Révélations

Jeanne se laissa tomber à terre, sa robe formant une grande corolle blanche autour d'elle.
- Jeanne... Que voulait-il dire ?
- Je...je vais tout vous raconter.

Quelques minutes plus tard, ils étaient sur le balcon, assis sur un divan, un verre d'eau dans les mains.
Jeanne, la voix tremblante, Milou sur les genoux, pris une grande inspiration et commença son récit.
- Je vous ai dit que mon père, qui était chimiste, était mort avant ma naissance. Et bien... il a été assassiné. Je n'ai jamais su par qui; l'enquête a étrangement été bâclée et bouclée, la rumeur étouffée, et personne n'a jamais connu le fin mot de l'histoire.
De ce que je me rappelle, ma mère s'arrangeait pour que nous soyons constamment en déplacement, en tournée ou en déménagement. A l'époque, je ne m'en rendais pas compte, mais je réalise maintenant qu'elle fuyait quelque chose.
A sa mort, elle m'a remis le bijoux que vous m'avez rapporté, et m'a dis de ne jamais m'approcher de Mantichora. Je n'y ai pas fait attention, car elle délirait depuis des jours.
Je suis allée en pensionnat, et, avec les années, j'ai oublié.
Pourtant, quand je suis sortie, quelque chose avait changé.
Elle s'interrompit, et une larme glissa sur sa joue.
L'esprit vif du jeune reporter fit rapidement le parralèlle entre l'étrange photographe sur les toits et la jeune femme.
- Vous avez été suivie en permanence, n'est-ce pas ?
- Oui. Je me sentais observée en permanence, et le photographe que vous avez aperçu l'autre jour me suivait toujours. J'ai retrouvé plusieurs fois mon appartement fouillé, alors je me suis mis à voyager en permanence pour leur échapper.
- Pourquoi ne pas l'avoir signalé à la police ?
- Je suis une femme mineure vivant totalement seule. J'évite d'attirer l'attention sur moi. De plus... j'ai toujours eu la conviction que mes parents étaient mêlés à cette affaire.
Tintin, n'y tenant plus, lui révèla d'une traite ce qui l'avait conduit en Italie. Il n'oublia aucun détail, de l'étrange comportement de Bianca Castafiore à la disparition du jeune jardinier.
Abasourdie par son récit, la jeune femme resta muette quelques secondes.
Soudain, un éclair d'intelligence traversa son regard.
- Je sais désormais ce qu'ils veulent. C'est mon bijoux !
À ces mots, elle plaqua une main sur sa gorge, là ou devait se trouver le pendentif, une expression d'horreur se peignant sur ses traits.
- Il a disparu !

Son regard affolé chercha celui de son ami. Celui-ci se remémora les évènements précédents.
- C 'est Evanleck ! Il vous l'a pris tout à l'heure !
Ils se levèrent en même temps, et coururent dans la hall. Là, ils se précipitèrent au guichet.
- Roman Evanleck est-il parti ?
La secrétaire afficha une moue surprise.
- Oui, je l'ai vu passer il y a une bonne demi-heure...
Découragés, les deux jeunes gens firent volte-face et se retrouvèrent face-à-faces avec Bianca Castafiore.
- Ah ! Jeunes gens ! Comment s'est passée la répétition ?
- Bien, merci...
- Madona ! J'oubliais ! Tintin, comment va le Capitaine, depuis hier ?
- Bien mieux, je crois...
- C'est décidé ! Je vais rendre visite à ce vieux loup de mer ! Je dînerais sûrement avec lui.
Tintin et Jeanne échangèrent un regard.
- Pourrions - nous vous parler en privé ?
L'expression de la chanteuse changea, et devint plus grave.
- Suivez-moi !
Elle les entraîna dans un bureau attenant au guichet.
Elle s'assit, et, un sourcil relevé, les scruta.
- J'attends des explications !
- Très bien, dit Tintin, Que pouvez-vous nous dire à propos de Mantichora ? 

