Chapitre 22 :

- Lorsque nous étions adolescents, nous ne nous quittions jamais avec ta mère. Nous étions fou amoureux l'un de l'autre. Même si nous avons vécu des moments difficiles à cause de nos addictions respectives, nous nous sommes toujours soutenus. Quand ta mère m'a annoncé qu'elle était enceinte, il faut le dire, je n'ai pas vraiment sauté de joie... Je n'avais pas vraiment la maturité et l'aisance économique pour accueillir une nouvelle personne. Mais, je t'ai quand même assumé dès le départ. Une fois que ton grand-père a viré ta mère de la maison, nous avons habité chez mes parents jusqu'à son sixième moi de grossesse. Puis, d'un accord respectif, nous avons débutés des consultations chez un psy pour préparer l'arrivée du futur bébé. C'est à ce moment là que tout a commencé. Ta mère devenait de plus en plus distante et agressive envers moi. Au début je me suis dis que c'était ses hormones qui la travaillait et que ça allait passer avec le temps, mais pas du tout. Notre couple était sur le point de se brisait et je ne savais pas pourquoi. Quelques semaines s'étaient écoulé depuis ce changement et ça devenait de plus en plus insupportable. Alors, j'ai décidé d'en parler une bonne fois pour toute avec elle. C'est à ce moment là qu'elle m'a quitté...

- Euuh... Pardon ? Je crois que j'ai mal compris... ELLE ta quitté ?

- Oui tu as très bien compris... Contrairement à ce que tu crois ce n'est pas moi qui ai quitté ta mère mais bien le contraire...

Je n'en crois pas mes oreilles... Est-ce vraiment possible ? Est-ce que ma mère m'aurais fait vivre la souffrance de l'absence d'un père intentionnellement ? A-t-elle été autant cruelle envers sa propre fille ? Les questions se bousculent dans ma tête et le siège me paraît soudain inconfortable. Je me dandine dans tous les sens et je ne sais plus vraiment comment me positionner. Mon cœur palpite dans ma poitrine et j'ai chaud. Crise de panique ? Je n'en sais rien, mais en tout cas, je me sens pas très bien. Mon géniteur le remarque et s'affole ce qui ne me rend pas la tâche plus facile. Voyant que j'ai du mal à respirer, il contourne le bureau et me tend un sac en plastique tout en m'ordonnant de respirer dedans. Je fais ce qu'il me dit sans broncher et me concentre sur ma respiration. En quelques minutes, les battements de mon cœur ralentissent et la sueur qui déferlait dans mon dos sèche petit à petit. J'essaye d'articuler un remerciement mais aucun mot n'arrive à franchir la barrière de mes lèvres.

- Ne te fatigue pas Sheila... Je savais que ça allait être dur pour toi mais pas à ce point-là... Je vais appeler Tom pour qu'il te ramène chez toi. Nous finirons notre discussion plus tard...

- Non ! Je veux tout savoir ! Ecoute, ça fait des années que je vis dans l'incompréhension. Je me torture l'esprit tous les jours pour trouver ce que j'ai fais de travers. Je m'accuse tous les matins de ne pas avoir sauvé celle qui m'a donné la vie. Je n'arrive pas à enlever ce putain de poids qui pèse sur mes épaules. Donc, aujourd'hui tu es là, je suis là, il est temps d'en finir une bonne fois pour toute...

- T'en est sûr ? Je ne veux vraiment pas te brusquer en te balançant toute l'histoire d'un coup...

- Je t'écoute...

Il retourne s'installer dans son fauteuil, soupire un bon coup et reprend.

- Donc, comme je te disais, ta mère m'a quitté. Je lui ai demandé la raison, mais impossible de lui soutirer une quelconque information. Je n'ai pas insisté. Je ne voulais pas qu'elle se braque totalement. J'ai tenté toutes les possibilités pour qu'on redevienne comme avant, mais rien à faire. Au final, nous étions usés tous les deux. Ne pouvant plus faire durer cette torture, elle m'avoua tout. Elle était tombée amoureuse du psy que l'on consultait pour préparer ton arrivé. Je pensais que c'était une blague et je ne voulais aucunement y croire. Surtout que, ledit psy était déjà marié et sa femme attendait un enfant, comme ta mère.

- Comment s'appelle ce psy ?

- Docteur Dupuis... Bruno Dupuis...

- Non mais c'est pas vrai...

- Que se passe-t-il ?

- Bruno... C'était mon beau père... C'est à cause de lui que ma mère s'est suicidée...

- Tromperie ?

- Oui... Mais comment tu sais ça ?

- Car, c'est un gros mensonge !

- Comment ça ?

