Bonus Maya #1
100% de chauds sur insta, je ne pouvais pas ne pas publier ce bonus !
Il contient des spoilers sur les tome 2 et 3. C'est point de vue de Maya pendant et après le chapitre 68 de Gamins « 1000° »
Bonne lecture ❤️
Je connaissais cette odeur. Je la connaissais beaucoup trop bien.
Mes muscles se tétanisèrent instantanément lorsque j'ouvris la porte et que je vis les flammes. En quelque secondes tout mon organisme se contracta pour m'empêcher de faire le moindre mouvement, de prononcer le moindre mot, et je tombai assise par terre, incapable de la moindre action raisonnée.
Je n'avais même plus conscience que Deen et Violette étaient à côté de moi, je savais juste qu'Hakim n'était pas là.
J'allais mourir.
— Maya ! Ferme la porte bordel ! On va sortir par la terrasse !
Les mots de Deen ne montèrent pas jusqu'à mon cerveau, les souvenirs m'assaillaient en même temps que les bruits produits par les flammes réveillaient des images enfouies au fin fond de ma mémoire.
— Maya !!! Mais qu'est-ce que tu fous ! On va cramer là, faut bouger !
Je plaçai mes mains sur mes oreilles pour ne plus l'entendre crier. La seule chose présente à mon esprit, c'était le feu.
Babcia, morte dans le feu.
Ma grand-mère, décédée pour me protéger de cette terrible fournaise. C'était de loin le pire jour de toute ma vie et j'en revivais chaque seconde, c'était comme si mes paupières servaient d'écran à un film d'horreur que j'avais vécu.
Deen poussait juron sur juron, il parlait à Violette d'une voix paniquée, il lui jurait qu'il allait la sortir de là.
Il la sauverait elle. C'était normal, c'était elle qu'il aimait.
Et moi, je n'avais pas Hakim.
Ma respiration se bloquait systématiquement dans mes poumons, c'était douloureux, l'odeur âcre de la fumée me brûlait les narines.
Je n'avais pas embrassé mes fils en partant le matin même. Hakim était de mauvaise humeur, nous nous étions disputés pour une raison idiote, violemment. Sa famille me mettait une pression assez folle pour l'éducation des jumeaux et, pour moi qui avais déjà du mal à me faire à l'idée d'être mère, c'était invivable. Alors j'avais eu le malheur de lancer une pique un peu mesquine sur sa grand-mère au petit-déjeuner, il avait pété un câble, j'en avais rajouté une couche et lui avait balancé tout un tas de reproches à la figure. Jusqu'à ce que je finisse par quitter la maison en l'envoyant au Diable avec tous ses ancêtres.
Résultat, j'étais celle qui se retrouvait en enfer.
Il y avait du mouvement autour de moi, pendant un instant, je sentis que j'étais seule dans la pièce.
Deen m'avait laissée pour sauver Violette. Quoi de plus normal.
Dans mon crâne, les hurlements paniqués de ma grand-mère résonnaient, terribles chimères d'un passé douloureux que j'occultai la plupart du temps. Me boucher les oreilles ne changeait rien, c'était à l'intérieur, cela m'assourdissait avec une violence qui me donnait des maux de têtes.
Des larmes de panique franchirent mes paupières, la seule personne qui aurait pu me sauver n'était pas là.
Alors je me raccrochai juste à son image, pour tenter d'évacuer les cris.
Tout défilait dans ma tête, tous ces moments où j'étais dure avec Hakim, où je l'envoyais chier, où j'oubliais de le remercier d'être le meilleur mari du monde, où je lui parlais comme s'il était mon ennemi. J'étais épouvantable au quotidien et j'allais mourir en le laissant seul avec deux enfants.
Mon Dieu, pourquoi je ne lui avais pas dit plus souvent à quel point je l'aimais, à quel point j'étais reconnaissante de tout ce qu'il faisait pour moi. J'avais tellement peur d'être niaise que trop souvent je gardais les mots dans ma tête. Et maintenant, il était trop tard pour les dire.
Deux bras puissants se refermèrent autour de mon corps et je me sentis soulevée du sol. Ce n'était pas Hakim. Je restais raide.
— Je comprends pas ce qui t'arrive mais tu me facilites pas la tâche.
C'était Deen.
Bientôt je sentis de l'air frais sur mon visage, l'odeur était moins forte, il n'y avait plus ce bruit de crépitement qui me terrifiait.
