfilait les habits que nous avions préparé la veille. Elle avait la moitié de l'âge de ses frères et était deux fois plus autonome.
Nous nous retrouvâmes tous les quatre pour un petit-déjeuner dans un silence de mort. Amir s'occupait de sa sœur, s'assurant qu'il ne manquait rien dans son cartable, Ilyes terminait un bol de céréales en évitant tout regard dans ma direction. Je tentai d'avaler un café malgré le nœud dans ma gorge.
J'avais beau me répéter que tout n'était qu'une question de temps, qu'un jour nous nous habituerions à l'absence d'Hakim dans cette maison, une petite voix ne cessait de me répéter que ce ne serait jamais le cas.
— Allez, faut y'aller, fit Amir, Ilyes bouge toi, t'es même pas habillé.
Avec une lenteur exaspérante, l'adolescent finit son bol et quitta la pièce. Je n'arrivais pas à leur parler, à leur dire que cela ne changerait rien à l'amour que leur père et moi leur portions. Parfois quand Amir venait discuter avec moi le soir, j'arrivais à formuler certaines choses. Mais un matin comme celui-ci, il m'était pratiquement impossible d'exprimer quoi que ce soit d'un tant soit peu profond.
Nejma mettait ses chaussures dans l'entrée, Amir débarrassait la table et moi je m'efforçai de ne pas pleurer. J'avais la sensation profonde d'être complètement indigne de ces enfants magnifiques qui étaient les miens. Finalement j'avais fait comme ma mère, je les avais rendus malheureux. Encore une fois la certitude que jamais je n'aurais dû laisser entrer Hakim dans ma vie m'étreignait le cœur. Après avoir raté ma carrière, j'avais pensé pouvoir réussir ma vie de famille, il m'en avait donné l'illusion.
Notre couple était comme un vase que nous avions laissés tomber trop de fois sur le sol. Au début, une ébréchure, une fêlure, un morceau cassé, puis recollé. Désormais il manquait trop de pièces pour réussir à reformer quoi que ce soit. Et les enfants étaient blessés à force de se couper sur les débris.
— Bonne journée Maman, murmura Amir sur le point de quitter la pièce.
Je lui répondis et il s'arrêta un instant avant de rajouter :
— Tu sais, Ilyes il a peur d'avoir un beau-père.
Interdite, je ne sus quoi répondre. C'était tellement improbable. Pour moi il était tout à fait impossible de faire entrer un homme dans cette maison. Même dans dix, vingt ans, mes enfants n'auraient pas de « beau-père ».
— Ça n'arrivera pas.
************
Les mots de mon fils tournaient dans ma tête tandis que le métro m'emmenait vers ma destination. S'il m'était impossible d'imaginer imposer un « beau-père » à mes enfants, qu'en était-il d'Hakim ? Avait-il l'idée de rencontrer de façon sérieuse quelqu'un, une fois que le divorce serait prononcé. Je ne l'avais pas vu depuis plusieurs semaines, cela m'angoissait et j'avais hâte que le divorce soit prononcé, pour aller de l'avant. Et surtout pour n'être plus tentée de faire marche arrière.
Malheureusement, je déchantai rapidement en retrouvant mon avocat. Il m'apprit presque aussitôt qu'Hakim avait décidé de ne pas se présenter à la séance, lui et son avocat avaient annoncé que les accords que nous avions mis en place ne leur convenaient finalement pas et qu'ils demandaient un réexamen du dossier.
Une violente colère s'empara de moi. Quel lâche. Il osait me torturer de cette manière, le jour même où je devais être libérée de lui pour toujours. Totalement furieuse, je tentai de l'appeler, me retrouvant sans surprise face à son répondeur. Je trouvai sa façon de faire tellement vicieuse, tellement... Oh je le haïssais.
À bout de nerfs je me dépêchai d'appeler Deen pour déverser ma colère sur quelqu'un. J'espérais de tout cœur qu'il ne fût pas au courant de cette tentative basse et faible de me compliquer la vie.
— Il a fait ça ?
Mon ami riait presque au téléphone, ce qui eut pour effet de décupler ma colère. Je ne dormais pas depuis des jours, rêvais d'en finir une bonne fois pour toutes et Hakim jouait avec moi. Ne semblant pas imaginer le fait que je pouvais souffrir de la situation. Tout comme les enfants d'ailleurs.
— Maya t'es débile ou quoi ? Ça fait des mois que je te dis qu'il ne veut pas divorcer. Et toi non plus d'ailleurs. C'est juste une tentative désespérée de gagner du temps en espérant que ce soit toi qui changes d'avis. Putain mais vous me les brisez tous les deux. Tant qu'aucun de vous n'arrivera à passer sur son égo, vous allez vous faire souffrir et faire souffrir vos enfants. Va le voir bordel de merde.
Oh oui j'allais le voir.
Mais surement pas pour une réconciliation.
Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas gouté à ma haine.