La diva pâlit violemment, et les regarda, remplie d'incompréhension.
- Je... je ne vois pas ce que vous voulez dire...
- S'il-vous-plaît, madame, vous êtes notre seul espoir ! Ajouta gravement Jeanne.
- Très bien... La diva se releva et commença son récit.
- J'étais une amie très proche de Mathilde, votre mère, Jeanne, et depuis toujours.
Aussi, comme elle venait souvent jouer à Milan, je l'accueillais souvent.
Un jour, elle a rencontré un homme, un certain Aristide Lambert, mélomane et chimiste renommé.
Elle est immédiatement tombée follement amoureuse de cet oiseau de malheur. Je ne le trouvais pas désagréable, mais j'avais le pressentiment qu'il lui attirerait des ennuis. Il se sont mariés, et c'est ce qui est arrivé ! Quelques années plus tard, Mathilde est revenue, et, désemparée, m'a parlé de sa vie, me faisant jurer de garder le silence.
Son mari faisait partie d'une étrange organisation, Mantichora. Il partait des nuits entières et consacrait tous son temps à ses travaux. Je ne sais pas à quoi servait alors Mantichora, mais ce n'est plus d'actualité.
Un jour, quelque chose est allé de travers, et Aristide est rentré plus tôt que de coutume, affolé. Il a révélé à sa femme qu'il venait de quitter l'organisation, et que sa vie était en danger. Ils ne sont plus sortis, ils vivaient les volets fermés, coupés du monde dans Paris. Un jour, Mathilde tomba enceinte, mais tout se déroulait bien. Cette vie était oppressante, mais elle ne voulait pas perdre son mari.
Le drame est arrivé. Mathilde, n'y tenant plus, est sortie pour aller voir un médecin, inquiète pour son bébé.  Quand elle est rentré, elle a retrouvé Aristide étalé dans son laboratoire, mourant. Il lui a révélé la vérité; il avait été victime d'une tentative d'enlèvement, car Mantichora voulait s'approprier ses recherches. Il avait préféré avaler un poison de sa composition, ne laissant presque aucune trace dans l'organisme. Il lui a remis son bijoux, lui faisant promettre de ne jamais le quitter, et il est mort dans ses bras.
Après ça, Mathilde a accouché, puis a décidé de reprendre sa carrière de musicienne, s'en servant pour protéger sa fille. Elle savait qu'elle risquait le même sort que son mari, est, malgré sa faiblesse et ses maladies à répétition, elle faisait tout pour vous protéger, Jeanne. Mais tout en elle était brisé depuis le départ d'Aristide.
Quand j'ai appris sa mort, ce ne fut pas une surprise. Elle avait à peine trente-cinq ans, et elle laissait sa fille derrière elle. Je ne connaissait même pas l'oncle qui devait s'en occuper... et je n'ai plus entendu parler ni des Lambert, ni de Mantichora.
Puis, Il y a quatre mois, j'ai reçu une lettre anonyme, de quelqu'un qui disait être un ami du couple. Il connaissait des choses sur eux, et sur moi, que seul quelqu'un de très proche aurais pu savoir... Il était au courant pour la proposition de tournée que j'avais reçu, et il m'informais que la fille des Lambert, sortie de pensionnat depuis peu, avait reçu le rôle de Gilda. Il voulait l'aider, et il me demandais de lui écrire, et de la faire accepter.
Je le fis, peu méfiante, car je connaissais à vos parents de nombreux amis.
La grosse dame s'interrompit, comme plongée dans ses souvenirs.
- Quelques temps plus tard, j'ai reçu une autre lettre, d' un certain Guy Ezer,  qui me demandais  de me rencontrer. J'y suis allée incognito, et j'ai rencontré l'homme. C'était quelqu'un de parfaitement normal, taille moyenne, brun, traits banals.
Il m'a salué, puis m'a dit que Jeanne était en danger, avant de s'effondrer. On lui avait tiré une balle dans le dos.
Dès lors, je me suis méfiée. J' ai compris qu'on m'avait manipulée, et qu'on cherchait à m'éliminer. J'ai reçu une lettre de menace, me disant que si  je parlais à qui que ce soit, sa vie comme la mienne serait terminée. Mon appartement a été fouillé plusieurs fois, et je crois qu'ils cherchaient quelque chose.
Et puis, vint le départ pour la tournée. Je pensais échapper à mes poursuivants, mais, au dernier moment, le ténor qui devait jouer le Duc a disparu, et à été remplacé par M. Evanleck, dont personne n'a jamais entendu parler.  Puis, il a eu les évènements de Moulinsart... bref, je crois que nous avons tous été les pantins de quelqu'un de très puissant, acheva-t-elle.

Tintin se tourna vers Jeanne, qui restait prostrée, étourdie par les révélations.

- Merci, Madame Castafiore... fit-il, concentré sur la jeune femme.
- Soyez prudents, les enfants... répliqua la chanteuse, soucieuse.

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