Chapitre 6
Les machines tournaient à plein régime. Les pistons faisaient tourner les biels de leur souffle. Les multiples roues des mécanismes encastraient leurs dents d'acier les unes dans les autres, entraînant les poulies dans leur cadence. Le navire volant de James et du moustachu naviguait à travers cet océan de nuages en zigzaguant, suivit par les deux vaisseaux du marquis. Les nuées de vapeur sortant de leur cheminées se confondaient avec les cotons de vapeur du ciel. Ils étaient comme une volée d'oiseaux planant dans le ciel, trois vautours cherchant leur proie. Les paysages défilaient tels le décor d'un spectacle de marionnettes. La vitesse et la différence de température entre l'intérieur des gyrocoptères et leur extérieur était si importante que cela faisait siffler l'air sur les parois des véhicules.
James, assis sur le siège à côté du Pilote, observait à travers un tapis de nuages Victory city. Cette ville était immense, magnifique, à la fois ultra moderne et ancienne. Elle était composée de tours illuminées, de bâtiments de verre et d'immenses ponts de métal où se côtoyaient trains à vapeur, voitures tirées par des chevaux et engins volants à ailes.
Cette mégalopole avait l'air d'une maquette, et la foule marchant entre ses avenues et sombres rues, de fourmis.
- Vous admirez la vue ? Demanda le pilote en criant presque, sa voix pratiquement couverte par le bruit des hélices et des turbines.
- Oui et non, je réfléchis ! Répondit l'homme au chapeau, comme sorti d'un songe, avec la même puissance vocale que le pilote.
- Si ça vous fait plaisir... répliqua le pilote, tenant le volant de l'appareil de sa forte poigne.
Le vent s'intensifiait car le pilote venait d'accélérer les machines. Le vent couvrait de plus en plus leurs paroles.
- Pilote!
- Oui ? demanda ce dernier en tournant sa tête vers James.
- Au fait, je voulais savoir, quel est votre nom ?
- Je m'appelle Robert, et vous ?
- James ! Répond dit-il tout en désignant de sa main le gyrocoptère de Gwenn qui était de nouveau visible. Suivez-le de près !
- D'accord ! Mais je dois vous demander. Un : vous êtes taré ?! Pourquoi restez-vous accroché à l'appareil comme ça ?! Deux, qui poursuivons-nous ?! demanda-t-il avec une curiosité grandissante.
James se retourna vers le pilote en se mettant de biais confortablement dans son siège. Il commença son explication en remettant correctement son couvre chef qui lui cachait le visage.
- Il s'agit de Gwenn Douarnez, le criminel le plus dangereux de tout Victory City ! Et pour répondre à votre première question : Je sais ce que je fais ! J'ai tout calculé. Approchez moi juste assez près de lui pour que je puisse sauter ! Et puis vous savez les idées les plus folles sont souvent les plus géniales.
- Gwenn Dournez !? répliqua le pilote, tout effrayé. Le bandit le plus recherché de l'empire ?
- Oui, c'est ce que je disais, après je ne sais pas si c'est le plus recherché, mais en tout cas c'est un cinglé.
- Par contre, je vais devoir faire une manœuvre. On le rattrapera jamais ainsi, répliqua pilote Robert, qui n'arrêtait pas glisser son regard de James jusqu'au vide qui s'ouvrait à lui.
- Faites comme vous voulez, je vous fais pleinement confiance ! répondit-il en se remontant correctement dans son siège, comme s'il s'apprêtait à somnoler.
Aussitôt, Pilote Robert appuya sur un bouton du tableau de bord et enclencha un interrupteur. Au même instant, les tableaux d'aiguillages et les cadrans en tous genres en s'affolèrent. Les aiguilles de ces instruments n'arrêtaient pas de changer de place, passant d'une position à sa totale opposée en à peine une seconde. Ce chaos était accompagné d'un long bourdonnement, de lumières clignotantes et de bips. Le pilote était concentré sur l'autogire de Gwenn qui se faisait de plus en plus proche. James observait attentivement les manœuvres du pilote et était stupéfait par la fluidité de ses mouvements et la maîtrise de la situation. Le pilote ne devait surtout pas perdre de vue le voleur de la pierre.