Alors tout mon corps se mit brusquement à trembler. Je fus transportée dans plusieurs endroits, il y avait des sirènes autour de moi, j'avais l'habitude de les entendre.
Parfois encore aujourd'hui, je faisais des cauchemars où la maison brûlait, j'étais dehors, je savais qu'Hakim et les enfants étaient encore à l'intérieur, et j'étais incapable de rentrer pour les sauver parce que j'avais trop peur.
— Maya respire, on est dehors, tout va bien.
La voix de Deen ne me faisait ni chaud ni froid, qu'il s'occupe de Violette, c'était plus important pour lui.
Tout me parvenait comme si plusieurs centimètres d'une vitre épaisse nous séparaient. J'étais dans une bulle de violence qui me martelait le corps et le cœur avec les cris de Babcia.
De longues minutes passèrent et puis, un bruit de moteur me parvint, une voiture qui se garait précipitamment, une portière qui claquait, une voix que je connaissais par cœur qui s'élevait dans la rue :
— Burbigo j'vais t'niquer ta race ! Elle est où ma femme ?
J'aurais voulu lui dire que Deen n'y était pour rien. Je voulais juste qu'il vienne me chercher et qu'on se barre d'ici. Comme la dernière fois.
Mais Hakim continuait de s'exciter sur son ami. Ses mots sortaient dans un mélange de français de kabyle et d'arabe, il était vraiment sur les nerfs.
— Je m'en branle que ce soit pas toi qui ait foutu le feu ! Elle a déjà failli mourir une fois, t'as pas à lui faire prendre ce genre de risques ! J'te jure, si elle a la moindre trace j'te hagar tellement fort que même ta mère va pas te reconnaître ! J'espère vraiment pour toi qu'elle a pas un cheveu cramé !
— Mec arrête de me gueuler dessus, elle a rien et c'est pas grâce à elle. Elle voulait pas bouger j'ai dû la porter pour la sortir ! Occupe-toi d'elle au lieu de te défouler sur moi ! Elle était grave chelou !
Je tremblais toujours, je voulais juste partir d'ici.
— Putain mais elle est complètement traumatisée par les incendies ! Tu vas pas en plus dire que c'est sa faute !
Mais pourquoi ne venait-il pas simplement me voir, j'avais besoin de lui...
Parce qu'il avait eu peur, et quand Hakim avait peur, il se mettait en colère. C'était comme cela qu'il fonctionnait.
J'aurais voulu crier pour qu'il vienne, mais les sanglots bloquaient ma gorge. Mes oreilles bourdonnaient, je n'entendais plus ce qu'ils disaient.
— Hakim...
Ce n'était qu'un murmure, pas assez fort pour qu'il m'entende de là où il était.
Allez, un petit effort Maya, il était encore en train de se disputer avec Deen.
— Hakim.
Plus fort putain, ce n'est pas comme ça que ce hmar va t'entendre ! me houspilla ma conscience.
Rassemblant toutes mes forces, mes sanglots, ma peur et ma rage, je tentai une troisième fois d'appeler mon mari.
— Hakim !!!
Il fallait au moins ce cri rauque pour qu'il se détourne de sa ridicule dispute.
— Nam...
Enfin.
En quelques secondes je me retrouvais contre son sweat et sa barbe me piquait le front. Je pus m'abandonner dans ses bras en toute sécurité.
— Tu vas me faire caner d'une crise cardiaque avant d'avoir atteint les quarante piges, murmura-t-il, t'en as pas marre de prendre des risques ?
— Hakim...
Sa grande main passa sur mon visage, chassant les quelques larmes qui le brouillaient.
— Ouais.
— On peut juste rentrer à la maison ?
Mon mari hocha simplement la tête et m'aida à me relever. Je levai les yeux vers l'appartement de Deen, il y avait encore de la fumée qui s'échappait des fenêtres et du balcon. Les pompiers finissaient leur travail.
Un flash du studio miteux que je partageais avec Babcia, dans lequel j'avais dû retourner quelques jours après l'incendie pour récupérer ce qui était récupérable.
De nouveaux des tremblements violents me secouèrent.
Mais quelques secondes plus tard je retrouvai le siège passager d'une BMW que je connaissais trop bien.
Observer Hakim pendant qu'il conduisait. J'y avais déjà passé un nombre d'heures assez incalculable. Malgré sa conduite nerveuse, il se dégageait de lui une concentration qui m'apaisait toujours.
— Comment tu te sens ? demanda-t-il en lâchant la route quelques secondes des yeux pour me jeter un regard inquiet.
