Escapades Milanaises

Tintin sorti de l'hôtel où il logeait, avec pour projet d'aller faire un tour dans les rues alentours du Conservatoire. Il savait d'expérience qu'il pouvait trouver des indices n'importe où, et une bonne connaissance du terrain ne pouvait pas faire de mal.
La grisaille des jours précédents semblait se disiper, et le soleil se levait sur la ville de l'opéra.
Le jeune homme descendit une ruelle, puis deux, fourant les mains dans les poches de son trench pour se protéger de la fraîcheur matinale, avant de tourner la tête, balayant du regard le pourtour.
- Sapristi ! J'aurais juré être déjà passé par là ! Serais-je perdu ?
Milou aboya, comme pour approuver.
Il fit demi-tour, avant de dévaler a nouveau une ruelle en escalier. Subitement, son attention fut attirée par un éclair lumineux. Il leva brusquement le visage, juste le temps d'apercevoir sur le toit d'un immeuble  l'objectif d'un appareil photo.
Diable  ! On l'espionnait !
Soudain, il heurta de plein fouet une petite silhouette, qu'il n'avait pas vue arriver, et qu'il prit pour celle d'un jeune adolescent.
- Excuse-moi, mon garçon...
Il s'arrêta net en voyant le visage de l'inconnu.
- Jeanne ?! S'exclama-t-il, muet de stupeur.
Le charmant visage de la jeune femme prit une teinte rouge flamboyante quand elle l'aperçu, mais ce n'était pas cela qui le surprit chez la jeune femme. Il ne put s'empêcher de la toiser de la tête aux pieds quand il vit son accoutrement. La moue de surprise gênée qu'elle arborait se métamorphosa illico en une expression de franche déception.
- Vous avez fini de me dévisager ?! Oui, je porte un pantalon, si cela vous dérange, passez votre chemin !
C'était un fait, ce qui avait tant surpris le jeune reporter, c'était ce pantalon de golf en tweed qui seyait tant à la jolie chanteuse.
Elle fit volte-face et s'éloigna d'un pas rageur.
Tintin, qui était devenu très pâle, resta un instant figé, avant de se rendre compte à quel point il avait manqué de tact. Il dévala aussitôt les marches qui le séparait de la jeune femme, avant de poser une main sur son épaule. Elle s'arrêta net, surprise.
- Excusez-moi... Il y a méprise ! J'ai juste été surpris...
Elle se retourna, le regard interrogateur.
- Vous ne faîtes donc pas partie de ces sombres arriérés qui clament que c'est scandaleux que des femmes portent un pantalon ?
Il lui offrit un sourire rassurant.
- Non, bien sûr que non !
Elle se radoucit sensiblement, et détourna le regard, mal à l'aise.
- Excusez-moi... j'ai réagi excessivement... je suis à fleur de peau, en ce moment...
- Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de mal, j'ai manqué de tact.
Il lui sourit à nouveau, tentant de cacher qu'il était troublé.
- Où alliez-vous ? reprit-il.
Elle laissa échapper un petit rire chantant.
- Je rentrais à l'hôtel ! J'ai loué un vélo, et j'ai fait une promenade. C'est pour cela, le pantalon... C'est tout de même bien plus pratique !
Il rit à son tour, se sentant terriblement maladroit.
- Et, où résidez-vous ?
- À l'hôtel Santa Armani.
- J'y réside également, pouvons-nous rentrer ensemble ? De plus... je crois que je me suis égaré...
Elle sourit timidement.
- Ce serait avec plaisir !
Ils descendirent la rue dans un silence gêné, puis la jeune femme le guida dans un labyrinthe de ruelles.
- Vous semblez bien connaître cette ville !
- En effet, je suis déjà venue de nombreuses fois. Enfant, je venais souvent. Ma mère était musicienne.
- Elle ne l'est plus ? fit-il, candide.
Jeanne baissa les yeux, attristée.
- Elle est morte quand j'avais dix ans.
- Je... je suis désolé.
Elle releva la tête, tentant de maîtriser son émotion.
- Excusez-moi, c'est toujours un peu sensible...
Le silence s'installa à nouveau. Tintin, observateur, remarqua qu'elle semblait mal à l'aise. Ils arrivèrent en vue de l'hôtel, la jeune fille retrouva aussitôt son esprit et se mit à lui poser des questions ;
-A quel âge avez-vous commençé le journalisme ?
- J'ai été embauché par Le Petit Vingtième à seize ans, juste à la fin de mes études.
- Diable, vous êtes vraiment précoce !
- Vous l'êtes aussi, semble-t-il !
Elle prit une moue dépitée.
- Je suis une femme. J'ai beau essayer, je ne pourrais terminer mes études.
Le jeune reporter, étonné, reprit.
- Vous n'êtes pas chanteuse ?
- Si, et j'adore ça, mais j'ai toujours voulu être détective... son regard se fit lointain. L'aventure m'appelle depuis toujours, mais toutes  les portes me restent fermées. Je grenouille pour suivre une formation par correspondance, mais les enseignants me prennent pour une gourde et ne m'aident pas beaucoup.
Tintin sentit de la compassion pour cette combattante inlassable.
- Ils ont tort. Je pense que vous feriez une excellente enquêtrice.
Elle lui sourit, amicale.
Ils arrivèrent devant l'hôtel. Tintin se précipita pour ouvrir la porte, et laissa galamment passer sa nouvelle connaissance.
Alors qu'elle se dirigeait vers l'escalier, il ressentit soudain l'envie de rester avec elle. Pourquoi ? Il n'en avait aucune idée.