Mais en même temps, ils ne devaient pas se faire remarquer. Robert posa doucement sa main sur le levier collectif. Le gyrocoptère de pilote Robert était de plus en plus près de celui du fils de la mort. Robert, les yeux rivés sur l'engin de Gwenn, qui n'était plus qu'à une vingtaine de mètres, aperçu à sa gauche la présence d'un buisson de nuage. Aussitôt, il tira le levier vers lui pour le pousser d'un coup sec. Une secousse brutale secoua l'engin. James eut un sursaut et s'agrippa à une poignée se trouvant au-dessus de lui. Le gyrocoptère se cabra, se suréleva, changea de cap afin de s'enfoncer dans la masse blanche.
Pendant ce temps, Gwenn continuait sa route ; il avait évité le brouillard. Le fils de la mort était concentré sur son but: quitter cette ville, partir le plus loin possible, cacher la pierre d'Ohrahnu, et, si possible, se débarrasser définitivement de James.
Il était serein, la malette précieuse était posée sur le siège du copilote. Sa main gauche tenait fermement le levier de direction.
L'ambiance était calme malgré le bruit des moteurs et des rouages endiablés. Gwenn semblait ne pas être un débutant en matière de pilotage. Il avait l'air d'avoir de l'expérience dans le domaine vu l'aisance avec laquelle il manipulait et gérait le tableau des commandes de cette machine pourtant très complexe.
En revanche, il n'avait pas la vigilance nécessaire à un bon pilote, car ce furent la béatitude et la stupéfaction qui se dessinèrent sur son visage quand il observa la disparition de son poursuivant dans le paquet de nuages, à travers son rétro- miroir.
Le fils de l'Ankou attendit de longues minutes, continuant sur sa lancée. Au bout d'un moment, il n'y avait plus rien à signaler. Bien que le doute subsista en lui, il se détendit et commença à calculer sa nouvelle trajectoire. Les yeux rivés sur l'horizon, la main droite sur le levier, il était prêt à accélérer. Il regarda à sa droite, il ne vit rien d'autre que l'étendue de cette citée tentaculaire. A sa gauche, rien de plus qu'un épais brouillard. Il trouvait ce silence, ce calme, très étrange. Intérieurement, il se demandait si James avait abandonné, ou bien si, par le plus grand des hasards, qu'il s'était crashé.
On verra quand son cadavre aura été retrouvé, pensa-t-il. Mais au fond de lui-même une petite voix se doutait bien que c'était impossible. Alors qu'il s'apprêtait à penser à autre chose, un choc brutal ébranla le gyrocoptère. Gwenn bondit de son siège. Le heurt fit vibrer tout l'appareil. L'onde de choc en fit frémir les parois. Gwenn, abasourdi et déséquilibré, se cramponna aux accoudoirs de son siège.
Interloqué, il régla son gyrocoptère en mode autonome, puis s'approcha de la porte vitré. Il leva les yeux et vit avec stupéfaction James Rico sur le pare-brise du gyrocoptère, tenant son revolver et pointant ses deux canons vers l'arrière de l'autogire de Gwenn. Devant l'incompréhension lisible sur le visage de Gwenn, Rico pointa du doigt quelque chose au-dessus de sa tête. Le gyrocoptère vert était effectivement là, et avait profité du brouillard pour prendre une avance considérable et rattraper le gyrocoptère carmin. Gwenn fulmina, mais Rico ne s'arrêta pas en si bon chemin: il pointa à nouveau son doigt, cette fois-ci vers le bas, avant de lui faire un salut de la main.
- Salut Gwennie ! Alors on joue au chat et à la souris ? Les bulldogs vont venir t'attraper.
- Enfoiré ! Cracha Gwenn avec rage.
Son visage était plein de colère: les sourcils froncés, les dents serrées. Il se rassit dans son siège, fouilla dans ses poches, cherchant une arme ou quelque chose pour effrayer son ennemi. Mais il savait qu'il était cuit. Comment un brigand coursé par un centenaire plein d'énergie suivit de deux gyrocoptères plein de policier pouvait ne pas être rattraper?
James Rico descendit du pare-brise pour se retrouver sur la petite terrasse métallique de l'engin. Il ricanait, son regard jaune était plein de vices.
- Allez retourne dans ton trou, Gwenn. Murmurait-il
Il sortit le revolver de son colt, tourna le barillet.
Gwenn, de l'intérieur de son appareil, ne comprenait pas ce que James pouvait bien mijoter. Il ne restait plus qu'une seule balle. Le fils de l'Ankou tenta de réaliser une cabriole pour déstabiliser l'autogire de James mais en vain. Il était trop tard. L'homme au chapeau referma le barillet, brandit son revolver, le dirigea vers l'arrière de l'appareil de Gwenn et enclencha le chien. Rico tira.
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