Mal, évidemment.
— J'ai cru qu'on n'allait pas se revoir, répondis-je.
Je me demandais même si je n'étais pas tout simplement en proie à une hallucination tellement ma certitude d'y passer était forte quelques minutes plus tôt. Par reflexe je posai ma main sur sa cuisse, comme pour être certaine qu'il n'était pas un mirage rassurant envoyé par mon cerveau pour rendre plus doux mes derniers instants.
Dans mes oreilles retentissaient encore les crépitements des flammes. Et cette odeur...
Elle me collait aux narines, aux vêtements, aux cheveux, j'avais horreur du feu et des senteurs qui s'en dégageaient. Même un feu de cheminée me mettait mal à l'aise et je refusais toujours de m'en approcher.
L'une des mains d'Hakim quitta le volant pour retrouver mes doigts sur sa jambe, un soupir de soulagement m'échappa alors. Personne ne pouvait mieux me rassurer par sa seule présence.
— Ah ouais ? fit-il, Zahma c'était ça ta peur ? Qu'on se revoit pas ?
Honnêtement, c'était ce qui m'avait soudainement terrifiée, me dire qu'on s'était quittés fâchés le matin même, et que j'allais mourir en lui laissant ce dernier souvenir.
— On s'est disputés ce matin, soufflai-je.
Encore maintenant, je n'aimais pas lui montrer mes faiblesses, lui témoigner un attachement trop important. Même si je lui faisais une confiance absolue, il restait en moi une forme de protection qui m'incitait toujours à ne pas trop en livrer, de peur que l'autre s'en serve pour me détruire.
— Ouais, lâcha-t-il, j'y ai pensé aussi quand Deen m'a appelé.
Il y eut un bref moment de silence durant lequel chacun fixa la route, puis Hakim reprit la parole.
— Tu sais c'que je pense du fait de se quitter fâchés. Douée comme t'es tu manques de caner trente fois par jour, je suis jamais serein quand tu pars après une dispute.
Mon mari n'avait pas tort, bien évidemment, l'ennui, c'était que ni lui ni moi n'étions vraiment doués pour le pardon.
— C'est bon je crois que ça m'a servi de leçons, murmurai-je.
Il m'adressa un coup d'œil dubitatif, il n'en croyait pas un mot, et au fond, il avait raison. Parce que c'était plus fort que nous, toute notre vie nous aurions des disputes explosives qui me donneraient envie de divorcer, voire de le tuer. Mais le sentiment de terreur que j'avais ressenti en pensant que je ne pourrais jamais le revoir me contracta de nouveau l'estomac et inconsciemment mes doigts se resserrèrent sur les siens.
Son pouce se mit alors à décrire des petits cercles au creux de ma paume, ce n'était pas un geste très « Hakimien », pourtant une nouvelle fois, je me heurtai à l'évidence, j'avais une chance folle de l'avoir et... trop souvent, je le tenais pour acquis.
Puis soudainement, après avoir quitté le périphérique, Hakim trouva une place non loin de la porte de Sèvres et se gara.
— Qu'est-ce que tu fais ? demandai-je, On est presque arrivés.
Il ne répondit pas tout de suite les yeux fixés sur le parebrise sur lequel des gouttes de pluie commençaient à s'écraser.
Puis il poussa un long soupir, et finit par parler, sans me regarder tout d'abord.
— J'ai flippé ma race, avoua-t-il.
Une sensation à laquelle j'avais toujours du mal à m'habituer me traversa l'abdomen. J'avais compris qu'il avait eu peur, mais depuis tout à l'heure, il masquait très bien à quel point.
Et là ses mains se mirent un peu à trembler. Nous avions tous les deux eu la même crainte.
Un nœud se format dans ma gorge pendant qu'il passait sa main libre sur son visage, puis il me jeta un regard, il était soulagé, mais il m'en voulait. Je détachai ma ceinture et lâchant sa main, je rejoignis ses genoux et m'adossai à sa portière pour glisser ma tête contre son cou.
— Je suis désolée, lâchai-je, je n'aurais pas dû partir comme ça ce matin.
Il appuya sa joue contre ma tête et posa sa main sur ma cuisse, je ne voyais pas ses yeux mais pouvais facilement me figurer sa mine sombre.
— J'ai passé une sale journée, t'es vraiment une connasse quand tu t'y mets, grogna-t-il.
Je le méritais. Même si une certaine partie de moi avait envie de me rebeller et de laisser parler ma mauvaise foi légendaire, j'avais eu trop peur quelques instants plus tôt pour gâcher ces minutes de réconciliations.