- Excusez-moi... voudriez-vous aller boire quelque chose au café ?
Elle se tourna vers lui, les joues rosées.
- Volontiers !
Ils se dirigèrent vers le petit café de l'hôtel, et s'installèrent à une table.
Un serveur malingre s'approcha d'eux , et ne put retenir sa surprise en voyant l'acoutrement de la jeune femme. Il lui jeta un coup d'oeil désaprobateur, avant de se tourner vers Tintin.
- Bonjour ! Que puis-je servir à Monsieur ?
- Un...un café, s'il-vous-plaît.
L'odieux personnage se détourna, près à partir.
Consterné par son impolitesse, le jeune reporter réagit au quart de tour,
- Excusez-moi ! Vous n'avez pas pris la commande de Mademoiselle !
L'homme se retourna est toisa avec un  dédain apparent la jeune fille.
- C'est donc Mademoiselle ? Je me demandais comment l'appeler. Que veut Mademoiselle ?
Tintin vit Jeanne pâlir, puis se recroqueviller sut sa chaise.
- Je vous prie de rester poli ! Vous n'avez aucun droit de juger la tenue de cette jeune femme ! Assena-t-il, indigné.
- Je prendrais un chocolat ! Fit l'intéressée d'un ton agressif.
Le serveur s'éloigna rapidement, sentant que son impolitesse ne serait pas tolérée plus longtemps.
Une fois qu' il fut parti, le jeune homme se tourna vers sa compagne, qui, enfoncée dans le fauteiln, arborait une moue peinée, qui la faisait encore plus ressembler à une enfant .
- Tout va bien ?
Elle le regarda droit dans les yeux, et il sentit une étrange chaleur se répandre dans son bas-ventre.
- C'est bon. Je vais bien. Il m'a simplement prise au dépourvu.
- Quel malapris !
- N'en parlons plus, je vous prie.
Elle lui sourit.
- Puis-je savoir ce qui vous amène en Italie ? 
- Mais, vous savez bien... la tournée !
Elle sourit encore, malicieusement cette fois.
- Simplement, cela m'étonne qu' un journaliste d'investigation qui a une proportion incroyable à se fourrer dans les aventures les plus dangereuses et abracadabrantes, et qui est surement l'ennemi numéro un de la moitié des mafias de la planète soit dépéché pour une simple tournée.
Il équarquilla les yeux, surpris.
- Diable, vous êtes bigrement perspicace !
- Merci ! Mais je crois que vous avez aussi cette qualité, et qu'elle vous a sauvé la vie plusieurs fois ! Vos articles en témoignent !
- Vous avez lu mes articles ?
- Dans l'intégralité ! Grâce à vos exploit, le Petit Vingtième est renommé, au point d'être publié dans certains endroit en France. Il faut dire que vous avez un sacré talent littéraire; chaque fois que je lis un de vos articles, j'ai l'impression de vivre ces péripéties.
- Vous me flattez... je suis au service de la paix, et de la vérité.
Un silence de quelques minutes s'éternisa entre eux, le temps qu'un autre serveur apporte leur commande.
Jeanne reprit timidement;
- Comment était-ce, sur la Lune ?
- Et bien, c'était immense. Une étendue grise, couverte de cratères, un paysage désolé, et froid comme la mort. Je suis forcé de dire que ce fut saisissant. La gravité était si faible, que nous flotions presque, c'était incroyable. Mon coeur battait si fort que je cru qu'il allait s'arrêter. Une fois que nous avions décollé, nous pouvions voir la Terre , si belle, si lointaine... C'était stupéfiant. Puis, pendant que les autres membres de mon équipe exploraient la surface lunaire, j'ai été assomé par un intrus, Jorgen, mais heureusement, nous avons tout de même pu rentrer sur Terre.
- Je vous admire. Vous faites preuve d'un grand sang-froid, en toute circonstance.
Elle porta à sa bouche en coeur la tasse fumante. Le jeune journaliste ne pu s'empêcher de fixer ses lèvres rosées, rougies par la chaleur de la boisson.
Elle a vraiment une très jolie bouche...
Il détourna vivement le regard, reprenant le contrôle de ses pensées, puis plongeant le nez dans sa tasse.
Ils bavardèrent quelques instants de tout et de rien, puis, jetant un coup d'oeil à sa montre, Jeanne se leva brusquement;
- Grand Dieux ! Je n'ai pas vu l'heure ! Il faut que j'y aille, je vais être en retard à la répétition ! Je vous vois tout à l'heure !
Et elle s'enfuit, laissant sa tasse à demi vide. Elle disparu sous le regard surpris du Capitaine. Celui-ci s'approcha de son ami, malicieux.
- Bonjour, Tintin ! Puis-je savoir qui était cette demoiselle ?
- Une jeune chanteuse que Mme Castafiore m'a présenté hier, Jeanne Lambert... fit-il distraitement.
- Joli brin de fille... dit le Capitaine d'un ton détaché.
Tintin, comme réveillé, sursauta et rougit violemment.
- Ah ! Euhhh... Vous... vous trouvez ?
- La question, moussaillon, n'est pas de savoir comment je la trouve, mais plutôt comment vous  vous la trouvez.
Le vieux marin, qui n'avait pas souvent eu l'occasion de voir son ami à la houpette rousse gêné, et, pour la première fois, à cause d'une femme,  se délectait de la situation. Embarrassé, le jeune globe trotter s'enmura dans le silence, ignorant les oeillades appuyées du vieux loup de mer.
Cependant, il fut assez observateur pour remarquer le petit objet qu'avait oublié Jeanne en partant.

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