Chapitre 3 Partie 1 : Le Protocole

Codex de Médiala, article XXXI

En pays dragon, une multitude de temples ont été érigés à la gloire des Dieux. Le plus grand d'entre eux, le temple d'Adix, situé près de la capitale, est si grand que tous les Dieux y ont leur autel. L'Omnia, le dieu des dieux, y est représenté dans la maison longue. L'architecture dragon, raffinée et solide, présente un temple structuré sous forme de colonnes gigantesques et de toits en ardoise imitant subtilement les écailles des dragons. Les multiples couleurs vives utilisées rappellent la diversité de couleurs des dragons. Enfin, réservés à la famille royale, vous pourrez également trouver des bains d'eau chaude à l'écart des regards.



Pour une fois, je me réveille sur le canapé, Naru allongée sur mon ventre. La piquette que je fabrique tape fort et un puissant mal de tête tambourine dans ma boîte crânienne. Lâchant un long râle, je tapote doucement la chienne qui s'éveille en s'étirant de tout son long. Après un bâillement puissant, elle descend et m'attend sur la terrasse.

Arrivant avec mon café, je lui dis qu'aujourd'hui nous resterons à la cabane puisque j'ai du ménage à faire. La jeune me lance alors un regard complice et attend que j'entame le récit suivant.

Le soleil commençait à pointer le bout de son nez et je m'éveillais doucement avec lui. Lorsque je me réveillai complètement, je m'étirai longuement. Pendant cet étirement, je crus entendre un rire grave. Tournant alors ma tête vers le côté du lit, je fus prise d'une peur panique car à un mètre de mon lit, se trouvait Anor.

Il était assis en tailleur sur le sol.

- Bouh !

Mes réflexes m'avaient fait me blottir contre le mur en collant la couette contre mon torse nu. Je regardai ensuite les différentes entrées de ma chambre et vis la porte fermée mais la fenêtre grande ouverte. Je ne compris pas comment il avait pu l'ouvrir.

Face à mes mimiques, j'entendis Anor partir en fou rire et compris que ma tête devait être absolument tordante.

- Hey ! Ça suffit ! Qu'est-ce que tu fais là ?

- La tête que tu fais, et tes... Tes cheveux ! Ahahah !

Il se foutait ouvertement de moi, sans gêne.

Cependant, je ne pus lui en vouloir car même moi, l'aspect de ma chevelure me faisait bien rire de temps à autre. En effet, le matin, mes cheveux bouclés partaient dans tous les sens et j'avais ainsi, au naturel, une tignasse complètement anarchique qui enveloppait ma tête. Chaque matin, je les coiffais donc en les rangeant en arrière afin qu'ils ne me gênent pas.

Mais à voir son fou rire qui ne se calmait pas, je vis que pour lui le mythe du preux chevalier venait de tomber.

Levant les yeux au ciel, je lui demandai de se calmer et de m'expliquer ce qu'il faisait là.

Il reprit peu à peu son calme et s'essuyant une larme, il parvint à articuler.

- Ne sois pas surprise, j'ai les clefs des fenêtres de tous ceux de la classe, comme je suis délégué. Bref, je suis passé voir tout le monde. Comme tu avais du mal à émerger, je me suis assis. Je suis là parce qu'il fallait que je te dise que nous n'avions pas cours ce matin et qu'à midi nous partions pour deux jours au temple de la capitale. La classe d'excellence doit participer à une cérémonie.

- Et tu ne pouvais pas m'envoyer un message ?

- Intéressante proposition... Mais si je l'avais fait je n'aurais pas vu ta tête !

Anor était apparemment d'excellente humeur ce matin mais sa dernière phrase me laissa désabusée.

Il repartit ensuite en rigolant puis ajouta que nous dormirions tous là-bas et qu'il fallait tout prévoir pour deux jours.

Tandis qu'il s'envolait par la fenêtre, je m'étalai dans mon lit. Après tout mon entraînement, je ne compris pas comment il avait été possible que je ne l'entende pas entrer. Puis fermant les yeux et me concentrant, je pris mon courage à deux mains et partis faire mes préparatifs.

Le tout fin prêt, je me regardai dans la glace avant de rejoindre Enora.

Mes cheveux organisés vers l'arrière descendaient en cascade jusqu'au bas de mon dos. Dans mes bottes, il y avait mon jean noir moulant à taille haute. Dans celui-ci, était inséré mon haut en cuir noir à manches bouffantes. Son encolure en V soulignait à la perfection mon décolleté. Sur ce haut, était peint en rouge à partir de la pointe du décolleté, une grande épée. Coupant la lame en deux, brodé de fils argentés, il y avait mon blason. C'était un chêne majestueux représentant mon nom. Dans son tronc était cousu un anneau en fils dorés, symbolisant mon union avec la nature.

Enfin, je mis à ma taille ma grande épée longue à deux mains du côté gauche et le poignard que m'avait offert Aydan il y a des années, dans le dos. Fin prête, je décidai de rejoindre la princesse.

