Chapitre 12 :
Bruno ne voulait pas me laisser entrer dans la chambre de Matt. Mais, lorsque Célia nous a dit qu'il répétait mon nom en boucle, il me regarda avec des yeux emplis d'espoir. Je ne sais pas du tout quoi faire. Je ne suis pas comme Célia moi. Même si je me rendais près de lui, je ne pourrais rien faire. Certes, j'ai eu très peur qu'il lui arrive quelque chose. Cependant, ce n'est pas cela qui va changer la vérité... Si je voulais le voir, c'était juste pour faire taire ma putain de conscience.
J'ouvre difficilement la porte. Même si mon cœur me dit d'y aller, ma raison me répète sans cesse de ne pas entrer. Je ne sais pas qui écouter. A mi-chemin entre son lit et la porte j'hésite encore.
Or, lorsque je l'entends prononcer mon prénom, quelque chose se brise en moi et mon cœur devient lourd. Je m'approche de son lit et lui chuchote :
- Je suis là Matt... Je suis près de toi... Ne t'en fait pas, tu vas t'en sortir... Tu es un battant toi pas vrai ? Tu ne vas pas abandonner aussi vite... Tu as encore une vengeance à prendre et promis, cette fois je ne riposterais pas ! J'ai eu tellement peur en te voyant dans cette flaque de sang ! Je ne prendrais plus jamais ce risque avec toi !
- Sheila ...
- Réveille-toi Matt !
Au début je pensais que ça fonctionnerait comme dans ces films à l'eau de rose. Que Matt se réveillerait et m'avouerait qu'il m'aimait. Ça n'a pas vraiment était le cas.
Une semaine s'est écoulé depuis cette visite et rien n'a changé. Je rends visite à Matt tous les jours et reste près de lui pendant des heures. Lui est toujours endormi, Célia est en dépression et Bruno ressemble littéralement à un zombie. Plus je les vois dans cet état et plus la culpabilité me ronge.
Aujourd'hui, j'entre dans sa chambre pour la énième fois. Jusqu'à ce jour, je ne l'ai jamais touché. Je n'en avais ni l'envie ni le courage. Mais, à présent je me rends à l'évidence. C'est moi qui avait tort depuis le début. Il n'avait rien à voir dans mes histoires avec Bruno.
Je me radoucis peu à peu et m'approche de lui. J'espère qu'il me pardonnera un jour. Je ne m'attends pas à une grande amitié, mais juste que la haine disparaisse. J'ose enfin prendre sa main dans la mienne. Ce contact me donne des frissons. C'est la première fois que cela m'arrive. Bizarrement, je me sens bien. Sa chaleur me réconforte. J'aurais tant voulu qu'il ouvre les yeux pour que je lui dise à quel point je suis désolée.
Une bonne demi-heure s'écoule sans que je ne lui lâche sa main. Je fixe ses paupières et prie pour quelles s'ouvrent enfin. Tout à coup, je les voie bouger et une joie immense m'envahit de l'intérieur. Je sourie et cours dehors pour prévenir les autres. Le temps que l'infirmière arrive, il ouvre les yeux. Nous sommes tous aux anges ! Enfin, nos prières ont été exaucés. Célia me saute dans les bras et je lui rends son étreinte. Elle pleure et je sais que maintenant, ce sont des larmes de bonheur qui coulent de ses yeux bleus. Depuis sa dernière visite, ma meilleure amie ne me parlait que très rarement. Je sais qu'elle n'arrive toujours pas à cautionner que Matt ait prononcé mon prénom. Mais je la connais très bien et je ne doute en aucun cas de notre réconciliation.
Bruno et sa femme entrent dans la chambre de leur fils. Ils y restent une bonne petite heure. Une fois sorties, ils nous regardent et hochent la tête. Je jette un regard à Célia et vois qu'elle n'a pas l'intention de se lever. Elle doit surement penser que c'est moi qui devrais y aller. Je me tourne vers elle et prends son visage dans les paumes de mes mains. Cela la force à me regarder en face. Puis, lorsque nos regards se croisent, je lui dis :
- Ecoute Célia, je sais que tu penses que c'est à moi d'y aller mais ce n'est pas le cas. Même si les sentiments de Matt ne sont pas réciproque, tu dois t'y rendre. Vous devez tout mettre au clair ok ? Je ne veux pas perdre ma meilleure amie pour des broutilles. Tu es la personne la plus chère à mes yeux ! Donc maintenant, ressaisi-toi et entre dans cette chambre.
