Chapitre 4
Les débris du mur effondré envahissaient le sol du fond de la salle. À cet endroit, le sol était aussi sombre que des abysses. L'homme s'avançait, ses bottines tapaient sur le sol, tel un batteur marquant le tempo, des étincelles jaillissaient des débris et des lampes de pétroles suspendues. Son revolver, qu'il tenait dans sa main, se balançait au rythme de ses pas. Tout le monde le regardait ; regardait l'homme s'avancer, devant les flammes couvrant le sol. Une couronne de feu entourait le trou. James continuait à marcher. Son long et sombre imperméable flottait dans le vent. Tout le monde le regardait en extase. Ils étaient hypnotisés.
Les yeux globuleux de l'assemblée étaient écarquillés, comme un banc de poissons tétanisés par l'arrivée d'un prédateur. Le banc humain s'écartait peu à peu pour laisser passer l'homme. Il s'approchait de l'estrade avec classe. La foule reculait, certains hommes et femmes se tenaient la main, impressionnés, pour laisser passer James, d'autres commençaient à s'agiter. Une fois arrivé en face de la scène en bois surélevée, l'homme au chapeau s'arrêta.
La foule continuait à reculer. Les gens se serraient de plus en plus. Une peur, une angoisse envahissait la salle. Certaines personnes se bousculaient vivement, d'autres ne franchissaient pas la barrière de la colère, ils continuaient de paniquer. À certains endroits de la pièce, des personnes commençaient à agoniser et une franche panique envahissait les convives.
- Te voilà... James Rico, dit alors Gwenn debout, sur le bord de l'estrade, les mains dans les poches.
- Gwenn Douarnez... Quelle bonne surprise. Répondit James avec ironie.
Gwenn se penchait pour mieux regarder James. Les deux hommes se faisaient face. Gwenn, tenant la mallette contenant la précieuse pierre orangée d'une main gantée, serrait la poignée d'un pistolet de l'autre. Les hors-la-loi les plus faibles commençaient à quitter la salle en boitant, estimant que cela n'en valait pas le coup. James et Gwenn se faisaient face. Ils se fixaient, tels des fauves se regardant. L'homme au chapeau fronçait les sourcils ; il semblait défier Gwenn.
Leurs regards étaient de feu. Tandis que les personnes restantes regardaient la scène passivement, d'autres en colère s'approchaient. L'étau se resserrant, certains invités se bousculaient, d'autres tombaient par terre et d'autres encore se faisaient piétiner, agonisant sur le sol sans que personne ne leur prête la moindre attention.
- ESPÈCE D'ENFOIRÉ ! Cria l'un des hors-la-loi, couteau à la main. James était en mauvaise posture. Il était d'habitude le plus dominant, mais, en cet instant, se retrouvait étrangement dominé.
Des hommes s'approchèrent ; l'un d'eux brandit ses poings, l'autre souleva une masse et la claqua dans sa main, comme pour défier James de s'approcher davantage de Gwenn.
- Je vais m'le faire. Murmura-t-il en s'échauffant tout en fixant James de ses yeux perçants.
L'homme traversa la foule, poussant violemment cette marée humaine, tel un nageur battant l'eau.
- Approche ! S'exclama-t-il à James d'un ton provocateur.
James, exaspéré d'avance, soupira. Il leva la tête, désabusé, regardant, les yeux à moitié fermés, l'homme faire sa petite comédie.
- Allez bouge ton cul ! Sale mauviette ! Cria le brigand d'un ton presque hautain.
Cette phrase était de trop pour James, cette insulte affecta sa susceptibilité habituellement bien cachée. Mais il ne laissa aucune émotion sculpter son visage.
Alors que L'homme s'apprêtait à toucher violemment James de son poing, ce dernier dévia et arrêta le coup avec son avant-bras avant que le choc ne l'atteigne. Alors en à peine une dixième de seconde, James envoya un coup dans les testicules du brigand. L'homme tomba sur le sol, évanouit.
- AAAAAH PUTAIN! hurla un hors-la-loi, effrayé par la scène.
