Quelques heures se sont écoulées depuis l'irruption fulgurante de Bellona devant les marchands d'esclave. Le soleil était au zénith, et ses rayons ardentes semblaient provenir de l'enfer.

Dans une forêt un peu à l'est de Barca, Bellona dirigeait les chevaux et derrière elle, se trouvait une cage où il n'y avait plus que des filles dont Kali qui était intriguée par la situation.

- J'avais tort de me bercer d'illusions. Et dire que je me suis abaissée à implorer un Dieu sourd pour qu'il entende mes prières. Ce monde est injuste et les héros n'existent pas. Dit Kali qui avait un regard vide et semblait souffrir atrocement de famine.

Les autres petites filles étaient dans le même état. Bellona écouta les complaintes de Kali mais n'y prêta nulle attention.

- Dis.... Tu nous amènes où comme ça?..... Et pourquoi as-tu libéré les garçons? Ajouta Kali.

Bellona s'abstint de répliquer.

- CESSE DE M'IGNORER COMME ÇA. Hurla Kali agacée.

- Silence. Nous serons bientôt arrivées. Dit Bellona avec une intonation légère.

- Où ça?... Tu vas faire de nous des esclaves, c'est ça?.... Réponds... C'est la moindre des choses, tu ne crois pas? Répliqua Kali.

Mais ses mots ne reçurent aucune réponse de la part de Bellona. La charrette continuait sa route et s'enfonça de plus en plus dans la forêt. Les arbres devenaient de plus en plus imposantes et les cris animales à répétition suscitaient beaucoup d'effroi chez les enfants.

- C'est une sorcière... Elle va nous manger.... J'ai peur... S'il vous plaît... Quelqu'un... Que quelqu'un me sorte de là. Dit la petite fille assise en face de Kali.

- C'est encore toi la pleureuse.... Arrête de nous faire chier... La prochaine fois que je t'attends geindre, je t'arracherai la langue. Dit Kali.

- Mais... mais.... mais.... Dit la petite fille au bord des larmes.

- Quel est ton nom? Demanda Kali.

- Ayya.... Je m'appelle Ayya.

- Ayya... Arrête de nous casser les oreilles. Personne ne t'entendra geindre ici. Cela fait des heures que nous arpentons les routes mais nous n'avons pas rencontré âme qui vive. Et cette forêt a clairement l'air maudite.... Ce voyage risque d'être notre dernier alors épargne nous tes larmes.... Regarde autour de toi... Elles se sont toutes résignées à la mort.... Fais de même sinon je te tuerai sur le champ. Dit Kali d'une voix grave.

- Oui... Répliqua Ayya.

La charrette poursuivit sa route et un silence mortuaire accompagné ses roues. La forêt devenait de plus en plus sinistre et l'odeur de la mort empestait grandement la végétation.

Sur le chemin, des cadavres et des entrailles animales ornaient les sentiers crasseux. Bellona avançait toujours et ne disait nul mot. Les enfants étaient si fatiguées qu'elles n'avaient plus la force d'être écœurées par cette forêt qui ressemblait beaucoup à l'entrée des enfers.

Quelques minutes plus tard, la charrette s'arrêta devant l'entrée d'une grotte. Bellona descendit et partit à la rencontre d'une femme de taille moyenne qui avait les yeux tout blancs ainsi que des cicatrices à la place de ses rides.

Elle portait une tunique semblable à celle de Bellona avec un haut et une jupe de guerrière en fourrure de tigre. Une grande cicatrice ornait le côté droit de son ventre. Ses cheveux brunes étaient longs et crasseux. Elle tenait un très grand bâton aux multiples écorchures dans sa main droite et patientait devant l'entrée de la grotte.

- Les vents t'ont été favorables... Salil Alghaba Bellona. Dit-elle.

- Avec la bénédiction de Süwa, la chasse s'est déroulée sans encombre. Je t'ai ramené des Shajira , je compte sur ta clairvoyance pour dénicher celles qui pourront prétendre au titre de Nisa............ Toi qui vois bien au-delà du visible... Nafsia Shantae. Répliqua Bellona.

Dans la cage, les filles observaient Bellona et Shantae ainsi que la grotte devant elles. Tout le monde était perdu et nulle n'avait la force de résister dès à présent.

- C'est qui cette femme... Elle est aveugle.... Elle tient un bâton de sorcière... Je le savais... Elles vont vraiment nous manger... Ce sont des cannibales. Dit Ayya qui s'agitait beaucoup.

- Ferme là Ayya et observons... De quoi peuvent-elles bien parler? Dit Kali.
Soudain, Bellona partit vers la cage, l'ouvrit et aligna toutes les filles devant Shantae.