Sans me soucier des mots de Deen, je raccrochai et commandai rapidement un taxi. Les nerfs à vif et les dents serrées je gagnai l'immeuble où Hakim louait un appartement depuis quelques temps. Mes ongles s'enfonçaient dans la chaire de mes mains et je mourrais d'envie de m'en servir pour crever les yeux de mon mari.
Il m'ouvrit à moitié habillé d'un pantalon de jogging. Ses cheveux étaient mouillés et il sortait manifestement de la douche. Il était neuf heures du matin, dans sa main gauche trônait un verre de whisky.
Toujours aussi alcoolique, pensai-je alors que ma conscience me remémorait ma propre consommation excessive de ces derniers temps.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Divorcer. Mais comme t'as pas l'air décidé à coopérer, je pense sincèrement que le plus simple reste de te tuer.
Un faible sourire étira ses lèvres. Il m'énerva d'autant plus. Atteignant le point culminant lorsqu'il me répondit ironiquement :
— Vas-y, j'te regarde.
Furieuse, je le poussai violemment en arrière, son whisky se renversant sur son torse. Ma colère n'avait cessé de monter en flèche, elle n'attendait que de se déverser sur sa cause. Les mots sortirent flots contre lui. Il n'avait pas le droit de changer d'avis au dernier moment, de refuser de me rendre ma liberté, de faire durer une situation douloureuse pour les enfants. Avec son égo de dix mètres par douze, il se donnait une nouvelle fois le droit de décider pour nous deux.
Je le haïssais tellement. Sa seule présence me rappelait la douleur que j'avais ressenti lorsque j'avais perdu cet enfant qu'IL avait voulu par-dessus tout. IL avait voulu qu'on soit un couple, IL avait voulu qu'on se marie, IL avait voulu fonder une famille. J'avais fait taire mes peurs, mes angoisses d'être incapable d'assurer mon rôle d'épouse, de femme, de mère, j'avais pensé qu'avec lui j'étais capable de tout. Je m'étais laissée endormir par mes sentiments. Le résultat était là, j'avais tout foiré. Mon couple, mon mariage, ma vie de famille.
Hakim resta de marbre sous les quantités de haine que je lui envoyais en pleine figure. Ce qui eut pour effet de m'énerver encore plus et de me faire sortir de mes gonds une bonne fois pour toutes. Depuis que j'étais mère, mes accès de violence était plus rares, je réussissais davantage à me maîtriser quand l'envie de briser des objets et des nuques se faisait trop forte. Mais mon mari était sans doute l'une des personnes qui arrivait le mieux à faire ressortir mes vieux démons. Ma vue obscurcie m'empêcha de prendre conscience de mes gestes désormais incontrôlables, tout mon corps me démangeait. Le bruit de verre brisé, mes ongles se plantant dans une peau qui n'était pas la mienne, un juron familier prononcé par une voix toute aussi familière.
Les bras puissants d'Hakim tentèrent de me maîtriser mais j'étais réellement enragée, le coup de coude dans la mâchoire que je réussis à lui décocher suffit à le surprendre quelques secondes et à me permettre de me défaire de son étreinte.
Il se frottait la base de la joue tandis que je préparais un nouveau coup qu'il réussit à esquiver, dans mon champ de vision la bouteille de whisky me parut être une arme suffisante et l'envie irrépressible de la lui casser sur la tête me fit saisir le goulot.
— Maya arrête, aboya-t-il.
S'il pensait être en mesure de m'ordonner quoi que ce soit, il se fourrait le doigt dans l'œil jusqu'au coude.
— M'oblige pas à faire autre chose que me défendre, ajouta-t-il en tentant d'attraper mon poignet.
Mais je le levai dans sa direction prête à en découdre. Il esquiva mon coup. Nouveau juron.
Hakim perdit son calme et fonça sur moi.
La bouteille atterrit à l'autre bout de la pièce dans un bruit fracassant, je m'écroulai sur le sol, surprise par une balayette plus que mesquine. Le corps du rappeur s'écrasa sur le mien. Un flash d'une scène similaire, des années plus tôt s'imposa à mon cerveau, je la chassai bien vite, me rappelant que je n'aurais jamais dû laisser Hakim entrer chez moi ce jour-là.
— Lâche moi, ordonnai-je.
Les yeux noirs et furieux se plantèrent dans les miens, je l'avais déjà vu plus en colère que cela et n'avais absolument pas peur de lui. Avec les années, j'avais bien compris que même poussé à bout, Hakim ne me ferait jamais de mal physiquement, même si plusieurs fois j'avais vu sa main trembler de rage. Oui plusieurs fois il avait dû maîtriser son envie de m'étrangler ou me gifler.
Écrasée sous lui, je peinais à respirer correctement, ses mains emprisonnaient fermement mes poignets c'était presque douloureux. Je réitérai mon ordre il ne bougea pas.
— Je veux pas divorcer, lâcha-t-il.
Au-delà du fait que n'importe qui lui aurait fait la remarque qu'il était totalement fou de sortir une telle phrase après que sa femme ait menacé de lui casser une bouteille de bourbon sur le crâne, à quel instant pouvait-il penser que c'était lui qui décidait pour nous deux ?
