Chapitre 6
-Bonjour, vous vendez de la colle forte ?
-Oui, forte comment ? répondit la vendeuse, une jeune femme qui mâchait du chewing-gum la bouche ouverte et semblait se désintéresser totalement de son métier.
-Euh... pour coller... des miroirs sur du bois...
-Ah, pour du bricolage ? Bah j'ai celle-là, parfaite pour coller des carrelages, du bois, du...
-Merci beaucoup je vous la prend.
-Ça vous fera vingt euros.
-Vingt ? Ok, tenez.
Il tendit rapidement un billet froissé et saisit la colle avant de repartir en courant, lançant au un petit « au revoir ! ». Il se dirigea vers le cordonnier, qui était assez proche du magasin dont il émergeait.
-Ah, vous revoici ! J'ai fini. Est-ce que ça vous convient ?
Renard regarda l'ouvrage de l'artisan, un rond de cuir de douze centimètres de diamètre sur lequel était cousue une sangle. Comme il l'avait demandé.
-Merci, ça sera parfait. Euh... pour l'argent, on règle ça après... après les corbeaux, le temps nous est compté.
-Non non, vous ne me devez rien. Prenez.
-Merci, vraiment.
Le jeune homme saisit le rond de cuir et courut vers la sortie. Il avait fini par mémoriser le chemin menant à la menuiserie et s'y rendit rapidement.
-Me... me revoici... soupira-t-il, haletant.
-Et voilà, votre « toit de hutte » est prêt ! fanfaronna l'artisan.
-Oh... fit Renard.
En effet le menuisier tenait dans ses mains le cône qu'il voulait. Au dessous, le rond qu'il avait demandé était là, et le bois était parfaitement lisse.
-Vous... vous avez été très rapide...
-Mais je suis un bon artisan, je travaille rapidement et fournis du bon travail !
-Je vois ça... c'est tout lisse...
-Oui, c'est normal, j'ai poncé de tout mon cœur en pensant à ces maudits oiseaux.
-D'accord. Bon, je vais aller voir le... carreleur... Au revoir, et merci pour tout !
Renard s'empara de la structure et courut à travers les ruelles. Arrivé chez le carreleur – sans même se perdre, un exploit ! – il lui tendit le socle et Igor qui arriva peu après talonné par Paula tendit les miroirs. Renard le remercia d'un bref signe de tête et le carreleur examina la chose.
-Donc vous voulez que je coupe ces six miroirs en triangles égaux qui puissent se coller sur ce cône sans laisser d'espace ?
-Oui, ça serait ça.
-D'accord, et bien je vais prendre des mesures et vous couper ça.
-D'accord, merci, fit le jeune homme. Dès que vous aurez pris les mesures, je vais coller ce rond de cuir en dessous, ça ne pose pas de problème ?
-Non, pas du tout.
L'artisan prit donc les mesures nécessaires et les reporta sur un schéma. Tandis qu'il coupait les miroirs en triangles, Renard ouvrit la colle forte et en déposa sur le rond de cuir. Il l'appuya ensuite contre l'aisselle du cône, jusqu'à ce qu'il tienne.
-Parfait, fit-il en tirant de toutes ses forces sur la sangle. Cette colle est vraiment très forte !
-C'est pour ça qu'on l'appelle « colle forte », le railla Igor.
-Oui oui je sais, répondit Renard.
Quelques minutes plus tard le carreleur avait fini sa tâche, et présenta les miroirs au jeune homme.
-D'accord, merci beaucoup. Alors...
Le jeune homme positionna le premier miroir, puis l'enleva, l'englua et le plaqua contre la surface de bois, vérifiant qu'il était droit avant d'appuyer. Il fit de même avec les cinq autres miroirs, puis admira la structure finale.
-Et bah voilà ! s'écria-t-il. N'est-ce pas magnifique, mes chers amis ?
-Si, répondit Igor d'un ton las, c'est magnifique, mais il va falloir y aller, là, il est bientôt midi...
-Ah oui ! C'est que le temps passe ! s'exclama le jeune homme. Dépêchons-nous !
Sur ce, il agrippa le bouclier-miroir et courut vers l'extérieur, balançant un petit « merci », se précipitant dans les ruelles vides, jusqu'à sortir de la cité. Il s'approcha de la Tour des Mille Corbeaux, bientôt rejoint par Igor et Paula.