- Merci...
- Je t'en prie ma belle ! Et n'oublie pas, quoi qu'il se passe je serais toujours à tes côtés !
N'ajoutant rien, elle se lève et s'en vas.
Célia :
Je me glisse sans bruit dans sa chambre et m'assoie près de lui. Ses paupières sont closes. Je pense qu'il dort. Je me sens mal tout à coup. A-t-il entendu mes aveux ? Sait-il ce que je ressens pour lui ? Au fond de moi j'espère qu'il ignore tout... Je me sentirais tellement mal à l'aise face à lui ! Et moi qui croyais qu'il ressentait aussi quelque chose envers moi. Il était si doux et attentionné ces derniers temps. Mais je me suis trompé. Sous tous ces airs de haine, il ressentait autre chose envers ma meilleure amie. Je ne sais pas pourquoi je souffre autant...
Ne supportant plus toutes ces pensées, je m'apprête à sortir pour prendre l'air. Pile au moment où je me lève, Matt attrape ma main. Je me crispe à son contact et reste immobile un petit instant. Voyant que je suis très tendu, il décide de prendre la parole :
- Pourquoi part-tu aussi vite ? N'es-tu pas contente que je me sois réveillé après tout ce temps ?
- S...si...si bien sûr que je suis contente ! Lui répondis-je en osant enfin le regarder dans les yeux.
Son regard... Son atout le plus destructeur. Certaines penses que le sourire est la première chose à regarder chez un homme. Moi, je ne suis pas d'accord. Les yeux signifient beaucoup plus. On peut y lire l'âme de la personne si celle-ci nous y autorise.
Me sentant de plus en plus gênée, je commence à rougir et cela le fait sourire. Il insiste pour que je m'assoie. Je capitule et m'installe confortablement. On se fixe un instant mais je n'arrive pas à soutenir son regard. Ses iris vertes me transportent dans des lieux inconnus.
Il souffle un bon coup, me prends la main et se lance :
- Ecoute Célia... Tu es une fille extraordinaire ! Je t'apprécie énormément ! J'ai entendu tes aveux pendant que je dormais et ça m'a touché. Mais je ne peux pas faire semblant tu comprends ? Cela te ferait encore plus souffrir et je ne veux pas que tu sois malheureuse à cause de moi. Si j'avais su plus tôt que tu ressentais quelque chose envers moi, je te l'aurais directement dit que ce ne serait pas possible...
- Je te comprends Matt... Les sentiments ne sont pas toujours réciproques. Je ne t'en veux pas. Je n'en veux à personne d'ailleurs. Je voudrais juste savoir un truc... C'est elle pas vrai ? C'est Sheila que tu aimes ?
- Dès le premier instant où je les vu mon cœur s'est emballé... C'est la première fois de ma vie que je ressens ça. Je ne peux pas te mentir... Mais, voyant la haine qu'elle avait envers moi, je n'ai pas voulu me ridiculiser en lui déclarant mes sentiments... Je ne veux vraiment pas que cela interfère dans votre amitié...
- Non, non, ne t'inquiète pas... Au contraire tant qu'elle est heureuse, ça me va. C'est vrai qu'au début je l'ai très mal vécu. Lorsque j'ai entendu son prénom sortir de ta bouche, le monde s'est écroulé autour de moi... Le fait que ça se passe maintenant m'a évité une plus grosse souffrance.
- Je suis désolé Célia... Ne m'en veux pas...
- Je ne veux pas non plus que ça interfère dans notre amitié à nous.
- Il n'y a aucun risque ! Tu es une des personnes que je n'échangerais contre rien au monde.
Un sourire apparaît sur mon visage et je sais que cela le soulage. La sincérité se lit dans ces yeux. Je tiens tellement à lui que je suis prête à passer outre mes propres sentiments. Tant que lui est heureux...
Sheila :
Cela fait déjà une bonne heure que Célia est à l'intérieur. Je ne sais pas comment se passe leur discussion et je commence à stresser.