Une partie de la foule, effrayée, recula, tandis qu'une autre se rapprocha. Aussitôt, un autre homme, plus costaud, avec des muscles saillants, s'avança vers l'homme au chapeau. Il avait bien une tête de plus que James. L'homme sortit un revolver de sa poche arrière et pointa son long canon vers l'intrus. Mais l'homme ne fut pas assez rapide, car Rico tira. Deux fois. Dans le coude droit et le genou gauche.
- Ahhr ! Connard ! Hurla-t-il de douleur en tombant à genoux au sol.
La balle avait percé un trou dans son pantalon et était entrée dans sa chair, la plaie provoquée avait littéralement comme explosé. L'on pouvait y voir le trou sanguinolent à travers la déchirure. Le feu avait maintenant envahi une grande partie de la salle. La quasi-majorité des hors-la-loi s'étaient échappés en courant par le trou dans le mur.
James se rapprochait de Gwenn.
- Bon, à ton tour, Gwe... À peine avait t-il commencé sa phrase que, profitant de la fusillade, le Fils de l'Ankou se dirigeait vers une porte blindée dérobée au fond de la salle, et n'avait pas demandé son reste.
- C'est très impoli ça, Gwenn...répliqua James d'un ton plus sérieux en s'approchant toujours plus déterminé de la porte métallique.
Il l'ouvrit. L'ambiance fut toute autre. Elle était plus calme. Un escalier métallique en colimaçon se dressait devant lui jusqu'à ce qui semblait être le rez-de-chaussée du bâtiment. Mais ce calme lui sembla n'être qu'éphémère, car la chaleur des flammes se faisait de nouveau sentir.
Gwenn venait de monter le premier étage. Le claquement métallique des pas du "fils de la mort" sur les marches de l'escalier était déjà presque inaudible. Sa redingote venait de disparaître du champ de vision de James. Le jeune centenaire devait le rattraper. Il s'agrippa à la rampe et se mit à monter l'escalier en courant. Il y mettait toutes ses forces. Les tuyaux surchauffés, serpentant sur les murs arrondis de la cage d'escalier, crachaient leurs vapeurs brûlantes.
Il devait changer d'air, et vite. La vapeur l'étouffait, et il se couvrit le visage de son mouchoir en tissus. Gwenn continuait aussi à courir dans cet escalier qui semblait infini. Il pensait à son futur affrontement : le sous-estimait-il ?
James Rico, fin tireur, était difficile à battre en duel. Mais Gwenn avait tout prévu. Enfin, c'était ce qu'il pensait. Gwenn devait atteindre le toit. Là-haut, James ne pourrait pas résister à ce qu'il lui avait préparé, pensait le fils de l'Ankou. Gwenn avait pris énormément d'avance.
Mais il commençait à fatiguer. Ses jambes lui faisaient mal, des crampes se faisaient sentir. Il devait le rattraper et vite. C'était sa seule chance d'obtenir la pierre. Rico eut une pensée amère : il avait été naïf de croire qu'il aurait pu avoir l'effet de surprise. Quelqu'un les avait prévenus. Quelqu'un qui convoitait sa perte.
Quelqu'un qui le connaissait et qui avait informé Gwenn Douarnez. Quelqu'un de puissant, de calculateur, et de vicieux avec un sombre dessein.
- Bien joué, Docteur... marmonna-t-il sourire aux lèvres.
Il continua de courir dans les escaliers, arme au poing, arpentant les tuyaux électriques de ce monde à vapeur et énergie miracle. Il ne comptait plus les étages. Il savait où il devait allait.
Vers le toit, là où l'attendait le rejeton de la Mort.
Soudain, ses oreillettes conçues pour contacter son majordome, fort serviables à travers les dimensions, s'enclenchèrent, accompagnées de plusieurs bips.
- Monsieur Rico, où êtes vous ? Que faites vous ? Demanda Edmund à l'autre bout du fil, avec une voix légèrement brouillée par la distance du signal.
- Aïe, cria James le visage crispé. Le son est fort. Ajouta-t-il en tournant un bouton d'un boîtier qu'il avait dans sa poche. Halo, Salut, Edmund, excuse moi, mais là je suis sur une mission périlleuse, je vais devoir raccrocher, il y a t'il une urgence ? Demanda-t-il surpris et dérangé dans son élan.