-Allons-y ! entonna le jeune homme. Bon, Je propose qu'Igor se mette au milieu, de par sa grande taille, et que Paula se mette euh... côté vide, parce qu'elle a un bouclier. Qu'en pensez-vous ?
-Pas de problème, déclara Paula, je peux prendre cette place.
-Allons-y, fit Igor, ou nous allons manquer l'heure.
-Oui, allez.
Les trois amis se positionnèrent alors sous le bouclier-miroir, et entrèrent dans la tour. Lorsqu'ils commencèrent à monter les marches, des corbeaux affluèrent de partout et se précipitèrent sur le trio. Lorsque les volatils arrivèrent à la moitié de la distance qui les séparaient, ils furent éblouis par la lumière du zénith qui passait par le haut de la tour et se reflétait sur le miroir légèrement incliné vers l'intérieur de la tour.
Les corbeaux tentèrent donc d'avancer mais, éblouis, ils voletaient un instant sur place avant de faire demi-tour et d'être remplacés par d'autres qui firent le même mouvement.
Satisfaits du résultat, le trio avança plus vite encore, prenant tout de même garde de ne pas dévier le miroir auquel cas les corbeaux en profiteraient pour les dépecer.
Lorsqu'ils atteignirent une certaine hauteur, des corbeaux en profitèrent pour les attaquer par en dessous. C'est alors que Paula lâcha le bouclier-miroir pour prendre à deux mains son bouclier avec lequel elle frappa efficacement les volatils.
Continuant ainsi jusqu'en haut, le trio atteignit bientôt le sommet de la tour, le petit renfoncement où étaient stockés les trésors. En effet, le sol crasseux était jonché de colliers, coupes, parures, pièces rutilants, renvoyant la lumière qui filtrait à travers la fine ouverture.
Igor tint le bouclier-miroir vers l'extérieur afin de repousser les oiseaux, quand Renard demanda :
-Euh... comment allons-nous faire pour transporter tout ça ?
Igor posa sa tête dans sa main, soupirant.
-Tu vas pas me dire que tu n'y avais pas pensé ?!! hurla-t-il. Bon, je dois tenir ce fichu bouclier-miroir, Paula a son bouclier, et toi... toi tu n'as rien. Donc on va tous se remplir les mains...
-Je vais prendre la clef dans une main et plein de trésors dans l'autre, ça serait plus sûr. Toi tu vas poser le bouclier sur tes épaules en te voûtant, comme un parapluie et toi... tu vas pas prendre ton bouclier dans tes mains.
-Et comment tu veux qu'elle le prenne ?!
-J'en sais rien, on le lance par terre, il est solide, il ne craint rien, et les oiseaux ne le prendront pas, ce n'est pas de l'or !
-D'accord, et si les oiseaux arrivent par en bas ?
-Et bien... On se dépêche...
-D'accord, j'adore ton plan !
Igor s'exécuta donc, posant délicatement le bouclier-miroir sur ses épaules. Tous se chargèrent d'or, et Renard garda une main libre pour prendre la clef qu'il trouva sous le monticule de pièces.
Elle était en or, resplendissante, et de fines gravures longilignes effilées couraient sur le précieux objet.
Le jeune homme la saisit fermement, afin de ne pas la faire tomber, puis se plaça derrière Igor sous le bouclier-miroir. Paula s'était placée à gauche, les bras chargés.
Le bouclier était déjà tombé en bas quand les trois amis commencèrent le voyage. Tout se passait comme à l'allée, sauf qu'ils marchaient beaucoup plus lentement afin de ne pas faire tomber le trésor.
Soudain, la tour s'assombrit considérablement. Se demandant la cause de ce changement, Renard souleva la tête vers leur principale source de lumière d'où pointait le Soleil, et vit qu'il ne projetait plus ses rayons par l'orifice au même titre qu'avant.
-Qu'est-ce qui se passe, demanda Igor qui ne pouvait pas tourner la tête mais avait senti que son camarade avait tourné la sienne.
-Le... le Soleil n'est plus à son zénith, il ne passe plus par le sommet de la tour... Notre bouclier-miroir ne rejette aucune lumière sur les corbeaux et... rien ne les empêchera de venir...
Comme pour illustrer ses propos, un corbeau croassa, puis s'élança de la fenêtre de la sombre tour, comme emportant avec lui toute la noirceur de l'édifice.
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