En fin de compte, je la vois sortir et m'avance vers elle. Son visage ne reflète plus la douleur et ça me soulage. Je ne supportais pas de la voir dans cet état. Elle est tout pour moi... Je ne me pardonnerais jamais s'il lui arrivait quelque chose par ma faute.
Sans que je ne puisse lui demander comment ça s'est passé, elle me saute dans les bras et me demande pardon. Je ne comprends pas ce qui lui arrive. Elle n'a pas de quoi s'excuser !
- Excuse-moi Sheila !
- Mais pourquoi tu t'excuse ? Tu n'as rien fait !
- J'ai failli gâcher notre amitié pour un garçon alors que je sais que toi tu m'aurais choisi moi...
- Oui c'est vrai que je t'aurais choisi... Sans un brin d'hésitation... Mais dans les moments comme ça on peut être influencé et se laisser aller... Ne t'en fait pas, je ne t'en voudrais jamais... Tu es tout pour moi !
- Je t'adore !
Après ces petits aveux, elle me dit que c'est à mon tour de rendre visite à Matt mais je ne suis pas prête pour ce face à face. Je ne sais pas comment il va réagir en me voyant. Peut-être même qu'il ne veut pas me voir... Ma meilleure amie se rend compte de mon malaise et essaye de me rassurer :
- Ne t'inquiète pas, il t'a déjà pardonné...
- Il ne devrait pas pourtant...
- C'est ça l'amour...
- P...Pardon ? l'a.. Quoi ?
- L'amour Sheila... Ce garçon est fou de toi donc ne le blesse pas ok ? Vous méritez d'être heureux ensemble...
- Mais qu'est-ce que tu me raconte ? Tu entends ce que tu dis ? Je te rappelle que c'est toi qui a des sentiments pour lui et non pas moi !
- Oui c'est vrai que je ressentais une attirance envers lui... Mais je peux t'assurer que ça passera avec le temps... Et puis ce n'est pas les garçons qui manque. J'en trouverais bien un qui veut de moi.
- Arrête de dire n'importe quoi ! La moitié des garçons de la fac te dévore des yeux à chaque fois que tu déambule dans la cours. Donc ce n'est pas un mais des centaines de prétendants qui donneraient n'importe quoi pour être avec toi !
- Bref, là n'est pas le sujet ! Tu entre dans cette chambre et tu t'excuse ! Qui sais peut-être que ce sera le début d'une belle histoire d'amour !
- Arrête avec ça, tu sais que je ne m'approche plus des terrains glissants depuis la mort de ma mère...
- Ecoute, ce n'est pas parce qu'un garçon a fait une erreur que ce sont tous les mêmes ok ? Donne-toi une chance d'être heureuse pour une fois !
- Mais tu connais aussi bien que moi la citation « telle mère telle fille » donc je ne peux pas faire confiance au fils de Bruno. Je te rappelle que c'est bien lui qui a trompé ma mère !
- Oui, je conçois que tu aies un manque de confiance mais essaye au moins ! Je te vois depuis quelques jours. Quand tu parles de lui ou que tu approches de sa chambre tes yeux pétillent. On dirait une enfant qui entre dans un magasin de jouets.
- Et si je deviens comme ma mère ?
- Tu ne deviendras pas comme elle car je serais toujours à tes côtés et t'aiderais à remonter la pente dans les moments difficiles !
- Bon ok...
N'ayant plus aucune issue en vue, j'abandonne. Célia est une belle parleuse mais elle sait aussi que ça ne marche que très rarement avec moi. Cependant, ce qu'elle dit possède une part de vérité... Depuis quelques jours, mes sentiments se radoucisses et la haine que je ressentais envers lui disparaît... Cela me fait très peur... Je suis terrorisée à l'idée de ressentir des sentiments affectueux envers lui...
Je m'immisce sans bruit dans la chambre de Matt et l'observe de loin. Voyant ces beaux yeux verts, je me rends compte du fait qu'ils m'ont manqué. Son petit regard en coin empli de haine signifiait beaucoup pour moi. Mais tout cela me fait peur. Avoir des sentiments envers lui me terrifie. Et s'il jouait avec moi ? Et s'il me détruisait comme la si bien fait son père avec ma mère ?
Ne me laissant pas plus le temps de réfléchir, Matt m'aperçois et je ne sais plus où me cacher.
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