- Oui, voudriez-vous un thé à votre retour de mission ? Demanda le Major d'homme.
James avait rencontré Edmund dans une dimension parallèle lors d'une promenade de santé habituelle pour un personnage de son genre, en Angleterre à la fin du XVII éme Siècle.
- Une limonade je vous prie. Répondit James à la fois agacé et amusé.
Edmund était un jeune homme en perdition, sans foyer.
- Ce sera prêt, monsieur Rico répondit Edmund.
Ce dernier était au service d'une riche famille. James fut pour lui comme un père dès le moment où il l'avait rencontré, lors d'une insurrection. Aussitôt que la voix d'Edmund s'était tue, le bruit de féraille revint à la charge avec plus de lourdeur que jamais. James appuya sur un bouton du boitier et enleva ses oreillettes. Il continuait de courir, il ne voulait pas céder. Il ne sentait presque plus ses jambes. Le bruit de son souffle était couvert du fracassement de ses pas sur les marches métalliques.
James était maintenant en haut de l'immeuble, au dernier étage. Il était fatigué, il n'en pouvait plus. Il ouvrit une porte qui se trouvait en face de lui. L'ambiance était tout autre. Il était sur le toit de l'immeuble. La ville, Victory City, que le toit de l'immeuble surplombait, crachait ses vapeurs. L'on pouvait entendre le tintement des cloches et les grincements de mécanismes diffus. Le vent semblait couvrir tel un voile estompant les bruits des engins volants.
- Où es tu, salopard... Chuchota James tout en regardant à droite et à gauche, cherchant son adversaire du regard, mais le toit était désert. Tu ne vas pas me quitter comme ça... C'est pour moi que tu as organisé cette enchère...
L'ambiance était calme et silencieuse. On aurait pu croire que le temps s'était soudainement arrêté. Si James eût été entouré d'arbres en plein automne, on aurait entendu les feuilles mortes de ces derniers craquer sous ses bottines.
James Rico marchait, et le vent soufflait dans ses oreilles. Le vent glacé froissait son pantalon. Le silence en devenait presque angoissant. Soudain, James braqua avec une rapidité son revolver, de sa main droite, comme par réflexe sur l'ombre qui s'approchait, lentement de lui. Sa main crispée, serrant le revolver,! était moite et glissait légèrement. Il respirait fortement, voulant cacher à tout prix sa légère fatigue.
Cette ombre n'était autre que le fil de l'Ankou, Gwenn, qui tenait la malette dans sa main gauche. Comment se faisait il que James ne l'ait pas vu dès le premier regard en arrivant sur le toit ? Il s'était sûrement caché pour soigner son entrée. Il braqua son revolver énergétique sur James. Le pistolet semblait se charger, car un sifflement crescendo l'accompagnait. James était sérieux. Le regard sombre. Il n'avait pas l'air impressionné par son adversaire, loin de là.
- Désolé, Jamie... Je peux t'appeler Jamie? Ou Ricky? demanda Gwenn d'un ton moqueur.
- Navré, nous ne sommes pas assez proches pour cela. Ou alors, laisse moi t'appeler Gwennie, répondit James sur le même ton que Gwenn tout en serrant toujours plus fort la cross de son Colt Navy.
Il se fusillaient du regard, tels deux cowboys se défiant dans un western.
- Hinhin... Ricana le fils de la mort. De toute façon, j'ai un avantage. Vas-y, tire moi dessus.
- Etrange... Tu penses pouvoir éviter les balles? demanda James, assez intrigué par la déclaration de Gwenn.
- Héhé... Je n'en ai jamais eu la prétention. Mais que tu tires en premier ou non, ça ne changera rien: ma mère te prendra et moi, je resterai.
- Tu te prends vraiment pour le fils de la Mort? Je crois que tu as trop confiance en ta légende...
- Ma légende est réelle, tu veux tester?
Gwenn baissa son arme.
- Hum... répondit-il hésitant.
- Allez! mauviette ! s'exclama le fils de la mort.