Lorsque je la rejoignis avec mon équipement et mon sac à dos, celle-ci me fit part de son inquiétude et, sur le chemin, je m'efforçai de la rassurer.

Une fois arrivées devant sa classe, elle me montra un groupe de vampires où se trouvait le dénommé Eres. Il faisait un mètre quatre-vingts et n'était pas très musclé. J'avais l'habitude de bien plus dangereux.

Alors que des elfes venaient d'arriver derrière nous, je demandai à Enora de m'attendre.

Marchant à vive allure au milieu du couloir, je fonçai sur le groupe d'Eres et les six vampires se retournèrent aussitôt vers moi.

Eres jugea bon de m'adresser la parole.

- Oh regardez les gars c'est la terrible Sir Sylvani dont parlait la blondinette !

Ne coupant pas mon élan, je lui balançai mon poing dans ses crocs. Ils firent un doux bruit en se cassant puis en touchant le sol. Alors qu'Eres les regardait complètement effaré, je lus la haine sur son visage. Il était prêt à m'attaquer mais je ne lui laissai pas le temps de réagir. Je l'attrapai par les cheveux et lui fracassai le front contre le mur.

Son visage saigna abondamment.

- Hier, par ta lâcheté tu as blessé la princesse. Une jeune fille sans défense. Est-ce là ta définition du courage ?

Eres souffrait et était humilié.

Il essaya de se défaire de ma prise mais n'y arriva pas. J'étais très musclée et lorsque j'étais énervée, mon adrénaline décuplait cette force.

Puis je décidai de le retourner et de l'envoyer dans le mur d'en face. Le choc fut rude et il tomba à genoux complètement abattu.

Tous étaient pétrifiés.

Je fis signe à la princesse de venir et une fois celle-ci à mes côtés, je finis ma démonstration.

- Maintenant excuse toi !

- Je suis désolé princesse.

J'étais satisfaite de sa réponse mais une autre aventure de ce genre ne devait pas se reproduire. Je profitai d'avoir l'attention de toute l'école pour faire passer mon message.

- Vous tous, ceci sera mon seul avertissement ! Si l'un d'entre vous ose ne serait-ce que lever un petit doigt sur l'un des humains de l'école, je le détruirai. Eres ici présent s'en sort vivant, pour le moment ! Demandez à vos chefs et ils ne pourront que confirmer mes propos !

Je m'étais dit qu'il fallait que je marque le coup afin de tuer dans l'œuf d'autres possibles tentatives d'agressions et j'eus raison. Plus jamais un humain autre que moi ne fut attaqué, maltraité ou méprisé au sein de l'école. Ils avaient à présent peur de moi et cela m'allait très bien.

Vers midi, j'arrivai à l'entrée de l'université. J'avais profité de ces quelques heures pour méditer afin de retrouver mon calme, ce qui avait merveilleusement bien marché.

À mon arrivée, les elfes me dévisagèrent et les vampires s'écartèrent. Finalement les deux seuls restés immobiles furent Anor et Jon.

Le dragon portait une chemise blanche en lin, déboutonnée sur le haut, un jean noir et des baskets. Le vampire lui, avait une tenue de mafieux en cuir noir.

Ce dernier me regarda d'un air malicieux.

- Alors comme ça on a mis une raclée à Eres et menacé toute l'école ?

- Eres a délibérément attaqué la princesse. Elle en gardera à jamais les cicatrices. Eres lui, s'en remettra. Quant aux autres, ce n'était qu'un avertissement. Il faut bien que je protège les miens.

- Oui, certes. Les chevaliers sont-ils toujours aussi prévoyants ?

- Je suis la meilleure, je ne fais donc rien à moitié, Jon.

Le vampire eut l'air amusé par mon intervention précédente. On aurait dit qu'il n'avait jamais vu un humain s'imposer de la sorte.

Jetant un œil à Anor, je vis l'adonis songeur. Il eut néanmoins un grand sourire amusé après m'avoir regardé, devant certainement repenser à mon réveil. Décidant d'ignorer le dragon, je me retournai vers le reste de la classe. Les elfes avaient tous un sabre et les vampires avaient tous une rapière. J'étais la seule avec une longue épée à deux mains et Anor n'avait aucune arme.

Il devait ne pas en avoir une grande utilité.

Au bout d'une dizaine de minutes, Elias s'approcha de nous et me dévisagea de la tête aux pieds.

- Shana, dis-moi... Les chevaliers ne sont-ils pas censés tuer les dragons ?

- Dans les légendes, oui.

- Et dans la réalité ?

Les autres elfes rigolèrent.

Elias cherchait à me déstabiliser en montant Anor contre moi. J'étais persuadée qu'il savait pour notre alliance et je compris que cet elfe était un vrai vicieux.

- Dans la réalité, mon cher Elias, les chevaliers ne cherchent pas le combat pour la gloire. Ils cherchent avant tout à protéger le fragile équilibre sur lequel repose la paix entre les peuples. C'est une chose dont tu ne sembles pas trop te soucier hélas...