— Toi non plus d'ailleurs.
Bon, en plus d'être alcoolique, il était sensiblement ivre. Comment pouvait-il croire que j'avais envie de rester mariée avec lui ? Mes sourcils se haussèrent et j'éclatai d'un rire narquois.
— Arrête de faire la meuf Namira, arrête de mentir à tout le monde y compris à toi-même. Tu veux pas divorcer et tu m'aimes encore. Tu sais juste pas comment arrêter la machine infernale que t'as lancée et tu refuses de l'avouer et de faire marche arrière.
Est-ce qu'il essayait de me manipuler ? Est-ce qu'il oubliait subitement ce que j'avais vécu à cause de lui cette année ? Avait-il senti dans son ventre un enfant qui n'avait jamais vu le jour ? Jamais je ne lui pardonnerais, c'était impossible. J'avais besoin de ce divorce. De rayer cet homme de ma vie.
— Je ne t'aime plus, je ne veux plus être ta femme. Arrête de penser que parce que tu veux quelque chose, je le veux aussi. Et lâche-moi putain !
Il ne bougea pas plus et je me tortillai sous lui sans succès. Hakim n'avait visiblement pas fini d'essayer de me convaincre :
— Si tu m'aimais plus tu s'rais pas là, encore moins en train de te hagar avec moi. Tu vois jusqu'à ce matin j'avais des doutes, mais là tu viens de me prouver que j'avais parfaitement raison de pas vouloir divorcer.
Soit cet homme était complètement maso et voulait mourir par ma faute dans les mois qui venaient, soit il était complètement aveuglé par l'amour qu'il me portait. Mais dans tous les cas, il fallait qu'il consulte.
— Ça a toujours fonctionné comme ça entre nous, c'est aux moments où tu t'en veux le plus de m'aimer que t'essaies de me tuer, continua-t-il.
Aïe.
Tout mon problème à cet instant, c'était de me rendre compte que jamais je ne réussirais à duper la personne qui me connaissait le mieux au monde. J'avais beau me persuader qu'il avait tort, sentir cette haine en moi à son encontre, avoir réellement envie de le tuer, je savais qu'en sous ton, bien étouffés sous toute ma peine, mon ressentiment, le mal qu'il m'avait fait, se cachaient quelques braises d'un amour que je m'efforçai d'éteindre depuis des mois.
Mais ce n'était pas parce qu'elles étaient là que je ne voulais pas pour autant qu'Hakim sorte de ma vie. Soudain il changea d'attitude.
— T'sais, en sah on peut divorcer. Ça ramènera pas Riyad, ça enlèvera pas la douleur, ça changera rien en fait. T'auras toujours mal et tu continueras à m'en vouloir.
Je restai interdite un instant, me posant alors la seule question qui importait. Pourquoi voulais-je divorcer ? Pour que ce soit clair pour les enfants ? Pour ne plus jamais être tentée de me remettre avec Hakim ? Pour lui faire mal ? Pour ne plus jamais risquer de dépendre d'un homme ?
— Ça effacera jamais les quinze piges qu'on a passées ensemble, ni les gosses qu'on a fait, ni même notre mariage, continua-t-il.
Il me lâcha et se redressa, je restai allongée sur le sol à l'écouter parler.
— En fait, t'sais quoi vas-y on divorce, tu peux retourner voir ton baveux et lui dire qu'on change rien. T'as raison je peux pas te forcer à rester ma femme et si tu penses que divorcer va régler tous tes problèmes, vas-y, fonce. Juste une chose, si tu franchis cette porte en ayant pris cette décision, y'aura pas de retour en arrière possible.
Il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il était parfaitement sérieux. Je me sentais soudainement vide, comme si j'avais espéré qu'Hakim défende encore un peu l'idée qu'on puisse ne pas divorcer. Comme si le fait qu'il me donne soudainement ce que je voulais me donnait la sensation d'un combat trop facile. Lentement je me relevai, toute envie de le frapper m'avait quittée. La colère libérait progressivement mes nerfs, ne laissant place qu'à celle qui me tenait compagnie depuis des semaines, la tristesse.
Hakim se laissa tomber sur le canapé, le regard dans le vide, lui aussi avait l'air malheureux soudainement. Presque en détresse.
— Tu sais ce que c'est ton problème Maya ?
Je ne répondis pas, ce n'était pas la première fois que cette question franchissait ses lèvres, la réponse variait en général en fonction de la cause de la dispute.
— Non seulement tu refuses d'admettre que tu souffres, mais en plus t'es toujours persuadée d'être la seule à avoir mal.
Mes pieds semblaient prendre racine dans le sol de la pièce à vivre de l'appartement d'Hakim, j'étais absolument incapable d'esquisser le moindre geste. Totalement pétrifiée. Plus les minutes passaient, plus ma fierté souffrait de ma soudaine incapacité à partir.
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