James ne supporta pas ce mot. Ses muscles se crispèrent, la colère déchira son visage, une bouffée de rage mêlée à de l'adrénaline envahit son âme et son corps. Bras tendu, il appuya sur la détente. Le mouvement de son index enclencha le mécanisme de l'outil de mort. Le chien frappa la douille de la balle du barillet. Son aboiement provoqua une étincelle. Cette dernière propulsa la balle dans le canon qui fonça à toute allure. Le canon cracha ses pétales de feu à la sortie de la munition.
Elle déchira l'air comme un éclair. La balle s'enfonça dans le corps de Gwenn, perçant sa peau, traversant sa chair, son sang, transperçant ses organes. Mais le coup de feu n'eut aucun effet, Gwenn était toujours devant lui observant James d'un air dérangé. En effet, il n'était pas mort, il était tout au contraire en pleine forme. James ne comprenait rien. Il était complètement estomaqué.
- Que... murmura James médusé.
Le trou causé par la balle était même en train de se reconstruire, de se résorber sous les yeux déstabilisés de James. Ce n'était pas tant le fait de voir une invincibilité ou une cicatrisation si rapide qui le gênait mais c'était le fait de le voir lui avec ces capacitées qui était normalement impossible à acquérir dans ce bas monde.
- HAHAHAHA! Ricana Gwenn. EN PLEIN DANS LE COEUR! Bravo Jamie! Bien tiré! Je parie que c'est pile dans le ventricule gauche! Un peu gênant, mais je saurai bien retirer la balle...
Aussitôt Gwenn se ressaisit de son pistolet à énergie, le pointa sur James.
- T'es vraiment le fils de l'Ankou? Demanda James intrigué.
- Héhé.... oui. répondit-il, un sourire dessinant son visage. Et toi t'es juste mort.
Gwenn tira. Un éclair violet en sortie pointant vers la tête de James. Mais ce dernier n'était pas né de la dernière pluie. Ni de la dernière fusillade. Il se baissa, fléchit les genoux, rechargea son pistolet en tournant le barillet, évita l'éclair qui frôla son chapeau, et fit feu à nouveau. Mais cette fois, vers la tête de Gwenn. L'étincelle propulsa la balle qui traversa l'air jusqu'à la tête du vantard
- AAAAAAAAAAAAAAAAAH! hurla Gwenn déséquilibré, il lâcha son arme. ENFOIRÉ DE MERDE! MON OEIL!
Il n'eut pas le temps de se plaindre plus. Il reçut alors de plein fouet une formation de phalange dans la joue.
- AH! hurla-t-il de nouveau en tombant sur le sol.
James rangea son revolver dans son colt.
- Donne moi cette mallette! Dit alors James énergiquement et déterminé. Il tend sa main en faisant un geste instant de cette dernière.
-JAMAIS ! Répliqua-il, la serrant contre lui tout en rampant difficilement sur le sol. James se rapprochait de lui. Il se saisit de son col et lui donna un violent coup de poing dans la joue gauche. Il crachait du sang mélangé avec de la salive, c'était écoeurant. Aussitôt James en donna un deuxième avec son autre poing, puis un troisième. Puis il donna un coup de genoux. Gwenn était épuisé, et maintenant, il était humilié en étant roué de coups par son ennemi. Hélas, malgré la formation de combat de James Rico, Gwenn se révéla être un adversaire coriace. Enragé par la douleur, animé par la haine, il se releva. Puis, il tenta de donner des coups avec la mallette vers l'homme aux rouflaquettes. Soudain, ils s'attrapèrent mutuellement, cherchant l'un à avoir l'ascendant sur l'autre, et se dirigeant dangereusement vers le bord du toit.
- A-arrête! Si tu continues, on va tomber! Dit Gwenn, peinant à se retourner de sorte à ce que James soit dos au vide. Il transpirait.
- Et-et alors? Tu as peur? Je pensais que tu ne pouvais pas mourir?
- Couillon, tu penses que toi, tu vas survivre ?
- Je suis tombé de bien plus haut que ça... répondit-il avec ironie.
- Ah ? Et y avait un matelas à l'atterrissage ?
- Non, il y avait des gens comme toi.
- De quoi ? Répondit-il frappé de stupeur.
James se serr a fort contre Gwenn, très fort, et ils se jetèrent ensemble dans le vide.
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