— Quand tu fais ça, je peux pas m'empêcher de penser que tu vas peut-être pas revenir, fit-il, Soit parce que tu seras encore passée sous une caisse, soit parce que cette fois, t'auras décidé que t'es mieux sans moi et sans les mômes. Alors quand Deen a appelé... J'ai... Putain si tu savais comme tu me les brises, Namira.
Il avait vraiment balisé, c'était normal qu'il soit en colère.
— On peut rentrer ? demandai-je, Je sens le feu, je n'arriverai pas à me sentir bien tant que j'aurais cette odeur sur moi, articulai-je malgré ma voix infiniment rauque.
Hakim hocha la tête et déposa brièvement ses lèvres sur mon front, je quittai ses genoux pour le siège passager. Il y avait encore beaucoup de choses dont je voulais lui parler, mais pour l'instant, avec le contrecoup, je voulais d'abord expulser tous les mauvais souvenirs qui continuaient de polluer mon esprit.
— Les jumeaux ? demandai-je.
— Chez Yaya.
Chez sa grand-mère. Je réprimai de justesse un soupir agacé, n'ayant pas envie d'embrayer sur une dispute. Mais Hakim capta mon expression.
— Ils vont y rester cette nuit, annonça-t-il, Faut qu'on règle ça une bonne fois pour toutes.
Je ne répondis pas, même si j'aurais bien aimé pouvoir serrer mes enfants dans mes bras ce soir. J'étais trop affaiblie psychologiquement par l'incendie pour me battre.
Quelques minutes plus tard, je me retrouvais sous une douche chaude, et à peine l'eau avait-elle commencé à couler sur ma peau, que des larmes se joignirent à elle. Je sentis toute la pression redescendre et me mis à sangloter comme une gamine de cinq ans, ma cage thoracique agitée de soubresauts, mon souffle en déroute.
Personne ne me voyait, alors je me laissai aller, c'était la seule chose à faire. Je finis par m'assoir dans la douche, ramenant mes jambes contre ma poitrine, j'avais vraiment la sensation d'être redevenue une enfant. Il fallut de longues minutes, trois shampooings et une dose hallucinante de savon pour que je puisse enfin avoir la sensation d'avoir évacué le feu de mon corps.
Quand enfin je coupai l'eau pour m'enfermer dans une serviette brulante, la salle de bain ressemblait à un véritable sauna.
Trois coups nets contre la porte, puis elle s'ouvrit sur mon mari qui passa sa tête dans l'entrebâillement.
— Va être salée la facture d'eau, grogna-t-il.
Parce qu'il ne serait pas Hakim s'il ne pensait pas à son porte-monnaie de temps en temps. Mais j'ignorai sa pique en saisissant une autre serviette pour enfermer mes cheveux trempés. Je ne voulais pas trop lui exposer mes yeux rougis par les larmes qui les avaient agressés quelques minutes plus tôt.
Sa main se posa sur ma nuque sur laquelle il appuya d'une légère pression du pouce.
— Regarde-moi.
C'était clairement un ordre, il n'essayait même pas de rendre doux le ton de sa voix. Je n'obéis pas tout de suite, perdant un temps monstre à nouer la serviette dans mes cheveux.
— Regarde-moi, j'ai dit, répéta-t-il.
Sa main quitta ma nuque pour attraper fermement ma mâchoire et retourner mon visage vers lui.
— J'aime pas quand tu chiales.
— J'ai pas pleuré, me défendis-je, c'est le savon qui m'a piqué les yeux.
Il secoua la tête de droite à gauche.
— Sah t'es vraiment une grosse menteuse, fit-il en m'attirant contre lui.
Je poussai un soupir mi soulagé, mi agacé, en laissant aller ma tête contre son épaule. Nous étions vraiment loin du couple idéal, mais l'un ou l'autre finissait toujours par rendre les armes.
— Tu mets un truc qui me donne un peu moins envie de te désaper et on descend boire un coup et discuter ? demanda-t-il après quelques secondes.
Comme toujours, l'idée d'une discussion profonde me répugnait pas mal. Alors je me collai un peu plus à lui en laissant mes lèvres parcourir son cou. Il grogna mais finit par me repousser.
— Plus tard, crois pas que je sais pas ce que t'es en train de faire.
Une seconde après il avait quitté la pièce.
Pas le choix, on allait devoir discuter.
****
Une suite ça vous dit ?
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