- J'ai laissé partir ta mère. Je ne voulais pas qu'elle reste avec moi si c'était pour être malheureuse toute sa vie. Je me suis dis que si elle voyait que se ne serait pas possible avec Bruno, elle reviendrait elle-même. Mais, elle a tout fait pour qu'il change d'avis. Jusqu'à le menacer. Alors, ton beau-père, n'ayant plus le choix, menait une double vie... Sachant le côté psychopathe de ta mère, il ne voulait pas mettre en péril sa vie de famille. Donc, pendant de longues années il a vécu et avec vous et avec sa propre femme. Aujourd'hui quand j'y pense je me dis que ça a dû être une période atroce pour lui... Bref, là n'est pas le sujet... Je pense que le jour où ta mère a découvert ça, elle a dû le prendre comme une tromperie... Ce qui l'a poussé à commettre l'irréparable.

- Comment je peux savoir si ce que tu me dis est vrai ?

- Va demander à Bruno... Ou demande à ton copain...

- Comment sais-tu que j'ai un copain ?

- Ce n'est pas parce-que toi tu ne me connais pas que moi je ne te connais pas... Je t'observe, de loin, depuis 18 ans... Je sais tout sur toi... ça paraît peut-être un peu glauque, mais c'était le seul moyen pour avoir un infime lien avec toi...

- Pourquoi tu n'es pas venue me voir plus tôt ? Pourquoi tu n'es pas resté en contact avec moi ?

- Ta mère ne m'y autorisait pas malheureusement... Et, je ne voulais pas te perdre définitivement en me rebellant contre elle...

- Tu décris ma mère comme une vrai psychopathe... Elle était aussi mauvaise ?

- Elle était malade...

- Comment ça ?

- Schizophrénie... ça te dis quelque chose ?

- Oui...

- Ta mère n'était pas mauvaise, elle était schizophrène...

- Mais, ce n'est pas possible. Je l'aurais remarqué...

- Je me pose aussi la question... Comment as-tu fait pour ne pas le remarquer ?

- Je n'en sais rien...

Des larmes se frayent un chemin sur mes joues. Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Comment suis-je passé à côté d'une telle maladie ? J'aurais pu l'aider, j'aurais pu la sauver. Je me sens encore plus coupable qu'avant. Il faut le dire, je ne me débarrasserai jamais de ce fichu poids...

- Ca va ?

La voix de... Je remarque à peine que je ne sais même pas le prénom de la personne qui se tient en face de moi. N'osant pas le lui demander, je jette un coup d'œil à la plaque qui décore le devant de son bureau. Monsieur Eliot Scott. Eliot... c'est beau comme prénom. Avant de replonger dans des pensées profondes, je lève les yeux et croise les siens. Un frisson me parcourt tout le corps et je m'imagine tous les moments de bonheur que j'ai raté à cause de ma mère. Mes yeux s'embuent encore une fois, et je ne retiens pas mes larmes. Pourquoi essayer de paraître forte alors que dans le moment présent je veux juste faire l'autruche et me cacher pour tout oublier.

- Non, pas vraiment... Toute mes convictions sont parties en fumées... J'en voulais énormément à Bruno et aujourd'hui je me rends compte que c'est plutôt à lui de nous en vouloir...

- Non ne dis pas ça ma belle ! Tu n'y es pour rien toi...

- Si j'avais remarqué ce qui se tramait plus tôt, rien aurait été pareil...

- Arrête de ressasser le passé... Ce qui est fait est fait... Maintenant, il faut voir le futur et essayer de recoller les pots brisés.

- Tu as raison... Ecoute Eliot... Euuh...Je peux t'appeler par ton prénom ?

- Oui bien sûr...

- Si ça ne te dérange pas j'aimerais rentrer chez moi pour me reposer et digérer tout ça...

- Oui pas de soucis je comprends... je vais prévenir Tom...

- Merci.

Je me lève tant bien que mal et me dirige vers la sortie. Eliot m'accompagne et je lui fais un petit signe de la main avant de monter dans l'ascenseur. Les portes se ferment sur son visage et mes jambes me lâchent. Je m'écroule et colle mon dos contre le mur. Je déverse tout ce que j'ai essayé de contenir auprès d'Eliot.

Les portes s'ouvrent sur un visage qui m'est familier. Tom accoure à mes côtés et m'aide à me relever. Je prends appuis sur lui et avance à petits pas. Je suis juste exténuée.

Le trajet est silencieux. Aucun de nous deux n'a la force de brisé le calme qui règne autour de nous. Ça m'arrange. Je n'ai vraiment pas la force de parler. Je colle alors ma tête contre la vitre et observe le paysage défiler.

La vibration de mon téléphone me sort de ma rêverie. Un message de Célia me demandant si tout c'est bien passé. Je lui réponds en bref et retourne à ma position initiale. Une bonne demi-heure plus tard, le ronronnement du moteur s'arrête et je remarque que je suis devant mon appartement. Je remercie Tom de m'avoir déposé et descends de la voiture.

Je monte les escaliers quatre par quatre tellement je suis pressée de sauter dans mon lit pour me détendre.

Mes vêtements atterrissent au sol en un claquement de doigt. Je me glisse sous mes draps et essaye de recoller tous les morceaux du puzzle. Je gagne petit à petit les bras de Morphée. 


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top