Shantea avança vers la première petite fille, elle saisit d'abord sa tête et plongea ses yeux vides dans ceux de l'enfant. Elle se mit à tâter son corps, ses muscles, vérifia l'état de ses jambes et écouta finalement les battements de son cœur. Après avoir fini son rituel, elle se tourna vers Bellona et dit:

- Maleun.

Bellona s'avança vers l'enfant, la saisit par le main et l'amena à l'écart.
Shantae continua son rituel sur la prochaine, encore la prochaine... ainsi de suite.

- Maleun.... Maleun.... Maleun... Maleun..... Maleun..... Maleun.... Disait-elle en inspecta le corps des petites filles.

Soudain, Shantae accorda plus d'attention à une petite fille métissée avec un regard noir et méprisant.
Shantae tata ses muscles avec beaucoup d'attention, caressa ses jambes avec beaucoup de soins et écouta la mélodie de son cœur avec beaucoup plus de sérieux. Elle se releva, se tourna vers Bellona et dit:

- Moubarak.

Bellona saisit l'enfant par le bras et l'amena de l'autre côté comparé à ses prédécesseurs.

- Moubarak... Maleun....Qu'est-ce que cela veut dire? Dit Kali intriguée.

Shantea arriva devant Ayya et se mit à l'analyser. Ayya avait peur mais elle se laissa faire par peur de représailles. Shantae termina son examen et dit:

- Moubarak.

Ayya partit rejoindre le groupe des filles ayant entendues le mot ''Moubarak''.
Shantea se présenta devant Kali. Elle s'apprêta à la toucher mais arrêta sa main subitement. Elle venait de sentir quelque chose.

- Tadmir. Murmura-t-elle avec le sourire.

- Hein?.... Qu'est-ce que t'as à sourire?... Dépêche toi de faire ce que tu as à faire qu'on en finisse rapidement. Dit Kali irritée.

Shantea commença à examiner les muscles, les jambes et le cœur de Kali avec beaucoup d'attention. Elle termina son examen et dit:

- Moubarak.

Kali partit rejoindre le groupe d'Ayya. Shantea examina les petites filles restantes et les groupes commençaient à prendre forme. Sur les 20 filles examinées, 13 d'entre elles avaient entendues le mot '' Maleun '' et les 7 restantes avaient entendues le mot Moubarak. Bellona se dirigea vers le premier groupe et dit:

- Partez... Vous êtes libres.
Les enfants étaient troublées. Elles n'avaient jamais songé à une quelconque liberté. D'autant plus que cette liberté était des plus cruelles.

- Mais.... mais... On n'a nulle part où aller.... Et cette forêt fait vraiment peur. Dit l'une d'entre elles.

- S'il vous plaît... Gardez nous avec vous... Dit une autre.

- Je vous en prie.... On ne peut pas partir. Dit une autre.

Bellona dégaina son couteau et ajouta d'un ton menaçant:

- Partez... Vous êtes libres.... La culte de Süwa n'accepte pas les faibles.... Allez vous-en. Sinon, je vous tuerai jusqu'au dernier.

Les enfants prirent peur et commencèrent à s'enfoncer dans la forêt. Bellona se dirigea vers Shantae et dit:

- Nafsia Shantae... Nous irons au temple plus tard pour implorer que Süwa accepte l'âme de ses enfants dans son royaume.

- Oui. Süwa les épargnera du tourment de la mort. Que la forêt mère accepte ce Tadhia.... Et qu'à l'avenir, qu'elle soit plus tendre avec les Nisa et les Shajira. Répliqua Shantae.

Kali et Ayya observèrent les derniers silhouettes qui disparaissent dans la forêt.

- Kali... pourquoi... Pourquoi parlent-elles déjà de la mort de ces enfants comme si c'était inévitable. Dit Ayya apeurée.

- Ces filles sont fichues. Elles ne pourront plus espérer survivre. Cette forêt est maudite. Cette salope de Bellona les a envoyées à la mort sans rechigner. Dit Kali.

- Qu'allons-nous devenir?... On va mourir nous aussi?

- Pas pour le moment en tout cas. On vivra plus longtemps que ces malchanceuses.

Bellona se mit devant le deuxième groupe et dit d'un ton relevé:

- Bienvenue à Alamut... Ce sera votre nouvelle demeure jusqu'à votre mort... Vous voilà devenues des Shajira. Estimez-vous chanceuses d'avoir été choisies par Süwa pour perpétrer sa volonté. Votre nouvelle vie commence dès à présent.