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Je le regarde droit dans les yeux, impossible de dire quoi que ce soit. Si je lui dis pour hier il va définitivement me prendre pour une grande malade. D'un autre côté ça me permettrais de lui faire peur. Tout se bouscule un peu dans ma petite tête. Mais je ne vois aucun autre enfant, je n'ai aucune explication à ça et ça me rend dingue. Après tout, j'avais mes écouteurs. J'ai juste été distraite par la musique et un peu coupée des sons extérieurs. Enfin.
- Bon. On monte ? Je te laisse passer devant hein, t'étais bien partie pour y aller puis bon, je pense que t'es déjà venue ici hein, honnêtement, tu peux me dire, je lui dirais pas.
- Je suis juste venue au bout de ce couloir et je suis repartie, c'est tout.
- Juste venue ici hein. Je t'ai bien regardé, t'as pas vraiment hésité dans le genre "je découvre ce qu'il y a autour de moi". Tu connais clairement la route, et tu allais monter. Alors on monte.
Je ne retiens plus mes soupirs à chacune de ses phrases. Sa présence m'oppresse tellement plus que celles des éventuels esprits présents ici. Il prend une place monstrueuse. Je commence à monter mes marches, de toute façon je ne chercherais plus à lui répondre. J'évite les trous dont je me souviens à peu prêt, toujours à la lueur de mon portable. Jeff me suis de prêt, d'un peu trop peut-être, puisqu'il a repéré la grosse marque de sang sur ma chaussette.
- Bah alors la muette, je pensais pas que les boots trouaient autant les pieds.
Je soupire et ne lui réponds pas. On arrive à l'étage, celui où les garçons m'avaient guidé. Nous faisons maintenant face aux cadres photos du couloir. Ces clichés me touchent particulièrement, je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression en un coup d'œil de m'attacher à eux, comme s'ils avaient un an ou deux de moins que moi, que j'allais les retrouver à la descente des marches. Ce n'est pas le cas de Jeff, il est là, comme un idiot, à naviguer d'une photo à l'autre, en faisant une longue liste de remarques déplacées à leur encontre. J'avoue me sentir de plus en plus mal en avançant. Il leur manque de respect et se moque, ça ne m'étonne pas de lui.
- Bordel mais Jeff ferme la maintenant !
Il me regarde ahuri, l'air de dire depuis quand elle parle comme ça celle là.
- Bah alors la muette qu'est-ce qui t'arrive, t'as peur que les jnouns se jettent sur toi ? Il est déjà beaucoup moins à l'aise, son assurance se dissipe à une vitesse folle.
- Il y a des choses qui ne se font pas, et c'est exactement ce que t'es en train de faire. Je me retourne, littéralement enragée, et mon regard dévie sur sa main gauche. Non. Mais non. Dis moi que t'es pas un abruti à ce point.
- Bah quoi.
- La première règle, en urbex, c'est de ne toucher à rien. Et surtout, surtout, ne jamais rien ramener.
- Oh ça, nan mais t'inquiète je l'ai trouvé en bas dans la cour.
- Mais même ! Et comment ça t'as trouvé ça dans la cour, y'avait pas du tout ça hier, y'avait rien Jeff.
- Roh mais je t'assure que si, t'as juste pas ouvert les yeux. Tu vois j'avais raison, tu connais bien le chemin.
- Je te répète. Il n'y avait R-I-E-N.
J'allais pour continuer à lui râler après, quand je sens quelque chose courir dans mon dos. Je ne me retourne pas. Je me fige et tourne simplement la tête, lentement, histoire d'être sûre. Jeff rigole sans plus vraiment rigoler. Il veut continuer de le faire"l'homme" mais il est juste mort de trouille. Il reste planté devant moi, sans lâcher son truc, et me regarde comme si j'avais trop bien réussi mon tour de magie.
- Nan là faut que t'arrêtes de rigoler. Écoute moi bien, ce n'est pas moi.
- Sincèrement, je te pensais pas aussi douée la muette. Tu m'épates là.
- Jeff.
- C'était ironique, je t'avoue c'est un peu nul, je m'attendais à plus quoi. Je sais que tu peux pas faire mieux. Quelle déception. Je voulais avoir peur moi. Tu vas vraiment essayer de me faire croire qu'il y a des esprits ici ? C'est pathétique. ALLER, ALLEZ-Y, FAITES DES TRUCS DE OUF, C'EST NUL JUSTE ÇA, FAITES MOI PEUR BORDEL. Ahlala. Aller, pousse toi la muette.
Il se prend un fou rire tout seul. Il voulait juste se rassurer. Il me passe devant, et se dirige d'un pas un peu trop assuré sur le fond du couloir, direction la bibliothèque. Moi je reste là, je sais pas quoi faire. Je le savais con, mais alors à ce point, j'avoue que je ne m'y attendais pas. Il m'a fallu quelques temps pour me rendre compte de là où il se dirigeait. J'ai commencé à paniquer, je me souviens des livres magnifiques, hors de question qu'il y touche. J'accélère le pas vers lui, puisque de toute façon il est déjà rentré.
J'arrive à l'encadrement. Ça y est, la je tremble et ça se voit carrément. Je suis juste incapable de bouger.
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