- Oh désolé Sir Sylvani mais une chose si futile, je n'en ai cure !

Il me répondit en faisant la révérence. Son comportement me désola puis ce qu'il ajouta me fit mal.

- Tu veux nous faire croire à un idéal de paix mais tu es la première à avoir des armes en argent !

- Et si tu fermais ta gueule l'elfe ?!

Anor coupa court à l'argumentation d'Elias et parla de sa grosse voix vindicative. M'étant retournée vers lui, je vis que ses yeux étaient devenus jaunes. Ses veines étaient apparentes et de petites flammes noires sortaient de ses narines.

Il nous ficha une peur bleue.

Elias et ses vassaux partirent donc plus loin. Néanmoins, l'elfe avait vu juste, mon épée et mon poignard étaient bien en argent.

Les vampires, les loups-garous et les dragons craignaient l'argent plus que tout car il leur laissait des cicatrices terribles et j'avais donc jugé préférable de m'en équiper.

Cependant, Jon n'était pas convaincu par Elias.

- C'est vrai ce qu'il a dit ?

- Oui, donc évitez de toucher mes armes. Sauf si vous avez un tissu en coton.

- C'est très spécifique, ça...

- Aucune autre matière ne peut vous en protéger.

Il me semblait que je faisais découvrir quelque chose à mes deux camarades. D'un sourire narquois, je leur dis que seuls les loups-garous connaissaient ce secret et qu'ils l'avaient même découvert.

Les deux princes eurent l'air abasourdi qu'un savoir, si simple et utile, ne fut pas déjà parvenu à leurs oreilles.

Un peu plus tard, deux longues voitures arrivèrent. Dans l'une entrèrent les elfes et dans l'autre, je m'assis avec les vampires et Anor.

Le temple d'Adix où nous nous rendions, était réputé pour être le plus grand du royaume des dragons. Cependant, notre professeur ne nous avait pas dit à quelle cérémonie nous allions assister. Ainsi, pendant le trajet, les suppositions allèrent bon train dans la voiture.

Seul Anor et moi, côte à côte, restâmes silencieux. Je savais qu'il ignorait de quelle cérémonie il s'agissait car, comme il me l'avait dit plus tôt, il ne croyait pas en ces sornettes.

Cependant, j'étais très loin de me douter des proportions catastrophiques que cette sortie allait prendre.

- Ah cette sortie Naru ! Tu n'es pas au bout de tes peines ! Ahah ! Aller, écarte-toi et reste à l'entrée de la cabane.

Faisant se déferler ma magie dans la petite maison, elle nettoie tout en quelques minutes. Puis la chienne se tourne vers moi et me traite de grande fainéante.

- T'as cru que j'allais me fatiguer avec un objet de torture tel qu'un balai ?! Enfin !

Aboyant pour dénoncer mon humour plus que passable, nous nous dirigeons vers les sources d'eau chaude.

Une fois à destination, nous arrivâmes devant des marches qui menaient à un temple aux immenses colonnes. Un prêtre dragon à fière allure vint nous accueillir habillé de sa robe en soie bleue.

Mais tandis qu'il nous demandait de le suivre pour nous conduire à la cérémonie, Anor eut une révélation.

- C'est l'anniversaire de mon père !

- Ah c'est vrai, il en fait toujours des tonnes !

Jon ne comprit visiblement pas ce que cela impliquait... J'avais si peur que mon cœur se transforma en tambour de guerre.

Anor nous prit tous les deux par le bras et nous entraîna dans une arrière-cour isolée.

- Mon père va vouloir nous voir tous les quatre. C'est la merde !

- Non, c'est la merde pour toi et Shana. Elias et moi on n'a rien fait pour l'énerver !

- Non Jon, on est tous dans le même bateau !

Ne sachant pas encore ce qu'Anor avait bien pu faire pour énerver son père, je me posai un nombre incalculable de questions. J'étais également dans un état second à cause de la panique puis Anor posa ses mains sur mes épaules et plongea son regard bleu abysse rassurant dans le mien.

- Shana, ne lui montre en aucun cas que tu as peur et sois impitoyable. Avec Jon on est là et de toute façon je suis plus fort que lui.

Les dragons, comme les vampires, avaient une ouïe très affûtée. Il avait dû entendre les battements de mon cœur et ainsi deviner que j'étais morte de peur.

Nous nous dirigeâmes vers la salle haute en suivant Anor et je tentai de me concentrer sur ses paroles. Le contrôle de ma respiration m'aida à appréhender ce moment que j'avais redouté toute ma vie.

- Tu vois Naru, j'allais enfin revoir Ashi ! Aller, va donc dans les sources d'eau chaude afin qu'elles te donnent un avant-goût de la prochaine partie...

Me déshabillant, je rejoins la chienne qui a déjà sauté dans l'eau et se prélasse dans l'eau à cinquante degrés Celsius.


[N'hésitez pas à voter si le chapitre vous a plu ! Ca me fera plaisir <3 ;)]

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